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Pour en finir avec la démocratie participative, de Manon Loisel et Nicolas Rio

Essai de science politique paru en 2024. Les deux auteurices sont consultant·es en coopération territoriale. Ils reviennent dans cet essai sur leurs expériences de mise en place de consultations citoyennes pour des collectivités et sur les limites de ces dispositifs.

La mise en place de dispositifs de participation citoyenne en France est conçue comme une réponse à la crise démocratique (centralisation des décisions, absence de débat contradictoire, manque de représentativité des élu.es, poids des lobbys) du pays, alimentant l’incapacité des institutions à prendre en compte la diversité des besoins et faire accepter les mesures retenues, et la défiance des citoyen·nes. Pourtant ce déploiement a plutôt aggravé les problèmes que contribué à les résoudre.

La gueule de bois du renouveau démocratique

Deux lois (Barnier, 95 et Vaillant, 2002) ont obligé à mettre en place de la participation citoyenne dans certains types de projet. C’est vraiment devenu quelque chose de totalement institutionnel, alors que c’était à la base dans les 60’s un dispositif plus issu des contre-pouvoirs (grassroot organizing). La participation citoyenne cadrée par l’institution (même si elle est de bonne volonté) sert alors à canaliser la mobilisation citoyenne (en posant les modalités du débat, les thèmes abordés, le financement du dispositif, …) les tables de quartier (Québec) ou le community organizing (US) sont bcp plus indépendants des municipalités, structurés par des assos et fondations indépendantes.
La participation citoyenne devient une fin en soi : les institutions communiquent sur le fait d’avoir mis en place un dispositif la permettant. Devient un marqueur en soi, un créneau politique ou professionnel, alors que l’accent devrait être mis sur les conséquences de la consultation, car une PC ne produisant pas d’effets accentue la défiance envers les institutions des citoyen·nes qui ont perdu du temps en s’y impliquant. Lassitude aussi du côté des organisateurices qui la perçoivent comme un jeu de dupes sans effets réels mais consommant du temps et des ressources que la collectivité pourrait mieux employer.
Enfin, la participation citoyenne effectue un contournement des corps intermédiaires et des contre-pouvoirs : mise en place par l’exécutif, elle en tire sa légitimité et ne s’adresse qu’à lui, qui fait ce qu’il veut des résultats. Ce n’est donc pas un contre-pouvoir mais une légitimation de l’exécutif. Dans ce sens elle présente le même problème de désintermédiation que les référendums.

La participation contre l’égalité démocratique

La participation citoyenne donne une voix à celleux qui ont le temps de venir participer : c’est une présentocratie, qui le plus souvent redouble la voix des mêmes catégories qui se sont déjà exprimées par le suffrage : retraités, militant.es, personnes sociologiquement proches de celles qui font fonctionner les institutions, personnes qui ont de la facilité à prendre la parole en public… Pourtant, cette parole très située va être présentée comme la parole citoyenne.

Au contraire, la participation citoyenne devrait rendre audible celleux qui ne s’expriment pas autrement, pour contrebalancer les biais de représentation du suffrage « universel ». Pour cela, besoin de demander du silence à celleux qui s’expriment habituellement et de construire un cadre qui facilite la prise de parole, temps d’échanges entre pair·es pour conforter son expérience et restitution globale. Le but est de permettre la construction d’une expertise alternative dont l’institution s’enrichira, pas que l’institution impose son pt de vue à des acteurices en situation dominée.

De l’expression des citoyens à la capacité d’écoute des institutions

Au delà de la prise de parole, enjeu surtout de l’écoute, ie de la prise en compte des éléments par les institutions. Cette non-écoute peut être une façon de masquer le manque de moyens pour prendre en compte les retours de toute façon, mais c’est un pb supplémentaire à adresser, pas une excuse acceptable.
Piste d’écoute par les institutions qui fonctionne : la/le Défenseur.e des Droits, qui propose une écoute individuelle (prise en compte des vécus subjectifs et réponse individuelle aux pbs ) et une consolidation des témoignages en rapports pointant les pbs systémiques. Autre piste possible : auditions de témoins dans le cadre judiciaire. Laisse une personne s’exprimer pleinement. Ne prétend pas que son témoignage est une vérité absolue, mais une version des faits à prendre en compte pour bien appréhender une situation avant de prendre une décision.
Importance de réintégrer l’administration comme acteur dans le dialogue élu.es/citoyen.nes, pour ne pas prétendre que les élu.es ont toutes les cartes en main alors que les agents avec leur expertise technique et leur rôle de mise en œuvre, ont un vrai poids dans la déclinaison des décisions. Permet de plus de poser plus clairement que l’admin apporte une expertise technique, importante pour les décisions, mais qui est un point de vue situé, qui peut être challengée par des contre-expertises. De façon plus générale, plutôt que de multiplier les dispositifs de PC inféodés au pouvoir, mieux vaudrait accorder une plus large place dans la vie démocratique aux contre-pouvoirs : associations, médias (à condition d’être pluralistes et indépendant, rarement vérifié au niveau local) …

