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Changer l’eau des fleurs, de Valérie Perrin

Roman français publié en 2019. Violette Trenet est gardienne de cimetière, complètement convaincue par le côté humain et le jardinage impliqués par son métier. Elle a un passé compliqué qui est révélé progressivement, avant d’arriver dans le bonheur simple qu’elle connaît actuellement. C’est un roman à la Anna Gavalda ou Muriel Barbery : ça se lit facilement, on a envie de voir comment ça se déroule et résout, mais bon c’est un peu creux. Les personnages sont gentils, la vie les a cabossés mais y’a un happy-ending, les métaphores sont faciles, ça entremêle plusieurs histoires de relations romantiques, avec éventuellement des rebondissements, mais je trouve tous les persos très unidimensionnels.

Pas convaincu, lisez Âge tendre plutôt.

The Bear, de Christopher Storer

Série télévisée dont la première saison est parue en 2022, 3 4 saisons so far, les deux premières très très bonnes, la troisième simplement bonne. Sans trop en révéler, on suit les vies des personnes travaillant dans le restaurant The Original Beef of Chicagoland. C’est de la restauration rapide, mais le propriétaire-gérant a changé récemment, et vient du monde de la gastronomie, ce qui ne va pas aller sans un certain clash des cultures.

J’ai pendant longtemps fait l’impasse sur cette série, parce que je pensais que c’était une série qui parlait de bouffe, que ça m’évoquait essentiellement de la téléréalité comme Top Chef, et que c’est vraiment pas qq chose qui m’intéresse (j’aime beaucoup la nourriture, mais ma relation à la nourriture implique de la manger, pas de la regarder à travers un écran). Laissez-moi donc dissiper ce malentendu si vous êtes dans le même cas de figure : ce n’est pas une série qui parle de bouffe. C’est une série qui parle de relations familiales, professionnelles et familialo-professionnelles. C’est une série qui parle de trauma, de vouloir exceller à quelque chose et des sacrifices que ça peut amener à faire. Ça parle de travailler dans un restaurant (duh), avec tout ce que ça implique de tâches qui ne sont pas juste de préparer de la nourriture, de la difficulté d’avoir un restaurant qui tient la route financièrement. Voilà pour les thèmes.

Pour la forme, c’est une série qui prend le temps de caractériser ses personnages et leurs relations. C’est aussi une série qui filme les personnages de très près (passion grain de la peau) et qui montre des personnages épuisés. C’est aussi une lettre d’amour à Chicago, avec une quantité de plans de coupe sur la ville incroyable (et comme tout se passe à Chicago, c’est pas pour situer l’action, c’est juste pour crier « Chicago »). C’est aussi une série avec une super bande-son (à forte composante rock des années 90), très très bien employée pour souligner la tension.

Si certains points de l’intrigue m’ont semblé un peu forcés/trop rapides (le plot-twist de la fin de la saison 1, le changement de posture de Richie après l’épisode Forks), globalement c’est quand même très bien écrit, avec des saisons 1 et 2 qui savent totalement où elles vont en termes d’arcs narratifs. Les épisodes Review et The Bear notamment sont très très réussis et la façon dont ils se répondent, ce qui a évolué ou non entre les deux est très bien exposé. En épisodes davantage one-shot, Fishes (qui sort du cadre du restaurant pour faire un flash-back sur un repas de Noël) et Forks (sur le passage de Richie dans un restaurant gastronomique) sont très réussis aussi. Le fait d’avoir toute une saison où le restaurant est en travaux est aussi assez magistral. La saison 3 perd la compacité d’écriture des deux premières, mais elle prend le temps de creuser les personnages.

Les persos sont tous très bien écrits, avec évidemment le trio de tête Carmy/Sidney/Richie et l’ambiguïté qu’ils ont tous les trois en tant que persos qu’on peut à la fois adorer ou détester – un peu moins Sidney qui est moins flawed que les deux autres, mais aussi les persos secondaires : Marcus, Tina, Ibraheim sont des personnages crédibles, même avec peu de temps d’écran, et dans la famille étendue Berzatto, tous les personnages sont très réussis, que ce soit les tragiques comme Donna ou Mikey ou les comiques comme la famille Fak ou l’oncle Jimmy.

Bref, grosse reco.

