Archives de catégorie : Arbres morts ou encre électronique

L’Arme à l’œil, de Pierre Douillard-Lefevre

Essai sur la militarisation de la police française. Court mais intéressant. L’auteur retrace comment la police s’est progressivement retrouvée équipée de flashball puis de LBD, comment l’imprécision des Flashball, conçue pour éviter les tirs directs et à la tête, a été mise en cause dans les tirs effectivement dangereux, conduisant à passer aux LBD avec des viseurs et une plus longue portée, avec pour effet de démultiplier les tirs à la tête.

Il remarque aussi que contrairement à ce qui était annoncé, le LBD n’a pas remplacé l’usage des armes à feu mais celui des matraques, réhabituant les policiers à tirer sur les gens comme une action normale. De plus, il y a un effet cascade : une fois que la police nationale a upgradé du Flashball au LBD, les polices municipales ont commencé à s’équiper en flashballs…

Bref, des évolutions bien badantes du maintien de l’ordre qui abandonne les idées de maintien à distance et de désescalade pour l’idée de blesser pour l’exemple.

Radicalized, de Cory Doctorow

Quatre nouvelles qui parlent de différentes formes de radicalisation. C’était fort bien.
La première parle d’une réfugiée aux US vivant dans un logement subventionné qui vient avec de l’électroménager propriétaire qui n’accepte que des marques chères et spécifiques de pain ou d’assiettes ou de capsules de café. L’héroïne va tenter de jailbreaker ses appareils, mais ça ne plaît pas trop aux gérants de l’immeuble…
La seconde met en scène un équivalent de Superman qui décide un jour de ne plus accepter la violence policière. Ca n’enthousiasme pas le gouvernement. Elle était très sympa à lire, mais c’est je pense la plus faible du recueil en ce qu’elle fait davantage fanfiction que texte indépendant (j’ai rien contre les fanfics, j’ai moi-même d’excellents amis qui sont des fanfictions), mais c’était ça fait que le texte ne tient pas seul sans avoir une idée des personnages.
La troisième parle d’un mouvement terroriste visant les politiciens et assureurs US qui empêchent d’avoir une sécurité sociale pour tou.te.s. Intéressante et probablement celle qui parle le plus de radicalisation au sens le plus courant, mais elle passe un peu sous le tapis que ces mécanismes sont plus associés à la radicalisation d’extrême-droite.
Enfin la dernière prend le point de vue d’un connard survivaliste qui avec ses rêves d’un monde apocalyptique à la Mad Max se retrouve à totalement foirer son expérience de l’effondrement par rapport aux gens autour de lui qui connaissent le mot solidarité.

J’ai vu une critique qui reprochait à Doctorow de faire des essais politiques déguisés en fiction, perso je trouve que c’est un des points forts du livre. Recommandé.

Vox, de Christina Dalcher

The Handmaid’s Tale, mais en carrément moins bien.

Assez déçu. J’avais vu une jolie couverture en librairie, j’avais feuilleté le premier chapitre qui commençait bien – je pensais être parti pour une dystopie féministe intéressante. Et puis non. Si la prémisse est intéressante – un gouvernement américain fondamentaliste décide littéralement de réduire les femmes au silence, le scénario est totalement implausible, empilant facilité sur facilité. Les personnages ne sont pas crédibles (et particulièrement manichéns) et les coïncidences abondent. Et en plus c’est mal écrit, avec des passages qui se répètent.

Bref, je ne recommande pas.

Le Patient de Timothé Le Boucher

J’ai moins aimé que sa BD précédente (Ces Jours qui Disparaissent, que je pensais avoir chroniqué ici mais visiblement non). Le seul rescapé du massacre d’une famille sort de 5 ans de coma. Une psychologue le suit, veut comprendre ce qui s’est passé la nuit du meurtre et si sa sœur, la coupable toute désignée, était bien responsable. Le garçon parle d’une présence qui cherche à l’étrangler les nuits dans sa chambre d’hôpital. Mais le rescapé semble aussi moins innocent qu’il ne le laisse paraître au début.

C’est joliment dessiné mais le propos est un peu confus : je trouve ça étrange de faire un thriller avec des mystères et de finalement ne rien résoudre. Il y a plein de lignes narratives qui montre différentes facettes du héros mais ça ne converge pas. Bref, un peu déçu, je recommande par contre Ces Jours qui Disparaissent).

Les Couloirs aériens, d’Etienne Davodeau et Christophe Hermenier

Une BD sur la crise de la cinquantaine d’un français moyen qui se retrouve au chômage et perd ses parents. J’ai pas été très convaincu. Il y a de jolis pages montrant un village du Jura enneigé, mais à part ça, les doutes et interrogations métaphysiques du héros m’ont laissé froid. Dans le genre réflexion sur la vie, l’héritage et le temps qui passe, j’ai largement préféré Portugal, de Pedrosa.