Démocratiser l’action publique face à l’urgence écologique

Besoin de vraies délibérations dans la vie des collectivités, pas le théâtre déjà joué que sont actuellement les conseils. Pour cela, la délibération ne devrait pas précéder un vote qui ne fait qu’acter des démarcations déjà figées, mais arriver plus en amont pour déplier les composantes d’un sujet, en cerner les conséquences pour les citoyen·nes et préciser la commande passée à l’administration pour qu’elle intègre plus de facettes. Les sujets à délibérer pourraient être proposés par la majo, l’opposition, l’administration elle-même, ce qui permettrait de mieux politiser les questions, un rôle plus intéressant à donner aux élu·es que celui de « super chef·fe de projet » enchaînant les copils pour contrôler l’action de l’administration.

Une institution publique seule dans son coin n’est pas le seul acteur influençant la prise et la mise en place d’une décision. Les autres acteurs publics ou privés impliqués peuvent en mitiger fortement la portée, une phase de négociation est toujours un préalable à la mise en place d’une décision. Si les corps intermédiaires, affaiblis (par la participation citoyenne qui grignote leur légitimité notamment) prennent moins part à cette négociation, ce n’est pas le cas des lobbys, défendant des intérêts sans être soumis à aucun impératif de représentativité. Les différents groupes qui composent la société n’ont pas des intérêts alignés : partant de là, la démocratie ne vise pas le consensus, mais une négociation pour arriver à une position alignée avec l’intérêt général et acceptable par le plus grand nombre. Pour cela, il n’est pas besoin de grands raouts de concertation sans lendemain mais d’avoir des négociations régulières avec des engagements opposables. Notamment sur les questions climatiques et de raréfaction des ressources, la négociation des contraintes est la seule alternative à la contrainte unilatérale (à géométrie variable et via les arrêtés préfectoraux). Les exécutifs locaux ont un rôle de mise en place de ces négociations. Doivent être perçus comme légitimes, donc impartiaux, et pouvoir asseoir tout le monde autour de la table : à la fois aller chercher ceux qui ne participent habituellement pas et refuser les négociations en coulisse avec ceux qui ont trop l’habitude de l’accès direct aux institutions. Ce rôle de cadrage des négociations implique une mise en retrait qui pourrait être vue comme dépolitisante pour les élu·es, mais le choix des sujets débattus et du cadrage est en soi un rôle très politique, et iels gardent la main sur la décision finale, une fois toutes les parties entendues.

Conclusion : avoir la charge de nous représenter

La participation citoyenne innove sur les marges de la démocratie sans rien changer à son fonctionnement. L’important n’est pas d’implémenter plus de participation mais de rapprocher citoyen·nes et élu·es, pour que les représentant·es soient… représentati[ve|f]s. Les auteurices proposent à cette fin de mettre en place un tirage au sort pour représenter les abstentionnistes dans les assemblées, à proportion de la quantité d’abstention et corrigeant le défaut de représentativité de l’assemblée en question (en reprenant les critères sociologiques de la Convention Citoyenne pour le Climat : genre, âge, CSP niveau de diplôme, lieu d’habitation).

Parlement, de Noé Debré

Série humoristique sur le fonctionnement du Parlement Européen. C’est multilingue et plutôt bien filmé. La première partie est bien, elle réussit à être pédagogique sur l’UE sans être trop didactique et en restant drôle. La série n’hésite pas à taper sur les différents gouvernements et pays-membres de l’UE. Par contre la deuxième partie s’enlise dans les tentatives de séduction du héros sur une de ses collègues, ce qui ne fait une histoire ni très intéressante ni très originale, c’est dommage. Les épisodes 9 et 10 relèvent un peu le niveau, mais la série gâche trop de temps sur cette romance de façon globale.

