Archives par mot-clé : uchronie

Ministry of Space de Warren Ellis

Comic uchronique du début du XXIe. Durant les dernières heures de la Seconde Guerre Mondiale, les forces anglaises tentent un gambit et enlèvent l’ensemble des scientifiques allemands qui travaillaient sur le programme V-2. Armée de ces connaissances, l’Angleterre va développer seule dans son coin un programme spatial, et étendre l’Empire au delà du globe terrestre. Le récit alterne entre 2001, la date du premier lancement spatial américain, et les différentes étapes du programme spatial anglais, de 46 aux années 70s. Intéressant dans ce qu’il montre d’un développement différent de la course à l’espace et des développement sociaux de l’Angleterre, et dans les questions qu’il pose sur le coût (financier et moral) du développement d’un tel programme.

The Calculating Stars et The Fated Sky, de Mary Robinette Kowal

Uchronie sur la Conquête de l’espace. En 1952, une météorite frappe la Terre au large de la côte Est des USA. L’impact ravage la côte mais surtout, projette des quantités massives de vapeur d’eau dans l’atmosphère, initiant un effet de serre qui pourrait rendre la planète inhabitable sous 50 ans. Un programme spatial international est alors lancé, avec l’objectif d’établir une colonie martienne. Au cœur de ces événements, Anselma « Elma » York, qui travaillait déjà pour le programme spatial américain balbutiant, va faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le Corps des Astronautes soit ouvert aux femmes et qu’elle ait elle-même la possibilité de partir dans l’espace.

C’est prenant. Je l’ai lu en une nuit, de 23h à 7h. La narration entremèle les progrès du programme spatial : Elma travaille comme computer au sein du programme et son mari est l’ingénieur en chef qui le dirige, et le combat d’Elma contre la discrimination – des femmes en général, des femmes non-blanches aussi, et contre ses propres angoisses. Le personnage d’Elma est un peu une Mary Sue, mais il est aussi complexe : c’est une pilote, une surdouée des maths (et une geek complête, elle énumére des séquences mathématiques pour se calmer quand elle stresse), elle fait des crises d’angoisse, elle est juive avec une relation fluctuante à la pratique de la religion…
Le roman réussit à développer de nombreux personnages secondaires intéressants, qui permettent de développer les différentes facettes d’Elma :

  • son mari, qui est un peu l’allié parfait,
  • sa nemesis au sein du programme, qu’elle connaît depuis la WWII et qui est un astronaute doué mais arrogant qui jure de tout faire pour l’empêcher de quitter la Terre,
  • ses collègues computer, parmi lesquelles des femmes racisés qui la force à reconsidérer ses propres privilèges (Elma est blanche),
  • son frère qui permet de discuter la jeunesse d’Elma.

il aurait été intéressant que les différentes interactions soient moins du « Emma vs une facette de sa vie » et qu’il y ait davantage de croisements entre les différents aspects de sa vie.
Le roman aurait aussi pu bénéficier d’un meilleur travail d’édition : il y a plusieurs passages redondants qui auraient pu être retravaillés. Ce n’est pas très gênant à la lecture mais on est quand même là « oui oui, j’ai compris, c’est la troisième fois que tu détailles ça »

Deuxième tome : The Fated Sky


Je l’ai préféré au premier. Je pense qu’il bénéficie de ne pas avoir à faire tout le travail d’introduction et de caractérisation des personnages qui est effectué dans le tome 1, mais de plus, l’action est plus resserrée (on se concentre sur la préparation et la participation d’Elma à la première expédition vers Mars). Les personnages sont à nouveau très réussis dans ce roman, notamment sa nemesis (qui n’en est plus trop une), qui est vraiment le personnage le plus complexe du roman.
Voyage sur Mars oblige, il y a aussi moins de scènes de sexe entre Elma et son mari (enfin de scène de « on commence à évoquer du sexe puis on jette un voile pudique »). C’est tant mieux parce que de façon générale les descriptions d’interactions sexuelles apportent rarement quelque chose dans les romans à mon avis, mais en plus ici vu qu’elles sont invariablement décrite avec des analogies avec les lancements de fusée (get it ? Get it? GET IT?) elles étaient carrément reloues.

