Archives par mot-clé : fantasy

Vaisseau d’Arcane, d’Adrian Tomas

Roman de fantasy française paru en 2020. Dans un monde où l’Arcane (la magie) peut prendre plusieurs formes, Solal, journaliste prometteur, est frappé par un éclair d’Arcane, qui le transforme en Touché : sa personnalité a été effacée, mais il peut générer de l’énergie magique, à la base du fonctionnement de toute l’industrie du Grimmark, à volonté. Les autorités veulent logiquement le récupérer comme tous les autres Touchés pour le mettre au travail, mais sa sœur est persuadée que sa personnalité est encore là, simplement en sommeil. Elle va donc s’enfuir avec lui et découvrir le monde et les secrets derrière le gouvernement du Grimmark…

J’ai pas été très fan. L’univers est original (mention spéciale à la variation sur les orcs), mais l’écriture et les personnages ne m’ont pas trop touchés : y’a un côté enfantin/comique dans la façon dont sont présentés les enjeux et les relations entre personnages (l’ambassadeur naïf, l’infirmière dont la colère fait reculer un assassin) qui je trouve colle assez mal avec le côté « fantasy de la révolution industrielle » et « assassinats politiques » (et après avoir lu La Ville au plafond de verre qui traite les mêmes thèmes plus finement, c’est sûr qu’il pâtit de la comparaison).

Le Sang des Princes, de Romain Delplancq

Roman de fantasy français en 2 tomes, parus en 2016 et 2019. On est dans le même univers que dans La Ville au plafond de verre, mais pas dans le même pays ni la même époque. Nous sommes en Slasie, un pays féodal où la famille ducale des Spadelpietra va marier l’héritier du titre à la famille royale. Les Spadelpietra sont des modèles de vertu : adulés par le peuple, ils ont mis fin à la corruption qui était le lot des familles nobles jusqu’ici. Dépensant sans compter pour construire des moulins, des fontaines, des relais de poste, il semble pourtant qu’une partie de la famille est prête à mettre toute cette image publique aux orties pour mettre la main sur l’auteur de tableau qui semblent terrifier les chefs de famille. En parallèle, les clans austrois, des ingénieurs et artistes nomades, accueillent un peintre qui a dû quitter le monastère qui l’hébergeait en catastrophe, et découvrent que certains secrets de leur art semble avoir été découverts par des populations sédentaires, remettant en cause l’équilibre des pouvoirs entre les différents royaumes et nations où ils voyagent…

C’était assez cool, j’ai bien aimé le lire après La Ville… et avoir une autre visions sur le dynamon et ses usages. L’univers est original et bien construit, on s’y plonge vite. La résolution est assez rapide, mais c’est toujours un truc compliqué à faire dans de la fantasy un peu épique. A part ça, on arrive bien à s’y retrouver dans toute une galerie de personnages bien caractérisés, la géographie est relativement claire, les mécanismes « magiques » originaux et clairs.

Recommandé si vous aimez l’epic fantasy à la sauce Renaissance avec une touche de steampunk.

La ville au plafond de verre, de Romain Delplancq

Roman de fantasy français paru en 2023. Korost est la capitale économique des Trois Terres, dont la richesse est assise sur la maîtrise des techniques de forge de l’arnoire par la classe bourgeoise. Ce métal, correctement forgé, est capable de réagir à la lumière du soleil pour produire de l’énergie alimentant des machines. Mais Korost est aussi la cité des verriers, ces ouvriers qui soufflent les ouvrages permettant de canaliser la lumière du soleil vers les mécanismes d’arnoire. Et les verriers, rassemblés en soviet velast, en ont assez de ne récupérer que des miettes de la richesse de la ville. On va suivre le destin de trois personnages de trois classes sociales différentes qui vont traverser les troubles politiques et militaires d’une cité en pleine révolution industrielle.

J’ai beaucoup aimé, et ça vaut le coup de le lire sans en savoir davantage.

Divulgâchage ci-dessous

Damsel, de Juan Carlos Fresnadillo

Film Netflix paru en 2024. C’était mauvais de façon semi-intéressante et très clairement netflixienne, je dirais. Monde de fantasy générique. Elodie est l’héritière d’un royaume sans ressources dans la toundra. Surprise, la famille royale d’Auria, royaume richissime vient demander sa main contre une dot importante, qui sortira son peuple bien aimé de la misère. Sa famille accepte l’offre, pour découvrir qu’il s’agissait d’un piège sinistre : génération après génération, le royaume d’Auria sacrifie ses princesses à un dragon. Mais Elodie ne va pas se laisser faire, et réussir à déjouer le sort et vaincre le dragon…

