Marcel Proust & les Aventuriers du Temps Perdu.

Une fois que l’idée était lancée, je n’ai pas pu résister… Rien à voir avec l’Inde donc, mais tant pis.

La porte claqua, faisant vibrer la batisse ; Indiana se tenait dans l’embrasure, découpé sur l’or du soleil couchant, campé là comme s’il était l’évidence ; il y avait dans ce tableau un sentiment d’éternité, comme si Indiana n’avait jamais cessé de se tenir sur mon seuil, et que jamais il ne cesserait, dut-ce l’univers prendre fin ; et pourtant il bougea, et l’instant fut brisé, le sentiment balayé.
« Marcel. J’ai besoin de toi.
– Indiana. Cela fait longtemps. Après la dernière fois, je ne pensais plus te revoir. »
Indiana… Après la mort d’Albertine, brisé par le chagrin, je m’étais rendu aux Amériques, tentant de noyer mes pleurs dans la beauté du monde. Mais là où le monde n’avait rien pu, la beauté d’un homme m’avait sauvé. Indiana Jones, professeur et aventurier ; avec lui j’avais gravi des montagnes, exploré les plus vieux vestiges de l’Humanité, cherché de mystérieux artefacts. Las, après tout ce que nous avions vécu ensemble, quand j’avais rassemblé le courage nécessaire et déclaré mes sentiments à Indiana, il m’avait repoussé. Le cœur brisé une seconde fois, chancelant sous le poids des peines, je m’étais retiré à Guermantes dans la propriété familiale, où je n’aspirais qu’à panser mes plaies. Et aujourd’hui le passé et l’aventure se tenaient une nouvelle fois devant moi, et ils avaient le sourire d’Indiana.
« Marcel… Je ne t’aurais pas recontacté si la question n’était pas vitale. Je suis sur la piste de la couronne de Charlemagne. Mais je ne suis pas le seul. Cette couronne soulève l’intérêt de bien des gens malintentionnés. Sans ta connaissance de la société française, je n’ai aucune chance. Il existe une société secrète qui cherche la couronne, et qui possède un parchemin indiquant son emplacement. J’ai réussi à identifier certains de ses membres. J’aurais besoin que tu m’introduises chez un certain Verdurin. »
La tête me tournait. Indy, l’aventure, une quête mystérieuse, tout cela pouvait-il appartenir au même univers que la société feutrée qui emplissait les salons parisiens ? Indiana me regardait, attendant ma réponse. Guermantes me sembla tout d’un coup trop étroite, comme une mue qu’il me fallait abandonner pour aller de l’avant ; les boiseries de la vieille demeure m’avaient soutenu un temps mais maintenant qu’Indiana était là Guermantes prenait un coté absurde, elle palissait à coté du torrent perpétuel, du brasier de vie qu’était Indiana. Je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit oui, de ce même oui que l’on dit en réponse au prêtre, de ce oui que l’on crie dans l’extase, de ce oui qui clamait que contre vents et marées contre lui et contre moi, je serais à ses cotés.

Tondeuse.

En me réveillant de bon matin sur le coup de midi et demi, je me suis allègrement traîné jusqu’à la salle de bain.
Là, pendant que mon cerveau alerte tentait de faire correspondre l’image dans le miroir et la séparation persona/monde extérieur, mon regard a accroché la tondeuse abandonnée sur le rebord du lavabo par mon colocataire. Tout en passant une main hagarde sur ma barbe de trois semaines désespérément blonde et éparse, deux neurones se sont interrogés sur l’efficacité de l’instrument, avant de se résoudre à l’étude expérimentale. L’engin a été saisi, examiné sous tous les sens ; le bouton marqué ON a été pressé, la mécanique s’est activée, le menton a été approché.
Ventredieu. Pourquoi personne ne m’avait parlé de cette preuve de l’existence de Dieu auparavant ? En une minute chrono, sans mousse à raser ni rien, j’avais un menton qui évoquait plus l’Humanité civilisatrice et dispensatrice de Progrès qu’un croisement improbable entre une fourrure mangée aux mites et un crash aérien sur une table de dissection. Restaient à régler les yeux chassieux, les cheveux emmêlés et la paupière droite au tressautement incontrôlable, mais une douche de café et une tasse froide et tonique s’en chargèrent.
Un homme nouveau, je passais la porte de l’appartement, prêt à rappeler au monde extérieur de quoi Marcel Proust était le nom.
Une note mentale fut ajoutée à la case « Désirs et Consommation » : Acheter une tondeuse.

