Tous les articles par Machin

Âge Tendre, de Clémentine Beauvais

Roman français publié en 2020. Dans un futur proche, la France a mis en place un stage dans le monde du travail d’un an entre la troisième et la seconde, le service civique, ou « serci ». Le roman est composé du rapport de stage de Valentin Lemonnier, albigeois introverti envoyé travailler à Boulogne-sur-mer dans une unité Mnémosyne, une maison de retraite médicalisé qui recrée l’environnement de la jeunesse des pensionnaires. Sur place, il va découvrir la discographie de Françoise Hardy, la vie en colocation, les responsabilités professionnelles et les zones grises dans les relations interpersonnelles. Ce qui devait être un rapport de 30 pages va en devenir un de 250 pages, qui raconte dans le détail son évolution au cours de l’année.

J’ai beaucoup aimé. La forme du rapport de stage est bien retranscrite, et le fait de dire que le rédacteur du rapport doit intégrer des notes rétrospectives permet d’avoir une distanciation dans l’écriture assez intéressante. La révélation progressive de l’histoire de Sola est très bien faite. Le roman est globalement très bienveillant avec ses personnages, c’est très sympa à lire.

Je recommande.

Tomorrow, and Tomorrow, and Tomorrow, de Gabrielle Zevin

Roman étatsunien de 2022. Long story short : grosse reco, sans prérequis sur ce que vous aimez par ailleurs.

Le roman est centré sur les vies et la relation amicale et professionnelle de Sadie et Sam, deux créateurices de jeux vidéos, de leur enfance à leur quarantaine, dans les années 90s et 2000. Le roman alterne entre les points de vue des deux personnages principaux, de leur enfance (une partie racontée linéairement et une partie en flash-back), à leur vie professionnelle ensemble, en passant par leurs rencontres et leur études. On a leur ressenti sur les mêmes événements, leurs différentes sensibilités artistiques, leurs relations avec différents personnes secondaires.

C’est très bien écrit, notamment les personnages. Bien évidemment ça s’applique aux deux principaux, qui fonctionnent comme des personnages réels mêmes s’ils sont des petits génies de la création de jeu :

  • Sam en tant que mec à la fois entitled et insecure qui peut être ultra cruel sans le vouloir (ou en le voulant par moment), pensant qu’il a été très clair sur le fait d’avoir dit aux gens qu’il tient à elleux alors qu’il n’a rien dit, poussé dans la lumière et refusant de gérer son handicap avant de le reclaim
  • Sadie qui doit lutter contre un monde qui la considère longtemps comme la muse de Sam plutôt qu’une créatrice à part entière, qui se force à jouer le rôle de la cool girl et de l’infirmière pour les hommes autour d’elle alors que c’est elle la programmeuse et game designeuse à la base.

Au delà de ces deux-là, les personnages secondaires sont crédibles aussi qu’ils soient attachants (Marx) ou repoussants (Dov). Le roman m’a évoqué The Goldfinch (mais en mieux), et pour le chapitre écrit du point de vue de Marx, le passage en flux de conscience de la Semaine Sainte, d’Aragon. D’ailleurs tout ce passage où on a un troisième point de vue et le passé de Marx est très réussi, c’est assez pertinent d’avoir ce point de vue qui était jusqu’ici à l’arrière-plan, mais qui est déjà présenté comme essentiel au fonctionnement de l’univers professionnel de Sam et Sadie.

Les frustrations des persos sur leur position dans le monde, la façon dont ils sont perçus par le monde plus largement (via le sexisme, le racisme et le validisme de l’époque, qu’on leur renvoie ou internalisé) et la façon dont les non-dits et les suppositions sur les raisons d’agir des autres personnes peuvent pourrir les relations interpersonnelles fonctionnent tous les trois bien, ainsi que les passages qui sortent du temps de la narration pour citer une interview des personnages dans un magazine de jeu vidéo des années plus tard, ce qui permet d’avoir leur point de vue sur les événements avec du recul.

L’exploration des différentes relations amicales et professionnelles (et un peu amoureuses, mais c’est en arrière-plan – on a la relation de Sadie et Dov mais c’est une relation clairement dysfonctionnelle, bien écrite, mais qui sert surtout à montrer l’impact que ça a sur les autres relations de Sadie avec d’autres personnes et sur ses projets professionnels) est très réussie et intéressante.