Mentions spéciales au personnage d’Eamon, le fonctionnaire impassible fan de Sénèque, et à celui d’Ingeborg, l’opposante politique impitoyable.

Saison 2 :
J’ai trouvé cette seconde saison plus réussie que la première. Les intrigues amoureuses prennent moins de place, ce qui est bienvenu. Le personnage principal a plus d’expérience du fonctionnement des institutions donc on est moins dans le didactique, et j’ai l’impression que la série s’offre plus de fantaisie (mais il faudrait que je revoie la 1 pour comparer). Changer la député de référence du personnage principal pour une députée plus énergique que dans la saison 1 permet aussi d’avoir une histoire plus dynamique.

Lutter Ensemble, de Juliette Rousseau

Essai sur les possibilités et modalités pratiques de convergences des luttes à gauche. Juliette Rousseau parle de comment il est possible pour des mouvements marginaux de travailler avec des mouvements plus insérés dans le jeu institutionnel, et comment faire en sorte de prendre en compte les différentes dominations au sein des mouvements de gauche, pour éviter de reproduire les hiérarchies dans les mouvements sociaux. J’ai trouvé le texte assez inégal, mais il y a des passages super intéressants. Les témoignages issues de femmes et de personnes racisées prenant part à la ZAD de NDDL notamment étaient super bien ; les façons dont les organisations palestiniennes posent des conditions avant de travailler avec des organisations israéliennes et en parallèles comment les petites organisations marginales ont travaillé avec les grosses organisations institutionnelles pour la préparation des marches pour le climat newyorkaises était aussi très intéressant. Les réflexions sur les associations qui ont des fonctionnements en non-mixité ou en mixité choisie pour permettre aux dominé.e.s et aux premièr.e.s concerné.es par les causes de s’exprimer plus facilement sans se faire dépasser par les allié.e.s plus privilégié.e.s sont intéressants aussi ; avec le constat que ça marche bien quand c’est prévu dès le départ, et beaucoup plus compliqué à rajouter a posteriori.

Une Partie de Campagne, de Raymond Depardon

Documentaire tourné pendant le mois qu’a duré la campagne présidentielle de 1974. Raymond Depardon suit VGE, filme les coulisses de la campagne, les moments où le candidat est en transit entre deux points. Le documentaire n’a pas du tout plu à VGE, qui l’avait financé et a interdit la sortie jusqu’en 2002.

Le documentaire présente une France et une façon de faire de la politique d’un autre temps : Giscard se retrouve dans la foule à la fin de ses meetings et conduit sa voiture pendant que Depardon le filme. Les salles où ont lieu les meetings ont l’air faites et décorées de bric et de broc. Tous les gens ont une tête, des habits, des coiffures qui sont totalement spécifique de leur époque. La diction de Giscard est aussi ultra particulière.

Un autre point frappant c’est l’isolement de Giscard, qui fait les trucs dans son coin : Il se balade seul en voiture, donc, il attend les résultats du 2d tour seul dans son appart de fonction, avec juste Depardon qui le filme, et passe des coups de fils à Michel Poniatowski pour avoir les derniers chiffres et bitcher sur les politiques qui passent à la télé pour commenter les résultats. Y’a aussi une super scène où entre les deux tours il réunit ses conseillers de campagne, mais essentiellement pour leur dire ce qu’il veut faire lui plutôt que d’écouter leurs suggestions (et où il sort cette super réplique « Il y a une première option, qui est au fond de ne rien faire, et l’élection est pratiquement gagnée ».

Bref, c’était un bon documentaire, je le recommande.

L’État démantelé, dirigé par Willy Pelletier et Laurent Bonelli

Une compilation d’articles sur le sujet de la succession des réformes néolibérales que l’État (français) s’applique à lui-même. On dirait un peu un Manière de voir avec moins d’illustrations. C’était intéressant, tous les articles ne se valent pas, mais c’est cool d’avoir un regard global sur le processus. Le livre a déjà 10 ans, il pourrait être réédité pour prendre en compte les évolutions survenues depuis, mais en l’état il présente comment les filières de recrutement et les valeurs de la haute administration ont évolué depuis le début de la Ve République, faisant disparaître « le sens de l’État », et brouillant les frontières entre dirigeant·e·s d’entreprises et haut·e·s-fonctionnaires, qui auparavant se concevaient comme distincts et surtout avec des intérêts distincts. Le livre se penche aussi sur l’évolution spécifique dans certains secteurs (Poste, Télécom, ESR, EN, hôpitaux, armée, police), et comment les réformes et le New Public Management cascade dans les administrations, les marges de manœuvre ou l’appropriation des principes par les agent·e·s.

