Archives de catégorie : Séries

I May Destroy You, de Michaela Coel

Série anglaise en partie autobiographique sur la vie d’une jeune écrivaine noire et sur les conséquences que son viol a sur sa vie. On suit principalement la vie d’Arabella (et ses difficultés à écrire son second livre), et de deux ami·e·s les plus proches, Terry, aspirante actrice, et Kwame, prof de fitness en club.

La série décrit un milieu et des personnes rarement montrées à la télévision, et auquel je suis moi-même profondément étranger. C’était très interessant pour ça, pour cette défamiliarisation. Je me rends notamment compte que j’ai des réflexes classistes devant, genre « ralala ils consomment trop de drogues » ou « mais comment ils peuvent dire que le réchauffement climatique osef ? », c’est d’autant plus intéressant pour moi de pouvoir réfléchir à pourquoi c’est ça ma première réaction et comment faire pour l’éviter.

Les personnages sont intéressants parce qu’absolument pas manichéens. Arabella n’est pas la « bonne victime », Terry et Kwame tentent de la soutenir comme ils peuvent mais font des erreurs, les personnages secondaires sont nuancés aussi. L’impact psychique de l’agression sur Arabella est montré de façon détaillée, les mécanismes de coping qu’elle met en place aussi, qu’ils soient sains ou non. J’ai juste été déçu par la ligne narrative de Kwame ; le jeune gay qui se perd dans le sexe et qui est sauvé par une relation longue et pas centrée sur le sexe, c’est assez cliché et conservateur par rapport au reste de la série.

Point de vue bande-son, parfois la série verse un peu trop dans le côté « on va mettre des morceaux obscurs ou des reprises edgy pour montrer qu’on est une série hype », mais l’utilisation qu’ils font de la musique est sinon intéressante, notamment le fait de la couper abruptement pour montrer des changements d’ambiance.

Enfin, le dernier épisode est très réussi dans sa construction je trouve, alors que c’était loin d’être évident de réussir à conclure proprement une série comme ça.

Snowpiercer, de Josh Friedman

Série télé adaptée du film éponyme (lui-même une adaptation de la BD Le Transperceneige, de Rochette). Suite à une tentative de régler le changement climatique par géoingénierie, la Terre est rentrée dans un nouvel âge glaciaire. Une fraction de l’Humanité survit dans le Snowpiercer, train gigantesque qui devait être une croisière de luxe à la base, et qui peut produire de l’énergie tant qu’il est en mouvement, grâce à un moteur à mouvement perpétuel.

Le Snowpiercer est divisé en classes – à la fois des classes de billets de train et des classes sociales. Tout au fond du train, la Queue représente quelques wagons de passagers clandestins embarqués au dernier moment, maintenus en esclavage et traités comme une force de travail d’appoint dispensable.

Dans ce contexte, un meurtre à bord du train va pousser la Direction à recourir aux services d’un ancien détective qui fait partie de la Queue, lui donnant l’occasion de récolter des informations techniques sur le Train pour préparer une révolution.

J’ai bien aimé. La série a des faiblesses, clairement plus que le film, mais il y a de bons points. J’aime beaucoup Daveed Diggs dans le rôle principal, et l’antagoniste principal·e est très réussi·e, ce qui aide beaucoup à faire une bonne série. Bon par contre ça se perd sur les deux derniers épisodes, qui ratent la scène de bataille et qui rendent leurs personnages incohérents avant de faire rentrer des enjeux inutiles dans l’histoire.

Inversement, une critique intéressante d’un autre blog qui n’a pas aimé et soulève des points valides, notamment sur les questions d’espace.

Run, de Vicky Jones

Série comico-romantique de 2020. 15 ans après leur séparation, Billy et Ruby décident de tout plaquer du jour au lendemain pour se retrouver et traverser ensemble les États-Unis en train. C’était leur promesse de jeunes adultes idéalistes, mais la réalisation 15 ans plus tard est plus compliquée, leurs deux vies ayant bien changé depuis.

