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Our Flag Means Death, de David Jenkins

Série télé de 2022. On suit les aventures d’une version fictive de Stede Bonnett, un propriétaire terrien de la Barbade qui a abandonné sa vie à terre pour devenir un pirate. On suit notamment sa relation avec Barbe-Noire, la fascination qu’ils exercent l’un sur l’autre puis la romance qui se développe entre eux.

J’ai beaucoup aimé. Il y a un côté très théâtral dans le côté « low-budget » de la série, où c’est souvent 10 personnes sur un bateau perdu au milieu de l’océan. La série a un ton comique, pas du tout historique. On s’attarde surtout sur les émotions des personnages et leurs relations, le décalage entre les attentes de Bonnett et la réalité de la vie de pirate (et comment c’est sa vision qui finit par s’imposer). Taika Waititi est excellent dans le rôle de Barbe-Noire, il a un magnétisme incroyable. Globalement, tous les rôles (et les relations entre les persos) sont très réussis, mention spéciale à Israel Hands qui a l’air de Malcolm de The Thick of It perdu dans un univers où tout le monde ignore ses tentatives d’intimidation.

Grosse recommandation, et j’espère qu’il y aura une seconde saison.

EDIT 2023 :

Il y a eu une seconde saison (mais vu sa conclusion c’est probablement la dernière, ce qui est pas mal narrativement pour éviter que ça ne s’épuise) ! Démarrage un peu lent avant que les persos principaux ne soient réunis, le côté pétage de câble total de Barbe-Noire est bien réussi. Tout le monde est encore plus choupi et gay que dans la saison 1, c’est vraiment très bien.

Shin Godzilla, de Hideaki Anno et Shinji Higuchi

Film de kaiju sorti en 2016, qui reboote la franchise Godzilla. Une créature gigantesque est repérée dans la baie de Tokyo et commence à entre dans la ville et à la détruire. On suit les efforts du gouvernement japonais pour comprendre la situation puis lutter contre la créature, tout en étant paralysé par sa bureaucratie et son inféodation aux États-Unis.

J’ai beaucoup aimé. Le design de la créature qui utilise des effets spéciaux manuels est très cool, les plans sont originaux, le point de vue sur/depuis la machine bureaucratique qu’est le gouvernement aussi, comme le fait de centrer les enjeux sur la menace de la radioactivité et de l’ingérence des autres pays plutôt que sur la menace que fait peser le kaiju sur la ville. Très bonne surprise, grosse reco.

Le Chevalier aux Épines, de Jean-Philippe Jaworski

Série de roman de fantasy en trois tomes, dont le dernier n’est pas encore sorti. On retrouve l’univers du Vieux Royaume, plus précisément le duché de Bromael. Suite à la décision du duc de répudier sa femme et de se remarier avec la fille du Podestat de Ciudalia, les fils du duc organisent un tournoi pour défendre les couleurs de leur mère, entrant ainsi en rébellion feutrée contre leur père. Cet affront a lieu alors que le duc souhaite mener une campagne militaire contre les clans Ouroumands, que de la nécromancie fait sa réapparition dans le Duché et que des Elfes semblent enlever des enfants…

J’ai beaucoup aimé, surtout le premier tome. Dans le second on retrouve le point de vue de Benvenuto Gesufal, le narrateur de Gagner la Guerre, qui est gouailleur mais un peu trop cynique pour nous faire totalement vibrer en empathie. Dans le premier tome par contre, on suit plusieurs points de vue mais les principaux appartiennent tous à des chevaliers de Bromael, qui ont une vision très « amour courtois et intrigues de cour ». C’est très bien écrit, avec des descriptions qui font qu’on s’immerge dans le pays, et avec de beaux effets de style : on va par moment adopter le point de vue d’une rivière, d’un chat ou d’anguilles pour passer d’un lieu à un autre. On a aussi une énigme sur l’identité du narrateur de toute l’histoire (qui relate depuis une mystérieuse maison la chronique de la Guerre des deux duchesses, et qui est allé demander ses souvenirs à Benvenuto, ce qui forme la matière du second tome). L’intrigue fonctionne bien, les rebondissements, les différents fils narratifs et même se qui se cache dans les ellipses est prenant.

