Archives de catégorie : phylactères

Bea Wolf, de Zach Weinersmith et Boulet

Bande-dessinée qui reprend (la première partie de) l’histoire de Beowulf en remplaçant les guerriers par des enfants. On découvre comment une bande d’enfants dans une banlieue nord-américaine indéterminée à construit une cabane gigantesque dans un arbre et accumulé un trésor gigantesque en jeux et bonbons. Mais furieux de leur bruit incessant, le monstreux M. Grindle va envahir leur sanctuaire, adultifier les adultes et nettoyer la cabane. Douze nuit durant les enfants seront terrorisés, jusqu’à ce que de la banlieue voisine, Bea Wolf, envoyée de la reine Heidi, vienne vaincre le monstre et restaurer la paix-d’après-l’heure-du-coucher.

C’était très chouette. C’est superbement illustré, les allitérations et le kenning rendent bien le sentiment d’une épopée, on est vraiment impliqué dans cette histoire d’enfants qui se battent pour préserver leur royaume de sodas et de nerf guns.

Grosse recommandation.

L’Homme gribouillé de Frederik Peeters et Serge Lehman

Bande dessinée parue en 2018. Betty Couvreur est une quarantenaire qui travaille pour la maison d’édition qui publie sa mère. Lorsque celle-ci fait un AVC alors qu’un mystérieux inconnu se présente à son domicile et terrorise sa petite-fille (la fille de Betty, donc), ces deux dernières (Betty et sa fille, qu’est-ce que vous trouvez de compliqué à suivre là-dedans ?) se mettent à enquêter sur le passé de leur mère et grand-mère respective. Rapidement leur enquête prend un tour fantastique, entre réseau de la Résistance, groupe de psychogéographie occulte, golem sous légende et village détruit par un tremblement de terre…

J’ai bien aimé, on est dans les thèmes ultraclassiques de Peeters et Lehman, qui tombent pile dans mes marottes. Le dessin en noir et blanc est beau, vu l’histoire un peu style polar je me serai attendu à quelque chose de plus sec et anguleux mais ça marche très bien comme ça.

Médée, de Blandine Le Callet et Nancy Peña

Bande dessinée en 4 tomes. L’autrice et la dessinatrice reprennent le mythe de Médée, mais en le racontant de son point de vue. Fille du cruel roi de Colchide, elle aide Jason à s’emparer de la toison d’or, le joyau du trésor de son père. Elle n’hésitera pas à recourir au meurtre plusieurs fois pour faire avancer sa cause et celle de Jason (jusqu’à ce qu’il l’abandonne pour un meilleur parti), avant de tuer ses propres enfants.

Le dessin est beau et illustre bien les différents royaumes de la Méditerranée antique. La réécriture du mythe est intéressante et fait fortement penser au travail de Madeline Miller. On a une figure féminine forte, mais ce n’est pas une réécriture à la Disney en mode « en fait les méchants n’étaient pas vraiment méchants » (looking at you, Maleficent) : si certains des crimes attribués à Médée lui ont été dans cette version collés sur le dos par les Grecs trop content de pouvoir accuser une barbare, elle est responsable de d’autres, et notamment de son infanticide.

Je recommande.

Spirou ou l’Espoir malgré tout, d’Émile Bravo

Série en quatre tomes (cinq si on compte Le Journal d’un Ingénu, publié 10 ans plus tôt mais auquel L’espoir malgré tout est une suite directe) qui raconte la vie de Spirou et Fantasio dans la Belgique de la Seconde Guerre Mondiale. On y découvre à la fois les origines de Spirou (pupille de l’État placé dans un orphelinat catholique), l’origine de son surnom (qui deviendra son nom de guerre), et on voit à travers ses yeux la Belgique de l’époque, et son apprentissaged de la vie.

J’ai beaucoup aimé. Le dessin d’Émile bravo est beau et fonctionne bien pour les personnages, la dynamique Spirou/Fantasio est bien rendue, le côté gamin qui découvre la vie de Spirou marche bien (plus que le côté « aventurier intrépide » d’autres albums à mes yeux), le thème (la chronique de quatre ans de guerre, et comment résister sans prendre les armes) est intéressant et bien rendu.

Grosse recommandation

SuperGroom, de Fabien Vehlmann et Yoann

Série de bandes-dessinées franco-belges reprenant le personnages de Spirou, mais avec des codes plus de comics ou manga. Déprimé de ne plus être reconnu et d’être supplanté par les super-héros US dans les représentations de héros, Spirou – avec l’aide de Champignac pour les gadgets – invente le personnage de SuperGroom, justicier bruxellois. Il décide bien vite de raccrocher le costume, notamment parce qu’il se rend compte que se déplacer en jetpack s’oppose à ses convictions écologiques (qui lui fond aussi arrêter les reportages et aventures au quatre coins de la planète), mais les circonstances vont le forcer à réendosser son costume.

J’ai bien aimé la réinvention du personnage et du mythe. Vehlmann démontre bien comment il est possible de tordre légèrement l’univers de Spirou pour le faire correspondre à un univers de super-héros. Le format des albums fait comics, la structuration du deuxième tome (la Guerre Olympique) fait très compétition à la Squid Game. L’histoire de super-héros racontée reste relativement classique, mais ça vaut le coup de jeter un œil aux deux albums (si vous aimez Spirou de base).