EDIT 2025 : 4e saison

C’est chouette de retrouver ces personnages, mais la série n’a plus trop l’air de savoir où elle va. On a du lore en plus sur le passé de certains perso, c’est cool de voir Carmy évoluer un peu émotionnellement, mais globalement il ne se passe pas grand chose. Le subplot avec Ibraheim est je pense le plus intéressant en termes de développement de l’histoire, mais il est à peine esquissé dans cette saison. Pas très convaincu par le côté huis close de l’épisode final, je trouve que ça ne marche pas comme façon d’exposer et résoudre le problème. Bref, un peu déçu, je pense qu’il faut une conclusion propre à cette série.

The Florida Project, de Sean Baker

Film états-unien de 2017. On suit la vie de Moonee, gamine de 7-8 ans, qui vit dans un motel en bordure de Disney World, en Floride. Elle passe ses journées à faire les 400 coups avec ses amis, à explorer les hôtels abandonnés, à réclamer de l’argent aux touristes pour s’acheter des glaces, et à faire tourner les adultes en bourrique. Elle vit seule avec sa mère, Halley, qui galère à rassembler l’argent pour payer leur loyer, et vit de combines.

J’ai beaucoup aimé. C’est une chronique de la précarité à hauteur de regard d’enfant. C’est aussi une description de la vie dans les marges de l’Amérique, juste à côté d’une usine à rêve mais dans des conditions merdiques. Les acteurs jouent très bien notamment les enfants mais pas que. Il y a un petit côté Une affaire de famille ou les 400 Coups, mais avec les couleurs pastel de Disney World en toile de fond pour cacher la misère.

Randonnée dans le cirque d’Estaubé

Randonnée faite avec deux ami.es d’Albi. Départ du lac des Gloriettes, tentative de montée au refuge de Tuquerouye mais renoncement au vu de la quantité de neige dans le couloir final (c’est visiblement accessible plutôt fin août/début septembre). On a planté la tente un peu plus bas avant de partir vers le refuge des Espuguettes le lendemain. Belle journée bien chaude, C. s’est foulé la cheville sur le chemin du retour, elle a pu revenir jusqu’à la voiture quand même mais avec peine.

Le lac des Gloriettes
Le cirque d’Estaubé dans le fond
Le cirque depuis un de ses versants
Pierrier qui mène au port neuf de Pinède

Cimqa, d’Auriane Velten

Roman de fantasy/fantastique français paru en 2023. Un jour, un phénomène inexpliqué fait que l’Humanité a accès à une nouvelle dimension (la 5e), celle de l’imagination ; certaines personnes peuvent alors faire apparaître les éléments issus de leur imagination. D’abord pour 11 secondes, puis pour des périodes plus longues. On suit en parallèle l’histoire de Sarah, enfant qui est la première à maîtriser l’apparition d’éléments durant plus de 11 secondes, et celle de Sara, qui vit dans un monde où cet usage de l’imagination est généralisé, et qui voudrait vivre en tant qu’imaginatrice indépendante plutôt que d’être obligée de bosser pour une grosse société de production de production de spectacle.

Y’a du potentiel, mais je l’ai trouvé très mal exploité. Le point de départ est sympa, mais il est très rapidement acté que les créatures et concept invoqué peuvent avoir un impact sur le monde réel : le fait de se concentrer sur la question de la production de spectacle me semble partant de là une focale très très réductrice. On a des gens qui peuvent basiquement avoir des superpouvoirs et casser les lois de la physique, et ça ne change pas la société plus que ça ? Et même sur le côté spectacles d’ailleurs, le point de vue « oh non les vilains conglomérats » en faisant comme si c’était possible de bannir totalement le spectacle indépendant pour un truc qui nécessite littéralement aucun investissement préalable, ça me semble assez mauvais comme façon de parler du sujet.

Par ailleurs, le côté « seule une gamine pense au loophole permettant d’étendre la fenêtre d’apparition des concepts » ça marche assez mal pour moi. Le plot twist se voit venir, et bannir le voyage temporel, avant de l’introduire avec une mécanique random, pour en casser le mécanisme 10 pages plus loin, énorme faux pas.

Non recommandé.

L’amour harcelant, d’Elena Ferrante

Roman italien paru en 1992, premier roman publié pour l’autrice. À la mort de sa mère, l’héroïne retourne dans sa ville natale de Naples. Elle se remémore en France, la relation dysfonctionnelle de ses parents, et l’amant présumé de sa mère. Mélangeant passé et présent, souvenirs réels et souvenirs reconstitués, elle glisse entre les époques et reconstitue les derniers jours de sa mère.

J’avais beaucoup aimé l’Amie prodigieuse, j’ai trouvé celui-ci dans une boîte à livres je me suis dit que j’allais tester. On retrouve le style d’écriture d’Elena Ferrante, mais l’histoire est largement moins prenante que celle de l’Amie prodigieuse.

