Archives par mot-clé : pas ouf

Abigail, de Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin

Film étatsunien de 2024. Des criminels kidnappent une gamine de 12 ans et attendent la rançon dans un manoir. Ils découvrent que la fille est en fait un vampire, qui va s’attaquer à eux jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une final girl.

C’était nul. Tous les persos sont clichés, le scénario fait pas sens (les persos passent leur temps à se séparer pour chercher une vampire dans un manoir, après avoir constaté qu’ils ont une unique arme potentiellement efficace contre elle…), c’est filmé comme un film des années 80s sans budget. Franchement c’était une purge.

Ne recommande pas du tout.

Girl on the third floor, de Travis Stevens

Film étatsunien de 2019, par le même réalisateur que A wounded Fawn. Un homme arrive dans une maison de banlieue pour la rénover avant que son épouse et lui-même n’habite dedans. Des phénomènes étranges se produisent, des parties de la maison semblent pourrir ou se déliter très rapidement, et l’homme se trouve rapidement débordé par la tâche… Y’a de l’imagination sur les symptômes de la maison hantée et sur les effets spéciaux analogiques, à base de liquides gluants qui sortent des prises et de billes qui roulent sur le plancher, mais l’histoire tient sinon sur un timbre-poste, c’était clairement pas du tout au niveau de Wounded Fawn (après j’ai de hautes attentes en termes d’histoires qui parlent d’architecture et de surnaturel).

El Cuco, de Mar Targarona

Film hispano-allemand de 2023. Un couple de fringants jeunes espagnols fait un échange d’appartement avec des retraités allemands. Une fois installés dans leur maison en lisière d’un petit village dans la Forêt Noire, ils vont être témoins de phénomènes étranges, jusqu’à ce qu’Anna réalise que les Allemands ne veulent pas juste échanger de maison avec eux : ils vont leur prendre leurs corps. C’était sympa de voir un film d’horreur espagnol, mais c’était pas ouf : c’est globalement Get Out en moins bien réalisé. Y’a des incohérences, la tension ne monte pas très bien, bref, je n’ai pas été emballé.

Regardez plutôt Get Out.

Féminicène, de Véra Nikolski

Essai antiféministe paru en 2023. C’était … intéressant à lire. C’était mauvais, hein, mais édifiant. Globalement, l’ouvrage part avec une thèse intéressante : le progrès technique a permis une élévation incroyable du niveau de vie de tous les humain.es, et encore plus de ceux vivant dans les société occidentales, qu’on a totalement occulté parce que l’on vit dedans. Cette progression des conditions de vie a encore plus bénéficié aux femmes qu’aux hommes parce qu’elle a permis de gommer les fondations de l’inégalité H/F.

Pour l’autrice, qui insiste sur le fait que naturel ne veut pas dire moralement juste, il y a bien une fondation originelle à cette inégalité : le dimorphisme sexuel notamment en termes de force physique moyenne et le handicap temporaire que sont la gestation et l’allaitement ont conduit à une spécialisation sexuée des rôles, qui a ensuite été rétrojustifiée en raisons morales et religieuses, et étendues à toutes les femmes en tant que groupe sans tenir compte des différences individuelles. Je suis pas très convaincu par le besoin d’un dimorphisme originel pour avoir une brisure de symétrie, mais soit. Le passage à des sociétés agricoles avec des grossesses potentiellement plus rapprochées (variation sur l’apport calorique) mais plus de mortalité infantile (conditions de vie) a encore aggravé cette différence entre les sexes et empiré la position féminine.

Là dessus arrive la révolution industrielle et la mécanisation, qui permette de faire disparaitre le besoin de force physique dans l’agriculture, dans l’industrie, et crée un secteur des services où elle n’a jamais été nécessaire. Décollage aussi de la médecine, avec l’asepsie, les antibios : effondrement de la mortalité infantile, puis techniques de contrôle des naissances (qui pour l’autrice sont la cerise sur le gâteau mais bien moins cruciales que la baisse de la mortalité infantile et des risques liés à l’accouchement), et financement collectif du système de santé et d’éducation (école, modes de garde, hôpital public). Dans notre monde dopé à l’énergie abondante, toutes les raisons qui pouvait expliquer historiquement (selon l’autrice) une différence de rôle H/F ont été supprimées par la technique. Ce serait ce phénomène selon elle, et non pas les combats féministes, qui expliquent les progrès de la cause des femmes dans le monde (elle concède que c’est pas le cas partout, même dans des pays industrialisés comme l’Arabie Saoudite, mais c’est selon elle 1/une survivance de l’ancien système et 2/ le poids de la religion).