Je recommande fortement.

Article invité : Lâcher prise

Série québécoise de 4 saisons, sorties entre 2017 et 2020 et accessible en streaming farpaitement légal sur TV5 Monde Plus.

Une série drôle, fine et émouvante sur le burn-out (et plein d’autres choses, notamment les relations familiales/filiales et on sait que j’aime ça), avec des personnages géniaux (du genre aussi insupportables qu’attachants, fortiches et vulnérables comme des bébés chats), mille punchlines hilarantes par épisode, des acteurices excellentissimes, une référence à Jean Leloup ♥, deux premières saisons formidables et deux suivantes certes un peu en dessous mais toujours un régal, bref, à gavisionner sans attendre.

Malevil, de Robert Merle

Roman post-apocalyptique français paru en 1972. En 77, une explosion nucléaire (de ce qu’en suppose les personnages, mais ce n’est jamais confirmé) dévaste la Terre. Dans un château fort du Périgord, une bande d’ami d’enfance a survécu, abrités par la cave du château et par la falaise surplombante (roman typiquement français, les personnages sont sauvés parce qu’ils sont allés embouteiller du vin). Peu à peu, ils vont organiser leur survie, reprendre des relations avec les quelques survivants du village voisin, discuter organisation spirituelle…

J’ai beaucoup aimé. C’est fort cool d’avoir un point de vue français et des années 70s sur le post-apo vu le revival actuel. Tout est loin d’être parfait dans ce roman (déjà, la place des femmes est désastreuse, même s’il y a des personnages féminins (la Menou) très réussis, ça sort quand même pas beaucoup de la dichotomie maman/putain) ; mais c’est une lecture prenante, selon un dispositif intéressant : le récit correspond à un texte laissé par Emmanuel, le leader de fait de la communauté de Malevil, qui relate sa jeunesse puis la vie après l’événement. De temps en temps, son récit est interrompu par des « notes » de Thomas, un autre personnage, qui a pris la tête de la communauté après la mort d’Emmanuel et amende le récit d’Emmanuel, qui mets sous le tapis certains points. Le thème de l’affrontement ou de la collaboration des pouvoirs spirituels et temporels et du dévoiement de ces pouvoirs (que ce soit les actions de Fulbert et Vilmain, adversaires extérieurs bien visibles), ou celui de Colin ou d’Emmanuel lui-même, qui prônent une démocratie qui est quand même bien alignée derrière leur leadership est bien mis en scène. Les tensions entre croyants et athée, militant au PC et traditionalistes, ruraux et urbains (et ceux qui parlent ou non le patois) fonctionnent bien aussi.

Je recommande.

Anatomie d’une chute, de Justine Triet

Palme d’or 2023. Sandra, écrivaine, vit dans un chalet alpin avec son mari Samuel et son fils Daniel. Un jour, Samuel est retrouvé mort. Le film va montrer le déroulé du procès visant à établir si Sandra est responsable de la mort de Samuel.

J’ai beaucoup aimé. J’avais peur que 2h30 de film de procès ce soit un peu long, mais à part les 10 dernières minutes (après l’annonce du verdict, en gros), on ne les voit pas passer. Le film prend le temps d’installer les éléments de l’intrigue au début, et d’un coup ça décolle et on est dans un tunnel, la Palme est totalement méritée. Le film montre la perception de la relation de Sandra et Samuel à travers les yeux de Sandra, de Daniel, et via un discours rapporté et des enregistrements, à travers les yeux de Samuel – ainsi que la perception de leur relation par le grand public. C’est très bien joué (sauf peut-être les rôles de la présidente de la cour d’assise et celui de l’avocat général, qui semblent être là pour faire les antagonistes, et je ne suis pas convaincu non plus par le personnage de Marge) – même le chien joue bien. Les enjeux de plurilinguisme (même si on peut regretter de ne pas entendre un mot d’allemand alors que le personnage principal est allemande, pourquoi elle parle en anglais et pas en allemand au procès ?) et d’écriture/création sont réussis.