Les Métropoles Barbares, de Guillaume Faburel

Livre d’écologie politique sur la transformation des grandes villes en métropoles. Ce que l’auteur entend par ce phénomène, c’est à la fois une extension spatiale, mais surtout l’acquisition de marqueurs spécifiques (quartiers d’affaires, stade multisport et accueil d’une compétition sportive reconnue, branding de la ville, centre historique rénové…) qui sont supposé être attractifs, et rendre la ville à la fois possédant les marqueurs génériques permettant de prétendre être dans les villes qui comptent, et démarquée des autres à l’échelle européenne ou internationale (en elle même et pas en temps que ville générique de tel ou tel pays). Les métropoles se conçoivent comme des « firmes territoriales » qui doivent faire connaître leur produit et gagner des parts de marchés (sur le marché des fameuses « classes créatives » notamment). Les villes seraient alors les territoires créateurs de (et concentrant là) richesse qui ruisselleraient sur les campagnes environnantes.

Pour l’auteur, la partie « concentration de la richesse » est bien plus pertinente que celle de création : les métropoles sont les seuls endroits restants où les taux de croissance permettent de dire que la course à la croissance du néolib à un sens, mais ça se fait à coup de subventions et de mise sous le tapis (ou de délocalisation) des externalités. Les métropoles pour maintenir cette croissance doivent forcément croître elles-mêmes et mettre en avant la vitesse de déplacement et les réseaux de transport (la « valeur mobilité »). On pousse à l’accélération des rythmes, à l’exploitation de tous les moments : wifi dans les transports, développement de l’offre de divertissements nocturnes type clubbing, poussé par des politiques d’extension des horaires de transport et un assouplissement des normes sur le tapage nocturne, les horaires d’ouverture…

Le branding des villes va mettre en avant des spécificités territoriales, des monuments emblématiques, en les repackageant pour les rendre facilement consommable, en mode « pop histoire » ou street art subventionné et pas trop contestataire et relativement propre sur lui. Gros accent aussi sur les infrastructures et compétitions sportives, les valeurs sportives étant fortement solubles dans le discours néolibéral (« se dépasser », tout ça). Les actions de métropolisation des villes se font le plus souvent via des PPP, avec des services publics sous-traités ou gérés selon le New Public Management. Gros décifit démocratique aussi dans les millefeuilles administratifs des regroupement de commune qui est intrinsèque à la métropolisation à la française. Avec en plus un vernis de consultation publique sur les projets, qui est très souvent du crowdwashing bien plus que des vraies consultations.

Les réaménagements des villes mettent souvent aussi en avant des valeurs écologiques (densification du bâti, toitures végétalisées, pistes cyclables et al), mais servent sortout à faire de la revalorisation immobilière permettant de dégager une plus-value, et de gentrifier. Les classes populaires repoussées en périphéries qui doivent venir travailler en ville prennent + de transport, ce qui ne va pas vraiment dans le sens d’un bilan écologique favorable. Les villes en décroissance et les villes moyennes sont pour l’auteur largement plus écologiques que les métropoles se densifiant et affichant un discours vert.

Au delà de ce discours sur le municipalisme et l’attraction des pôles métropolitains portés par les pouvoirs publics et les cabinets d’architectes, les Français.e.s sondé.e.s manifestent au contraire une attraction pour la vie de village ou périurbaine. Le bout de jardin, un rapport à une nature restant un peu sauvage (vs les parcs urbains) et la vie sociale de village sont des éléments particulièrement attirants. Le discours sur les métropoles comme les lieux par excellence de mélange des cultures et de l’allégement du contrôle social de tous par tous (par opposition au « petit village où tout le monde se connaît ») est aussi selon l’auteur surtout un discours portés par celleux qui ont intérêt à promouvoir les métropoles, et principalement incantatoire.