La conclusion du bouquin est un peu plus faible que le reste, ainsi que tout le passage dans Pioneers, mais je pense que c’est toujours compliqué de finir un bouquin intense comme ça.

Once again, je recommande.

God’s Own Country, de Francis Lee

Film anglais de 2017. Johnny travaille dans la même ferme que son père et sa grand-mère. Vu leurs âges et l’AVC de son père, c’est lui qui s’épuise à faire la majorité des travaux de la ferme, sous la férule de son père qui désapprouve sa façon de gérer les choses. Un jour arrive Gheorghe, un travailleur journalier roumain. Si Johnny l’antagonise à chaque occasion au début, les deux hommes vont développer une attirance l’un envers l’autre, qui s’épanouit quand ils campent ensemble sur le plateau où les moutons de la ferme passent leurs journées, mais qui va devoir ensuite affronter la complexité de la vie dans le reste du monde, avec les autres personnes autour.

C’est un bon film, je recommande. Un contexte pas joyeux qui en fait un film social sur le monde paysan anglais, de beaux paysages ruraux, un très beau pull rouge (et un très beau Gheorghe), une romance assez jolie à voir se développer. Le personnage de Johnny n’est pas très sympathique, mais c’est volontaire et il est bien caractérisé. Gheorghe au contraire à l’air d’avoir toutes les qualités, il apparait dans la vie de Johnny comme un deus ex machina.

Monk and Robot, de Becky Chambers

Deux courts roman de solarpunk étatsuniens, publiés en 2021 et 2022. Sur Panga, une lune habitée, les Humain.es vivent dans une société post-scarcity et qui a réalisé sa transition écologique. Ces événements sont arrivés suite à l’accès à la conscience des robots, qui des siècles auparavant, ont décidé de s’éloigner de la société humaine et de partir vivre dans la nature. Les Humain.es n’ont plus jamais entendu parlé d’eux, et ont respecté leur promesse de laisser les robots en paix, en rendant à la Nature (et aux robots donc) 50 % de la surface de la Lune.

Dans cette société, Dex, un.e moine non-binaire, n’arrive pas à trouver sa place. Après avoir vécu des années dans un monastère consacré à Allalae, une des six divinités du panthéon pangéen, iel décide de devenir un.e moine itinérant.e, offrant du thé et une session d’écoute aux personnes qui le désirent. Mais cette seconde vie lea lasse aussi au bout d’un moment, et iel part dans les terres renaturés, avec pour objectif un ancien monastère où iel espère pouvoir entendre une espèce de criquet éteinte dans les terres toujours habitées par les Humain.es. Sur le chemin du monastère, iel va rencontrer Mosscap, un.e robot envoyé.e comme ambassadeur par les sien.nes, qui avaient promis il y a des siècles de revenir rencontrer l’Humanité. Mosscap arrive avec une question qu’iel souhaite poser à chaque Humain.e qu’iel rencontrera : de quoi les Humain.es ont-iels besoin ?

C’était assez chouette, comme tout ce que j’ai lu de Becky Chambers. Lire des histoires positives où la tension vient des angoisses internes des personnages plutôt que de circonstance adverses extérieures est intéressant, et ce n’est pas facile à écrire je trouve, donc kudos à l’autrice pour ces réussites répétées. Le personnage de Mosscap qui est émerveillé par des éléments qui sont totalement anodins pour l’Humanité mais étrangers pour lui fonctionne très bien (le passage où après avoir appris que les Humain.es n’ont pas de souvenir de leurs premières années, il demande qu’on montre une photo de lui et un bébé au bébé quand il aura commencé à former des souvenirs « pour qu’il sache qu’on était amis même avant qu’il s’en rappelle : <3 <3 <3). Les angoisses de Dex sur sa place dans le monde, le besoin d’avoir un but dans sa vie même dans une société post-scarcity et même en adhérant à une vision de la vie où il ne pense pas que l’univers ait un arc téléologique, ça résonne pas mal.

Bref, reco comme toujours pour Chambers jusqu’ici.