C’est un peu un retournement du trope de la femme dans le réfrigérateur : la mort d’un homme donne le point de départ de toute l’intrigue, il y a des enjeux de tension dans le couple mais c’est Samuel qui se plaint d’être enfermé à la maison pendant que sa compagne à une carrière brillante – je fais un peu un rapprochement avec Revolutionary Road aussi.

Grosse reco.

Spirou ou l’Espoir malgré tout, d’Émile Bravo

Série en quatre tomes (cinq si on compte Le Journal d’un Ingénu, publié 10 ans plus tôt mais auquel L’espoir malgré tout est une suite directe) qui raconte la vie de Spirou et Fantasio dans la Belgique de la Seconde Guerre Mondiale. On y découvre à la fois les origines de Spirou (pupille de l’État placé dans un orphelinat catholique), l’origine de son surnom (qui deviendra son nom de guerre), et on voit à travers ses yeux la Belgique de l’époque, et son apprentissaged de la vie.

J’ai beaucoup aimé. Le dessin d’Émile bravo est beau et fonctionne bien pour les personnages, la dynamique Spirou/Fantasio est bien rendue, le côté gamin qui découvre la vie de Spirou marche bien (plus que le côté « aventurier intrépide » d’autres albums à mes yeux), le thème (la chronique de quatre ans de guerre, et comment résister sans prendre les armes) est intéressant et bien rendu.

Grosse recommandation

The Americans, de Joe Weisberg

Série américaine parue de 2013 à 2018, et se déroulant durant les années Reagan. Philip et Elizabeth Jennings, avec leur agence de voyage où ils bossent tous les deux, leur pavillon dans la banlieue de Washington et leurs deux enfants forment une famille américaine parfaite. Sauf que Philip et Elizabeth sont en fait deux agents russes sous couverture, exécutant les missions que le KGB leur confie.

La série joue sur la double vie des personnages principaux, devant à la fois gérer une couverture crédible (dont une vie de famille, qui avec deux enfants, n’est pas qu’une couverture : ils ont des sentiments et une relation réelle à leurs enfants. Pour le moment leur vie professionnelle a l’air de se gérer toute seule mais je me demande si les saisons suivantes ne vont pas creuser cet axe aussi) et des missions d’espionnage très exigeantes (un peu trop pour le réalisme, même ; certes les missions avec de gros enjeux, de l’infiltration, des kidnappings et des meurtres sont intéressantes à suivre, mais leur récurrence juste pour ces deux agents demande une certaine suspension d’incrédulité : on est plus chez James Bond que chez Le Carré. Toute la partie sur la gestion d’un réseau de sources dans diverses agences américaines et d’agents secondaires est moins flashy mais à la fois plus réaliste et plus satisfaisante en ce qu’elle permet de montrer le développement des relations entre personnages sur le long terme plutôt que de mettre en scène « la mission de la semaine ».

On voit comment la double journée des parents Jennings les épuise, ruine leur relation à leurs enfants, les fait vivre dans la parano permanente (la thématique parcourt toute la série mais est particulièrement exacerbée dans la saison 4 où les personnages semblent au bord du burn-out). La série met aussi en scène avec les personnages de Beeman et Nina le côté autocentré du monde de l’espionnage qui n’en finit pas de mettre en place des contre-contre-contre-mesures et d’envisager les fuites crédibles à livrer à l’adversaire pour lui faire penser que c’est lui qui un coup d’avance alors qu’en fait non.

Enfin, je trouve qu’un des attraits de la série est sa mise en scène d’un « monde caché » prosaïque. On n’est pas dans une histoire de magie ou de monde parallèle, mais la série montre un univers où tous les personnages jouent un rôle public et ont un agenda caché derrière. Le sort du monde est entre les mains de quelques individus qui dans l’ombre se livrent à une lutte sans merci, et doivent sans cesse interpréter des signes : savoir comprendre le sens caché d’un message, honorer un rendez-vous sur un parking à minuit, relever une boîte à message dissimulée derrière un panneau d’affichage. La série joue beaucoup sur cette idée qu’il y a plus dans le monde que ce qu’il donne à voir à première vue, un ressort narratif toujours efficace (en tous cas sur moi).

