Archives par mot-clé : fantastique

Extraordinary, d’Emma Moran

Série anglaise de 2023. Jen vit dans un monde où les gens acquièrent un super pouvoir autour de leur majorité. A 23 ans, le sien ne s’est toujours pas déclaré, ce qu’elle ne vit pas très bien. On voit sa vie entre ses colocs, le chat qu’elle vient de récupérer dans la rue, son PQR et son boulot dans une boutique de costumes.

J’ai beaucoup aimé. C’est un peu Misfits x Fleabag : une héroïne avec une vie chaotique dans un univers avec des superpouvoirs lowkey (mon headcanon est d’ailleurs qu’on est dans le futur de Misfits, où les superpouvoirs se sont généralisés). La série est bien écrite, les blagues fonctionnent bien, les personnages sont des désastres ambulants mais attachants.

The Magicians, de Lev Grossman

Roman de 2009. Quentin Coldwater, adolescent surdoué et dépressif, découvre que la magie existe quand il est recruté dans une école de magiciens. Émerveillé de faire partie d’une élite et de connaître la réalité du fonctionnement du monde, il va rapidement réaliser que ces nouveaux pouvoirs ne suffisent pas à combler le vide en lui, et va chercher toujours plus loin des façons d’oublier sa condition humaine, que ce soit dans la drogue, le sexe, ou l’exploration d’un univers parallèle inspiré de la série Narnia-like qu’il lisait enfant, où il espère que les règles binaires du monde vont lui permettre d’avoir une aventure moralement satisfaisante.

J’ai bien aimé, mais faut pas avoir peur des héros antipathiques. Quentin, qui commence juste comme un ado dépressif et incel, finit comme une espèce de monstre qui détruit tout ce qu’il touche avec son incapacité à être heureux cinq secondes d’affilée. Le livre présente les magiciens comme une élite nihiliste, qui ne se contente de rien puisqu’elle peut tout avoir sans efforts. C’est un point de vue un peu dark sur le monde.

Suzume, de Makoto Shinkai

Film d’animation japonais sorti en 2023. Suzume, lycéenne, vit dans une ville de campagne où elle est élevée par sa tante. Un jour, elle croise un bishonen énigmatique qui mentionne chercher une porte dans une zone en ruine. Elle va se mettre à la recherche de la porte, et déclencher accidentellement une série de catastrophes. Son crush transformé en chaise et une entité menaçant de détruire le Japon, elle va devoir voyager à travers l’archipel pour fermer des portes dans diverses zones abandonnées. Au fil de son voyage, elle va rencontrer plein de gens qui vont l’aider, et clarifier la situation avec son crush et avec sa tante.

C’était très beau, plein de paysages en ruines, de vues plongeantes de la côte et des montagnes japonaises, ça donne envie d’y aller. Par contre l’histoire ne m’a pas du tout parlé. Y’a plein de trucs qui se mêlent, la romance sort un peu de nulle part. Très saoulé aussi par le discours de Suzume à elle-même enfant, qui me semble un peu l’inverse de ce qu’il faut dire à quelqu’un en deuil (« tu vas grandir et tu vas rencontrer d’autres gens » ? Wesh elle vient de perdre sa mère et elle a 4 ans, un peu de compassion plutôt que du stoïcisme ce serait pas mal).

The Tinfoil Dossier, de Caitlín R. Kiernan

Série de novellas dans l’univers de Lovecraft. On suit dans les années 2010 les agissements de trois agences gouvernementales (US, UK et ???) qui luttent à la fois l’une contre l’autre et contre des manifestations paranormales en lien avec les Grands Anciens. La narration est éparpillée entre plusieurs points de vue et plusieurs époques, avec un style d’écriture assez exigeant. J’ai bien aimé (surtout le III, The Tindalos Asset), c’est une actualisation réusssie de ce que faisait Lovecraft (avec en plus moins de racisme, what’s not to like). Et ce n’est pas dans le style de Lovecraft Country : c’est pas l’époque de Lovecraft avec des trucs mystérieux dans le folklore de Chtulhu à base de cultistes dans des bâtiments art-déco, c’est projeté dans l’époque actuelle, et on est sur l’ensemble du panthéon lovecraftien, y’a des mentions de Chtulhu, mais aussi sur d’autres créatures et Grands Anciens, il y a tout le lien à l’espace (mais actualisé avec des sondes spatiales).

Globalement The Tindalos Asset était très bien, Agents of Dreamland plus original mais plus dur à lire, et Black Helicopters assez incompréhensible dans l’histoire mais l’ambiance marche bien. Les trois peuvent se lire indépendamment, mais par contre ça vaut le coup de s’y connaitre un peu en mythologie lovecraftienne pour bien saisir les références.

Je recommande The Tindalos Asset.