Vijay Iyer Trio

Un groupe de jazz indien. Qui fait une reprise cool d’une chanson déjà cool de Miles Davis (11/03/2016 :reprise perdu avec Grooveshark. Une autre chanson pour remplacer). Absolument pas dans un style indien. Parce qu’il y en a marre des stéréotypes sur les cultures.

Sinon, pas grand chose de trépidant ces derniers temps. Rédaction de statuts Facebook du rapport, surf, films… (2009, Lost memories (mauvais), The Girl Who Leapt Through Time (bon)…)

A 15 Francs le Cacolac, j’espère que je vais récupérer mon fric à la fin de la journée.

Yep, j’ai vu La Haine. Enfin. J’ai aussi vu un très très mauvais film qui s’appelle the Divide et un bon film très geek et complètement incompréhensible intitulé Primer.
Sinon, ce matin je suis allé surfer, plage déserte, soleil éclatant, juste ce qu’il faut de vagues… un bonheur.
Y’a de nouveaulles stagiaires à l’IFP, la mère de Sévan m’a prêté Solutions Locales pour un Désordre Global
Pour citer une amie : This life. A good life it is.

J’envisage de regarder Point Break, for the sake of genre savviness. (défi francophonie : trouver une bonne traduction de cette expression. Je propose « Pour l’amour du cliché assumé ».)

I’ve become my father.

Dans notre appart, nous avons deux chambres, et un salon avec un canapé et un hamac. J’ai pris l’habitude de poser mon ordi sur le canapé, me poser dans le hamac et regarder un film dans le salon, avant de m’endormir dans le hamac. Je plaide l’héritage génétique.

Sinon, joyeuse fête des mères.

[gigya src= »http://grooveshark.com/songWidget.swf » width= »250″ height= »40″ wmode= »window » allowScriptAccess= »always » flashvars= »hostname=cowbell.grooveshark.com&songIDs=22981006&style=metal&p=0″ ]

Odyssée.

Nous partîmes fringants et pleins d’espoir, le passeport en bandoulière, le visa s’étalant fièrement à la vue de tous. L’obtention avait été tumultueuse, mais nous étions en règle, prêt à laisser de coté toute tracasserie administrative pour se focaliser sur la Science et les voyages. De quelle naïveté ne faisions nous pas preuve !
Cette euphorie fut de courte durée. Sitôt arrivé, on nous signala, à demi-voix, l’existence du « Herrero », monstre mythique qui terrorisait le pays. Chaque nouvel arrivant devait se mesurer à lui et espérer en sortir indemne. Tel le Sphinx, le Herrero fonctionnait par énigmes. Il demandait au voyageur un tribut sous forme de parchemins difficiles à collecter, un certificat d’affiliation, une preuve de logement… Et refusait bien souvent des tributs pourtant conforme aux règles qu’il venait d’énoncer, son humeur changeante et capricieuse voulant désormais que tel parchemin soit présent deux fois ou signé de la main d’un vieux sage.
Je cheminai vers la tanière du monstre plein d’appréhension. En effet, mon visa était vicié : là où « IFP » devait s’afficher, une regrettable confusion à l’Ambassade avait laissé pour marque les mots « Alliance Française ». Le monstre n’eut que dédain pour mes tentatives de l’amadouer. Il me fallait une quittance de l’Alliance et non pas de l’IFP. « Mais je n’appartiens pas à l’Alliance », me débattais-je tel Alderaan face aux Siths. Le minotaure pondicherrien me laissa une ultime chance : Si je pouvais faire un duplicata de tous mes parchemins, alors il laisserait les parchemins accomplir une quête, une quête jusqu’à Chennai, cité mythique et lointaine, où ils subiraient l’ordalie d’un groupe de sages. La route jusqu’à Chennai était longue et semé d’embûches, et nul ne saurait si mes parchemins avaient péri en route. L’attente deviendrait mon credo, jusqu’à l’hypothétique appel qui me signalerait le retour sain et sauf de mon dossier. La mort dans l’âme, je regardais le Herrero sceller le destin et l’enveloppe de mon dossier.
Deux longs mois passèrent, un hiver de mon âme où je fus tel Pénélope. Et par un matin brûlant comme seul Pondy sait les créer, une sonnerie se fit entendre. La voix était ténue, couverte par les parasites, pourtant quelques mots firent sens, allant droit à mon cœur : « file… Chennai… back ». Il avait réussi le voyage ! Pour autant, l’ordalie avait-elle été un succès ?
Le lendemain, à l’heure où blanchissait la campagne, je partis. J’allais par Nehru Street, j’allais par le canal : je ne pouvais rester sans nouvelles plus longtemps. Dans la tanière du monstre pourtant, il me fallut patienter encore : trop tôt arrivé, la bête n’était point éveillée. Enfin j’aperçus mon dossier. Le Léviathan hésita, frémit, puis me tendit sa serre. De mes mains tremblantes s’échappèrent mon passeport, la bête me fis signe de revenir à la tombée du soleil, quand elle aurait fait agir sa magie.
Le soir donc je revins, et mon passeport me fus rendu, orné d’une rune proclamant que la bête m’accordait droit de cité.