Je recommande.

Civilizations, de Laurent Binet

Uchronie publiée en 2019 sur la découverte de l’Europe par les Incas vers 1530.

Assez déçu (alors que j’avais beaucoup aimé ses deux précédents romans, notamment HHhH), l’auteur sombre dans le problème d’être tellement content de son univers qu’il le décrit aux dépens de raconter une histoire intéressante. C’est un peu atténué par le fait qu’il décrit essentiellement son point de divergence donc il y a de l’action, mais bon ça reste fortement dans le descriptif. Ça fait très brouillon de roman, en fait.

De plus comme le soulignent plusieurs critiques, c’est très européocentré. Le roman commence en Amérique mais dès qu’on met un pied en Europe on n’en sort plus.

Yesterday, de Danny Boyle

Jack Malik est un chanteur anglais qui fait les kermesses et les pubs. Il aime énormément la musique, mais seuls son amie et manageur et lui-même croient en son talent. Un jour, Jack réalise que personne sauf lui ne se rappelle des Beatles. Il décide alors de reprendre leurs chansons…
C’est divertissant mais pas incroyable, des reproches sur le personnage féminin principal qui est un cliché de Manic Pixie Fairy Girl (alors que les autres seconds rôles sont plutôt réussis, mention spéciale aux parents et à la manager).
Spoilers ci-dessous

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Iron Sky II : The Coming Race, de Timo Vuorensola

La suite d’Iron Sky, logiquement. Clairement plus de moyens que le premier, mais toujours autant de WTF. Suite aux événements du premier film, la surface de la Terre est dévastée. L’Humanité survit dans l’ancienne base nazie sur la Lune, qui se dégrade de jour en jour. Une mission de la dernière chance se monte pour aller récupérer sur Terre, ou plutôt dans la Terre, une source d’énergie qui permettrait de remettre en marche une navette et d’atteindre Mars. Mais récupérer cette source d’énergie ne sera pas de tout repos : la Terre Creuse est le foyer d’une race reptilienne extraterrestre qui contrôlait l’Humanité avant la destruction de la surface de la Terre… oh, et il y a des dinosaures aussi.

Le scénario est plein de trous, mais on regarde pas le film pour ça. On le regarde pour voir des Nazis montés sur des dinosaures, dans une base lunaire. Et pour toutes les idées WTF que le film place. Ça se regarde bien, j’aurai juste bien voulu qu’on se passe de la romance inutile de la toute fin du film.

Machines like me, de Ian McEwan

Angleterre, années 80s. La flotte partie reprendre les Malouines se fait détruire par les missiles argentins, dont le logiciel embarqué de reconnaissance visuelle sait parfaitement viser les navires ennemis. Il faut dire que la science informatique a bien bénéficié de la longue et fructueuse vie d’Alan Turing, toujours fringant en cette fin de siècle. C’est notamment grâce à ses travaux sur le Machine Learning que les premiers humains artificiels ont pu être commercialisés, et notre narrateur, Charlie Friend, en a acheté un…

Vous l’aurez compris, le livre est une uchronie technologique qui se focalise sur l’impact de ces technologies dans la vie de quelques protagonistes, un peu comme dans Never Let Me Go, de Kazuo Ishiguro. On suit la relation entre Charlie, sa voisine, et Adam l’humain artificiel. C’est lent comme l’Angleterre, le paysage politique rappelle l’Angleterre actuelle (il y a un socialiste charismatique qui dirige le Labour dans l’opposition, ça parle de sortir de l’UE, une potentielle récession…) Ca se lit bien, quelques facilités d’écriture par moment (notamment le narrateur est particulièrement amorphe et laisse tout arriver autour de lui, c’est volontaire mais c’est un peu agaçant parfois).

