Archives de catégorie : Screens, thousands of them.

Tuca and Bertie, de Lisa Hanawalt

Série animée en trois saisons. On suit les deux personnages titres, deux amies qui sont des oiseaux anthropomorphiques trentenaires. Le dessin fait penser à Bojack Horseman (ce qui est tout à fait logique puisque c’est Hanawalt qui dessinait BH), mais dans un univers plus surréaliste/cartoonesque, et un point de vue qui n’est pas celui d’un acteur dépressif.

J’ai beaucoup aimé. Les personnages sont attachants, l’univers est beau et cool, et très imaginatif mais auto-cohérent. Les thèmes abordés sont traités avec finesse (et en même temps une approche très cartoonesque). Le côté « amies que tout oppose » fonctionne très bien avec Tuca ultra extravertie et Bertie beaucoup plus introvertie, mais dans un job stable là où Tuca enchaîne les petits boulots.

Je recommande.

Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux

Film français paru en 2022. Je n’ai pas été très convaincu, c’est un Dupieux qui tombe un peu à plat pour moi. On suit un couple qui habite dans une maison où un passage permet de rajeunir de trois jours en disparaissant pendant 12h. La femme du couple va être totalement obsédé par cette possibilité et passer son temps dedans pour retrouver ses 20 ans (c’est un peu sexiste comme histoire, non ?) alors que le mec s’en fiche, plus inquiété par son travail dans une compagnie d’assurance, dont le patron s’est fait greffer un pénis électronique dont il est très fier. Voila.

Reservation Dogs, de Sterlin Harjo et Taika Waititi

Série télé étatsunienne de 2021. On suit la vie de quatre adolescents qui vivent dans une réserve indienne et qui s’y ennuient sacrément. Ils veulent partir en Californie, et réunissent de façon souvent illégale de l’argent pour payer leur voyage. Au delà des quatre personnages principaux, on suit la vie quotidienne de la communauté native-américaine dans la réserve, sous la forme d’une comédie. La série traite du mal-être des jeunes en milieu rural et visiblement encore plus dans les réserves native-américaines et des relations familiales. Les acteurs sont très bons dans leur rôle et c’est intéressant de voir un mode de vie différent – pas tant dans le côté « des amérindiens si exotiques » (même s’il y a des éléments spécifiques à la culture amérindienne) que « l’Oklahoma rural et son ennui profond ». Le décentrement du regard est réussi (scène très rigolote où deux texans blancs passent devant les personnages principaux de l’épisode en ne disant que « Taxes. Gay agenda. Return on investment! » et autres mots clefs). J’ai bien aimé l’inclusion d’éléments fantastiques en lien avec les traditions amérindiennes sans que l’on sache quel statut ils ont réellement : les visions de Bear, les souvenirs de la Deer Lady de Big, le rituel antitornade d’Uncle… C’était intéressant de les présenter comme des idiosyncrasies des personnages, aussi : si ses potes posent des questions à Bear sur ses visions (ce qui est un peu miné par la nature des visions avec son guerrier un peu tocard), Big et Uncle ont l’air un peu tout seul dans leur vision du monde, ce n’est pas présenté comme un paradigme (oui je sors tous mes grands mots dans cette critique) partagé par tous les personnages.

Bref, c’était cool, pas prise de tête et original, je regarderai avec plaisir la S2.

Saison 2

Une saison 2 un peu plus lourde émotionnellement. On parle beaucoup plus de deuil : celui de la mère d’Elora, de sa grand-mère, et surtout, celui de Daniel. Autant pendant la première saison le suicide de Daniel était juste un élément de l’arrière-plan commun des héros, autant dans cette saison l’enjeu du travail de deuil que doivent faire les personnages est beaucoup plus présent. Les visions des ancêtres sont davantage partagés entre différents personnages : la mère de Daniel, Bear toujours, Uncle, Elora avec sa grand-mère. On voit aussi toujours la vie de la communauté au delà des héros : la vie des femmes qui travaillent pour l’Indian Health Service (dont la mère de Bear), une aventure de Big avec Kenny Boy.
C’est toujours aussi bien, ça remue davantage émotionnellement. Les acteurices sont tou.tes très bon.nes.

Je recommande toujours.

L’Empire, de Bruno Dumont

Film français sorti en 2024. Dans les Hauts-de-France de nos jours, deux peuples extraterrestres se livrent une lutte à mort en secret : les Zéros, menés par Belzébuth, tentent de corrompre les humains et protègent le Margat, un bébé qui deviendra l’Antéchrist. En face, les Uns veulent tuer les Zéros et faire fructifier les bons aspects des humains. Les deux factions agissent en s’incarnant dans des humains. On suit en parallèle l’action sur les vaisseaux spatiaux des deux peuples, leurs interactions sur Terre et l’enquête (totalement inefficace) de la gendarmerie sur un meurtre lié au conflit entre les deux races.

On va commencer par le gros point noir du film : les rôles féminins sont assez nuls, avec les deux actrices principales qui servent d’intérêt amoureux et qui sont totalement sexualisées par la caméra, sans que ça apporte rien au film.

Ceci mis à part, c’était wtf dans le bon sens du terme. Une bonne partie des acteurices sont amateurs et ça rend bien dans l’ambiance du film, Lucchini est truculent, les vaisseaux spatiaux qui sont des palais ou des cathédrales sont très cools, les effets spéciaux rendent bien, la juxtaposition scifi/petite ville française fonctionne bien. La grande histoire de lutte millénaire entre le bien et le mal est un prétexte sans trop d’intérêt mais ça file un axe au film

The Case of the Golden Idol, de Color Gray Games

Jeu vidéo d’enquête, publié en 2022. Dans les années 1780, a travers une série de tableaux s’étendant sur une dizaine d’années, on va enquêter sur différents meurtres liés à une statuette potentiellement magique et l’ascension au pouvoir d’un nouveau parti politique.

