Concert/performance de « musique industrielle », vu à la scène nationale d’Albi. La scène commence totalement vide. Puis un ventilateur envoie valser des feuilles de journal, une tige tombe, un accordéon rampe sous le rideau, un artiste en apporte un autre en train de jouer du piano sur un diable… A la fin du spectacle, la scène était remplie d’un capharnaüm d’instruments de musique fabriqués à partir d’objets divers. Par manque de connaissance du néerlandais je n’ai aucune idée du message des chansons, mais la performance était impressionnante dans la créativité déployée pour la fabrication des instruments et dans la coordination pour gérer l’espace de la scène, les changements entre les divers instruments. C’était un truc finement chorégraphié, dont la minutie était dissimulée sous une esthétique industrielle. J’ai beaucoup aimé.
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Double Murder de la compagnie Hofesh Shechter
Spectacle de danse à la scène nationale d’Albi. Spectacle en deux parties (Clowns et The Fix) écrites à deux moment différents et séparées par 20 minutes d’entracte.
J’ai beaucoup aimé Clowns, moins The Fix. Clowns est très intense, ça commence par cinq minutes survoltés sur un french cancan qui ressemble à un échauffement d’impro surtravaillé/une entrée de clowns sur scène (raccord avec le titre), puis durant 50 minutes, les mouvements sont repris et mis en scène sur une musique plus sombre et lourde, limite lancinante. Le spectacle met en scène sans explication des meurtres à répétition des acteurs les uns par les autres, séparés par des interactions plus légères. Le travail de synchronisation des artistes entre eux et avec la musique est impressionnantes, je note notamment un moment où les acteurs sont en rythme pas seulement sur le temps de base mais sur les variations des percussions, c’était très beau. Le salut chorégraphié qui enchaîne plein de petits tableaux/pas de danse était une super idée aussi. Un bémol sur la gestion des transitions sonores, où il y avait des tracks qui coupaient abruptement, c’était dommage parce que c’était vraiment le seul détail en dessous du reste dans l’exécution de la pièce.
The Fix souffre de la comparaison avec Clowns : la mise en scène est plus moderne, avec une lumière très crue, des acteurs en vêtement ordinaire (la lumière était plus basse et plus chaude dans Clowns, avec des guirlandes de guinguette et des acteurs en costumes crème qui faisaient clowns). La bande-son est plus anecdotique, il y a toujours des mouvements de danse qui sont très beaux mais l’ensemble est moins cohérent, et le final à base de « on va dans la salle faire des câlins aux spectateurs » m’a un peu blasé, j’ai l’impression que c’est la tarte à la crème du bris du quatrième mur.
Le Petit Chaperon Rouge, de Joël Pommerat
Spectacle familial de Joël Pommerat. Spectacle familial, ça implique qu’il ne soit pas trop long (45 minutes) pour retenir l’attention des enfants, et d’avoir une salle avec une grosse proportion d’enfants, trop refaits de la sortie en famille et de voir leur pote dans un contexte inhabituel, qui se font donc des grands coucous à travers la salle, c’était rigolo comme ambiance. Je ne vais pas résumer l’histoire, il y a de bonnes chances que vous connaissiez les grandes lignes. Précisons quand même que Pommerat élude les iconiques bobinette et chevillettes ainsi que la galette et le petit pot de beurre, pour se concentrer sur l’essentiel de l’interaction grand-mère/petite fille/loup. Il rajoute aussi un long prélude sur les relations de la petite-fille à sa mère, petite-fille qui ne sera ni appelée ni affublée d’un chaperon rouge avant la dernière scène où elle sera devenue adulte.
De beaux passages sur la mère qui joue à être monstrueuse pour amuser sa fille qui en redemande, très bien mis en scène et très bien joué par l’actrice. Dans ce passage et dans les relations de la petite fille au loup, il y a des possibilités d’interprétation sexuelle assez claires pour les adultes (en même temps c’est normal au vu du matériau-source). Je n’ai pas été enthousiasmé dans la mise en scène, qui est assez dépouillée, mais tout ce qui tourne autour du loup est assez réussi. Sa présence dans l’ombre puis emmitouflé dans les draps, qui à chaque fois ne laisse deviner que son museau, fonctionne très bien. La scène où il est dans l’embrasure de la porte de la grand-mère (avant de la manger), où la porte est figurée d’un quadrilatère de lumière sur la scène qui l’éclaire l’acteur d’un contrejour, est une super mise en scène. Les ruptures de tons dans le discours du loup qui s’impatientent en discutant avec la grand-mère et la petite fille marche très bien pour relâcher la tension et faire rire les enfants (qui accrochent aussi très bien sur la corde de la frayeur, dédicace à la petite fille qui a dit d’une voix blanche « c’est le loup » quand un hululement a retenti dans les hauts parleurs).
Bref, c’était bien, avoir un spectacle court c’est une expérience différente de d’habitude je trouve, et la mise en scène fonctionnait bien pour réactiver un texte très connu.
