Archives par mot-clé : recommandé

Fresh, de Mimi Cave

When Hanni met Sally

Film d’horreur étatsunien sorti en 2022. Noa est une vingtenaire qui est saoulé par les applis de rencontre. Après un premier rendez-vous particulièrement désastreux avec un mec insupportable, elle rencontre IRL Steven, qui semble parfaitement charmant. Elle accepte de partir en weekend avec lui, et … le générique de début se lance.

Divulgâchage ci-après

MadS, de David Moreau

Film d’horreur français paru en 2024. Romain, gamin de bourge, passe chez son dealer récupérer de quoi se charger pour la soirée à venir. Sur le chemin du retour, il tombe sur une femme muette et terrorisée, qui après avoir embarqué dans sa voiture, finit par se donner la mort. Rentré chez lui et camé jusqu’aux yeux, Romain n’arrive absolument pas à gérer la situation : le corps de la femme disparaît de la voiture, ses amis débarquent pour l’emmener à la soirée, son père l’appelle pour lui dire que l’alarme de la maison s’est déclenchée… Tout s’empile, avec des phénomènes de plus en plus étranges qu’il ne sait pas s’il doit mettre sur le compte de la drogue ou sur la réalité d’une situation qui dégénère.

C’était fort réussi. Le film est tourné en un plan séquence qui embarque le spectateur au plus près des trois protagonistes (on quitte Romain à un moment pour suivre deux de ses amies). La bande-son est très réussie aussi, et les jeux sur la lumière. L’histoire est assez basique, on suit le début d’une épidémie, mais le traitement fonctionne bien. Si je n’ai pas été embarqué par le personnage de Romain (mais qui est construit pour être antipathique), celui d’Anaïs est très réussi, avec un côté Gremlins à sa transformation.

Je recommande, si vous aimez l’horreur à petit budget et les plans-séquences.

Dog day afternoon, de Sidney Lumet

Film étatsunien de 1975. Trois braqueurs tentent de dévaliser une petite banque de Brooklyn. Ça devait être un braquage rapide à l’heure de la fermeture, mais les choses déraillent rapidement : un des trois braqueurs n’assume pas les risques et s’enfuie, le coffre de la banque a été vidé l’après-midi même, et surtout le braquage est remarqué par des voisins, et la police arrive avant que les voleurs n’aient pu s’enfuir. S’ensuit une nuit de négociations où Sonny (Al Pacino) va discuter avec les forces de police, tenter de mettre la foule qui entoure la banque de son côté, échanger avec le personnel de la banque qu’il retient en otage.

Le film est inspiré d’une histoire vraie, et Al Pacino est très bon dans le rôle central (tout tourne autour de lui, son cobraqueur est présenté comme juste dans son orbite, pas très charismatique ni malin. C’est un Lumet donc on voit des gens (surtout des hommes) dans des clairs obscurs avoir des conversations en marcel et bras de chemise et transpirer, et Pacino excelle à ça. La scène où il met la foule de son côté en insultant les flics qui le pointe de leur arme par dizaine alors qu’il est seul et désarmé est très réussie.

The Bear, de Christopher Storer

Série télévisée dont la première saison est parue en 2022, 3 saisons so far, les deux premières très très bonnes, la troisième simplement bonne. Sans trop en révéler, on suit les vies des personnes travaillant dans le restaurant The Original Beef of Chicagoland. C’est de la restauration rapide, mais le propriétaire-gérant a changé récemment, et vient du monde de la gastronomie, ce qui ne va pas aller sans un certain clash des cultures.

J’ai pendant longtemps fait l’impasse sur cette série, parce que je pensais que c’était une série qui parlait de bouffe, que ça m’évoquait essentiellement de la téléréalité comme Top Chef, et que c’est vraiment pas qq chose qui m’intéresse (j’aime beaucoup la nourriture, mais ma relation à la nourriture implique de la manger, pas de la regarder à travers un écran). Laissez-moi donc dissiper ce malentendu si vous êtes dans le même cas de figure : ce n’est pas une série qui parle de bouffe. C’est une série qui parle de relations familiales, professionnelles et familialo-professionnelles. C’est une série qui parle de trauma, de vouloir exceller à quelque chose et des sacrifices que ça peut amener à faire. Ca parle de travailler dans un restaurant (duh), avec tout ce que ça implique de tâches qui ne sont pas juste de préparer de la nourriture, de la difficulté d’avoir un restaurant qui tient la route financièrement. Voilà pour les thèmes.

Pour la forme, c’est une série qui prend le temps de caractériser ses personnages et leurs relations. C’est aussi une série qui filme les personnages de très près (passion grain de la peau) et qui montre des personnages épuisés. C’est aussi une lettre d’amour à Chicago, avec une quantité de plans de coupe sur la ville incroyable (et comme tout se passe à Chicago, c’est pas pour situer l’action, c’est juste pour crier « Chicago »). C’est aussi une série avec une super bande-son (à forte composante rock des années 90), très très bien employée pour souligner la tension.

