Archives mensuelles : décembre 2016

Une Victoire sur les Multinationales, d’Anne Le Strat

Récit de la remunicipalisation (passage en régie) de la gestion de l’eau de Paris, par l’élue qui l’a portée. C’est intéressant, on voit bien les stratégies scandaleuses et les marges pharaoniques que se font (certaines) entreprises sur les délégations de service public. La partie chronologique est vraiment bien, la partie « Autres acteurs » fait un peu plus fouillis/catalogue, mais ça semble difficile à éviter.

Le Squat : problème social ou lieu d’émancipation ?, de Florence Bouillon

Transcrit d’une conférence sur le sujet donné en 2010. Court et intéressant, parle de la perception des squats par les riverain⋅e⋅s, par les autorités (et notamment le traitement totalement défavorable qui leur est fait par la justice qui fait toujours primer le droit à la propriété sur le droit au logement, réclamant parfois des indemnités pharaoniques aux squatteureuses), et de la perception des squats par les squatteureuses, qui à la fois vivent dans une incertitude sur leur possibilité de rester et pour combien de temps qui a de fortes conséquences psychologiques, mais qui aussi par rapport aux foyers ou à d’autre types de logements qui leur sont accessibles, peuvent revendiquer un « chez soi » qu’els peuvent aménager et améliorer comme els l’entendent.

Retour à Reims, de Didier Eribon

Un livre que le sociologue a écrit à la mort de son père, revenant sur la façon dont il s’était totalement éloigné de sa famille, appartenant aux classes populaires en même temps qu’il montait dans l’échelle sociale et revendiquait son homosexualité. Éribon revient sur son parcours en analysant les rapports de classe, les attachements politiques des classes populaires au Parti Communiste puis au FN, les habitus de classe. C’est passionnant, truffé de référence, intellectuellement stimulant. C’était le livre idéal à faire lire à mon père pour discuter des notions de sociologie qui m’intéressait. Sauf que mon père est mort pendant que je lisais ce bouquin, qui a pris du coup une résonance particulière et douloureuse pour moi. Mon rapport à mon père n’était absolument pas le rapport d’opposition de Didier Eribon au sien, je me suis construit avec mon père comme une référence sur beaucoup de points, mais les questions d’habitus de classe trouvent un fort écho.

La Ronde

Pièce d’Arthur Schnitzler, mise en scène d’Anne Kessler.

Dix protagonistes formant dix couples hétéro (chacun des protagonistes interagissant avec deux autres), se retrouvant pour faire l’amour, dans le Berlin des années 60. Si les premières scènes m’ont laissé froid, avec des échanges que je trouvais très artificiels, j’ai trouvé que la pièce s’améliorait au fil du temps. Par contre le vision du sexe qui en est donnée est assez triste, avec des rapports non consensuels parfois et toujours des rapports de domination. Mais les échanges sont néanmoins assez justes et intéressants.

Arrival, de Denis Villeneuve

Adapté de The Story of your Life de Ted Chiang. Des vaisseaux extraterrestres arrivent sur Terre et restent stationnaires à quelques mètres au dessus du sol. Toutes les 18h, une trappe s’ouvre et des humains peuvent rentrer dans le vaisseau et passer deux heures dans une salle séparée par une paroi des extraterrestres et de leur environnement. La question que tout le monde se pose est « Pourquoi les extraterrestres sont-els là ? », mais la première à laquelle il faut répondre est « Comment communiquer avec elleux ? ». Un film sur le premier contact qui parle de communication et qui a pour héros une linguiste c’est assez cool. Le film est sympa, j’ai passé un bon moment devant, mais rétrospectivement je trouve qu’il y a des ficelles qui se voient beaucoup dedans : les équipes qui travaillent sur la question sont relativement petites, la société civile totalement absente, et les personnages restent ignorants d’éléments qui devraient leur sauter aux yeux. La reconfiguration des processus de pensée à des niveaux fondamentaux par l’apprentissage d’une nouvelle langue est quand même très douillesque même si le film la met bien en scène. Il me semble que la nouvelle était plus explicite sur le fait que l’héroïne n’est pas certaine d’avoir ou non halluciné au fur et à mesure qu’elle perd la pratique de la langue extraterrestre.

Okkupert

Série d’anticipation politique norvégienne. Après une crise climatique, la Norvège porte au pouvoir le parti écologiste, qui décide d’arrêter totalement l’exploitation des énergies fossiles norvégiennes et de lancer des centrales au thorium à la place. Mais l’UE et la Russie ne l’entendent pas de cette oreille et passent un accord : des troupes russes occupent les plates-formes pétrolières norvégiennes et relancent la production. La série suit le gouvernement norvégien, un journaliste et la société civile qui réagissent à cette perte de souveraineté et à celles qui risquent de s’ensuivre. C’est assez bien fait. Visiblement les Norvégien⋅ne⋅s ne portent pas l’UE dans leur cœur, els la considère comme une bande de connards manipulateurs (et, well, on peut pas trop leur donner tort). La série présente les renoncements obligés du gouvernement Berg, qui n’a aucune marge de manœuvre pour lutter contre l’alliance UE/Russie. On peut y voir des parallèles avec ce qu’a vécu le gouvernement Tsipras en Grèce. On voit aussi les pertes progressives de libertés civiles dans la société norvégiennes, les compromis avec la Russie, l’aspiration à une résistance et la question de la différence résistance/terrorisme, les tensions/rapprochement entre les services de sécurité norvégiens et ceux russes, qui ont tellement moins de réglementations compliquant leur boulot… C’est vraiment intéressant, même si certaines scènes peuvent sembler un peu forcées/mal jouées. La fin de la saison voit une escalade brutale de la tension qui fait que la saison 2 ne peut plus trop ressembler à la 1, et des personnages qui changent un peu vite d’intensité avec laquelle ils agissent, mais ça reste crédible.

Firewatch, de Chris Remo

L’été 1986 d’Henri, nouvelle recrue du département de prévention des feux de forêt du Wyoming. J’ai beaucoup aimé. Les décors sont superbes (mêmes mis au minimum sur un ordi qui rame comme le mien), on peut se balader dans un grand bout de parc naturel. Le monde est relativement ouvert et les limites n’ont pas l’air forcées. La bande-son est magnifique et participe bien de l’ambiance du jeu. J’ai beaucoup aimé le fait qu’il y ait une ligne narrative complètement annexe que l’on découvre seulement à travers des messages échangés sur papier. Les interactions par radio avec Delilah sont très sympa. Le fait d’avoir des interactions avec un seul unique autre personnage et par audio seulement m’a fait pensé à Portal, mais la technique est utilisée très différemment dans les deux cas.