Contes et Légendes, de Joël Pommerat
Pièce de théâtre. Une série de saynètes jouées par des acteurs adultes et enfants, sur le thème de la construction et de l’image de soi, et sur les rapports humains/robots.
Sur le point humains/robots, ça n’avait aucun intérêt, des questionnements vus et revus (et mieux traités) dans une quantité d’œuvre de SF. Sur la construction du soi et le passage à l’âge adulte y’avait des éléments intéressants et d’autres moins. Un gros malaise sur une scène qui dénonçait les discours masculinistes mais le faisait avec pas assez de recul pour que ça passe vraiment j’ai trouvé (d’ailleurs seul moment où il y a des gens qui ont hué, à raison). Une autre qui marche mieux pour dénoncer le privilège masculin par rapport à la charge mentale. Bon jeu d’acteurs de l’ensemble du cast, notamment le jeu sur les gestes pour celleux qui interprétaient les robots. Le texte n’est par contre pas toujours très naturel dans son énonciation (il y a un petit côté « faux langage de jeune » notamment).
Bref, avis mitigé, j’attends de voir son Petit Chaperon Rouge la semaine prochaine.
Points de non-retour [Thiaroye], d’Alexandra Badea
Il y avait du potentiel. Une pièce sur le massacre de Thiaroye, quand à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale l’administration coloniale préféra exécuter un contingent de tirailleurs sénégalais plutôt que de leur verser leur solde et les laisser retourner à leur vie, avant de couvrir le tout. Comment ce massacre affecta les fils et petits-fils des bourreaux comme des victimes, en laissant une énigme au sein de leur histoire familiale.
Sauf que le texte de la pièce est super lourd, à base d’énonciation péremptoire de vérités générales et d’emphase dramatique là où il faudrait être subtil. La mise en scène est intéressante, avec des fenêtres sur lesquelles sont projetés des paysages voire une partie de l’action, permettant de situer l’action dans le temps et l’espace (parce qu’il y a un entremêlement des époques, qui donne un côté narration éclatée qui fait plus gadget qu’autre chose, même si l’idée c’est probablement que l’on découvre l’enjeu de Thiaroye progressivement (mais ça aurait pu être mieux fait de d’autres manières).
Je ne suis pas une apparition, d’Hélène Ollivier
Super pièce de théâtre féministe, qui présente la vie de différentes femmes et la perception qu’on d’elles leur entourage, la société (Sappho qui revient pour dire que les historiens ont totalement laissé de côté son apport à la poésie grecque pour se poser des questions voyeuristes sur sa vie sexuelle, une gynécologue qui en a marre que sa famille et la société essayent de lui filer un compagnon alors qu’elle veut se concentrer sur son métier et qu’on lui foute la paix, une délinquante mutique sur laquelle ses interlocuteurs projettent leurs explications de ses actes…)
Si jamais elle est rejouée l’année prochaine, je vous recommande fortement d’aller la voir.
La Ronde
Pièce d’Arthur Schnitzler, mise en scène d’Anne Kessler.
Dix protagonistes formant dix couples hétéro (chacun des protagonistes interagissant avec deux autres), se retrouvant pour faire l’amour, dans le Berlin des années 60. Si les premières scènes m’ont laissé froid, avec des échanges que je trouvais très artificiels, j’ai trouvé que la pièce s’améliorait au fil du temps. Par contre le vision du sexe qui en est donnée est assez triste, avec des rapports non consensuels parfois et toujours des rapports de domination. Mais les échanges sont néanmoins assez justes et intéressants.
Hyperglycémie d’Hélène Ollivier.
Spectacle avec cinq acteurices, sur le management par la créativité, dans une entreprise de confiseries. C’est très bien vu et très cool à voir. Super séquence d’ouverture.
Le Maniement des Larmes, de Nicolas Lambert
Vue partiellement seulement, lors d’une représentation sur la place de la République. C’était très bien. Pièce sur l’affaire des frégates de Taiwan et l’implication de la classe politique française. Hyper documenté, un comédien interprète magistralement plein d’hommes et femmes politiques et on voit le délitement progressif de leur édifice de mensonges et de couvertures.
Poetry de Maud Le Pladec
Vu au théâtre de Chaillot. Trois personnes sur scène, un guitariste et deux danseuse-r-s. De la musique bruitiste, du post-rock, de la musique qui vient juste de la guitare mais en fait non, des danseuse-r-s qui perçoivent (oreillette) une autre musique que le public, des répétitions, des déformations, des transformations… C’était assez étrange mais très cool. Les interprètes faisaient très propres sur elleux de par leur tenue, ça évoquait la danse dans les soirées étudiantes par moment, quelques mouvements de flamenco à un autre, le dadaïsme (dixit the OC qui s’y connait plus que moi), la drogue. Des variations d’intensité lumineuses et quelques gros flashs qui auraient mérité un [TW : épilepsie]. En résumé, un spectacle pas facile d’accès mais très intéressant.