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Les derniers jours du parti socialiste, d’Aurélien Bellanger

Roman français paru en 2024. Aurélien Bellanger retrace une version fictionnalisée de la création du Printemps Républicain, renommé le mouvement du 9 décembre dans son ouvrage. On suit en parallèle les vies de Grémond (inspiré de Laurent Bouvet), Taillevent (Enthoven) et Frayère (Onfray). On croise pas mal d’autres personnages plus ou moins fictifs (le Président de la République, Sauveterre – avatar de Bellanger, Belgrand (anciennement apparu dans Le Grand Paris – ça me réjouit qu’il existe officiellement un Bellanger Extended Universe).

C’est intéressant de lire un truc qui parle du Printemps Républicain et j’attendais la sortie avec impatience, mais vu que le roman est raconté du pt de vue intérieur de personnages assez peu sympathiques (y’a de la distanciation évidemment, mais c’est du 4e degré), faut quand même s’accrocher. C’était intéressant à lire, mais pas forcément son plus réussi, on est un peu trop le nez sur des événements (et les envolés lyriques de Bouvet ou Blanquer sur la laïcité, c’est quand même pas le sujet le plus passionnant du monde).

Après ce qui est trippant c’est évidemment la réception du bouquin, notamment avec Enthoven qui dit que c’est n’importe quoi parce que la date donnée dans le bouquin pour sa rencontre avec Onfray c’est la date à laquelle ils ont arrêté de se parler, ce qui prouve bien que Bellanger a tout inventé – il est à deux doigts de découvrir le concept de fiction, c’est touchant.

Un passage assez marrant où Sauveterre est invité à l’Élysée pour s’entretenir avec le président et envisage de le tuer avec la fourchette du dîner, avant de s’apercevoir que vu l’heure il n’est pas invité à dîner et que la pièce est donc « dépouillée de tout ces imaginatifs couverts ».

Pour celleux qui aiment déjà Bellanger (ou qui détestent déjà le Printemps Républicain, ça marche aussi).

Paresse pour tous, d’Hadrien Klent

Je n’avais pas été fan de La Grande Panne, du même auteur, mais j’ai bien aimé ce livre-ci. En 2020, alors que la France se déconfine, Émilien Long, prix Nobel d’économie, publie un ouvrage intitulé Le Droit à la paresse au XXIe (toute ressemblance avec un titre de Piketty est volontaire), démontrant qu’il serait possible de passer à une semaine de travail de 15h sans perdre en niveau de vie, en mettant en œuvre un programme de redistribution de la plus-value du travail plutôt que de la laisser capter par le Capital.

Émilien va fédérer une équipe atypique autour de lui, qui va construire sa campagne présidentielle pour porter cette thématique révolutionnaire à l’élection de 2022. Mais se lancer dans une campagne présidentielle, c’est travailler bien plus que 3h par jour, et si le thème l’enthousiasme, Émilien n’est pas sûr de vouloir s’engouffrer dans une aventure aussi prenante…

Ça se lit vite, et la forme romancée marche bien pour faire avancer la thèse de l’auteur. Il n’y a pas de grande démonstration chiffrée de la réalité de la possibilité d’arriver à ce chiffre de 15h précisément, mais on sent que la proposition d’une réduction massive du temps de travail n’est pas faite dans le vide non plus. L’ancrage dans la vie politique réelle fonctionne bien. Elisabeth Crayeville en ministre de l’économie macroniste, fusion de plusieurs macronistes réel.les est assez réussie. Le roman retranscrit bien le côté peace de l’équipe de campagne et de son héros, on a envie d’y croire (bon, ça fait un peu l’impasse sur le paysage médiatique français d’extrême-droite les médias ici c’est Le Monde, YouTube et un présentateur de JT d’une grande chaine hertzienne qui s’est installé à la campagne, c’est plutôt bienveillant (les plus pugnaces à la limite c’est l’interview improbable par un quatuor CQFD/Lundi Matin/Pièces et Mains d’Oeuvre/Panthère Première).

Recommandé pour un truc politico-peace.

