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Benedetta, de Paul Verhoeven

Film français sorti en 2020. Italie, Moyen-Âge. Benedetta est sœur au couvent des théatines. Elle croit en Dieu et surtout en la Vierge, elle a des visions et potentiellement produit des miracles L’arrivée de sœur Bartolomea va remettre en question sa vision du monde : les deux femmes commencent une relation. Benedetta va s’opposer de plus en plus à l’Eglise, prenant la direction du couvent, refusant le jugement du nonce du Pape, et va affirmer que sa relation spéciale avec Jésus protège le village de la peste.

Résumé comme ça ça avait l’air cool, mais dans les faits j’ai trouvé ça assez raté. Je trouve que les dialogues tombent assez à plat, avec de grosses variations de ton. L’église est corrompue est politique sans beaucoup plus de nuances que ça, la relation de Benedetta et Bartolomea est surtout prétexte à nous les montrer nues (franchement, beaucoup de male gaze dans le film) sans que la relation n’ait de réelle profondeur. La photographie est jolie et les actrices principales jouent bien (mention spéciale à Charlotte Rampling dans le rôle de la mère supérieure déchue de son poste), mais sinon c’est anecdotique.

Archive 81, de Rebecca Sonnenshine

Série paranormale de Netflix sortie en 2022, assez décevante.

Le setup était très bien : en 2021, un archiviste est engagé par un mystérieux donateur pour restaurer une série de cassettes vidéos tournées en 1994 qui ont subi un incendie. Les cassettes s’avèrent être les rushs de l’enquête que menait une doctorante en sociologie sur un immeuble new-yorkais semblant héberger une secte aux desseins énigmatiques. L’archiviste va progressivement ressentir une affinité pour la doctorante vidéaste et avoir l’impression que les cassettes elle-mêmes ont des capacités surnaturelles. On va aussi avoir directement le point de vue de la doctorante, au delà de ce que l’on peut voir via les scènes tournées.

Malheureusement, sur ce setup intéressant, et qui fonctionne bien sur les premiers épisodes, on a une exécution qui ne fonctionne pas du tout à mon sens : pas de montée progressive de la tension, des répétitions trop nombreuses et des scènes d’explications qui prennent le spectateur pour un débile, des trous béants dans le scénario, des éléments qui sont abandonnés en cours de route. Il y a une idée très intéressante sur la fin à base de non-linéarité de l’enregistrement sur les cassettes (ce qui fait que ce que l’on croyait séquentiel et causal au premier visionnage ne n’est en fait pas), mais elle est absolument sous-employée. La partie restauration des cassettes en elle-même est aussi complétement sous-exploitée : toutes les cassettes sont restaurables à la perfection, pas de complication, pas de pertes d’éléments, et dans la mise en scène de l’acte de restauration, on a toujours les deux mêmes plans plutôt que de prendre le temps de vraiment montrer une expertise.

Bref, dommage. Les deux acteurs principaux jouent très bien par contre.

Les Promesses, de Thomas Kruithof

Film français de 2022. Isabelle Huppert joue la maire en fin de second mandat d’une commune de Seine Saint-Denis. Elle se bat depuis le début de son engagement politique pour la rénovation d’une cité, et espère décrocher un financement dans le cadre des appels à projets du Grand Paris. Elle est épaulée par son directeur de cabinet qui a grandi dans ladite cité et a employé la politique comme ascenseur social (un rôle que j’ai trouvé malheureusement très cliché). Se laissant attirer par le prestige d’un poste de ministre, Isabelle Huppert va perdre de vue ses convictions, puis les retrouver.