Étais-ce la fin ? Il me plaît de l’espérer.
Et cependant, tel un cadeau empoisonné,
La bête a laissé une énigme à méditer :
Si je pose mon regard sur mon laisser-passer,
Et que je compte les jours qui me sont échoués,
Pour atteindre mon avion, il me manque une journée.

En fait, je ne suis pas mort.

Mais j’ai bien fait semblant.

Il s’est passé pas mal de choses depuis mon dernier billet.
J’ai récupéré un ordi tout pourri qui galère à l’allumage, refuse la configuration US de clavier (c’est-à-dire qwerty avec possibilité d’accentuation) et ne connait pas OpenOffice.
Je suis parti dans le Kerala (côte Ouest de l’Inde) avec Kristina et Alexandra, qui était venue dix jours profiter de la vie tropicale.
Je me suis mis en règle avec les autorités indiennes.

Ooty.

Image

Encore un week-end de trois jours qui vient de s’écouler (pour cause de Nouvel An tamoul). Nous en avons profité pour partir à Ooty, petite ville perchée dans les Nilgiris, le massif montagneux à l’Est de Pondy, à la frontière entre le Tamil Nadu , le Kernataka et le Kerala. Le plan original était de randonner dans une réserve (qui était fermée) et de prendre le petit train touristique pour redescendre (nous n’avons pas eu de place). Nonobstant, nous avons passé un excellent moment. Il faut savoir que l’on trouve trois choses essentielles à Ooty :

Des hectares de plantations de thé, qui permettent des photos et des randonnées des plus sympas.

De la fraîcheur, on est à plus de deux mille mètres d’altitude et après la fournaise qu’est Pondy en ce moment, c’est des plus appréciés.

Et enfin, conséquence directe de la fraîcheur, du chocolat. En effet, si l’Inde produit pas mal de cacao, il n’y a que dans la région d’Ooty qu’on le transforme en chocolat, parce que c’est le seul endroit où il ne fond pas immédiatement. On reste en Inde donc c’est essentiellement du chocolat au lait bien sucré, mais ça fait un bien fou (chocolat au caramel, quand te reverrais-je ?)

Nous avons donc consommé du chocolat, fait une randonnée dans les plantations de thé, avalé des kilomètres en bus, vu des singes et des paysages magnifiques, dormi dans la YWCA du coin (un trésor de flegme britannique, qui sert du porridge au petit déjeuner et qui possède un piano désaccordé sur lequel je me suis retrouvé à égrener la mélodie de When the Saints Go Marching in) et à écouter l’appel à la prière de la mosquée, (il y a une forte communauté musulmane).

En bonus, une photo de mon coloc :
Image