Stowaway, de Joe Penna

Où Anna Kendrick joue Tintin dans On a marché sur la Lune.

Film germano-américain sorti en 2021. Un équipage de trois astronautes part pour un trajet de deux ans vers Mars. Ils vont rapidement découvrir qu’une quatrième personne a embarqué avec eux, posant rapidement un problème crucial : leur vaisseau ne recycle pas assez d’oxygène pour leur permettre à tous les quatre d’arriver jusqu’à Mars, et il n’ont pas assez de carburant pour pouvoir modifier leur trajectoire et retourner vers la Terre.

J’ai bien aimé le début : le décollage, les images de l’installation progressive des astronautes dans le vaisseau. Globalement tout ce qui est dans le vaisseau est joliment filmé, la tension due à la découverte du quatrième passager est bien rendue (mais on sent que le film aurait pu plus développer cette partie : les questions de 1/comment est-il arrivé là 2/a-t-il embarqué volontairement 3/est-il une menace pour l’équipage sont évacuées très rapidement (et carrément jamais résolue pour la 1). Du coup la tension est mise en place puis dissipée rapidement. Alors qu’il y avait des choses intéressantes à dire sur comment – quand tu t’es préparé.e à vivre 2 ans avec deux autres personnes avec qui tu t’es entraîné.e, que tu connais – tu gères l’arrivée inattendue d’un quatrième lascar dont tu ne connais rien et comment tu fais une place dans l’espace du vaisseau et dans l’organisation des journées à cette personne. Là tout semble se faire automatiquement.)
Le huis clos est bien mis en place, l’idée des communications avec la Terre dont le spectateur n’entend que les répliques des astronautes est très bien trouvée notamment, on ne voit vraiment que les quatre acteurs tout du long (et on entend juste une autre voix au décollage, ie les 5 premières minutes).

La répartition des rôles est intéressante aussi :
On a une commandante plus âgée et expérimentée – jouée par une femme mais dans un rôle que j’ai trouvé codé assez masculin – mais largement empêchée d’agir par un bras cassé, ce qui la force à accepter davantage ce que propose le reste de l’équipage. Toni Collette joue d’ailleurs comme d’habitude très bien.
Le personnage de David Kim est je trouve assez réussi aussi, dans la retenue et la frustration de voir ses expériences flinguées par les circonstances.
Le personnage joué par Anna Kendrick m’a moins enthousiasmé : perso féminin jeune et conventionnellement jolie, c’est celle qui exprime fortement ses émotions, est dans le care, et fait les blagues : elle est l’élément exubérant du groupe, d’ailleurs on la voit pas trop faire les expériences qu’elle est censée mener, elle est vraiment là pour faire avancer l’histoire.
Enfin le personnage de Michael Adams joue l’élément perturbateur : il n’a pas l’entrainement des autres, il est en position d’apprentissage ou d’impuissance, et sa présence est de base la source du problème. Les deux personnages masculins sont ceux qui font référence à une famille sur Terre quand les deux féminins ont l’air davantage sans attaches. Je suis par contre un peu dubitatif sur le fait d’avoir le seul personnage noir présenté tout du long comme l’outsider, au début comme une menace potentielle puis ensuite comme objet de débat entre les trois autres pour savoir s’il faut l’exécuter pour sauver la mission : les deux approches sont finalement écartées, mais poser ces sujets sans les lier explicitement à la race me semble dommage.