Transperceneige : Extinctions, de Rochette

Bande dessinée en deux tomes, parus en 2019 et 2020, préquelle du Transperceneige. La BD détaille les événements qui ont menés à la Terre gelée sur laquelle se déroule l’histoire du Transperceneige, et l’embarquement dans le train. On découvre deux groupes d’éco-activistes, les Wrathers qui tuent les dirigeants de multinationales climaticides et écocides, et les Apocalypsters, carrément accélérationnistes, qui décident de déclencher une apocalypse à grande échelle pour que l’Humanité cesse de flinguer la planète. Si j’ai trouvé les Wrathers crédibles, les Apocalypsters font quand même méchants de carton-pâte. En parallèle, on voit le milliardaire bénévolent et inventeur de génie Zheng mettre la dernière main à son train équipé d’un moteur perpétuel, persuadé que l’apocalypse est proche (il a quand même visé bien juste en devinant qu’il faudrait affronter des températures subpolaires) et que la survie résidera dans l’adaptation à tout ce qui peut arriver (et pour ça, dans une capacité préservée à se déplacer sur toute la planète). Les événements étant précipité par le plan des Apocalypsters, l’embarquement dans le train se fait dans la précipitation, expliquant la surpopulation du train que l’on retrouvera dans Le Transperceneige.

J’ai bien aimé le dessin de Rochette, mais bon, le fond de l’histoire n’est pas passionnant. Les écoterroristes accélérationnistes sont très méchant, le milliardaire est très gentil, c’est quand même un peu court comme récit de l’apocalypse climatique. La nuance qu’on avait dans les premières pages avec les Wrathers qui utilisent la violence pour protéger les écosystèmes disparait très vite.

Shingeki no Kyogin, d’Hajime Isayama

Manga paru entre 2009 et 2021. Dans un univers début de Révolution industrielle, l’Humanité vit derrière trois murs concentriques, le reste de la Terre ayant été abandonné aux Titans, des créatures humanoïdes de plusieurs mètres de haut et anthropophages. Au début de l’histoire, un Titan beaucoup plus grand que les autres brise le mur extérieur, forçant l’Humanité à abandonner la majeure partie de son territoire et déclenchant chez le héros la volonté d’intégrer le bataillon d’exploration, unité de l’armée qui tente d’explorer le monde extérieur et de comprendre l’origine des Titans.

J’ai bien aimé. L’univers est assez sombre, très clairement militariste, avec des personnages principaux qui adoptent des postures fascistes par moment, mais l’histoire remet clairement leurs choix en question. L’histoire elle-même avance vite, avec des révélations et des péripéties qui s’enchainent sans temps morts ni combats qui s’éternisent.

(paragraphes qui divulgâchent en dessous du séparateur)

Continuer la lecture de Shingeki no Kyogin, d’Hajime Isayama

La Synagogue, de Joann Sfar

Bande dessinée française publiée en 2022. L’auteur raconte les années de son adolescence où il faisait partie du service de protection de la synagogue de Nice. Il parle de son rapport à la violence, de son rapport à son père (et du rapport de son père à la violence), et du rapport de la communauté juive (notamment française) à la violence infligée ou subie. Il revient aussi en parallèle sur le temps de l’écriture de la bande dessinée, dans les années 2020 après une hospitalisation à cause d’une infection par le covid-19. Il parle de grandir dans le sud-est de la France (Nice, précisément) dans les années 70-80, avec une extrême-droite qui ne se cache pas mais un souvenir de la seconde guerre mondiale qui reste vivace pour beaucoup de monde.

Ça part parfois un peu trop dans tous les sens, mais c’était un témoignage/une réflexion intéressante.

Baltimore, de Mike Mignola

Durant la première guerre mondiale, Henry Baltimore, un soldat anglais, blesse un vampire qui se nourrissait d’un soldat agonisant sur le champ de bataille. Cet événement déclenche une guerre entre l’Humanité et les forces surnaturelles, réveillées d’un long sommeil. Le comics va suivre les tribulations de Baltimore et de ses alliés à travers l’Europe pour tente de mettre fin aux différentes manifestations du surnaturel qui se déclenchent ici et là, alors que les vampires et des congrégations de sorcières préparent le retour du Roi Rouge, un Grand Ancien.

J’ai beaucoup aimé. J’ai les premiers tomes chez moi mais je n’avais jamais eu l’occasion de lire la seconde partie du comics, là j’ai tout relu d’un seul coup. J’aime beaucoup l’ambiance du comics et le dessin de Mignola. Le setup de la fin de la première guerre mondiale marche bien pour une histoire surnaturelle, et j’aime beaucoup le dessin de Ben Stenbeck, qui reprend bien le style de Mignola mais le rend plus lisible à mon sens (j’ai été moins convaincu par le dessin des autres dessinateurs mais je pense que c’est aussi une question d’habitude). Et les couleurs de Dave Stewart fonctionnent super bien avec l’ambiance de l’histoire.

Je recommande chaudement si vous aimez les trucs horrifiques.

It’s Lonely At the Centre of the Earth, de Zoe Thorogood

Comic autobiographique d’une dessinatrice anglaise, parlant de sa dépression, des attentes (les siennes et celles des autres) sur ce que vont être sa vie et son œuvre maintenant que son premier comic a connu du succès.

J’ai pas mal aimé. C’est assez méta, avec plusieurs styles de dessins qui s’entremêlent, plusieurs incarnation de Zoe qui s’interpellent les unes les autres, une tentative de rebooter la bédé de façon plus positive et linéaire à mi-chemin. Le côté introspectif (et dépressif) m’a fait penser à du Carrère, d’une certaine façon. La mise en récit graphique d’une dépression m’a aussi fait penser à C’est comme ça que je disparais, de Mirion Malle, mais j’ai préféré It’s lonely… dans sa mise en forme.