Demain, le jour, de Salomon de Izarra

Roman fantastique paru en 2022. Trois survivants d’un accident de train se retrouvent dans un village isolé des Vosges, en 1936. Ils vont découvrir que la population en a été décimé par deux monstres qui hantent le village à la nuit tombé, et tenter de les affronter. On suit en parallèle les points de vue des trois personnages tels que relatés dans leurs journaux intimes, qui détaillent à la fois leur vie depuis l’accident de train et leur passé.

Globalement j’ai bien aimé l’écriture, la triple narration et les effets permis par le fait que les persos racontent des événements passés mais détaillent aussi ce qui se passe au moment de l’écriture étaient intéressants (le fait que l’on apprenne au début du livre que Paul rédige depuis une cellule mais qu’il faille ensuite les 2/3 du livre pour que l’on ait les événements qui y ont mené). Par contre l’intrigue principale avait l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. Il y a des monstres, ok, mais le pourquoi de leur existence est assez random, les interactions entre les personnages sont assez stéréotypées. Les passages les plus intéressants sont ceux qui détaillent le passé de Paul, la partie « fantastique du roman est finalement assez superflue.

Suspiria, de Dario Argento

Film italien de 1977. Susie, une danseuse new-yorkaise, arrive à Freiburg pour intégrer une académie de danse prestigieuse. Le soir de son arrivée elle croise une élève terrifiée qui meurt dans la nuit. Alors qu’elle voulait être externe, elle se retrouve poussée très fortement à être interne. Sa cothurne lui fait par de ses suspicions qu’il se passe des événements paranormaux dans le bâtiment, et une série de morts vient appuyer cette thèse, jusqu’à un affrontement final entre Susie et l’équipe enseignante.

J’ai beaucoup aimé. Le scénario, n’est pas très élaboré, mais les visuels sont incroyables. Il y a des couleurs dans tous les sens, l’architecture de l’école est magnifique. Les meurtres et plus généralement la mise en scène sont assez outrés, mais ça marche bien dans l’ambiance du film. Mention spéciale à la bande-son, très présente et qui porte énormément l’ambiance du film.

Je recommande, on voit pourquoi c’est un classique du genre.

J’ai depuis vu le remake de 2018, qui présente des défauts (la longueur, des arcs narratifs sans intérêt) mais vaut le coup d’être regardé pour la comparaison.

Calls, de Timothée Hochet

Série télé française fantastique. C’est une série télé dans un sens large du mot, vu que le seul visuel est la retranscription des conversations et un habillage visuel du son.

Je suis un peu resté sur ma faim. Le premier épisode était très bien dans le genre horrifique, mais tout le reste était en dessous, et j’ai pas spécialement accroché à l’intrigue globale (j’ai peut-être passé trop de temps entre chaque épisode, mais je pense plutôt que c’est qu’elle ne tient pas trop la route, tbh). Le concept était intéressant mais tant qu’à faire je préfère un vrai podcast, qui fait généralement plus d’effort sur la facilité à distinguer les personnages et les bruits juste à l’oreille, et avec un scénario mieux ficelé.

La Corde, de Dominique Rocher

Mini-série française en trois épisodes, sortie en 2022. On suit la vie d’un observatoire astronomique international isolé en Norvège. L’observatoire observe un phénomène astronomique, les répéteurs, et vient de décrocher in extremis un financement pour une nouvelle campagne de recherche. Alors que tout le monde se met en ordre de bataille pour organiser la campagne de récolte des données, un des membres de l’observatoire découvre une corde dans la forêt. Elle a l’air ordinaire, sauf qu’elle n’était pas là la veille, que l’observatoire est isolé, et qu’elle a l’air de serpenter sur des kilomètres et des kilomètres sans s’interrompre. Un petit groupe de personne décide de la suivre sur une journée pour voir jusqu’où elle va, alors qu’il serait plus prudent que tout le monde se focalise sur la récolte des données…

Le pitch est assez cool, mais la série ne résout pas grand chose. La ligne narrative de celleux qui suivent la corde et de celleux qui sont resté.es à l’observatoire ne se recroisent plus, on suit deux histoires en parallèle (reliées à la limite par le deuil que font celleux qui sont resté.es pour celleux qui sont parti.es). Les multiples raisons qui font que celleux qui sont parti.es ne font finalement jamais demi-tour alors qu’ils en parlent plusieurs fois ne sont pas très crédibles : ils devraient normalement avoir un sens des responsabilités, un attachement à celleux qu’iels ont laissé derrière, là rien. Même le fait d’être partis avec zéro matériel adapté ne les arrête pas. On comprend rapidement que la corde à une dimension métaphysique, mais ça ne mène pas à grand chose. A la limite la scène finale avec Joseph est intéressante, mais plus symbolique qu’autre chose.