J’ai bien aimé le début du film, qui installe bien la situation, les rapports entre les personnages, les enjeux. La scène où Isabelle Huppert négocie avec le directeur de l’établissement du Grand Paris marche très bien, montre efficacement comment la politique peut être une histoire d’affects, d’insistance, d’irrationalité. Malheureusement je trouve que le film se perd assez rapidement après ça : on voit une maire qui fonctionne en totale autonomie, sans s’appuyer sur une équipe, avec zéro relation émotionnelle à sa première adjointe, soudain prête à envoyer balader tout ce qu’elle a construit du jour au lendemain. Les arbitrages politiques semblent se faire dans le vide, sans dossier ni critères, juste à la tête du client. Ça présente bien trop à mon goût une vision individualiste de la politique, là où il serait beaucoup plus pertinent de montrer le travail d’équipe, les relations multiples et complexes entre niveaux administratifs, entités et personnes. On a aussi l’impression que le dossier de la cité des Bernardins est le seul dossier que la mairie a à traiter, tout le reste est inexistant.

Bref, pas convaincu du tout par le portrait qui est fait de la politique locale. C’est bien filmé par contre, quelques jolis plans, et une bande son discrète mais originale, à base d’orchestre qui s’accorde.

Les Temps Ultramodernes, de Laurent Genefort

Uchronie rétrofuturiste française sortie en 2022. La découverte de la cavorite à la fin du XIXe siècle a bouleversé les sociétés humaines. Cette matière permettant d’annuler la gravité va à la fois modifier l’ingénierie, les équilibres géopolitiques et les conventions esthétiques. Dans les années 20 où se déroulent le livre, le monde est donc relativement éloigné du notre. Mais l’annonce d’une demie-vie bien plus courte que ce que l’on croyait pour cet élément va pousser les empires en puissance à manœuvrer pour mettre la main sur les réserves restantes.

Le pitch était intéressant, malheureusement j’ai été un peu déçu à la réalisation. Si Genefort donne bien vie à son univers (et on sent qu’il s’est amusé à le construire, avec beaucoup de références et un côté rétrofuturiste appuyé par une Mars habitée et son matériau antigravitaire), les personnages comme l’intrigue ont cependant assez peu d’épaisseur : déplacer les enjeux de la colonisation sur Mars lui sert surtout à avoir un peuple colonisé qui présente les caractéristiques du bon sauvage, très passif et dont on a finalement très peu le point de vue. Son usage du génocide et d’un camp d’extermination comme des éléments d’intrigue m’ont aussi mis assez mal à l’aise. Je vois bien la volonté de l’auteur de mettre au centre du récit des questions politiques, et de dire qu’au delà du côté rétrofuturiste il y a tous les problèmes et idéologies de l’époque (montée du fascisme, eugénisme, anarchisme, répression policière, inégalités, …), mais je trouve que c’est malheureusement mal fait.

L’idée d’une période uchronique basée sur une technologie miraculeuse qui va finalement se refermer avec la disparition du matériau qui l’a permise est intéressante, mais finalement peu traitée dans le roman qui se situe encore dans les années d’abondance de la cavorite.

Bref, univers intéressant, réalisation pas à la hauteur.

Don’t look up, d’Adam McKay

Comédie sortie fin 2021. Deux astronomes découvrent une météorite sur une trajectoire de collision avec la Terre. A leur grand désarroi, le gouvernement des États-Unis et les médias considèrent l’information comme juste une info de plus et non pas la priorité absolue que cela devrait être.

C’était une comédie sympathique mais assez anecdotique. J’ai trouvé que le sous-texte politique était assez peu réussi : globalement le problème c’est « le vilain PDG, la vilaine présidente, les vilains présentateurs télé », je trouve qu’alors qu’il prétend dénoncer « le système », le film passe finalement singulièrement à côté de ça : du coup ça fait assez daté, une critique des années Trump alors qu’on voit bien depuis le début du mandat de Biden que ça ne marche pas du tout mieux avec lui : on ne peut pas réduire le problème aux visages qui l’incarnent.

Par contre c’est bien joué, avec un casting de stars impressionnant. J’ai bien aimé le personnage assez secondaire de Timothée Chalamet, qui a plus de profondeur en quelques scènes que les personnages principaux. Le running gag des snacks de la Maison Blanche était rigolo par son côté totalement absurde, mais pour le reste les gags étaient quand même assez faciles.

