Archives par mot-clé : Mythologie moderne

Kaos, de Charlie Covell

Série télé sortie en 2024. L’histoire se passe dans un monde où les dieux de l’Olympe existent, et sont toujours vénérés de nos jours. L’histoire, racontée par Prométhée qui est à la fois protagoniste et narrateur omniscient, met en scène le début de la révolte des Humains contre ce panthéon, et particulièrement contre Zeus, dont la paranoïa le conduit à vouloir faire s’abattre des catastrophes naturelles sur l’Humanité pour les forcer à l’adoration.

Ca commence très bien, le côté mythologie modernisée fonctionne, Jeff Goldblum est très bon en tant que tyran domestiques aux capacités divines, mais ça s’essouffle un peu à partir de la moitié de la série. L’Olympe fait quand même très vide, avec une famille divine réduite à 6 personnes – même si les autres dieux et déesses sont évoqués on ne les voit jamais – et à part Zeus, ceux qu’on voit ne font pas grand chose de divin… De la même façon, le monde se réduit à la Crète, et même à sa capitale d’Heraklion, le reste n’est jamais évoqué. Il aurait fallu plus de dieux, moins de scènes filler dans les Enfers, et une ligne narrative + inspirante que celle d’Orphée (même si le twist dessus est intéressant). Ah et un point tout à fait mineur mais qui m’a personnellement agacé, c’est les petits bouts de latin. Oui ça fait antique, mais il s’avère que la langue grecque existe ? Et que c’est plus cohérent avec le panthéon grec et une histoire située en Crète ?

Bref, un gros potentiel pas totalement réalisé (+ une saison qui n’est que la moitié d’une histoire qui devrait se continuer dans la saison 2), mais si vous aimez de base la mythologie (et/ou Jeff Goldblum), vous apprécierez la série.

Circe, de Madeline Miller

Grosse recommandation. Madeline Miller écrit du point de vue de Circe ce que fut son existence, depuis sa naissance dans le palais d’Helios, le Titan du soleil, jusqu’à la conclusion des ramifications de l’année qu’Ulysse a passée avec elle. Ça explique ce qu’elle fait sur l’île d’Aiaia, parle de sa relation aux autres membres de sa famille, évoque un certain nombre de figures mythologiques, et je n’en dis pas plus pour ne rien divulgâcher. C’est bien écrit, féministe, intéressant, ça donne un point de vue original sur la mythologie grecque. Je vais aller me procurer The Song of Achilles, son autre livre.

Odyssée.

Nous partîmes fringants et pleins d’espoir, le passeport en bandoulière, le visa s’étalant fièrement à la vue de tous. L’obtention avait été tumultueuse, mais nous étions en règle, prêt à laisser de coté toute tracasserie administrative pour se focaliser sur la Science et les voyages. De quelle naïveté ne faisions nous pas preuve !
Cette euphorie fut de courte durée. Sitôt arrivé, on nous signala, à demi-voix, l’existence du « Herrero », monstre mythique qui terrorisait le pays. Chaque nouvel arrivant devait se mesurer à lui et espérer en sortir indemne. Tel le Sphinx, le Herrero fonctionnait par énigmes. Il demandait au voyageur un tribut sous forme de parchemins difficiles à collecter, un certificat d’affiliation, une preuve de logement… Et refusait bien souvent des tributs pourtant conforme aux règles qu’il venait d’énoncer, son humeur changeante et capricieuse voulant désormais que tel parchemin soit présent deux fois ou signé de la main d’un vieux sage.
Je cheminai vers la tanière du monstre plein d’appréhension. En effet, mon visa était vicié : là où « IFP » devait s’afficher, une regrettable confusion à l’Ambassade avait laissé pour marque les mots « Alliance Française ». Le monstre n’eut que dédain pour mes tentatives de l’amadouer. Il me fallait une quittance de l’Alliance et non pas de l’IFP. « Mais je n’appartiens pas à l’Alliance », me débattais-je tel Alderaan face aux Siths. Le minotaure pondicherrien me laissa une ultime chance : Si je pouvais faire un duplicata de tous mes parchemins, alors il laisserait les parchemins accomplir une quête, une quête jusqu’à Chennai, cité mythique et lointaine, où ils subiraient l’ordalie d’un groupe de sages. La route jusqu’à Chennai était longue et semé d’embûches, et nul ne saurait si mes parchemins avaient péri en route. L’attente deviendrait mon credo, jusqu’à l’hypothétique appel qui me signalerait le retour sain et sauf de mon dossier. La mort dans l’âme, je regardais le Herrero sceller le destin et l’enveloppe de mon dossier.
Deux longs mois passèrent, un hiver de mon âme où je fus tel Pénélope. Et par un matin brûlant comme seul Pondy sait les créer, une sonnerie se fit entendre. La voix était ténue, couverte par les parasites, pourtant quelques mots firent sens, allant droit à mon cœur : « file… Chennai… back ». Il avait réussi le voyage ! Pour autant, l’ordalie avait-elle été un succès ?
Le lendemain, à l’heure où blanchissait la campagne, je partis. J’allais par Nehru Street, j’allais par le canal : je ne pouvais rester sans nouvelles plus longtemps. Dans la tanière du monstre pourtant, il me fallut patienter encore : trop tôt arrivé, la bête n’était point éveillée. Enfin j’aperçus mon dossier. Le Léviathan hésita, frémit, puis me tendit sa serre. De mes mains tremblantes s’échappèrent mon passeport, la bête me fis signe de revenir à la tombée du soleil, quand elle aurait fait agir sa magie.
Le soir donc je revins, et mon passeport me fus rendu, orné d’une rune proclamant que la bête m’accordait droit de cité.

Étais-ce la fin ? Il me plaît de l’espérer.
Et cependant, tel un cadeau empoisonné,
La bête a laissé une énigme à méditer :
Si je pose mon regard sur mon laisser-passer,
Et que je compte les jours qui me sont échoués,
Pour atteindre mon avion, il me manque une journée.