Enfin, la résolution du film. Là où ça pêche fortement pour moi. Le film m’avait été vendu comme un The Martian-like, où les personnages résolvent un challenge technique en détournant la technologie à leur disposition. Ce n’est pas l’enjeu du tout ici. Il y a une discussion morale sur le sacrifice de certains pour la survie du plus grand nombre mais qui est rapidement écartée, puis la solution trouvée ne présente pas de vrais challenges techniques : les obstacles sont très artificiels, au point que ça a causé une certaine suspension d’incrédulité chez moi : globalement le point clef est de grimper sur une corde, et pour ça ils ont un matos et des techniques qui sont particulièrement mal adaptés, alors que dans la vie réel l’ascension sur corde c’est un truc de base de l’escalade et de la spéléo : avoir deux points d’ancrage et du matériel auto-bloquant, pour le coup it’s not rocket science, et ça résout l’essentiel des difficultés de la fin du film. Perso je m’attendais à ce qu’ils aient davantage des problèmes de franchissement des panneaux solaires, qu’ils cassent une partie de l’alim électrique et que ça cause de nouveaux problèmes, mais finalement non pas du tout. Bref cette fin fait assez bâclée et je pense qu’elle souffre de la comparaison avec ce qu’on a pu avoir dans The Martian ou certaines séquences de la saison 1 de For All Mankind.

Globalement, de belles images, une prémisse (et des prémices) intéressante, mais un film qui n’en développe pas suffisamment les enjeux et conséquences jusqu’au bout en préférant s’offrir des facilités de scénario. Un bon jeu d’acteur et un sentiment de huis-clos très bien rendu cependant.

Saut de Sabo et Chemins de Bellevue

Randonnée avec OC sur les chemins de Bellevue. Trente minutes de vélo depuis le centre d’Albi pour arriver à Saint-Juéry, puis 3h de rando. Début très sympa, sur le tracé d’une ancienne voie ferrée. Suite plus quelconque, dans des paysages agricoles ne variant pas trop, avec par moment quelques jolis points de vue. J’ai surtout des photos du Saut de Sabo, où il y a de beaux bâtiments industriels qui exploitaient l’énergie du dénivelé du Tarn. Sur la boucle de la rando la lumière et les paysages n’étaient pas optimaux pour faire de belles photos.

Le musée du Saut du Sabo
Château d’eau sur le chemin du musée
Tunnel mystérieux pour ne pas déroger à mon esthétique habituelle
Le saut du Sabo
Le saut du Sabo 2
Sur les chemins de Bellevue

Arpenter le paysage, de Martin de la Soudière

Essai à mi chemin entre la géographie et la littérature. L’auteur détaille les différentes façon d' »entrer en paysage », ie de percevoir et transmettre des paysages, en s’appuyant sur sa propre expérience et sur des figures littéraires emblématiques.

C’était intéressant mais je ne saurais pas trop le résumer, tbh. On n’est pas dans une approche très factuelle type essai, l’auteur parle beaucoup de ressenti et mobilise des anecdotes personnelles. Il détaille différents types d’approches du paysage : par la géologie, par la géographie scolaire ou académique, par le ressenti personnel (avec tout un passage sur sa perception changeante du paysage pyrénéen perceptible depuis les lieux où sa famille partait en vacances puis des randonnées et ascensions qu’il faisait avec ses frères.), par les descriptions littéraires de paysages réels ou imaginaires, et la comparaison que vont en faire les lecteurices avec le paysage réel du lieu mentionné ou avec leurs propres références paysagères.

L’auteur s’attarde sur les différents moyens de déplacement et sur comment la vitesse modifie la perception des paysages, que ce soit les lignes directrices dégagés ou juste la capacité à percevoir des détails.

J’ai beaucoup aimé toute la première partie qui parle plus spécifiquement de son expérience de la montagne et de ses paysages, avec la mention des montagnes comme des tiers-lieux qui ne sont pas assignés à une fonction et dépaysent par rapport au cadre quotidien, à la fois par cette non-fonctionnalité et par les points de vues que permettent les sommets, sans comparaison dans d’autres cadres géographiques

Le pays qu’habitait Albert Einstein, d’Étienne Klein

Biographie partielle d’Albert Einstein, qui s’attache à sa vie en Europe, avant son émigration aux USA. Klein entremêle la vie d’Einstein, ses découvertes scientifiques, et le voyage qu’il fait lui en tant que narrateur une centaine d’années plus tard sur les lieux de la vie d’Einstein. Ça m’a laissé assez froid. Déjà c’est très clairement une hagiographie, avec aucun recul critique sur son sujet (mention spéciale au passage « hihi il appelle sa seconde femme – qui est sa cousine – et ses deux filles d’un précédent mariage ‘mon petit harem’ « . Wat.) De plus Klein fait de grandes digressions poético-géographiques et trippe sur des anagrammes en mode « je découvre des sens cachés », ce qui personnellement m’agace énormément.

