Archives par mot-clé : roman français

Le Cœur cousu, de Carole Martinez

Roman publié en 2007. Dans l’Espagne et le Maghreb du début du XXe siècle, on suit la vie de Frasquita, femme issue de la paysannerie. Lors de la Semaine Sainte suivant ses premières règles, sa mère lui as transmis des prières permettant d’exécuter des miracles plus ou moins mineurs, et une boite contenant un don : dedans, Frasquita a trouvé un nécessaire de couture, qui va faire d’elle une couturière hors pair, un don qui ne va pas forcément lui porter chance. L’une après l’autre, toutes les filles de Frasquita vont trouver un don ambivalent dans la boîte, et on va suivre ces deux générations de femmes l’une après l’autre.

J’ai beaucoup aimé. C’est du réalisme magique très réussi dans son écriture, on est accroché à la vie de Frasquita et de ses filles, aux différentes péripéties qui rythment son mariage puis son errance, à la puissance de la magie qu’elle peut invoquer sans pour autant maîtriser ses effets.

Recommandé.

Et vous passerez comme des vents fous, de Clara Arnaud

Roman français de 2023. Le roman raconte une saison d’estive dans les Pyrénées ariégeoises. On suit le point de vue de Gaspard, berger pour un groupement pastoral qui s’occupe de 800 bêtes et tente d’oublier la tragédie de sa dernière estive, et Alma, une éthologue qui étudie le comportement d’une ours qui va bientôt être désignée comme « ours à problème » à cause de ses attaques répétées sur les troupeaux.

J’ai bien aimé. Au début j’avais l’impression de lire un truc que j’avais déjà lu dix fois, entre du Morizots et Entre Fauves, mais finalement le roman (enfin son autrice, I guess) a une voix propre. Les personnages sont plus subtils que dans Entre Fauves, notamment. La relation des personnages à la montagne est bien décrite, je m’y retrouve en tous cas.

Je recommande.

Triste Tigre, de Neige Sinno

Autofiction française publiée en 2023. L’autrice raconte les viols que son beau-père lui a fait subir pendant plusieurs années durant son enfance, sa décision de le dénoncer, la tenue du procès, et son ressenti par rapport à tous ces événements et sa vie désormais. Logiquement ce n’est pas vraiment une lecture facile, mais c’est à la fois un témoignage fort, une réflexion sur la possibilité de dépasser sur certains points ces événements et de savoir sur d’autres que ce ne sera jamais du passé, et une étude sur ce que d’autres œuvres littéraires disent de l’inceste ou du traumatisme, et ce que peut la littérature par rapport à l’inceste (pas grand chose).

Je recommande.

Histoires de la Nuit, de Laurent Mauvignier

Roman français sorti en 2020. Les Bergogne s’apprête à fêter ses 40 ans de Marion, la mère de famille qui travaille dans une imprimerie. Fête en petit comité, les deux parents et leur fille, la voisine, deux collègues de Marion. Le couple bat de l’aile, il n’y a plus de compréhension entre Marion et Patrice. La fête va soudain être perturbée par le surgissement de personnages issus du passé d’un des participants, qui demandent des comptes.

C’était assez sombre. J’ai bien aimé le style d’écriture, mais ça délaie pas mal, l’auteur fait des tours et détours pour arriver à la conclusion d’une histoire finalement assez simple.

Sympa si vous aimez les thrillers.

Vipère au poing, d’Hervé Bazin

Roman français paru en 1948. Dans la France de l’entre-deux-guerres, Jean Rezeau et son frère, issus d’une famille catholique conservatrice, sont élevés par leur grand-mère, leurs parents étant à Shanghai où le père enseigne dans une université. La mort de la grand-mère va ramener les parents en France. Les enfants vont découvrir que leur mère est cruelle, leur imposant des corvées sans cesses croissantes, leur refusant le chauffage dans leur chambre, de sortir d’un périmètre restreint, d’avoir de nouveaux habits… Le père désapprouve ces sévices, mais sans s’y opposer. Le roman va raconter l’affrontement entre Jean et sa mère, jusqu’à ce qu’il réussisse à faire accepter sa mise en pension au collège à la place de l’éducation à la maison qui avait prévalu jusqu’alors.

J’ai bien aimé. C’est un classique de la littérature française que je n’avais encore jamais lu, qui décrit une éducation catholique et un sens du maintien de sa position – dont je dirai bien qu’elles ont disparu aujourd’hui, mais je ne suis pas tout à fait sûr que ça ne persiste pas en Vendée ou au lycée Stanislas – mais en tout cas une éducation qui n’a rien à voir avec ce que j’ai pu connaitre, sans même ajouter les rapports familiaux plus que dysfonctionnels.

Les Petites Reines, de Clémentine Beauvais

Roman jeunesse français de 2015. Mireille Laplace est une adolescente vivant à Bourg-en-Bresse. Son ancien ami d’enfance décerne tous les ans un prix de la fille la plus moche de son collège, qu’elle « gagne » régulièrement. Cette année, décidée à ne pas se laisser faire quand elle voit l’effet de ce prix sur les deux autres filles nommés, elle décide de réclamer le stigmate et de faire avec les deux autres Bourg-en Bresse Paris à vélo en vendant du boudin selon la recette ancestrale de ses grands parents. Objectif secret : réussir à squatter la garden-party de l’Elysée, pour mettre le premier Homme devant le fait qu’il est son père biologique, assister au concert d’Indochine qui sera donné et taper un scandale devant la remise de la légion d’honneur à un général, responsable de la mort de soldats lors d’une opex. L’épopée des trois filles va enflammer la France en manque de nouvelles lors de cette période estivales, et leur permettre de réaliser la force de la sororité.

