Essai sur le versant « développement personnel » de l’écologie politique, la façon dont il peut potentiellement étouffer le côté vraiment revendicatif et radical du projet écologiste, et plus généralement sur les tentatives et stratégies de récupération par le néolibéralisme de l’écologie.
Le néolibéralisme file plein de petites satisfactions de court terme mais pas d’épanouissement durable, à la fois en colonisant les imaginaires et en dégradant l’environnement. Cf le rapport du GIEC expliquant qu’il va falloir redéfinir ce qu’est une « bonne vie » si on veut surmonter la crise climatique (s’applique pareil pour la crise de la biodiv). L’écologie politique (la vraie, pas la croissance verte) propose de s’attaquer aux deux points à la fois. Mais du coup, récupération de la partie « décolonisation de l’imaginaire » par à la fois le néolib et des trucs pseudo-mystiques qui vont vendre un changement de l’intérieur des gens en oubliant toute la partie transformation des structures de la société : on va notamment retrouver là une bonne partie du développement personnel. Le développement personnel va être facile à promouvoir parce qu’il promeut un changement sans conflit : c’est quand même plus sympa. On va vendre du coup à la fois les « alternatives locales », le « développement personnel » et la croissance verte, avec l’idée que le modèle peut être transformé par des gens qui éteignent la lumière, font de la méditation pour se sentir mieux et vont acheter à la biocoop plutôt qu’en grande surface. C’est joli, mais en vrai le capitalisme s’accomode fort bien de tout ça, et à côté les gens des classes plus populaires qui n’ont pas les moyens (financiers, temporels, autre) de rentrer dans ces alternatives sont culpabilisés (la crise devient de leur faute) pendant qu’il existe toujours une grosse industrie polluante.
Le néolib est aussi fort content du développement personnel en ce qu’il peut facilement être dépolitisant : si l’accent est mis sur le fait de rendre les gens heureux en faisant des ajustements dans leur tête, on peut les persuader de s’adapter à des conditions extérieures merdiques contre lesquelles iels feraient mieux de se révolter. En plus les gens qui vont pas bien peuvent désormais être tenu.e.s comme les responsables de leur malheur : iels n’ont pas fait assez de travail sur elleux pour aller bien.
Deux exemples de plus : le do-it-yourself promu comme un moyen d’émancipation peut absolument ne pas l’être : si c’est inséré dans des circuits de production locaux et des réseaux de sociabilité fort bien, mais si c’est chacun.e fait son pain et son savon chez soi, ça détruit l’artisanat local, et ça permet au capitalisme de refourguer à chacun.e une machine à pain et une imprimante 3D pas mise en commun qui sera sous-utilisé. Incitation à la consommation des moyens de production personnels, en qq sorte. Le DIY émancipe dans le cadre des communs seulement, pas en soi.
L’agriculture urbaine réappropriée par les classes supérieures se fait gentrifier : là où les plus pauvres produisaient par nécessité, les classes sups vont voir ça comme un loisir et importer des pratiques de classes dans les jardins partagés : vont pousser au ZéroPhyto même si ça baisse la productivité, voir vont évincer les plus pauvres de l’agriUrbaine : soit par augmentation du droit d’entrée des jardins soit plus subtilement parce qu’ils pourront plus facilement préparer leur dossier de demande, ou en les faisant se sentir pas à leur place dans le jardin gentrifié.
Une réflexion sur « Egologie, d’Aude Vidal »