Mais du coup, dans un monde qui voit arriver une triple crise climatique/des ressources/de l’antibiorésistance qui risque de gommer ces progrès techniques, sera-t-il possible de préserver le progrès social ? L’autrice note qu’on ne va pas avoir le retour au moyen-Âge : les connaissances, notamment en termes de médecine, ne vont pas disparaitre. Mais il y a un risque réel, et les débats actuels du féminisme ne se focaliseraient pas sur ce risque mais sur des combats juridiques/législatifs qui ne serviront à rien si l’État de droit disparait. Pour elle le féminisme devrait pousser les femmes à investir les domaines techniques pour pérenniser les techniques qui sous-tendraient leur émancipation.

Ça, c’était la partie intéressante de l’ouvrage. C’est une thèse avec des éléments pertinents, je suis pas d’accord avec tout, mais ça pose des sujets intéressants. Mais c’est noyé dans des attaques totalement gratuites sur le mouvement féministe actuel, et l’autrice n’a pas peur de nous ressortir tous les poncifs du genre, dans une magnifique bingo de droite : les féministes se trompent de combat, desservent la cause, ne s’intéressent qu’au point médian et à la dénonciation de doléances individuelles et n’incitent pas les femmes à s’engager dans les sciences dures (ah). On a le marqueur ultime de la droitardise recuite : un nombre hallucinant d’ad hominem sur Sandrine Rousseau. Parmi les affirmations gratuites, visiblement les féministes actuelles ne se préoccupent pas de santé (toutes les personnes bossant à ou soutenant le Planning Familial apprécieront), et personne ne fait le lien entre changement climatique et féminisme (deux lignes plus loin elle cite un rapport de l’ONU sur le sujet). Et puis les féministes ne connaissent pas le nom de l’inventeur de l’asepsie alors qu’il a tant fait pour les femmes (je gage que l’autrice ne le connaissait pas non plus avant de le googler pour l’écriture du livre). C’est quand même tout à fait dommage de gâcher un propos de fond qui gagnerait à être effectivement débattu par autant d’attaques complétement gratuites.

Pour en revenir au fond, j’ai l’impression que même si la thèse est intéressante, l’autrice mélange un peu trop progrès relatif et progrès absolu : oui les femmes ont beaucoup gagné aux progrès de la médecine depuis le Moyen-Âge. Les hommes aussi. Peut-être que les femmes comparativement un petit peu plus, mais je ne vois bien en quoi ce serait pour autant la tâche des féministes en particulier de sauvegarder les acquis de la médecine plus que de n’importe quel humain.e. De plus, si un monde instable va effectivement affecter les femmes encore plus que les hommes, l’enjeu n’est pas tant pour moi de sauvegarder la flamme de la civilisation dans la tempête (mais je suis pas surpris de cette vision décliniste de la part d’une personne de droite) que de réfléchir à une décroissance planifiée et socialement juste pour que la baisse de conso des ressources amène à perdre les voyages en avion plutôt que le système hospitalier. Bref, l’argument de la crise climatique sert surtout à dire que les féministes se trompent de combat et ferait mieux de devenir physicienne et militaire plutôt que de réclamer sans cesse. Dommage, parce qu’il y a un vrai sujet de comment aller vers un monde à +2°C qui reste le plus juste possible, mais la première étape n’est pas de taper sur le féminisme.

Damsel, de Juan Carlos Fresnadillo

Film Netflix paru en 2024. C’était mauvais de façon semi-intéressante et très clairement netflixienne, je dirais. Monde de fantasy générique. Elodie est l’héritière d’un royaume sans ressources dans la toundra. Surprise, la famille royale d’Auria, royaume richissime vient demander sa main contre une dot importante, qui sortira son peuple bien aimé de la misère. Sa famille accepte l’offre, pour découvrir qu’il s’agissait d’un piège sinistre : génération après génération, le royaume d’Auria sacrifie ses princesses à un dragon. Mais Elodie ne va pas se laisser faire, et réussir à déjouer le sort et vaincre le dragon…