The Medium, de Banjong Pisanthanakun

Film d’horreur thaïlandais paru en 2021. Une équipe de tournage suit pour un documentaire Nim, une chaman qui explique être possédée par l’esprit de Ba Yan, une divinité bienveillante. Lors du tournage, l’équipe observe des comportements étranges de la part de Mink, la nièce de Nim. S’il est d’abord envisagé que l’esprit de Ba Yan souhaite lui être transmis, les protagonistes découvrent finalement que Mink est possédée par un esprit maléfique, dont l’influence sur la jeune femme va s’étendre progressivement, alors que sa famille tente de réaliser à temps un exorcisme pour sauver leur nièce.

C’était un film de possession assez réussie. Des jump scare qui marchent bien, une tension qui va croissante (et bien appuyée par la bande-son), des fausses pistes sur l’origine de la possession qui gachent les efforts des protagonistes, des décors intéressant (l’usine incendiée notamment). Dans l’absolu c’est un film de possession assez classique, on trace facilement des parallèles avec L’Exorciste, mais le fait que ce soit pas un film européen, la place différente accordée aux esprits par une partie de la société thaïlandaise fait des choses intéressantes). Le crescendo des actes commis par la possédée, jusqu’au point d’orgue de l’exorcisme raté qui s’inverse fonctionne bien.

Je recommande si vous aimez les films d’horreur.

Pavillon de l’Arsenal

Visite d’une exposition sur la nature urbaine au pavillon de l’Arsenal à Paris. C’était assez intéressant (et gratuit !), je recommande. Il y avait aussi une expo sur l’évolution de la place du vélo à Paris dans le temps.

Dendromètre, 1800-1814
Carte du sol, in Frédérique Aït-Touati, Alexandra Arènes, Axelle Grégoire, Terra forma, manuel de cartographies potentielles, Éditions B42, 2019
Fenêtre du pavillon de l’Arsenal

Histoire de l’Île, d’Evgueni Vodolazkine

Roman russe paru en 2020. On suit la chronique historique d’une île imaginaire, de l’antiquité à nos jours. Le couple royal qui règne sur l’île semble immortel (ou en tous cas très longévifs), et commente dans le temps présent la chronique des événements qu’ils ont vécus, en même temps que les chroniqueurs se succèdent au fil des pages.

Je n’ai pas été complètement convaincu. Le côté chronique historique interrompue (il manque des passages supprimés par des régimes de transition par exemple) et commentée, avec la matérialité du livre était intérressante, mais bon les rois immortels et bienveillants je suis pas totalement convaincu. Y’a un côté conte onirique sympa, mais en face y’a des révolutionnaires qui sont forcément très méchants et un peuple passif, ça me parle pas plus que ça.

State of the Machin 2024

Quoi ? Quelle année manquante ?

L’année dernière, dans un billet que je n’ai jamais publié, je disais que les choses s’étaient améliorées par rapport à 2022. C’est toujours vrai, mais la situation a de nouveau bien changé. De 2022 à 2023, j’ai déménagé d’Albi à Toulouse et changé de travail. J’écrivais l’année dernière qu’en plus j’avais touché 10% d’augmentation et trouvé un cadre de travail plus collectif, et que sur le plan du logement j’étais dans une colocation avec une vraie dynamique et que du coup je m’y sentais bien par rapport à Albi où la fin de la coloc avait été un peu cauchemardesque.

Or donc, depuis, j’ai redéménagé, grâce à une proprio qui nous a viré de sa maison pour la vendre. Je n’ai pas retrouvé de colocation assez vite, donc dans l’urgence j’ai pris un appartement solo. J’habite donc seul pour la première fois de ma vie. C’est cher et l’appart est mal isolé, mais quelque part c’est assez confortable. Disons que je mettrais ça largement au dessus d’une coloc qui se passe mal, mais bien en dessous d’une coloc qui se passe bien. Par contre avoir un lave-linge pour mon usage personnel me semble toujours aussi absurde après 4 mois à en profiter. Je ne sais pas trop quel est mon endgame ici. Clairement je ne veux pas habiter dans cet appartement sur le long terme, il est un peu perrave (et cher). Par contre je voudrais rester dans ce quartier, où j’ai des ami.es qui habitent (à 1 min à pied de chez moi), ça c’est très confortable (le changement de localisation pour un quartier plus central était clairement un gros plus, même si je regrette un peu le jardin). Mais est-ce que je veux déménager dans un autre appartement solo ? Que j’achèterais éventuellement ? Ou dans une nouvelle colocation dans le quartier ? J’oscille un peu entre différentes options (si j’ai bien une caractéristique qui ne change pas, c’est ma difficulté à accepter de laisser des options derrière moi).