Par contre c’est bien filmé et bien joué, les décors de l’observatoire et de la forêt sont beaux. Mais ça ne suffit pas vraiment, pour résumer il y a de belles ambitions mais non réalisée.

El laberinto del fauno, de Guillermo del Toro

Film fantastique espagnol de 2006. A la fin de la guerre civile espagnole, une femme enceinte et sa première fille vont rejoindre le nouveau mari de la mère dans la campagne espagnole. Le nouveau mari est est un officier franquiste qui traque les dernières colonnes républicaines. Le film suit principalement le point de vue d’Ofelia, la jeune fille, qui découvre dans la propriété un ancien labyrinthe, où une créature magique lui annonce qu’elle est la réincarnation de la princesse d’un royaume souterrain. Pour pouvoir y retourner, elle doit triompher de trois épreuves. Le film va montrer en parallèle les péripéties fantastiques d’Ofelia et la lutte des républicains contre le régime fasciste. Et la question du parallélisme est ici cruciale : le film ne dit pas clairement ni si Ofelia imagine ces péripéties ni si elle réussit finalement sa dernière épreuve, mais tout du long ce qu’elle vit fait écho au combat des républicains et notamment de Mercedes contre les soldats fascistes : on retrouve le motif de la clef, des stocks de nourriture, du refus d’obéir aux ordres. Une lecture du film est qu’Ofelia serait la part d’enfance de Mercedes, qui mentionne qu’elle « croyait aux fées petites mais plus maintenant ».
Mais si les rôles moraux sont bien distribués dans le monde réel ou l’opposition fascisme/républicains est claire, les choses sont beaucoup moins évidentes dans les épreuves d’Ofelia, où le rôle du faune qui la guide semble ambigu.

Si les images de synthèse sont un peu datées, le film reste très beau, très inventif sur le côté dark fantasy, sans que celui-ci ne prenne toute la place. Au contraire, c’est probablement plus l’intrigue réaliste qui a le plus de temps d’écran, et qui est aussi très bien filmée. Les personnages sont globalement réussis (peut-être moins les républicains, que l’on voit assez peu et qui sont plus archétypaux). Bref, je recommande si vous ne l’avez pas vu.

There is no antimemetics division, de qntm

Fiction paranormale, publiée en 2021. Le livre consiste en une collection de nouvelles mettant en scène la division antimémétique de la Fondation SCP. Quelques précisions sont d’entrée nécessaire : la « Fondation SCP » est une organisation fictionnelle au coeur d’un projet d’écriture collaboratif. Cette organisation gère des objets, des entités et des événements paranormaux, pour préserver les apparences de normalité de notre monde. Le projet collaboratif consiste (pour son émanation principale) en un wiki recensant les rapports rédigés par les agents de la Fondation, détaillant dans un style bureaucratiques les différents items ou incidents gérés par la Fondation. Le tout forme un lore détaillé et entremêlé, dans un style d’univers que j’aime beaucoup. Cet univers à notamment inspiré le jeu vidéo Control, qui met en scène le même type d’organisation occulte.

Pour en revenir à There is no antimemetics division, l’œuvre met en scène une division particulière de la Fondation : celle qui gère les artefacts avec des propriétés antimémétiques, ie les artefacts qui empêchent la transmission d’information à propos d’eux-mêmes ou sont capables de supprimer de l’information. Les différentes nouvelles qui composent l’œuvre imaginent comment il est possible d’étudier ou de combattre de tels objets et entités, comment la division travaille, comment ses membres sont affectés par leur travail quotidien. D’autres textes existent qui parlent de la Fondation et de sa division antimémétique, mais ceux rassemblés dans cet ouvrage émanent d’un·e seul·e aut[rice|eur], qntm, et sont connectés entre eux pour raconter principalement l’histoire de Marion Wheeler, une des directrices de la Division. Globalement j’ai beaucoup aimé, le postulat et l’univers sont originaux. La forme de l’écriture – par fragments agrégés, se référant à un univers plus large, m’a fait penser à certaines fanfictions que j’ai pu lire, on est vraiment sur un style d’écriture et un format d’œuvre pour lequel on voit la différence avec un roman « classique ». Il y a quelques faiblesses dans l’écriture qui découlent du format cependant, avec des répétitions entre fragments qu’un meilleur travail d’édition aurait pu effacer. Le texte est en deux parties, et si je suis enthousiaste sans réserve sur la première, la seconde me semble plus faible. Si certains passages horrifiques de cette seconde partie sont très réussis et exploitent à fond l’aspect antimémétique (selon le même type de mécanisme que le Silence et les Anges dans Doctor Who), d’autres me semblent plus de la boilerplate horror, avec un côté « mélangeons fascisme/bad trip/eldritch, ça ne peut pas rater ». Mais globalement le livre vaut largement le détour si vous n’avez rien contre l’horreur, les nouvelles et les concepts originaux. Merci à Ted pour la recommandation !