C’était cool à lire, sans surprise c’était féministe, les personnages sont réussis, le tout à une petite vibe contes de fées revisité (globalement les trois héroïnes vont au bal du roi, même si là c’est la garden-party de l’Élysée). Recommandé, notamment pour vos nièces et neveux au bon âge, mais aussi pour les adultes.

La Légende, de Philippe Vasset

Roman français paru en 2016. On suit un ancien moine défroqué, qui dirigeait le dicastère pour la cause des saints, l’organe du Vatican en charge de l’instruction des dossiers de béatification. En désaccord avec l’orientation très prosaïque donnée au travail du dicastère, lui rêve de saints flamboyants, d’histoires de repentir gigantesques, qu’il juge plus à même d’impressionner et d’inspirer les fidèles. Il va faire la rencontre d’une femme et peu à peu s’éloigner du dogme pour organiser un culte alternatif, en suivant l’exemple d’un moine du XXe siècle qui avait unilatéralement proclamé sainte une femme qui disait converser avec la Vierge sans aucune preuve ni miracle. Le récit principal est interrompu par des vies de « saints » moderne, comme Azyle qui taggue inlassablement son blaze sur les métros parisiens ou Urbain, mort sur des centaines de camps de migrants et enterré sur place, sanctuarisant le lieu par rapport aux pouvoirs publics qui n’osent plus y toucher.

J’ai beaucoup aimé, comme toujours avec Vasset. Son écriture sur le sacré profane, c’est exactement ma came. Je recommande.

Malevil, de Robert Merle

Roman post-apocalyptique français paru en 1972. En 77, une explosion nucléaire (de ce qu’en suppose les personnages, mais ce n’est jamais confirmé) dévaste la Terre. Dans un château fort du Périgord, une bande d’ami d’enfance a survécu, abrités par la cave du château et par la falaise surplombante (roman typiquement français, les personnages sont sauvés parce qu’ils sont allés embouteiller du vin). Peu à peu, ils vont organiser leur survie, reprendre des relations avec les quelques survivants du village voisin, discuter organisation spirituelle…

J’ai beaucoup aimé. C’est fort cool d’avoir un point de vue français et des années 70s sur le post-apo vu le revival actuel. Tout est loin d’être parfait dans ce roman (déjà, la place des femmes est désastreuse, même s’il y a des personnages féminins (la Menou) très réussis, ça sort quand même pas beaucoup de la dichotomie maman/putain) ; mais c’est une lecture prenante, selon un dispositif intéressant : le récit correspond à un texte laissé par Emmanuel, le leader de fait de la communauté de Malevil, qui relate sa jeunesse puis la vie après l’événement. De temps en temps, son récit est interrompu par des « notes » de Thomas, un autre personnage, qui a pris la tête de la communauté après la mort d’Emmanuel et amende le récit d’Emmanuel, qui mets sous le tapis certains points. Le thème de l’affrontement ou de la collaboration des pouvoirs spirituels et temporels et du dévoiement de ces pouvoirs (que ce soit les actions de Fulbert et Vilmain, adversaires extérieurs bien visibles), ou celui de Colin ou d’Emmanuel lui-même, qui prônent une démocratie qui est quand même bien alignée derrière leur leadership est bien mis en scène. Les tensions entre croyants et athée, militant au PC et traditionalistes, ruraux et urbains (et ceux qui parlent ou non le patois) fonctionnent bien aussi.

Je recommande.

Le Rapport de Brodeck, de Philippe Claudel

Roman français paru en 2007. Dans un village perdu en montagne, un crime a été commis, par l’ensemble des hommes du village. Brodeck est chargé d’en relater les circonstances, dans un rapport pour l’administration, pour expliquer les motivations des hommes. Mais en parallèle, il va rédiger un autre document, sa vision personnelle des choses à la fois sur le crime, sur les habitant.es du village et sur les événements qui ont agité le pays et sa vie. Parce que Brodeck occupe une place particulière dans le village. Rescapé enfant d’un pogrom où ses parents sont morts, il n’est pas originaire du village, il a été envoyé à la ville pour y avoir une éducation, et surtout, dénoncé aux occupants, il a vécu l’horreur dans un camp de concentration. Alors quand le village décide de tuer l’Anderer parce que sa différence est insupportable, Brodeck voit bien que c’est une fois de plus les mêmes vieux mécanismes qui sont à l’œuvre.

J’avais déjà lu l’adaptation en BD par Manu Larcenet, mais le livre est très bien aussi. Le style rend bien le petit village isolé et l’Europe sans aucun nom de pays ou de référence à des peuples ou événements mais qui est clairement la nôtre. Les descriptions sont très vivantes.

Je recommande, mais c’est tout sauf joyeux.

Les Rois maudits, de Maurice Druon

Fresque historique en 7 tomes, sur les intrigues politiques autour de la couronne de France à partir de Philippe Le Bel. On va suivre au travers du règne (souvent bref) de plusieurs rois les conséquences de plusieurs machinations politiques et prétentions à la couronne. Le roman prend pour point de départ la malédiction lancée par les derniers templiers au roi de France et à ses descendants, pour aboutir à la guerre de cent ans.

C’était très bien, ça se lit vite est c’est un vrai page-turner, bien écrit et prenant. Un petit bémol sur le tome 7, qui a été écrit bien après les autres, et ça se sent : le 6 finit par un épilogue après la mort d’un des personnages principaux, le 7 raconte la suite avec une narration différente (le récit d’un cardinal pendant un voyage) et avec un titre qui ne suit pas la même convention de nommage. Mais c’est un détail. Dans l’ensemble la série est très intéressante, réussit à rendre prenante une période que personnellement je connaissais très mal (bon par contre c’est clairement l’histoire via les grands hommes, mais ça permet aussi de l’incarner).