J’ai beaucoup aimé le début. De façon générale c’est bien filmé et y’a plein de bons passages aussi bien en terme de comédie que de relations humaines. La fin de la saison est plus faible pour moi, dans le sens où il y a un événement majeur qui arrive, et qui devrait faire changer le ton de la série plus que ce qu’il ne le fait, là où il n’est traité que comme une péripétie de plus.

Steven Universe Future, de Rebecca Sugar

Une courte série en 20 épisodes qui vient à la suite de la beaucoup plus longue série Steven Universe. Il y avait eu un long métrage animé à la fin de la série, qui était assez décevant. Il fallait caser en 1h et quelque une histoire compréhensible par des novices de la série, ça s’était pas mal fait au détriment du développement des personnages, c’était assez décevant de finir SU là dessus après le joyau qu’avait été la série.

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The Plot Against America, de David Simon

Série uchronique adaptée du roman éponyme de Philip Roth. En 1940, l’aviateur-star Charles Lindbergh se présente à l’élection présidentielle US en tant que républicain et bat Roosevelt. Pro-isolationniste et surtout pro-nazi, Lindbergh signe un pacte de non-agression avec l’Allemagne et refuse toute interférence dans la « guerre européenne ».
Mais le but ici n’est pas de montrer une uchronie à grande échelle avec le basculement du monde dans une autre direction. Le focus est placé sur la famille Levin, une famille juive du New Jersey qui se sentait parfaitement à l’aise aux États-Unis. La série comme le livre montre comment la famille est affectée par l’accession au pouvoir de Lindbergh, la mise en place de politiques discrètement antisémites et surtout le blanc-seing qui est donné à l’antisémitisme de la société de s’exprimer.
La série fait 6 épisodes d’une heure, elle est super bien jouée, décorée et filmée. Les parallèles avec l’Amérique de Trump ne sont pas toujours subtils, mais le bouquin de Roth avait été écrit en 2004, c’est la réalité qui s’est alignée sur la fiction hélas. L’Amérique des années 40 est très bien rendue, la série joue sur une tension grandissante, le dogwhistling des supporters de Lindbergh et le sentiment d’impuissance des personnages à faire qq chose à leur niveau. La tension reste à bas bruit sur toute la série sauf le dernier épisode où tout monte d’un cran d’un coup. La performance d’acteur d’Azhy Robertson, qui joue Philip Levin (le fils de 10 ans de la famille, et dans le roman le point de vue principal, qui s’appelle alors Philip Roth) est impressionnante, et illustre très bien comment la tension de la série a un impact sur tous les personnages.

Westworld, de Jonathan Nolan et Lisa Joy

Série à gros budget de la HBO, adaptation du film éponyme de 1973.

Un parc d’attraction immense pour touristes surfriqué⋅e⋅s, recréant un Far-West cliché où les invités peuvent tout se permettre, tou⋅te⋅s les figurant⋅e⋅s étant des robots ultra-réalistes. La série explore le thème de l’accession à la conscience des robots, en mettant en parallèle les histoires des robots, des invités et du management du parc. Bien faite, brouillant habilement les pistes pour faire des révélations intelligentes. La saison 1 présente une histoire complète et qui rebat bien les cartes, je suis intrigué par ce qu’ils vont faire de la saison 2.

Bon alors du coup j’ai pas fait de revue de la saison 2 quand elle est sortie mais c’était moins enthousiasmant que la 1, on suit des révélations en interne au parc où les hôtes tentent de gagner leur liberté par différents procédés, avec moults retournements de situation et révélations assez forcés. C’était un bon cran en dessous de la S1.

Cue in la saison 3, où la réalisation fait le choix assez audacieux de changer totalement l’environnement, puisqu’on suit des Hôtes qui ont réussi à sortir du parc, et notamment Dolores, qui veut garantir la sécurité des Hôtes en s’opposant aux humains.

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Baron Noir, de Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon

Série politique française. J’avais gavisionné la saison 1 à sa sortie et là j’ai gavisionné la saison 2. Beaucoup aimé la saison 1, à laquelle je reproche juste d’avoir un PS qui propose des trucs de gauche alors que bon, dans la réalité… Sinon c’était assez cool de voir une série type House of Cards mais avec les institutions françaises et des lieux français. Par rapport à HoC ce qui est bien aussi c’est que tous les personnages sont intelligents et manigancent, pas juste le perso principal qui est surhumain. Du coup c’est plus intéressant, et les stratagèmes des un⋅e⋅s peuvent plus souvent échouer face à ceux des autres.