Si certain points de l’intrigue m’ont semblé un peu forcés/trop rapide (le plot-twist de la fin de la saison 1, le changement de posture de Richie après l’épisode Forks), globalement c’est quand même très bien écrit, avec des saisons 1 et 2 qui savent totalement où elles vont en termes d’arcs narratifs. Les épisodes Review et The Bear notamment sont très très réussis et la façon dont ils se répondent, ce qui a évolué ou non entre les deux est très bien exposé. En épisodes davantage one-shot, Fishes (qui sort du cadre du restaurant pour faire un flash-back sur un repas de Noël) et Forks (sur le passage de Richie dans un restaurant gastronomique) sont très réussis aussi. Le fait d’avoir toute une saison où le restaurant est en travaux est aussi assez magistral. La saison 3 perd la compacité d’écriture des deux premières, mais elle prend le temps de creuser les personnages

Les persos sont tous très bien écrits, avec évidemment le trio de tête Carmy/Sidney/Richie et l’ambiguïté qu’ils ont tous les trois en tant que perso qu’on peut à la fois adorer ou détester – un peu moins Sidney qui est moins flawed que les deux autres, mais aussi les persos secondaires : Marcus, Tina, Ibrahim sont des personnages crédibles, même avec peu de temps d’écran, et dans la famille étendue Berzatto, tous les personnages sont très réussis, que ce soit les tragiques comme Donna ou Mikey ou les comiques comme la famille Fak ou l’oncle Jimmy.

Bref, grosse reco.

Le Pédé, du collectif Jeanine Machine

Spectacle de rue vu dans le cadre du Festival des Arts de Rue de Ramonville. Brice et Corinne proposent de profiter du festival pour organiser la première pride de l’histoire de Ramonville. Mais les spectateurices n’ont pas l’air de savoir l’origine de la pride. Alors il va falloir raconter. Faire un saut dans le temps pour en revenir à la signification de Stonewall, à l’histoire française des mouvements de luttes LGBTQIA+, au FHAR, aux Gouines Rouges, à Allô Ménie, à la dépénalisation de l’homosexualité, aux combats d’Act-up, au PACS, au mariage pour tou·tes…

C’est du spectacle de rue, pas une conférence. Brice Lagenèbre incarne les différents personnages de l’histoire, jouant aussi bien Françoise d’Eaubonne que Frigide Barjot, Guy Hocquenghem comme Ménie Grégoire. La masse des spectateurices sert de décor, recréant la participation du FHAR aux cortèges du 1er mai (et l’accueil homophobe des syndicats), la première pride française… C’est prenant, instructif (je suis arrivé en me disant « Oui ça va Stonewall, je connais », j’ai réalisé que l’histoire française j’en avais aucune idée par contre), ça montre l’importance de la transmission de la mémoire.

Fortement recommandé.

Le Spectacle de Merde, de la compagnie Chris Cadillac

Gala de Jérome Bel x Inside de Bo Burnham x mouvance autonome

Petit florilège de références croisées. J’ai vu ce spectacle dans le cadre du Festival des Arts de Rue de Ramonville. Un parking, quatre camions, une dizaine de performeureuses. C’est un spectacle assez difficile à décrire, parce qu’il se passe plein de trucs, très différents. Y’a la lecture d’une note d’intention bordélique au début, des numéros avec les camions, des déguisements pour les camions, des chansons (collectives ou individuelles, originales ou plagiées), des poèmes, de la magie, du standup, des cascades, des interludes, des récits de vie, un défilé de mode.

Le côté variété des formes et épuisement d’un dispositif m’a fait penser à Inside (ce qui montre surtout que je manque de références de spectacle et notamment d’art de rue, je pense), le côté numéros de qualité variable mais avec des performeureuses qui se lancent à Gala, et l’aspect punk/anar well à des punks et des anars, que je réduis très rapidement aux totos pour la punchine de sous-titre.

C’était un très bon spectacle, on ne vois pas passer les 3h, même sans consommer de la Perlembourg à prix libre.

Inside, de Bo Burnham

Film sorti en 2021. Il s’agit d’un seul en scène, tourné pendant la pandémie de covid. Pour le background, Bo Burnham était une star d’internet qui a commencé à faire des spectacles sur scène, puis des crises de panique pendant ces spectacles. Du coup il a quitté la scène, suivi une thérapie, puis il s’est dit en janvier 2020 que c’était le moment de revenir sur scène, ce qui était Pas Le Meilleur Timing™. (Ce contexte n’est pas du tout nécessaire à avoir avant de lancer le film – perso je ne l’avais pas, il rajoute une couche au tout, mais c’est de toute façon évoqué pendant le spectacle). Du coup, il décide de tourner ce « comedy special » entièrement dans la (grande) chambre d’amis de sa maison. Il a masse matos et masse technique de son passé en tant que youTubeur, et il les exploite très bien.