Shang-Chi and the legend of the ten rings, des studios Marvel

Film Marvel qui avait l’avantage de fort peu référencer leurs n-milles autres films et de se tenir en tant que standalone. Shang-Chi est le fils d’un criminel immortel qui veut conquérir un village magique. En désaccord avec son père, Shang-Chi vit sous pseudonyme en Amérique, jusqu’à ce que son père retrouve sa trace. Il va alors devoir s’allier avec sa sœur pour mettre en échec les plans de son père. Vous l’aurez compris c’est une histoire familiale, avec des super-pouvoirs en plus. J’ai bien aimé le début, les questions de double culture et le fait que les dialogues alternent entre anglais et chinois.

Pour le reste c’était assez quelconque, avec des créatures magiques en images de synthèse assez laide et une trame très classique. Comme je l’ai dit l’intérêt c’était d’être regardable sans une connaissance préalable de tout le reste des produits Marvel.

The Last Duel, de Ridley Scott

Film historique de 2021. Dans la France du XIVe siècle, la dernière ordalie qui aura jamais lieu va impliquer deux chevaliers autrefois amis, suite à l’accusation de viol que la femme de Jean de Carrouges porte envers Jacques Le Gris. Le film va successivement nous montrer les points de vue de Jean de Carrouges, Jacques le Gris et Marguerite de Carrouges, qui se rappellent chacun les événements différemment

En soi l’idée était interessante, mais le film est réalisé à la truelle j’ai trouvé. On sent bien la patte Ridley Scott dans le côté médiéval-violent, mais la photographie est très sombre, le film se perd dans des longueurs, et si le côté « la vérité est relative » m’intéressait, il est malheureusement assez mal réalisé : si on voit bien les divergences de réminiscence entre le passé de Carrouges et de Le Gris, quand on en arrive à la question du viol – bon déjà j’ai pas spécialement envie d’un discours à base de « la vérité est relative » sur ce genre de sujet », mais le film évite quand même en grande partie cet écueil, seulement pour se jeter dans un autre : il ne fait pas de doute quand on voit le point de vue de Le Gris qu’il a violé Marguerite. Les deux personnages de chevalier sont très peu subtils et très peu sympathiques, ce qui rend Marguerite super appréciée par contraste, mais ça donne aussi du victim-porn à la The Handmaid’s Tale, à base de « ralala qu’est-ce que ça devait être dur d’être une femme dans ces conditions ». Je vois la volonté du film de porter un discours féministe, mais c’est avec une absence totale de nuances hélas.

J’ai conscience de descendre un peu le film en flamme dans le paragraphe précédent, mais il y avait aussi quelques bons éléments : toute la scène du duel lui-même est très réussie. La gestion du domaine par Marguerite et plus généralement les questions de gestion quotidienne des finances et des relations entre suzerains et vassaux sont intéressantes. Mais bon ça fait maigre sur un film de 2h.

Globalement, concepts intéressants mais réalisation ratée.

Foundation, de David S. Goyer et Josh Friedman

Série sortie en 2021, adapté très librement des romans d’Asimov. Au sein d’un empire galactique, Hari Seldon, mathématicien, pose les principes de la psychohistoire : une science qui peut statistiquement prédire l’avenir. Et au vu des tendances, l’Empire va prochainement s’effondrer, laissant place à 30 millénaires de barbaries. Mais il serait possible de réduire cette période en suivant méticuleusement un Plan sur un millénaire, permettant à une petite colonie missionnée pour conserver la connaissance scientifique de fédérer à nouveau un Empire à l’échelle galactique après seulement 1000 ans.