C’est clairement un film qui a été généré par algorithme. Une bonne inspiration Game of Thrones (le père d’Élodie, règne sur un royaume glacé et à le look de Ned Stark, il y a une princesse qui se bat contre puis apprivoise un dragon, la famille royale d’Auria a ce dragon pour emblème…), une pincée de Frozen pour les deux princesses sœurs dont l’amour sororal va triompher de tous les obstacles, une storyline pour l’héroïne qui sonne Rise of the Tomb Raider dans le côté meuf qui se fait trainer dans la boue (littéralement) et souffre dans son corps mais va vaincre l’adversité grâce à sa détermination inébranlable, quelques acteurs célèbres (Robin Wright surtout), mais pas des masses d’acteurs en tout parce que ça coûte moins cher (ce qui se voit un peu sur les scènes de mariage princier), beaucoup d’effets spéciaux parce que ça coute moins cher que de tourner en décors réels… Globalement il y a plein de défauts très apparents, mais y’a quand même quelques trucs réussis dedans. Revenir à l’histoire des meufs qui sont sacrifiées aux dragons, ça marche bien. La sororité des princesses (pas Elodie et sa soeur, plutôt les messages que se laissent les différentes princesses sacrifiées au dragon) fonctionne bien, tout l’environnement de la caverne fonctionne bien (avec un côté jeu vidéo dans sa construction, jusqu’à la map laissé par une autre princesse, mais qui est clairement assumé) et la partie chat et souris avec le dragon au début. Le dragon comme métaphore du patriarcat est peut-être un peu heavy-handed mais ça fonctionne quand même pas mal, avec Auria qui est un royaume qui se construit sur le sacrifice des femmes des royaumes voisins (limite un petit côté Thésée et le minotaure), donc finalement une puissance coloniale (qui a en plus réécrit sa propre histoire dans les deux sens : en prétendant être victime du dragon alors qu’ils sont responsables de la situation et en faisant croire au dragon que ce sont les filles de la lignée régnante qui lui sont sacrifiées). Je note aussi la tentative de subvertir le trope de la evil stepmother, qui est immédiatement contre-subverti en remettant une seconde stepmother tout à fait officiellement evil.

Bref, pas ouf, mais des trucs à sauver, ce qui en fait un film finalement plus intéressant qu’un truc totalement vanilla.

Le Chevalier aux Épines, de Jean-Philippe Jaworski

Série de roman de fantasy en trois tomes, dont le dernier n’est pas encore sorti. On retrouve l’univers du Vieux Royaume, plus précisément le duché de Bromael. Suite à la décision du duc de répudier sa femme et de se remarier avec la fille du Podestat de Ciudalia, les fils du duc organisent un tournoi pour défendre les couleurs de leur mère, entrant ainsi en rébellion feutrée contre leur père. Cet affront a lieu alors que le duc souhaite mener une campagne militaire contre les clans Ouroumands, que de la nécromancie fait sa réapparition dans le Duché et que des Elfes semblent enlever des enfants…

J’ai beaucoup aimé, surtout le premier tome. Dans le second on retrouve le point de vue de Benvenuto Gesufal, le narrateur de Gagner la Guerre, qui est gouailleur mais un peu trop cynique pour nous faire totalement vibrer en empathie. Dans le premier tome par contre, on suit plusieurs points de vue mais les principaux appartiennent tous à des chevaliers de Bromael, qui ont une vision très « amour courtois et intrigues de cour ». C’est très bien écrit, avec des descriptions qui font qu’on s’immerge dans le pays, et avec de beaux effets de style : on va par moment adopter le point de vue d’une rivière, d’un chat ou d’anguilles pour passer d’un lieu à un autre. On a aussi une énigme sur l’identité du narrateur de toute l’histoire (qui relate depuis une mystérieuse maison la chronique de la Guerre des deux duchesses, et qui est allé demander ses souvenirs à Benvenuto, ce qui forme la matière du second tome). L’intrigue fonctionne bien, les rebondissements, les différents fils narratifs et même ce qui se cache dans les ellipses est prenant.

[EDIT 02/2024 suite à lecture du 3e tome] On retrouve dans ce tome le style du premier. On suit très majoritairement le point de vue d’Ædan de Vaumacel, le chevalier aux Épines du titre, qui s’accroche aux valeurs chevaleresques (au point d’en agacer fortement ses interlocuteurices qui voudraient souvent plus que des déclarations de principe) et sa loyauté partagée entre plusieurs dames qu’il sert. L’action est relativement resserrée par rapport aux premiers tomes, puisqu’après une première partie autour de Vekkinsberg, l’essentiel de l’action va se concentrer autour du château de Vayre, ses cours, ses souterrains, ses toitures et sur quelques jours. C’est très prenant (j’ai lu les 500 pages sur 2 jours), mais pas grand chose n’est résolu à la fin, tbh. Ce qui est logique pour un roman qui se présente comme la chronique des retournements politiques d’un pays, mais j’avoue une certaine frustration à ne pas avoir les tenants et aboutissants des affrontements entre les différentes factions, ni de certitudes sur l’identité du narrateur. Ça manque d’un tome 4, à mon sens (en ce moment, clairement je suis preneur de tout ce que Jaworski écrit, et je vais me remettre à lire Les Rois du Monde.) Mais même sans résolution, tout le roman se lit très bien, c’est toujours super bien écrit, super puissance d’évocation pour plonger dans des embrouilles politiques ou des lieux avec une géographie compliquée.

Je recommande fortement.