Âge Tendre, de Clémentine Beauvais

Roman français publié en 2020. Dans un futur proche, la France a mis en place un stage dans le monde du travail d’un an entre la troisième et la seconde, le service civique, ou « serci ». Le roman est composé du rapport de stage de Valentin Lemonnier, albigeois introverti envoyé travailler à Boulogne-sur-mer dans une unité Mnémosyne, une maison de retraite médicalisé qui recrée l’environnement de la jeunesse des pensionnaires. Sur place, il va découvrir la discographie de Françoise Hardy, la vie en colocation, les responsabilités professionnelles et les zones grises dans les relations interpersonnelles. Ce qui devait être un rapport de 30 pages va en devenir un de 250 pages, qui raconte dans le détail son évolution au cours de l’année.

J’ai beaucoup aimé. La forme du rapport de stage est bien retranscrite, et le fait de dire que le rédacteur du rapport doit intégrer des notes rétrospectives permet d’avoir une distanciation dans l’écriture assez intéressante. La révélation progressive de l’histoire de Sola est très bien faite. Le roman est globalement très bienveillant avec ses personnages, c’est très sympa à lire.

Je recommande.

Vaisseau d’Arcane, d’Adrian Tomas

Roman de fantasy française paru en 2020. Dans un monde où l’Arcane (la magie) peut prendre plusieurs formes, Solal, journaliste prometteur, est frappé par un éclair d’Arcane, qui le transforme en Touché : sa personnalité a été effacée, mais il peut générer de l’énergie magique, à la base du fonctionnement de toute l’industrie du Grimmark, à volonté. Les autorités veulent logiquement le récupérer comme tous les autres Touchés pour le mettre au travail, mais sa sœur est persuadée que sa personnalité est encore là, simplement en sommeil. Elle va donc s’enfuir avec lui et découvrir le monde et les secrets derrière le gouvernement du Grimmark…

J’ai pas été très fan. L’univers est original (mention spéciale à la variation sur les orcs), mais l’écriture et les personnages ne m’ont pas trop touchés : y’a un côté enfantin/comique dans la façon dont sont présentés les enjeux et les relations entre personnages (l’ambassadeur naïf, l’infirmière dont la colère fait reculer un assassin) qui je trouve colle assez mal avec le côté « fantasy de la révolution industrielle » et « assassinats politiques » (et après avoir lu La Ville au plafond de verre qui traite les mêmes thèmes plus finement, c’est sûr qu’il pâtit de la comparaison).

La Coureuse, de Maïa Mazaurette

Roman français paru en 2012. Je l’avais lu à sa sortie et je voulais savoir si je le gardais dans ma bibliothèque vu que je n’en avais pas beaucoup de souvenir. Globalement, l’histoire raconte une année de relation entre Maïa, française et pigiste qui rédige la chronique sexologie de magazines, et Morten, entrepreneur danois qui gagne beaucoup beaucoup d’argent. Maïa a tendance à passer de relation en relation, Morten sait toujours ce qu’il veut et considère que puisqu’il a choisi d’être en couple avec Maïa c’est forcément le bon choix et qu’ils passeront leur vie ensemble. Il est contrôleur, fait dans le negging, bref c’est un connard mais il est beau et incroyablement riche. En fait on est sur un bouquin de romance très très classique, la seule différence étant que Maïa considère avoir pas mal d’agency et d’expérience. Ok, mais elle est aussi amoureuse, séduite par le luxe, donc on renverse pas trop les schémas non plus. Ça se lit bien mais ça n’a rien d’extraordinaire.

Le Cœur cousu, de Carole Martinez

Roman publié en 2007. Dans l’Espagne et le Maghreb du début du XXe siècle, on suit la vie de Frasquita, femme issue de la paysannerie. Lors de la Semaine Sainte suivant ses premières règles, sa mère lui as transmis des prières permettant d’exécuter des miracles plus ou moins mineurs, et une boite contenant un don : dedans, Frasquita a trouvé un nécessaire de couture, qui va faire d’elle une couturière hors pair, un don qui ne va pas forcément lui porter chance. L’une après l’autre, toutes les filles de Frasquita vont trouver un don ambivalent dans la boîte, et on va suivre ces deux générations de femmes l’une après l’autre.