Event[0], d’Ocelot Society

Court (quelques heures) jeu vidéo sorti en 2016. Un monde uchronique où l’Humanité s’est lancée dans le voyage spatial dans les années 80. En 2016, vous embarquez pour une mission à destination d’Europe. Mais un problème inconnu vous force à évacuer dans un module de sauvetage. A la dérive, vous réussissez à aborder un vaisseau des années 80 laissé en orbite autour de Jupiter, le Nautilus. Là, vous allez devoir communiquer avec l’IA de bord, Kaizen, à travers les nombreux terminaux disséminés dans le vaisseau, pour pouvoir accéder à la passerelle et espérer pouvoir retourner sur Terre .
L’intérêt du jeu réside dans les interactions avec l’IA, qui se font en tapant du texte au clavier, de façon complètement naturelle : le jeu ne donne pas de lignes de dialogue préremplies, on peut demander n’importe quoi à l’IA (même si elle ne comprend pas toujours tout, mais ça fait plutôt bien illusion). Au delà de ça, il faut explorer le vaisseau pour comprendre les tenants et aboutissants de l’histoire, avec quelques séquences de sortie dans l’espace. J’ai bien aimé, mais c’était un peu trop court.

In the cage where your saviours hide, de Malcolm Mackay

Polar qui se déroule dans une uchronie. Un royaume d’Ecosse indépendant du Royaume-Uni a colonisé une partie de l’Amérique centrale, et a contrôlé jusqu’aux années 60s les colonies du Nicaragua, Panama et Venezuela. Les banques écossaises sont puissantes et les ports écossais ont été des centres d’influence majeure, de par leurs liens privilégiés avec la Nouvelle-Calédonie, dont les immigrés forment une part importante du prolétariat écossais.

L’univers est cool et sa présentation plutôt bien amené, mais il reste une toile de fond et l’histoire et l’enquête ne sont pas très intéressante par contre, avec des personnages dont on comprend assez mal les motivations pour leurs actions. Dommage.

Rex Mundi, d’Arvid Nelson

France, 1933. La Réforme n’a pas eu lieu, et la Révolution Française a échoué. A quelques cellules de terroristes calvinistes près, l’Europe et catholique, et la France est dirigée par une monarchie constitutionnelle où le pouvoir est partagé entre Louis XXII, la Chambre des Épées et la Chambre des Robes. L’Inquisition est la force de maintien de l’ordre principale, même si elle commence à accepter de coopérer avec des forces de police laïques dans les différents empires. Oh, et la magie existe.

Dans cet univers, un membre de la Guilde des Médecins va accepter de mener une enquête pour le compte d’un de ses amis. Très vite, il va se retrouver sur la piste d’une conspiration ancestrale (avec des Templiers, comme toute bonne conspiration), sur le point de remettre en cause le pouvoir de l’Eglise et l’ordre politique de la France.

L’univers est très bien. Les premiers tomes, où on le découvre progressivement, avec l’enquête du personnage principal, sont vraiment bien. Les ajouts sous la forme de une de journaux à la fin de chaque chapitre qui donne une idée plus large de ce qui se passe dans le monde, sont une excellente idée pour approfondir l’univers sans ralentir l’histoire.
Je suis moins convaincu par la fin, où l’histoire de l’enquête et les grands enjeux politiques, qui devraient se mélanger, ne le font pas : c’est deux histoires parallèles, certains personnages passent de l’un à l’autre mais sans qu’une histoire n’influe vraiment sur l’autre. De plus, la politique devient trop un décalque de notre monde dans les enjeux, toute la partie magie et église en disparaît, alors que les premiers tomes réussissaient à vraiment donner quelque chose d’alternatif intéressant.

Frankenstein 1918, de Johan Heliot

Uchronie sur la guerre de 14. Dans un monde où les événements de Frankenstein se sont déroulés, ses travaux et notes ont été récupérés par le gouvernement anglais. Au début des hostilités, Winston Churchill lance un programme visant à reproduire ses travaux pour créer de nouveaux soldats depuis les soldats tombés au combat. Cette expérimentation va changer le visage de la guerre, tel qu’on le découvrira au fur et à mesure des récits enchâssés d’un historien des années 50, de Churchill lui-même et d’un certain Victor.

Ça se lit bien, j’aurai apprécié un peu plus de récit de la vie dans l’uchronie plutôt que de l’exposition dans la fausse préface. C’est une uchronie originale dans ses débuts mais qui retombe un peu dans des schémas classique une fois que l’Histoire avance, ça révolutionne pas le genre non plus mais c’est un hommage sympa.