C’est clairement un film qui a été généré par algorithme. Une bonne inspiration Game of Thrones (le père d’Élodie, règne sur un royaume glacé et à le look de Ned Stark, il y a une princesse qui se bat contre puis apprivoise un dragon, la famille royale d’Auria a ce dragon pour emblème…), une pincée de Frozen pour les deux princesses sœurs dont l’amour sororal va triompher de tous les obstacles, une storyline pour l’héroïne qui sonne Rise of the Tomb Raider dans le côté meuf qui se fait trainer dans la boue (littéralement) et souffre dans son corps mais va vaincre l’adversité grâce à sa détermination inébranlable, quelques acteurs célèbres (Robin Wright surtout), mais pas des masses d’acteurs en tout parce que ça coûte moins cher (ce qui se voit un peu sur les scènes de mariage princier), beaucoup d’effets spéciaux parce que ça coute moins cher que de tourner en décors réels… Globalement il y a plein de défauts très apparents, mais y’a quand même quelques trucs réussis dedans. Revenir à l’histoire des meufs qui sont sacrifiées aux dragons, ça marche bien. La sororité des princesses (pas Elodie et sa soeur, plutôt les messages que se laissent les différentes princesses sacrifiées au dragon) fonctionne bien, tout l’environnement de la caverne fonctionne bien (avec un côté jeu vidéo dans sa construction, jusqu’à la map laissé par une autre princesse, mais qui est clairement assumé) et la partie chat et souris avec le dragon au début. Le dragon comme métaphore du patriarcat est peut-être un peu heavy-handed mais ça fonctionne quand même pas mal, avec Auria qui est un royaume qui se construit sur le sacrifice des femmes des royaumes voisins (limite un petit côté Thésée et le minotaure), donc finalement une puissance coloniale (qui a en plus réécrit sa propre histoire dans les deux sens : en prétendant être victime du dragon alors qu’ils sont responsables de la situation et en faisant croire au dragon que ce sont les filles de la lignée régnante qui lui sont sacrifiées). Je note aussi la tentative de subvertir le trope de la evil stepmother, qui est immédiatement contre-subverti en remettant une seconde stepmother tout à fait officiellement evil.

Bref, pas ouf, mais des trucs à sauver, ce qui en fait un film finalement plus intéressant qu’un truc totalement vanilla.

The Neon Demon, de Nicolas Refn

Film d’horreur étatsunien de 2016. Jesse, adolescente de 16 ans, arrive à Los Angeles avec des rêves de star-system plein la tête. Sa beauté et sa jeunesse vont faire qu’elle va effectivement rapidement percer dans le milieu. Passant de shooting photo en défilé de mode, elle va croiser la route de trois autres femmes (deux modèles et une maquilleuse) qui jalouse d’elles vont finir par la tuer.

Bon. Ça n’avait pas grand chose à dire. Plein de plan avec des lumières stromboscopiques, les hommes sont attirés par la beauté de Jesse, les femmes en sont jalouse et attirées aussi, les directeurs artistiques se comportent comme des connards. C’est un peu l’enfant raté de Death Becomes Her et La La land. En soit je n’ai rien contre les films d’horreur un peu expérimental avec pasz beaucoup de scénario, mais là c’est juste  » ouuuuh, attention à la jalousie féminine » et « le star-system c’est un peu creux » ? Merci on avait vraiment besoin d’un autre film sur ces sujets peu explorés. Sans parler des plans voyeuristes à base de meuf à poil ou en talons et sous-vêtements complètement gratuits.

The Priory of the orange tree, de Samantha Shannon

Roman de fantasy britannique publié en 2019. Le royaume d’Inys existe dans un monde où une race de dragons réapparait tous les 500 ans et menace de détruire l’Humanité. Il y a 1000 ans, le fondateur du royaume, Galian le Saint, a vaincu l’Innommable, le plus puissant de tous les dragons. La légende dit que celui-ci ne pourra pas réapparaitre tant qu’une descendante du Saint est à la tête du royaume d’Inys. Mais l’histoire officielle d’Inys est fabriquée de toute pièce, et la réalité est bien moins glorieuse. On va suivre en parallèle l’histoire de plusieurs personnages en lien avec la cour d’Inys ou vivant à l’autre bout du monde, qui vont converger dans une quête pour empêcher le retour de l’Innommable et lever le voile sur la réalité de ce qui s’est passé il y a 1000 ans.

Bon. Sur le papier ça avait l’air cool. Il y a d’ailleurs des éléments assez réussis ; la religion d’Inys basée sur les Six Vertus Chevaleresques donne une chrétienté moyenâgeuse alternative assez réussi. La cour d’Inys de façon générale marche assez bien. L’idée de regarder derrière l’histoire officielle ce qui s’est réellement passé est intéressante (mais peu réussie). Le côté « Inys met tous les Dragons dans le même sac alors qu’il y a des Dragons d’eau et de feu aux intérêts radicalement opposés » marche aussi. Pour le reste par contre…

Je pense que le problème principal que j’ai avec ce bouquin, c’est qu’il tente à la fois d’avoir une approche moderne avec des enjeux féministes, des persos LGBT+ et racisés, une vision non-occidentale de l’histoire (which is good) … et qu’il colle le tout sur de la high-fantasy pas du tout déconstruite (which is not good). Du coup on se retrouve avec « mais en fait l’histoire officielle cache une part d’ombre » et simultanément « Draconis le grand Dragon est très très méchant et veut détruire l’Humanité par principe » (et nos monarques sont nobles et altruistes, pour ne rien gâchersauver). Ainsi que mes pet-hate : « Ce mystère qui a un millénaire est caché derrière une énigme qui à la fois a survécu jusqu’à nous et qui demande 15 secondes de réflexion pour la comprendre » et « l’objet qu’on cherchait était en nous depuis le début » (littéralement). Je peux pas suspendre mon incrédulité dans ces conditions, désolé, malgré beaucoup d’autres idées intéressantes. Il y a des personnages qui marchent bien (Sabran, Ead, Loth) et d’autres beaucoup moins (Tané, Niclays), mais tout est de toute façon noyé dans la guimauve d’une high-fantasy qui perso me fait penser à Eragon (et c’est tout sauf un compliment).