Le spectacle est fait de pas mal de non-sequitur et de petites séquences séparées, Bo Burnham parle de son rapport à la mise en scène de soi, à la pertinence de faire des blagues quand le monde s’effondre, aux trucs merdiques qu’il a pu faire plus jeune (des blagues racistes, au hasard), de sa santé mentale… C’est pas mal méta, techniquement impressionnant, assez inclassable, et plus ou moins la seule œuvre (à l’exception de la saison 2 de Work in progress) qui donne un sentiment réaliste de ce que ça a été de vivre le confinement et ses conséquences.

Je recommande.

Paresse pour tous, d’Hadrien Klent

Je n’avais pas été fan de La Grande Panne, du même auteur, mais j’ai bien aimé ce livre-ci. En 2020, alors que la France se déconfine, Émilien Long, prix Nobel d’économie, publie un ouvrage intitulé Le Droit à la paresse au XXIe (toute ressemblance avec un titre de Piketty est volontaire), démontrant qu’il serait possible de passer à une semaine de travail de 15h sans perdre en niveau de vie, en mettant en œuvre un programme de redistribution de la plus-value du travail plutôt que de la laisser capter par le Capital.

Émilien va fédérer une équipe atypique autour de lui, qui va construire sa campagne présidentielle pour porter cette thématique révolutionnaire à l’élection de 2022. Mais se lancer dans une campagne présidentielle, c’est travailler bien plus que 3h par jour, et si le thème l’enthousiasme, Émilien n’est pas sûr de vouloir s’engouffrer dans une aventure aussi prenante…

Ça se lit vite, et la forme romancée marche bien pour faire avancer la thèse de l’auteur. Il n’y a pas de grande démonstration chiffrée de la réalité de la possibilité d’arriver à ce chiffre de 15h précisément, mais on sent que la proposition d’une réduction massive du temps de travail n’est pas faite dans le vide non plus. L’ancrage dans la vie politique réelle fonctionne bien. Elisabeth Crayeville en ministre de l’économie macroniste, fusion de plusieurs macronistes réel.les est assez réussie. Le roman retranscrit bien le côté peace de l’équipe de campagne et de son héros, on a envie d’y croire (bon, ça fait un peu l’impasse sur le paysage médiatique français d’extrême-droite les médias ici c’est Le Monde, YouTube et un présentateur de JT d’une grande chaine hertzienne qui s’est installé à la campagne, c’est plutôt bienveillant (les plus pugnaces à la limite c’est l’interview improbable par un quatuor CQFD/Lundi Matin/Pièces et Mains d’Oeuvre/Panthère Première).

Recommandé pour un truc politico-peace.

Lecture facile, de Cristina Morales

Roman espagnol de 2018. Nati, Angèls, Patricia et Gari sont quatre barcelonaises qui vivent dans le même appartement. Elles ne sont pas exactement colocs : déclarées handicapées mentales par le gouvernement, elles sont dans une résidence normalisée, après avoir passé une certaine partie de leur vie en centre fermé. On suit leurs quatre points de vue sur quelques événements : la gestion de l’appartement, la fuite de Gari pour aller vivre dans une maison squattée, les cours et le spectacle de danse de Nati…

C’était original dans la forme et le sujet, et intéressant. C’est rare qu’il y ait dans des romans des descriptions crédibles de réunions autogestionnaires. La version chorale de l’histoire, avec les formats différents donnés à la narration de chaque femme (narration intérieure pour Nati ; roman en lecture facile pour Angèls, qui raconte l’évolution passée de la vidéo du groupe jusqu’à l’arrivée dans l’appartement ; minutes d’audition judiciaire pour Patricia, CR de réunions de squats pour Gari) est réussi et permet à la fois de voir leurs divergences, leur agency et les différents aspects de leur vie et de leur rapport aux institutions ou groupes qui ont une influence sur leurs vies.

Je recommande.

Four weddings and a funeral, de Mike Newell

Comédie romantique anglaise parue en 1994. On assiste – comme le titre l’indique à quatre mariage et un enterrement, auxquels on retrouve la même bande d’ami•es qui appartiennent de plus ou moins loin à l’aristocratie britannique, dont Charles (Hugh Grant), le protagoniste, qui va tomber amoureux d’une américaine (Andie McDowell) rencontrée aux différents mariages. On suit l’évolution de leur relation alors qu’iels ne se voient que de loin en loin.

Le film est resté assez moderne : on a le regard cynique du groupe d’amis sur les mariages friqués où ils vont, les rôles genrés sont ok (la cohorte d’ex de Charles sont un peu clichés, mais c’est pour l’effet comique), c’est Charles qui tombe raide dingue de Carrie qui est plus distanciée, c’est lui qui prend un gros risque pour être avec elle (et un risque qui n’est pas prestigieux socialement). Les dialogues avec beaucoup d’humour anglais et de bitching sur le reste de l’assistance sont très réussis.

Je recommande.