Bref, sans intérêt

Fargo, des frères Coen

Film étatsunien de 1996. Un vendeur de voiture de Minneapolis financièrement dans la merde engage deux petites frappes de Fargo pour kidnapper sa femme : son riche beau-père paiera la rançon et il en récupérera la moitié. Sauf que les deux gangsters sont des psychopathes qui n’hésitent pas à se lancer dans un massacre dès qu’il y a un vague témoin, et que tout va dégénérer. On suit à la fois les deux psychopathes, le vendeur de voiture, et Marge, chef de la police dans la petite ville de Brainerd, où un triple homicide va la mettre sur la piste de deux tueurs.

C’était très bien. Y’a une ambiance particulière liée à l’environnement « film noir dans les flyover states, dans un climat glacial » : tout le monde est surhabillé, les décors sont assez laids : c’est que du préfabriqué moche, de la banlieue à perte de vue, ou alors des scènes extérieurs dans la neige mais pas du tout enjolivés par la caméra, on est dans le réel de la classe moyenne américaine. Les policiers sont laconiques et unimpressed, ils font leurs petites vies et se racontent leur weekend tout en investigant un triple homicide. Tous les personnages qui viennent d’un environnement rural ont un petit accent chantant et ponctuent leurs phrases d’un « oh yeah? ».

Grosse recommandation.

This is how you lose the time war, d’Amal El-Mohtar and Max Gladstone

Court roman de science-fiction épistolaire. Deux factions, le Jardin et l’Agence (représentant la Nature et la Technique) s’affrontent à travers le temps, l’espace et de multiples dimensions. Bleue et Rouge sont deux agentes de terrain d’élite, appartenant chacune à une faction. Sur les champs de bataille, elle commencent à échanger des lettres pour se narguer l’une l’autre, mais cette correspondance va rapidement déclencher des sentiments chez les deux agentes.

Les lettres sont bien écrites et certains environnements dans lesquels les deux protagonistes évoluent sont originaux, mais le bouquin reste assez anecdotique, c’est pas mal une relecture de Roméo et Juliette avec des décors plus grandioses que Vérone. Le titre du bouquin est super par contre.

Raya and the last dragon, des studios Disney

L’Assassin royal : the Legend of Korra

Film d’animation des studios Disney sorti en 2021. Dans un monde d’inspiration asiatique, un pays qui vivait autrefois en harmonie est désormais déchiré en 5 nations depuis la disparition des dragons. Raya, princesse du royaume du Cœur, va retrouver la dernière dragonne et tenter de lui rendre ses pouvoirs pour vaincre la puissance maléfique qui accable le monde – tout en étant poursuivi par la princesse du royaume des Crocs.

Gros travail d’animation, de très belles séquences, les visuels des différentes nations sont très beaux. Les deux princesses sont très réussies en tant que personnages, les personnages secondaires un peu moins j’ai trouvé, ils ont tous une fonction de sidekick comic relief. Mention spéciale quand même au personnage de bébé vénère, étonnamment réussi vu le concept de base. Par contre le design des dragons est assez moche, c’est volontaire pour leur filer un aspect goofy, mais bon ça jure un peu avec le reste.

Le scénario est très classique avec une quête pour réunir des artefacts magiques répartis entre les cinq royaumes. Pour tout caser en 1h45 certains royaumes sont un peu rushés alors que vu la beauté des décors ils auraient tous mérités plus de temps d’écran. Jolies séquences de combat/poursuite aussi, très réussies