À l’ancienne, de Monier et Vieillard

Bande dessinée française. On suit dans un futur proche les aventures de trois bandits septuagénaires à travers un Paris au bord de l’insurrection. La narration suit l’un d’eux avec des troubles de la mémoire, du coup on à l’histoire à l’envers, à la Memento. L’idée est sympa, mais j’ai trouvé que ça donnait une bédé assez anecdotique au final. La couverture est sympa par contre, le côté duel de western rend bien.

Dernière Sommation, de David Dufresne

Roman sur les violences policières et la répression du mouvement des gilets jaunes, parlant de l’archivage des violences policières par David Dufresne sur son compte twitter. Le personnage principal, Etienne Dardel, est son alter égo. Le livre alterne son point de vue, celui de Vicky, une militante de gauche qui perd sa main à cause d’une grenade de désencerclement, et celui de plusieurs gradés de la police, avec qui Etienne interagit.

Je dois dire que j’ai pas été transporté par le bouquin. Déjà je ne suis pas super à l’aise avec l’idée de romancer ce bout d’histoire récente. Et puis j’ai trouvé l’histoire et l’écriture un peu plate.

Louis XIV et vingt millions de Français, de Pierre Goubert

Un livre sur ce à quoi ressemblait la France sous le règne de Louis XIV. L’auteur retrace les grandes périodes du règnes, les succès diplomatiques et guerriers au début, puis les échecs face à la coalition des pays européens. Le but n’est pas de faire la chronique de la vie de Cour ou des stratégies militaires, mais de parler de comment la vie des Français.e.s a été impacté par les décisions, la levée d’impôts pour financer les guerres, les succès et échecs du commerce extérieur, la mise en place d’une administration royale… Ça se lit facilement et ça donne quelques idées un peu plus claires sur ce à quoi pouvait ressembler – peut-être pas quand même la vie à cette époque, il faudrait beaucoup plus de détails – mais le rapport au pouvoir central des Français.e.s ordinaires, l’impact des conditions météorologiques et des rendements agricoles sur leur vie. Le livre insiste aussi beaucoup sur la variabilité des situations et sur la difficulté d’émettre des généralités s’appliquant sur tous le territoire du royaume de l’époque.

Chronosquad, de Grégory Panaccione et Giorgio Albertini

Une série en 4 tomes + un cinquième indépendant.

Dans l’univers de l’œuvre, le voyage temporel a été découvert. Il ne permet pas de retourner dans le passé de son monde mais d’aller dans des univers parallèles ou le temps s’écoule plus lentement, pour voir leur présent, qui correspond à notre passé. Et la première chose à laquelle on pense quand on a découvert ça… C’est le tourisme !!!!

On a donc un tourisme de masse transtemporel, et une force de police composé d’historien.ne.s, les chronosquads, en charge d’aller récupérer les touristes qui sortent des sentiers balisés. On suit une équipe de ces chronosquads, récemment intégrée par un médiéviste trop enthousiaste d’aller faire du terrain, mais qui se voit envoyer partout sauf au Moyen-Âge. Là dessus, on découvre à la faveur de la disparition de deux touristes dont la fille d’un ministre l’existence d’un front révolutionnaire transtemporel, et de multinationales très motivées par l’idée de privatiser le voyage dans le temps. Oh, y’a aussi une prison installée au Dévonien, Léonard de Vinci et de mystérieuses créatures anthropomorphes blanches comme de l’albâtre avec des têtes énormes.

Ça à l’air de partir dans tous les sens mais l’histoire réussit à rester lisible et cohérente. C’est sympa à lire, mêmes thèmes explorés que Last Year, de Robert Charles Wilson, avec une approche plus humoristique. Pas la BD de la décade non plus, mais prenante.

Une Année sans Cthulhu, de Thierry Smolderen et Alexandre Clérisse

Grosse recommandation, commençons par là.

L’histoire se déroule dans le Lot dans les années 80s. Des adolescents jouent à un jeu de rôle Lovecraftien, le café du village vient d’acquérir une borne d’arcade, une famille de franco-indiens reviennent au village après deux années d’absence, une nouvelle élève prénommée Mélusine intègre le lycée… Plein d’ingrédients pour faire une ambiance très réussie avec du fantastique et une adolescence à la française. Les rôles des personnages sont originaux, l’intrigue est prenante, elle part dans plein de directions mais reste lisible. Et le tout est servi par des dessins magnifiques, avec des couleurs aux reflets violets très rétros.