Globalement c’était joli. On sent que y’a de l’argent pour les décors et c’est sympa de voir de la SF avec des décors variés et qui semblent à la fois réalistes, grandioses et aliens. Concernant l’histoire par contre, j’ai été assez peu enthousiasmé : trop de lignes narratives, trop de détails qui se concentrent sur la vie de quelques personnages clefs alors que le point clef du concept c’est quand même que les choses ne reposent pas sur les actions individuelles mais sur les mouvements de masse. J’ai été notamment très saoulé par le dernier épisode de la saison dont j’ai eu l’impression qu’il était constitué très majoritairement de gens qui font des discours plutôt que d’une mise en scène de l’action. Après pour autant j’ai regardé toute la saison : ça reste suffisamment plaisant à regarder pour compenser le manque de fond, si on veut une série reposante et esthétique (et je dis ça non ironiquement : parfois c’est ce qui fait plaisir, et ça avec une esthétique SF ça me bien). Je serai pas forcément convaincu sur la durée et je la classerais pas dans les séries à voir absolument, mais c’était pas désagréable.

Candyman, de Nia DaCosta

Film d’horreur états-unien de 2021, suite du film éponyme de 1992. Trente ans après les événements du premier film, Cabrini-Green est un quartier largement gentrifié, où les appartements spacieux sont vendus à des couples aisés. Parmi eux, Anthony – artiste prometteur mais en panne d’inspiration – et Brianna – directrice de la programmation artistique d’une galerie d’art. Anthony est inspiré par l’ambiance des dernières traces de l’ancien Cabrini-Green, et il apprend d’un des résidents la légende de Candyman. Il décide de l’incorporer dans ses nouvelles œuvres, provoquant une résurgence de l’esprit et de ses crimes…

Avis mitigé.
J’étais excité parce que Jordan Peele était au scénario et que j’ai beaucoup aimé ce qu’il a fait dans Get Out, mais si les thèmes sont là, la réalisation de Candyman n’est pas au niveau. Y’a un faux rythme que je trouve assez problématique pour un film d’horreur qui repose quand même beaucoup dans le principe sur la montée de la tension. La question de la gentrification est intéressante mais traitée de façon beaucoup trop didactique, c’est présenté dans les dialogues, pas dans la mise en scène du film.
Par ailleurs, il y a des choses très bien aussi. Quelques jolis plans (les gratte-ciels filmés à l’envers – mais c’est trop déconnecté du reste pour vraiment fonctionner, Anthony qui marche dans un tunnel de verre sur lequel il pleut), un éclairage réussi. Sur le plan du scénario, l’incarnation du Candyman dans plusieurs personnes racisées qui ont été victimes d’injustice qu’elles cherchent à venger marche plutôt bien, et la conclusion du film fonctionne très bien : le Candyman n’est plus un monstre mais un protecteur contre des injustices systémiques autrement plus flippantes qu’un mec armé d’un crochet. C’est un peu frustrant de voir qu’il y avait un vrai potentiel là dessus qui n’a pas assez été exploité le long du film.

Ça m’a donné envie de voir le film original du coup.

Contes et Légendes, de Joël Pommerat

Pièce de théâtre. Une série de saynètes jouées par des acteurs adultes et enfants, sur le thème de la construction et de l’image de soi, et sur les rapports humains/robots.

Sur le point humains/robots, ça n’avait aucun intérêt, des questionnements vus et revus (et mieux traités) dans une quantité d’œuvre de SF. Sur la construction du soi et le passage à l’âge adulte y’avait des éléments intéressants et d’autres moins. Un gros malaise sur une scène qui dénonçait les discours masculinistes mais le faisait avec pas assez de recul pour que ça passe vraiment j’ai trouvé (d’ailleurs seul moment où il y a des gens qui ont hué, à raison). Une autre qui marche mieux pour dénoncer le privilège masculin par rapport à la charge mentale. Bon jeu d’acteurs de l’ensemble du cast, notamment le jeu sur les gestes pour celleux qui interprétaient les robots. Le texte n’est par contre pas toujours très naturel dans son énonciation (il y a un petit côté « faux langage de jeune » notamment).

Bref, avis mitigé, j’attends de voir son Petit Chaperon Rouge la semaine prochaine.