L’autre gros sujet du moment c’est le boulot. Les conditions se sont sensiblement dégradées. J’ai eu une promotion (yay), mais avec seulement 60€nets d’augmentation (hmm) et largement plus de travail (meh). C’était un peu un piège à con, quoi, mais j’ai allégrement foncé dedans. Après c’était un piège à cons collectif, c’est tout mon service qui se prend des demandes à un rythme soutenu depuis quelques mois. J’ai donc décidé de me barrer, parce que je tiens à ma santé mentale plus qu’à un job où je suis largement un exécutant de décisions que je trouve pas oufs, prises par des gens qui connaissent moins le sujet de fond que moi et qui veulent avant tout communiquer. Autant les fois précédentes où j’ai décidé de changer de boulot je me suis posé beaucoup de questions sur si ce n’était pas moi qui était un éternel insatisfait, autant là je suis assez serein. J’aimerai bien retrouver un truc à Toulouse, où j’aime bien ma vie et mes relations sociales (et je vais commencer à chercher activement), mais je regarde aussi dans d’autres grosses villes. Pour le moment c’est changer pour un boulot équivalent dans le public ou assez similaire dans le privé, mais faudra quand même un jour que je me penche plus sérieusement sur une réorientation plus drastique.

Sinon, l’éléphant dans le State of c’est que j’ai rompu avec OC en octobre. Je suis célibataire depuis. J’ai pas mal crushé sur des gens, mais ça n’a pas dépassé ce stade, je pense que j’avais besoin d’être oklm pendant un certain temps. Ça a été mentalement compliqué pendant un certain temps. Je suis allé voir une psy une fois ! J’ai détesté. I guess I’ll try again in 2025. Ça va clairement mieux depuis que y’a un semblant d’été sur le pays – le fait de prendre une semaine de vacances m’a aussi fait réaliser le niveau de stress que m’apportait mon boulot, mais c’est un problème mental totalement orthogonal.

Quoi d’autre ? Le printemps pourri m’a privé de randos, ce qui était très frustrant, mais j’ai fait quelques concerts, c’était très chouette. Je suis allé au mariage d’ami.es en Bretagne, c’était une super cérémonie, avec présence sur 60 heures, très bien pour rencontrer des gens. J’avais fait une bucket list en début d’année, et si je n’ai pas fait tout ce qui est dessus, ça a quand même été efficace pour mettre en place des trucs que voulais faire ou repoussais depuis longtemps (des examens médicaux notamment).

That’s all folks!

Past Lives, de Celine Song

Film étatsunien de 2023. Nora Moon est une Coréenne de 12 ans vivant à Séoul dont la famille émigre au Canada. Elle était très proche d’un de ses camarades de classe, Hae Sung.

Douze ans plus tard, Hae Sung ajoute Nora sur un réseau social. Les deux anciens amis reprennent leurs échanges, mais s’il se confirme qu’ils ont des sentiments l’un pour l’autre, il apparaît aussi qu’aucun des deux ne pourra venir voir l’autre dans un futur proche. Ne voulant pas s’investir émotionnellement dans une relation dont elle ne sait pas où elle va, Nora coupe le contact. Peu de temps après, elle rencontre lors d’une retraite d’écriture celui qui deviendra son mari.

Encore 12 ans plus tard, Hae Sung vient voir Nora à New York. Se retrouvant physiquement pour la première fois après 24 ans, les deux adultes échangent sur et réfléchissent à ce qu’auraient pu être leurs vies et leur relation, et aux différences culturelles entre eux.

C’était sympa à regarder, et plus intéressant que si c’était juste une histoire d’amour classique du type « perdu.es de vue, ils tombent dans les bras l’un de l’autre à leurs retrouvailles », mais ça ne m’a pas embarqué comme ont pu le faire d’autres films.