Sympa mais pas transcendant.

Désirer à tout prix, de Tal Madesta

Essai français paru en 2022 chez Binge Audio Éditions. L’auteur revient sur son rapport à la sexualité et sur le fait que ce n’est pas quelque chose de naturel chez lui, mais qu’il n’est pas du tout le seul. Il conteste le fait de décréter qu’une sexualité satisfaisante et épanouie est la norme à laquelle tout le monde doit tenter de se conformer. Cette injonction à la sexualité, même présentée d’un point de vue féministe et sexpositif lui semble servir des intérêts capitalistes (on va vendre une quantité hallucinantes de sextoys, workshops sexo, sexothérapies, applis de rencontres… pour « aider » des gens à se conformer à cette norme potentiellement inatteignable : comme les injonctions sur les standards de beauté c’est un outil très efficace pour pousser à la consommation. On est sur une approche des corps et des trajectoires de vie comme des éléments à optimiser, on se rapproche des théories du biopouvoir de Foucault où ce que l’État et les structures de pouvoir cherchent à contrôler c’est les corps et les représentations mentales des gens) et évidemment hétéropatriarcale, les mecs cishets étant ceux dont la sexualité se rapproche déjà de base de cette norme (sans forcément l’atteindre).

L’injonction à la sexualité épanouie est évidemment renforcée dans le cadre du couple romantique hétéropatriarcal exclusif et cohabitant (le CRHEC, définitivement le concept fil-rouge de mes recensions d’essais en 2025), puisque c’est le flagship du système hétéropatriarcal : le « devoir conjugal » reste un motif de divorce dans la jurisprudence. Cette sexualité est d’autant plus valorisée que c’est celle qui reproduit l’ordre existant en renforçant l’exploitation sexiste et potentiellement en produisant des enfants qui seront élevés dans un cadre normatif.

L’auteur conteste qu’il y ait eu une révolution sexuelle : il s’est agit plutôt d’une intériorisation et individualisation des normes. La contraception par exemple n’est pas forcément une libération : la contraception orale implique une régularité dans sa prise, d’évoquer sa sexualité avec un.e médecin : ce n’est pas un relâchement du contrôle. La contraception permet aussi des corps tout le temps disponibles sexuellement.

Autres façon d’interagir : des foyers non basés sur des relations romantico-sexuelles (colocation, béguinages…), des amitiés, des familles choisies. Autres façons de ressentir du plaisir : des activités physiques non-sexuelles (escalade, course, cirque, autres sports …), du chant, la nourriture partagée, le tatouage (réapppropriation du corps), le contact physique non sexuel…

Le sujet est dans mes thématiques d’intérêt de l’année, pas de grandes découvertes lors de cette lecture, mais les éléments sont bien articulés, on suit bien la thèse de l’auteur, recommandé si vous vous intéressez au sujet.

Sew Torn, de Freddy McDonald

Film suisso-étatsunien de 2024. Barbara est une couturière qui vit dans une petite vallée suisse &tranquille. Elle tombe par hasard sur un règlement de comptes entre vendeurs de drogue. Elle hésite entre appeler la police, partir sans rien dire ou récupérer la valise d’argent sale. Le film va explorer successivement les trois options et le destin qu’elles promettent à Barbara. À chaque fois, elle va construire un dispositif élaboré avec du fil et des aiguilles pour tenter de se sortir d’une situation épineuse. Si on suspend son incrédulité sur la solidité du fil, c’est rigolo de voir ces espèces de machines de Goldberg en action.

Le film est bien joué, le contraste vendeurs de drogue menaçants et paisibles paysages suisses fonctionne bien. Le scénario n’est pas révolutionnaire mais est bien mis en scène, les divergences qui explorent l’arbre des possibles révèlent un peu plus de background à chaque fois.

Sympa à regarder.

Your Monster, de Caroline Lindy

Film étatsunien paru en 2024. Laurie est une actrice de musicals. Atteinte d’un cancer, elle est larguée par son partenaire, qui avait écrit une pièce dans laquelle elle devait avoir le rôle principal. Forcée de retourner vivre dans la maison de sa mère, elle découvre dans son placard un monstre, qu’elle avait connu dans son enfance. Une cohabitation va démarrer, Monstre poussant Laurie à ne pas accepter à sa situation et ne pas dire que tout est ok dans la façon dont Jacob l’a traitée.

C’était rigolo à regarder, mais sans être transcendant. Les acteurices jouent bien, le numéro musical est cool, mais le scénario est assez straightforward, on s’attend à une partie des retournements.