The Killing Moon, de NK Jemisin

Roman de fantasy publié en 2012. Dans un pays de fantasy inspiré par l’Égypte antique, les prêtres de la Déesse des Rêves peuvent recueillir les rêves des gens pour alimenter une magie de guérison. Un tribut en rêves est donc requis de tous les habitants du pays, et une caste spéciale de prêtres va récupérer les rêves de ceux qui refusent de les transmettre ou qui sont incapables de le faire car trop malade ; dans ce cas, la collecte des rêves se solde par la mort du rêveur. Ces prêtres servent aussi d’exécuteurs de justice, éliminant les personnes « mauvaises ». Mais comme tout système, celui ci peut être détourné, et va être mis au profit des ambitions du prince du pays…

Pas très convaincu, y’a des faiblesses d’écriture et des longueurs. Au delà des prêtres, le pays n’est pas très incarné, et tous les personnages ressemblent à des archétypes plus qu’à des personnes particulières.

Article invité : Babel or the necessity of violence, de R.F. Kuang

C’est la semaine des articles invités ! Cette fois-ci, une recension de roman par Stram.

Babel or the necessity of violence est un roman sur le colonialisme et le racisme systémique, avec des héro.ines racisé.es dans une réalité parallèle en 1830, où le charbon et l’électricité ont été remplacés par la science de la traduction et un matériau magique, « l’argent ».

Sur le papier, ça a l’air vraiment très chouette. Et pourtant je n’ai pas vraiment accroché et je n’arrive pas à trouver la raison. Je pense que c’est un mélange de pleins de petits trucs : les longueurs (le livre est vraiment long), l’impression de lire un essai politique plutôt qu’un roman à certains endroits, l’intrigue assez prévisible et la sous-utilisation de la magie (en fait, il y a juste à remplacer tout ce qui a trait à l’argent par le charbon ou l’électricité et on retombe dans la réalité des années 1830 que l’on connaît).

Je serais intrigué d’avoir d’autres avis sur ce livre en tout cas. Car ça fait quand même plaisir d’avoir un roman qui parle très justement à la fois de racisme systémique, du capitalisme à l’ère industrielle, du colonialisme et du rôle de la science et des scientifiques dans tout ça.

She who became the sun, de Shelley Parker-Chan

Roman de fantasy historique publié en 2021. Dans la Chine du 14e siècle sous domination mongole, une fille née dans un village reculé va s’emparer du destin promis à son frère, mort lors d’une famille. Déguisée en homme, elle va intégrer un monastère, puis rejoindre les insurgés, pour finalement prendre la tête de la rébellion contre le règne mongole.

Ça commençait bien et puis c’était sympa de lire de la fantasy basée sur autre chose que le Moyen-Âge européen, mais je trouve que y’a beaucoup trop de longueurs. Toute la partie une fois que Zhu est sortie du monastère, on se fait un peu chier le temps qu’elle réussisse ses manœuvres au sein des turbans rouges.

Dungeons & Dragons: Honor Among Thieves, de Jonathan Goldstein et John Francis Daley

Film de fantasy états-unien sorti en 2023 et adopté du jeu de rôle Donjons et Dragons. On suit une bande de voleurs au grand cœur qui tentent de récupérer dans le coffre de leur ancien associé une tablette de résurrection et la fille de l’un d’entre eux (oui ça fait très Ocean’s Eleven).

Beaucoup d’images de synthèse, des donjons, des dragons, des mimiques, des paladins agaçants, des sorciers maléfiques, des bons sentiments, globalement c’est ce que j’attendais. C’est pas un film qui restera dans les annales du cinéma, mais on passe un bon moment devant, c’est de la fantasy à grand spectacle réussie, ça m’allait très bien comme film du dimanche soir.

Sorcerer to the Crown, de Zen Cho

Roman de fantasy publié en 2015. Le récit se déroule dans l’Angleterre des années 1800, une Angleterre où la magie existe. On suit Zacharias Wythe, depuis peu possesseur du titre de Royal Sorcerer (le premier de tous les sorciers, en gros) et Prunella Gentleman, une orpheline avec des capacités innées pour la magie. Zacharias est noir et Prunella est une femme à moitié asiatique : dans l’Angleterre des années 1800s ce sont d’excellentes raisons de considérer qu’ils ne devraient certainement pas avoir les prétentions et les positions qu’ils ont. L’intrigue détaille comment ils vont ensemble enquêter sur puis remédier à la baisse des niveaux de magie ambiante en Angleterre et aux tentatives d’assassinat sur Zacharias, sur fond de conflit colonial militaire et diplomatique entre l’Angleterre et un sultanat d’Asie du Sud-Est.

C’était sympa dans le genre « regency magic », mais ça n’a pas complétement cliqué pour moi. Si je n’ai pas passé un mauvais moment à lire ce livre, je n’ai pas été transporté non plus, c’est un peu trop boilerplate. Les héros sont héroïques, les circonstances sont adverses. Même si l’environnement est intéressant et que c’est cool d’avoir une réflexion sur les inégalités structurelles dans ce cadre, ça ne suffit pas, à mon sens il aurait fallu des personnages plus incarnés pour que le roman fonctionne vraiment.