C’était assez sympa mais assez court. Il faut enquêter dans les scènes présentées pour récupérer des mots qui permettent de compléter un texte à trou expliquant les circonstances de la mort. Les énigmes ne sont pas ultra complexes (pour le coup je pense qu’ils auraient pu rendre certains mots plus faciles à trouver mais augmenter le niveau d’intricacy des énigmes), mais l’ambiance années 1800, magie et conspiration est sympa.

Je recommande.

Physical, d’Annie Weisman

Série étatsunienne de 3 saisons, diffusée entre 2021 et 2023. Dans la Californie du Sud des années 80, Sheila Rubin, femme au foyer, va découvrir l’aérobic, ce qui va changer toute sa vie : elle va devenir financièrement indépendante, gérer sa santé mentale, faire exploser son couple.

C’était assez cool, surtout la première saison (qui est vraiment très bien, petite baisse de régime après, mais ça vaut le coup d’être regardé dans son entièreté même si la saison 3 rushe la fin). La série retranscrit bien le côté individualiste des années 80 : si on est derrière Sheila pour le côté émancipation de son arc narratif, pour autant plus ça va et plus elle devient (redevient ?) de droite. Le personnage de John Breem est très réussi aussi. Globalement tous les personnages de la série sont assez détestables, à des degrés divers, sauf peut-être Bunny et Tyler, qui sont les deux seuls persos de la série qui ne font pas partie de la bourgeoisie locale.

La série réussit bien la représentation des problèmes mentaux de Sheila, à la fois sa boulimie et sa self-hate, présente d’abord comme une voix intérieure puis comme des hallucinations de différentes personnes de son entourage. La façon dont l’aérobic lui permet d’en sortir (un peu) est bien mis en scène : c’est remplacer une obsession par une autre (et potentiellement mettre sa santé en danger avec, quand elle a un problème physique qu’elle ne traite pas pour ne pas apparaitre faible), et c’est une route compliquée, ou elle va avoir des rechutes, une progression épisodique : même si elle a une épiphanie sur l’aérobic, ça ne suffit pas pour que tout aille mieux dans sa vie d’un seul coup.

Je recommande, surtout la première saison qui arrive bien à mêler les enjeux environnementaux aux autres thématiques de la série.

Simple comme Sylvain, de Monia Chokri

Film québecois de 2023. Sophia est en couple avec Xavier. Appartenant tous les deux à la bourgeoisie intellectuelle de Montréal, ils mènent une vie tranquille et sans passion. Puis Sophia rencontre Sylvain, charpentier qui rénove son chalet, et c’est le coup de foudre immédiat entre les deux. Sophia va commencer une relation adultère, puis quitter Xavier. La passion entre Sylvain et Sophia va être compliquée par les différences radicales entre leurs deux milieux et parcours.

J’ai bien aimé, mais c’est quand même assez cliché par moment. Les classes sociales sont assez monolithiques dans leurs représentations – et je pense que c’est vraiment le point faible du film, parce que cette différence de classe sociale est un des points-clefs, donc partir sur des clichés là-dessus… Par contre c’est filmé de façon intéressante (peut-être un peu trop de zoom/contre-zoom par moment pour moi mais c’est assez léger comme défaut), les interludes sur les cours de Sophia sur les différentes façon d’envisager l’amour dans la philosophie occidentale rythment bien le film. Le fait d’avoir le point de vue de Sophia et ses échanges avec ses amies sur ce que sont le désir, l’amour etc est cool aussi (même si là aussi, un peu étrange qu’elle n’ait que des amiEs avec qui parler).

Y’a un petit côté Dolan (sans surprise) dans la juxtaposition des références culturelles (Sardou et Jankélévitch, Scorpions et bell hooks), mais justement il aurait été intéressant de montrer des classes intellectuelles qui revendiquent cette juxtaposition, c’aurait été plus réaliste.

Yannick, de Quentin Dupieux

Film français paru en 2023. Dans un théâtre de boulevard parisien, un spectateur qui trouve le spectacle incroyablement mauvais va (littéralement) prendre otage la salle et la troupe pour proposer un texte alternatif à faire jouer aux comédien.nes.

C’était assez chouette. J’aime bien les films récents de Dupieux. Celui là est étonamment straightforward pour un Dupieux mais fonctionne très bien. Le huis clos dans un théatre, les interactions de Yannick avec la troupe puis la salle marchent bien ; ça fait limite pièce expérimentale – le film est assez clair sur le fait que ça ne fait pas partie du déroulement de la pièce, mais en soi ça pourrait être un film méta sur le théâtre expérimental.

Je recommande.

Scavengers Reign, de Joseph Bennett et Charles Huettner

Série dessinée de SF, sortie en 2023. Suite à une malfonction de leur vaisseau atteint par une éruption solaire, divers membres de l’équipage du Demeter se retrouvent naufragés sur Vesta, une planète pleine d’une vie fondamentalement alien. Une douzaine d’épisodes qui permettent de voir plein de paysages de Vesta et des créatures qui les habitent. Le dessin est très beau et les auteurs sont très imaginatifs sur les créatures, mais je n’est pas trouvé les écosystèmes très crédibles : les créatures sont beaucoup là pour faire avancer l’histoire, et il y a plein de mécanismes qui sont particulièrement pratiques pour les humains (entre les créatures qui tentent de les manger ou de les parasiter). Mais si on accepte de laisser son bagage d’écologue derrière soi, c’est très sympa à regarder, avec une jolie ligne claire.

Je recommande.