La saison 2 j’étais un peu partagé. Je trouve que l’actrice qui joue la présidente fait un peu forcée quand elle parle. Par ailleurs, ça manque des points de vues de gens qui ne sont pas des professionnels de la politique, des syndicalistes, des gens ordinaires… Là c’est vraiment l’Histoire faite par les grands hommes. Par contre ça présente une vision intéressante du passage clivage droite/gauche à droite nationaliste / centristes / gauche.
Leur Mélenchon-like est très bien fait, leur Valls-like aussi. J’ai pas trop trop reconnu les autres mais les personnages sont bien écrits.

Saison 3 ! Remotivé sur l’histoire. Les personnages sont bien écrits, on recolle aux événements de la politique française réelle. La saison parle d’alliance tactique et de campagne politique, et la série est plus intéressante là-dessus que sur l’exercice du pouvoir, je trouve. Il manque toujours le point de vue de la politique via les mouvements sociaux, là tout passe par les partis (mais magiquement sans lobbys). Dorendeu fait une libérale intéressante, mais avec beaucoup plus de convictions que les vrai.e.s. Globalement ils rendent le PS, LRM et les fachos plus sympathiques que ce qu’ils devraient, mais bon, c’est difficile comme genre d’exercice.
Sur les mouvements sociaux d’ailleurs, c’est dommage d’avoir incarné les gilets jaunes dans la figure de Mercier, alors qu’un des intérêts du mouvement c’est bien qu’il a refusé toute forme de porte-parolat. De la même façon, la contestation de la politique de Dorendeu passe par la contestation de sa personne, ce qui certes est un des éléments de la détestation de Macron, mais sans parler du refus spécifique de ce qu’il y a dans sa politique. C’est bien les privatisations, la réforme des retraites, la casse du service public en tant qu’éléments spécifiques qui sont contestés dans la vie réelle. Mais là on touche à une des limites de la série : les gens n’ont pas vraiment de différents politiques irréconciliables, parce qu’il faut que Rickwaert puisse aller parler avec tous pour faire ses petites manœuvres. Du coup il aime bien Dorendeu tout autant que Vidal, alors que normalement il devrait lui aussi haïr Dorendeu pour sa politique.
Enfin, je n’ai pas été convaincu par la fin (à partir de la fin d’avant-dernier ep), ce retournement de situation fait totalement forcé et pas crédible, jamais personne n’accepterait de faire ça dans la vie réelle. Ça c’était meh.
Enfin, super utilisation de la bande-son, avec un thème musical décliné de plein de façons (ce que Canal + avait aussi un peu fait sur Les Sauvages).

The Good Place, de Michael Schur

Saison 1 et 2.

À sa mort, Eleonor Shellstrop se retrouve dans une des nombreuses version du paradis, avec 322 autres personnes méritantes. Sauf qu’elle n’était pas supposée y accéder, n’ayant pas eu la vie que le système de mesure surnaturel qui juge les âmes pense qu’elle a eu. Comment faire pour ne pas se faire repérer et éviter de finir dans « The *Bad* Place » ?

Je n’étais pas trop convaincu sur les 2 premiers épisodes, mais la série gagne en efficacité après. Plutôt bien faite, présente au passage des notions d’éthique qu’on ne s’attendrait pas à avoir dans une dans une série grand public et pose du coup pas mal de questions intéressantes. Plusieurs personnages très réussis, notamment le système d’information anthropomorphique Janet et ses réactions absolument pas humaines, et Mindy St Claire.

La saison 3 était beaucoup plus faible, grosse baisse de régime, on voit que ça galérait un peu pour trouver des idées.

Bonne quatrième et finale saison, surtout la seconde moitié, j’ai trouvé. Ils réussissent à bien finir alors que c’était loin d’être évident.