Si dans la première saison la relation entre les deux persos principaux est un peu cliché, elle devient plus satisfaisante après. Les dynamiques familiales avec Paige, la tension de l’amitié entre Stan et Philip, la difficulté plus généralement pour Philip de gérer les relations romantiques nécessaire aux développement des sources (aussi bien l’arc avec Martha, l’arc avec Kimmy que sa relation à Elizabeth sont très bien creusés, j’ai trouvé. En contrepoint, il aurait été intéressant d’avoir plus d’insights sur la relation entre Gregory et Elizabeth, pour voir comment de son côté elle gérait ces tensions). Au delà des deux persos principaux, j’ai trouvé qu’assez généralement les persos secondaires et leurs arcs étaient tous assez réussis.

On peut aussi signaler une grande réussite dans la reconstitution des États-Unis des années 80, et une excellente bande-son qui donne une large place à Peter Gabriel et Tears for Fears pour mettre dans l’ambiance de l’époque.

Un petit bémol sur le final. C’est toujours compliqué de conclure 6 saisons de série, et je trouve qu’ils s’en sortent globalement très bien, mais l’épisode aurait pu être un peu plus resserré : après quelques gut punchs en milieu d’épisode, on met du temps à arriver à la scène finale qui est juste une conv très statique et pas incroyable. Alors certes il y a un petit côté théâtre russe qui met dans l’ambiance, mais j’ai l’impression que d’autres éléments du même épisode auraient fait une meilleure dernière image.

L’Île Rouge, de Robin Campillo

Film sorti en 2023. Madagascar, début des années 70. L’armée française est toujours présente, malgré l’indépendance officielle de l’île, mais sur le point de plier bagages. On suit la vie des familles de soldats de la base 181, expatriés dans un décor de rêve mais qui le traitent comme un décor : la base vit en vase clos, isolée de la population locale. On suit ces derniers mois avant le départ par le regard d’un enfant de 8 ans, qui lit Fantômette en boucle et imagine ses aventures (ce qui donne lieu à des séquences avec une esthétique diorama très réussies), alors qu’autour, le patriarcat et le colonialisme s’exercent tranquillement.

J’ai beaucoup aimé. C’est un film qui pose des ambiances, joue avec les lumières (la scène de la projection cinéma sur la plage est très belle), et montre la violence ordinaire (d’une manière très réussie puisque les personnages ne sont pas caricaturalement sexistes/racistes/autre, mais ils sont des hommes et des femmes des années 70s, blancs, militaires : le racisme et le patriarcat ne sont jamais loin, même dans les bonnes intentions.

Je recommande grandement

Baltimore, de Mike Mignola

Durant la première guerre mondiale, Henry Baltimore, un soldat anglais, blesse un vampire qui se nourrissait d’un soldat agonisant sur le champ de bataille. Cet événement déclenche une guerre entre l’Humanité et les forces surnaturelles, réveillées d’un long sommeil. Le comics va suivre les tribulations de Baltimore et de ses alliés à travers l’Europe pour tente de mettre fin aux différentes manifestations du surnaturel qui se déclenchent ici et là, alors que les vampires et des congrégations de sorcières préparent le retour du Roi Rouge, un Grand Ancien.

J’ai beaucoup aimé. J’ai les premiers tomes chez moi mais je n’avais jamais eu l’occasion de lire la seconde partie du comics, là j’ai tout relu d’un seul coup. J’aime beaucoup l’ambiance du comics et le dessin de Mignola. Le setup de la fin de la première guerre mondiale marche bien pour une histoire surnaturelle, et j’aime beaucoup le dessin de Ben Stenbeck, qui reprend bien le style de Mignola mais le rend plus lisible à mon sens (j’ai été moins convaincu par le dessin des autres dessinateurs mais je pense que c’est aussi une question d’habitude). Et les couleurs de Dave Stewart fonctionnent super bien avec l’ambiance de l’histoire.

Je recommande chaudement si vous aimez les trucs horrifiques.