J’ai beaucoup aimé. C’est du réalisme magique très réussi dans son écriture, on est accroché à la vie de Frasquita et de ses filles, aux différentes péripéties qui rythment son mariage puis son errance, à la puissance de la magie qu’elle peut invoquer sans pour autant maîtriser ses effets.

Recommandé.

Et vous passerez comme des vents fous, de Clara Arnaud

Roman français de 2023. Le roman raconte une saison d’estive dans les Pyrénées ariégeoises. On suit le point de vue de Gaspard, berger pour un groupement pastoral qui s’occupe de 800 bêtes et tente d’oublier la tragédie de sa dernière estive, et Alma, une éthologue qui étudie le comportement d’une ours qui va bientôt être désignée comme « ours à problème » à cause de ses attaques répétées sur les troupeaux.

J’ai bien aimé. Au début j’avais l’impression de lire un truc que j’avais déjà lu dix fois, entre du Morizots et Entre Fauves, mais finalement le roman (enfin son autrice, I guess) a une voix propre. Les personnages sont plus subtils que dans Entre Fauves, notamment. La relation des personnages à la montagne est bien décrite, je m’y retrouve en tous cas.

Je recommande.

Triste Tigre, de Neige Sinno

Autofiction française publiée en 2023. L’autrice raconte les viols que son beau-père lui a fait subir pendant plusieurs années durant son enfance, sa décision de le dénoncer, la tenue du procès, et son ressenti par rapport à tous ces événements et sa vie désormais. Logiquement ce n’est pas vraiment une lecture facile, mais c’est à la fois un témoignage fort, une réflexion sur la possibilité de dépasser sur certains points ces événements et de savoir sur d’autres que ce ne sera jamais du passé, et une étude sur ce que d’autres œuvres littéraires disent de l’inceste ou du traumatisme, et ce que peut la littérature par rapport à l’inceste (pas grand chose).

Je recommande.

Histoires de la Nuit, de Laurent Mauvignier

Roman français sorti en 2020. Les Bergogne s’apprête à fêter ses 40 ans de Marion, la mère de famille qui travaille dans une imprimerie. Fête en petit comité, les deux parents et leur fille, la voisine, deux collègues de Marion. Le couple bat de l’aile, il n’y a plus de compréhension entre Marion et Patrice. La fête va soudain être perturbée par le surgissement de personnages issus du passé d’un des participants, qui demandent des comptes.

C’était assez sombre. J’ai bien aimé le style d’écriture, mais ça délaie pas mal, l’auteur fait des tours et détours pour arriver à la conclusion d’une histoire finalement assez simple.

Sympa si vous aimez les thrillers.

Vipère au poing, d’Hervé Bazin

Roman français paru en 1948. Dans la France de l’entre-deux-guerres, Jean Rezeau et son frère, issus d’une famille catholique conservatrice, sont élevés par leur grand-mère, leurs parents étant à Shanghai où le père enseigne dans une université. La mort de la grand-mère va ramener les parents en France. Les enfants vont découvrir que leur mère est cruelle, leur imposant des corvées sans cesses croissantes, leur refusant le chauffage dans leur chambre, de sortir d’un périmètre restreint, d’avoir de nouveaux habits… Le père désapprouve ces sévices, mais sans s’y opposer. Le roman va raconter l’affrontement entre Jean et sa mère, jusqu’à ce qu’il réussisse à faire accepter sa mise en pension au collège à la place de l’éducation à la maison qui avait prévalu jusqu’alors.

J’ai bien aimé. C’est un classique de la littérature française que je n’avais encore jamais lu, qui décrit une éducation catholique et un sens du maintien de sa position – dont je dirai bien qu’elles ont disparu aujourd’hui, mais je ne suis pas tout à fait sûr que ça ne persiste pas en Vendée ou au lycée Stanislas – mais en tout cas une éducation qui n’a rien à voir avec ce que j’ai pu connaitre, sans même ajouter les rapports familiaux plus que dysfonctionnels.