Bad Lieutenant, d’Abel Ferrara

Film US de 1992. On suit un policier corrompu et bourré d’addiction, qui tente en parallèle de mener une enquête sur le viol d’une religieuse et de trouver un moyen de rembourser ses dettes de pari sportif à la mafia. La scène d’ouverture où on le voit déposer ses gamins à l’école en père aimant avant de se faire une petite prise de cocaïne dès qu’ils sont hors de la voiture est très réussie. On le voit ensuite sombrer de plus en plus, consommer des quantités invraisemblables d’alcool et de drogue, accumuler les paris foireux, agresser sexuellement des femmes en abusant de sa position (scène aussi très réussie dans le genre dérangeant, avec un mec à la fois en position de pouvoir, visqueux, clairement sous substance qui s’impose à deux femmes – trigger warning de rigueur). La caméra de plus en plus nerveuse, bancale, retranscrit très bien l’état mental du protagoniste.

J’ai vu pas mal de critiques qui parlent de rédemption dans la conclusion du film, mais je suis assez peu d’accord : si le thème de la rédemption traverse le film et si le personnage y aspire probablement, je ne pense pas que c’est ce qui se passe. Il tente un truc selon ses termes mais je ne mettrai pas du tout le terme de rédemption dessus. Disons qu’il change de façon de faire de la merde.

Slow West, de John Maclean

Western sorti en 2014. Un jeune aristocrate écossais, Jay, voyage à travers le far west pour retrouver la femme qu’il aime, Rose. Il s’adjoint les services de Silas, un chasseur de prime, en tant que garde du corps. Ils voyagent lentement à travers des paysages gigantesques, rencontrant occasionnellement d’autres personnages, et approfondissant progressivement leur relation.

J’ai bien aimé. Le film est assez lent et contemplatif, avec des moments où la tension monte soudainement, notamment le long showdown final autour de la maison de Rose. Ça m’a pas mal fait penser à O Brother where art thou pour le côté rencontre successive de plein de personnages dans l’Ouest américain. La relation entre Jay et Rose est intéressante : il l’aime et l’idéalise alors qu’elle a toujours été claire sur le fait que ce n’était pas réciproque. La quête de Jay est le moteur du film, mais quand il retrouve la Rose réelle, la réalité reprend ses droits et on n’est pas du tout dans un schéma « la fille comme récompense de la quête ».

Black Narcissus, de Michael Powell et Emeric Pressburger

Film anglais de 1947. Dans l’Inde coloniale, un dignitaire indien offre à une congrégation de nonnes un ancien harem perdu dans les montagnes, pour qu’elles en fassent un monastère. Le seul européen en contact avec elle est un anglais débraillé au service du dignitaire indien, qui leur sert d’agent de liaison malgré son incompatibilité de caractère avec les religieuses. Dans cet environnement trop « intense », les bonnes sœurs vont avoir de plus en plus de mal à se conformer à leurs vœux.

C’était assez cool. On suit principalement la jeune mère supérieure qui a des réminiscences de sa vie avant les ordres et qui doit interagir avec Mr. Dean, l’agent de liaison, qui est de plus en plus dévêtu à chaque fois (et qui est à la fois la figure tentatrice et totalement ridicule quand il arrive en short sur un tout petit poney). Toutes les nonnes ont du mal à se conformer à leur voeux mais elles y réagissent différemment : la mère supérieure tente quand même de garder tout en ordre, la sœur jardinière demande à être transférée au plus vite dans un autre monastère, et une autre va se laisser sombrer dans la psychose, persuadé que la mère supérieure agit contre elle. Les nonnes doivent en parallèle gérer leur rapport à la population locale qui fréquente leur école et leur dispensaire, notamment une jeune indienne qu’elles hébergent, l’héritier du dignitaire qui vient assister à leurs cours, la factotum du harem… Ce qui rajoute des couches d’interaction qui n’ont rien à voir avec la bonne marche d’un monastère. Le crescendo final est très réussi, la tension prend bien. Le symbolisme n’est pas subtil (la pureté en blanc, la tentation en rouge ! Des gouttes de sueur en gros plan pour bien faire passer la maladie !) mais ça s’explique bien par la date de sortie du film, et ça marche toujours très bien en le regardant aujourd’hui.

Les montagnes d’arrière-plan sont très manifestement peintes mais ça rajoute du charme au film.