Cette première partie sur les métropoles elles-même m’a pas mal convaincu. Vient ensuite une partie sur les alternatives et les choix de vie en dehors des métropoles (écolieux et autres), que j’ai trouvé moins solide et plus jargonnante.
Le point de l’auteur est que dans les villes, le pouvoir est trop figé dans des grosses structures captés par les professionnels de la politiques et par le lobbying, ainsi que figés dans des normes ne permettant pas d’avoir de vraies alternatives : les tiers-lieux urbains servent bien souvent, avec les conventions d’occupation temporaire, à permettre aux autorités diverses de garder la main sur un lieu bien mieux que s’il était squatté, et de faire leur projet à leur sauce à la fin. Les contestation type Nuit Debout n’arrivent pas non plus à construire quelque chose de pérenne, faute de pouvoir littéralement construire qq chose et en absence d’une capacité à s’insérer dans les formes légales de fabrication de la loi (l’auteur reprend la formule du Comité Invisible sur Nuit Debout, qui serait « un Parlement Imaginaire dépourvu d’exécutif »). Les vraies alternatives ne pourraient alors ne se développer qu’à la campagne (avec évidemment l’exemple des ZADs, où il est possible de mettre en place un habitat low-tech, auto-construit, et des formes de sociabilité autogérées. A considérer par rapport au bâti urbain et a fortiori métropolitain, très normé et évoluant surtout par coup d’éclat architecturaux commandités et financés par les autorités).

Confinement et conséquences

Well well well, here we are again. Un événement bouleversant, et mon mécanisme de vouloir lire tout ce qui est publié sur le sujet pour tenter de mieux comprendre se réactive.
Je vais recenser ici les liens et textes que je trouve les plus intéressants, histoire que ça ne reste pas que dans ma tête. Je vais publier en l’état, actualiser au fur et à mesure, et potentiellement remanier l’article pour faire des catégories, rajouter mon ressenti personnel de la situation.

Sur l’épidémie elle-même :

Sur la gestion de la crise par le gouvernement :
Je suis très en colère contre ce gouvernement. Je veux dire, j’étais déjà bien vénère contre elleux avant le début de la crise sanitaire, mais là on atteint un niveau où ce n’est plus seulement une colère sur le plan intellectuel mais un truc qui vient des tripes. Il y a une arrogance, une nullité dans la communication, un refus de reconnaître leurs erreurs, leur méconnaissance du sujet, qui dans cette situation est criminelle.

Sur les différences de vécu de l’expérience du confinement, et leurs médiatisations :

https://twitter.com/Rosenlev_/status/1241293729119580161
  • Parodie de journal de confinement :

Confinement et santé mentale :

Santé mentale toujours, un article de La Croix : Confinement : « Il est indispensable de maintenir une sociabilisation ». En résumé, garder une structuration temporelle de la journée, limiter son exposition aux infos sur la pandémie à certaines plages horaires, maintenir une sociabilité sous les formes qu’on arrive à lui faire avoir. AJOUT 16/04

Divers :

  • Survivre au virus – une méthode anarchiste, sur Mars-infos auto-organisation face à l’urgence sanitaire
  • This Is Not the Apocalypse You Were Looking For, de Laurie Penny, sur Wired
    Les représentations culturelles de l’apocalypse ne correspondent en rien à ce qui nous arrive.
  • Humans are not the virus. Don’t be an ecofascist, sur wearyourvoice.
    L’article est intéressant en soi, mais je suis pas convaincu par le terme écofascisme. Jean-Baptiste Fressoz affirme que pendant qu’on fantasme un écofascisme, on est actuellement beaucoup plus sur des dérives autoritaires qui vont de pair avec la promotion de l’industrie lourde, et que la vraie menace reste le thermofascisme. Quand on vous vend parle d’écofascisme, on cherche à trouver des aspects positifs à un fascisme dont le programme sera bien plus le fascisme que l’écologie, et promouvra sans souci l’industrialisation pour ses happy few. Bref c’est du greenwashing du fascisme, rien de plus profond.
  • Les quatre scénarios pour l’hégémonie politique du «monde d’après» sur Mediapart. Article dense qui explore les possibilités d’évolution politique : néolibéralisme-zombie (on continue comme si de rien n’était avec une couche de santé-washing en plus), néoillibéralisme (plutôt que vraiment du fascisme, qui supposerait d’effacer l’individu derrière l’Etat, un mélange d’individualisme et de démocraties autoritaires), réformisme mou à la PS-EELV (les auteurs parlent de gauche élitaire) ; ou enfin (le plus enthousiasmant mais clairement pas le plus probable) un scénario de gauche inclusive. (AJOUT 29/05)

C’est tout pour le moment, je rajouterai des trucs au fil de mes lectures, et j’essayerai de développer un peu plus mon analyse propre au delà de la liste de liens. On verra.