Bref, je ne recommande pas.

Disenchanted, d’Adam Shankman

Film Disney de 2022, suite d’Enchanted, et clairement pas à la hauteur du premier opus. On est quelques années plus tard (la chronologie n’est pas très claire, la gamine du premier étant devenue une ado, il y a clairement moins de 15 ans qui se sont écoulés), la vie newyorkaise est devenue compliquée pour Giselle et Robert. Ils décident de déménager en banlieue (la banlieue US, donc des pavillons), et atterrissent à Monroeville. Là Giselle utiliser une baguette magique pour souhaiter vivre dans un conte de fées de nouveau, changeant toute la ville, mais se projetant accidentellement dans le rôle de la méchante belle-mère (étant de facto une belle-mère, elle est obligée de se conformer à l’archétype si c’est un conte de fée).

Le pitch était intéressant mais la réalisation laisse clairement à désirer. Les chansons sont assez faiblardes (ils ont filé une chanson perrave à Idina Menzel, faut quand même pas être très malin), l’animation des parties animées est ratée, les effets spéciaux des parties filmées sont pas très convaincants, la storyline de Robert et de la partie animée est plus qu’anecdotique. Quelques points réussis cependant : la conte-de-féification de Monroe est bien rendue, avec notamment le numéro musical avec les ustensiles culinaires lors du premier matin. La chanson duo des deux méchantes est sympa aussi (mais je pense que musicalement, elle n’est pas incroyable dans l’absolu, c’est juste que les autres sont vraiment sans aucun intérêt), les deux actrices étant à fond durant le numéro.

Globalement, une suite qui rate son point et souffre de son budget, je pense.

Serial Girls, de Martine Delvaux

Essai féministe paru en 2013 et republié en 2022 dans une édition augmentée. L’autrice parle de la question de la sérialité des femmes, vue comme des éléments interchangeables, leur individualité important moins que leurs éléments communs ou différents qui les font appartenir à cette série.

Le sujet avait l’air fort intéressant, et j’ai apprécié le chapitre sur le magazine Playboy, qui parle de ce sujet spécifiquement sous l’angle du male gaze et de la libération sexuelle proclamée qui a surtout été celles des hommes quand pour les femmes c’était une injonction à être de bonnes partenaires sexuelles disponibles pour les mecs, mais j’ai été beaucoup plus dubitatif pour le reste du bouquin, dont je trouve qu’il aligne les grandes déclarations sans faire de démonstrations claires, sans expliciter son propos et en se reposant beaucoup sur le péremptoire. Déception.

The Grace Year, de Kim Liggett

Dystopie US de 2019, assez décevante. On est dans un univers rural, où les femmes sont réputées développer des pouvoirs magiques à l’adolescence. Pour que ces pouvoirs ne détruisent pas la communauté, l’année de leur 16 ans (l’Année de Grâce du titre), toutes les adolescentes sont envoyées sur une île où elle vivront entre elles le temps que leur magie se manifeste puis s’épuise. Puis elle reviendront épouser un homme ou rejoindre une communauté de travailleuses. Cette question de l’année de Grâce et du mariage forcé ont toujours intrigué et révulsé Tiernay, l’héroïne, qui va chercher à comprendre ce que cachent ces rituels…

Sur le papier ça avait l’air cool, une dystopie féministe avec un côté Sa Majesté des Mouches/Yellowjackets/The Purge. Mais ça ne fonctionne pas bien, je pense par manque d’un sérieux travail d’édition. Il y a pas mal d’éléments intéressants dans le livre, mais il y a trop de trucs, trop d’éléments qui arrivent d’un coup, ne sont pas bien installés, bien explicités. La fin aurait dû arriver 40-50 pages plus tôt aussi. Soit il fallait couper des trucs, soit il fallait assumer d’en faire une trilogie et pas un seul roman où ça va à 4000 à l’heure. Là y’a un vrai problème d’écriture.

D’autant plus décevant qu’on voit le potentiel gâché. On a l’impression que l’idée de l’éditeur c’était que les dystopies féministes c’était bankable alors allons y sortons des trucs sans y regarder à deux fois. Mais The Handmaid’s Tale ça fonctionne parce que l’écriture et les personnages sont réussis.