Nous n’irons plus aux urnes, de Francis Dupuis-Déri

Plaidoyer en faveur de l’abstention, comme le dit le sous-titre. Ça part dans pas mal de directions. Les points qui m’ont semblés les plus intéressants que j’en ai retenus :

  • On reproche aux abstentionnistes de risquer de faire élire les mauvais·es candidat·e·s. Ça suppose qu’il y en ait de bons, et c’est quand même un reproche qu’il serait un peu plus pertinent d’adresser aux votant·e·s qui ont fait le choix en question. Au contraire, une forte participation légitime l’élection, du coup l’abstention est tout à fait raisonnable si on considère que tous les choix sont insatisfaisants, et encore plus si on considère que le mécanisme même de l’élection de représentant·e·s à mandat non-impératif n’est pas bon comme système politique (ce qui est très fortement le point de vue de l’auteur : voter une fois tous les 5 ans pour une personne et non un programme, dans un contexte ou l’électabilité est réservée aux classes supérieures, dépend du fait d’avoir de l’argent et est très fortement influencée par une presse détenue par un oligopôle de milliardaires, n’est pas du tout démocratique à son sens, même si tout le monde dans le système se gargarise du mot démocratie. Parler d’aristocratie élective serait plus juste.
  • On est incité depuis l’enfance, avec les élections de délégué·e·s, les Parlements des enfants et autres mesures, à considérer l’élection de représentants comme la bonne façon de gérer une démocratie. Même si on élit dans ce cas des représentants pour de faux, sans pouvoir d’action concret : l’important est d’apprendre à se déposséder du pouvoir politique : à l’échelle d’une classe, pourquoi a-t-on besoin de délégu·e·s ? On peut très bien faire de la démocratie directe avec une assemblée générale sur les heures de vie de classe, pour gérer les questions qui concernent la vie du groupe.
  • On retrouve souvent à gauche l’argument de la double stratégie pour faire changer la société : participer au processus électoral pour avoir une légitimité et faciliter l’installation des idées défendues dans le débat public, et travailler en dehors du processus électoral : grèves, manifestations, autres actions… Les deux allant de concert. Sauf qu’en fait ça ne marche la plupart du temps que dans un seul sens : la participation aux élections voire aux instances de gouvernement prend du temps, de l’énergie, des moyens qui pourraient être consacrés au militantisme plus direct. A l’inverse les partis ou instances gouvernementales soutiennent peu les syndicats et actions qui leur sont extérieurs. En participant aux élections, on les légitime donc sans gagner beaucoup en retour, assez paradoxal quand le but politique de départ était de sortir de la démocratie représentative. FDD donne des exemples de tentative d’entrisme politique par des groupes anarchistes, satiriques ou prônant le vote blanc/nul qui ont plus ou moins bien marché, mais souvent moins, qu’ils se fassent invalider leur candidature, prennent une taule ou finissent par se détourner de leurs objectif initial, avec une personnalisation du pouvoir.

L’Arme à l’œil, de Pierre Douillard-Lefevre

Essai sur la militarisation de la police française. Court mais intéressant. L’auteur retrace comment la police s’est progressivement retrouvée équipée de flashball puis de LBD, comment l’imprécision des Flashball, conçue pour éviter les tirs directs et à la tête, a été mise en cause dans les tirs effectivement dangereux, conduisant à passer aux LBD avec des viseurs et une plus longue portée, avec pour effet de démultiplier les tirs à la tête.

Il remarque aussi que contrairement à ce qui était annoncé, le LBD n’a pas remplacé l’usage des armes à feu mais celui des matraques, réhabituant les policiers à tirer sur les gens comme une action normale. De plus, il y a un effet cascade : une fois que la police nationale a upgradé du Flashball au LBD, les polices municipales ont commencé à s’équiper en flashballs…

Bref, des évolutions bien badantes du maintien de l’ordre qui abandonne les idées de maintien à distance et de désescalade pour l’idée de blesser pour l’exemple.