Archives par mot-clé : comics

Le Syndrome Magnéto, de Benjamin Patinaud

Essai paru en 2023, sur les personnages de méchants dans la pop-culture, et particulièrement sur les méchants avec une profondeur parce que leur cause peut paraître juste ou compréhensible (vs ceux qui veulent détruire la Terre avec un rayon de la mort parce qu’on est mardi). L’auteur montre, dans une extension de sa vidéo éponyme, à la fois en quoi ces personnages peuvent apparaître attirants parce qu’ils proposent de challenger le status quo et de faire évoluer les choses, avec des méthodes potentiellement discutables, mais en s’engageant : à l’opposé les héros vont être littéralement réactionnaires : ils ne vont se mobiliser qu’en réaction à cette menace sur le status quo, pour le protéger et faire que rien ne change (ou vont se rallier à la cause du méchant mais pas à ses méthodes, visant du réformisme plutôt que la révolution, mais ne le faisant que parce que le méchant a été l’élément perturbateur en premier lieu).

Le livre s’étend aussi sur comment la narration s’y prend pour disqualifier (ou non) le projet du méchant : son idéal affiché peut n’être qu’un paravent dissimulant des motifs plus égoïstes, les moyens employés peuvent être atroces, le caractère moral du méchant horrible indépendamment de sa cause… Inversement le méchant peut finir par voir ce qui ne va pas et se rallier aux héros, temporairement ou définitivement. Un cas plus intéressant pour les œuvres écrites sur le temps long (séries de comics notamment), peut être que la narration va se rallier au point de vue de l’opposant : Magnéto a ainsi été réhabilité, sa radicalité montrée comme pertinente au vu de l’absence d’avancées obtenues par les méthodes réformistes.

Enfin, certaines œuvres déplacent le cadrage et montrent un status quo tellement atroce que ceux qui seraient des méchants dans d’autres contextes ne peuvent ici être que des gentils : le cas est bien illustré par V pour Vendetta, où la dictature en place justifie l’usage du terrorisme pour l’abattre, là où V serait un méchant dans d’autres œuvres.

Je recommande, si vous aimez la pop culture (je recommande aussi les différentes chaînes youTube de bolchegeek)

Baltimore, de Mike Mignola

Durant la première guerre mondiale, Henry Baltimore, un soldat anglais, blesse un vampire qui se nourrissait d’un soldat agonisant sur le champ de bataille. Cet événement déclenche une guerre entre l’Humanité et les forces surnaturelles, réveillées d’un long sommeil. Le comics va suivre les tribulations de Baltimore et de ses alliés à travers l’Europe pour tente de mettre fin aux différentes manifestations du surnaturel qui se déclenchent ici et là, alors que les vampires et des congrégations de sorcières préparent le retour du Roi Rouge, un Grand Ancien.

J’ai beaucoup aimé. J’ai les premiers tomes chez moi mais je n’avais jamais eu l’occasion de lire la seconde partie du comics, là j’ai tout relu d’un seul coup. J’aime beaucoup l’ambiance du comics et le dessin de Mignola. Le setup de la fin de la première guerre mondiale marche bien pour une histoire surnaturelle, et j’aime beaucoup le dessin de Ben Stenbeck, qui reprend bien le style de Mignola mais le rend plus lisible à mon sens (j’ai été moins convaincu par le dessin des autres dessinateurs mais je pense que c’est aussi une question d’habitude). Et les couleurs de Dave Stewart fonctionnent super bien avec l’ambiance de l’histoire.

Je recommande chaudement si vous aimez les trucs horrifiques.

It’s Lonely At the Centre of the Earth, de Zoe Thorogood

Comic autobiographique d’une dessinatrice anglaise, parlant de sa dépression, des attentes (les siennes et celles des autres) sur ce que vont être sa vie et son œuvre maintenant que son premier comic a connu du succès.

J’ai pas mal aimé. C’est assez méta, avec plusieurs styles de dessins qui s’entremêlent, plusieurs incarnation de Zoe qui s’interpellent les unes les autres, une tentative de rebooter la bédé de façon plus positive et linéaire à mi-chemin. Le côté introspectif (et dépressif) m’a fait penser à du Carrère, d’une certaine façon. La mise en récit graphique d’une dépression m’a aussi fait penser à C’est comme ça que je disparais, de Mirion Malle, mais j’ai préféré It’s lonely… dans sa mise en forme.

Ministry of Space de Warren Ellis

Comic uchronique du début du XXIe. Durant les dernières heures de la Seconde Guerre Mondiale, les forces anglaises tentent un gambit et enlèvent l’ensemble des scientifiques allemands qui travaillaient sur le programme V-2. Armée de ces connaissances, l’Angleterre va développer seule dans son coin un programme spatial, et étendre l’Empire au delà du globe terrestre. Le récit alterne entre 2001, la date du premier lancement spatial américain, et les différentes étapes du programme spatial anglais, de 46 aux années 70s. Intéressant dans ce qu’il montre d’un développement différent de la course à l’espace et des développement sociaux de l’Angleterre, et dans les questions qu’il pose sur le coût (financier et moral) du développement d’un tel programme.

Dial H, de China Miéville

Reboot d’un ancien comic DC par China Miéville. En composant un numéro particulier dans une cabine téléphonique un homme se transforme en héros au hasard. Les héros invoqués sont particulièrement wtf. Mention spéciale à Open Window Man, le super héros des fenêtres ouvertes.

En parallèle d’un certain nombre de batailles super héroïques, le protagoniste essaie de découvrir l’origine du cadran. S’ensuit un multivers, une guerre millénaire, un mystérieux opérateur et un Central Téléphonique. Et les services secrets canadiens – Dark Maple -, d’autres types de cadrans, l’Atlantide, des héros invoqués qui sont trop des stéreotypes racistes pour que les protagonistes acceptent d’utiliser leurs pouvoirs…

Ça part vraiment dans tous les sens, on reconnait bien la patte China Miéville, mais ça garde une cohérence interne et une pertinence malgré la premice totalement random.

Je recommande.

DMZ, de Brian Wood

Comics publié de 2005 à 2012. La seconde guerre civile américaine s’est déclenchée, entre le pouvoir central, et des milices difficiles à situer politiquement issues du pays profond (un mouvement qui n’est pas sans rappeler les Gilets Jaunes + la culture des armes à feu des US). La Guerre est resté relativement sans dégâts à cause de difficultés à distinguer les populations et les combattants, et la prise par surprise des USA par les milices des Etats Libres. Sans dégâts jusqu’à ce que les armées structurées se rencontrent à New York. Le New Jersey est aux États Libres, Brooklyn aux USA, et Manhattan est devenue une zone « démilitarisée » entre les deux armées.

C’est dans cette zone livrée à elle même, exposé à des bombardements de la part des deux camps, à l’infiltration de compagnies mercenaires, isolée du reste de l’Amérique, que Matthew Roth, un journaliste débutant, va se retrouver parachuter et tenter de faire son métier en conservant son « objectivité journalistique », si tant est que ça ait un sens en zone de guerre. Une excellente bédé. Les deux armées sont présentées comme des connards, ça parle de journalisme, de divisions politiques, de guerre et de la position des civils dedans (un petit côté This War of Mine ou Sunset, pour donner des références vidéoludiques), de l’influence des multinationales, de l’absence de position neutre.

Y, the last man

[02/2016] Série de comics par Brian K. Vaughan (scénario), et Pia Guerra (dessin), que j’ai relue à l’occasion de mon achat du neuvième et pénultième tome. Les auteurices imaginent un monde où tous les hommes sont morts soudainement pour une raison mystérieuse (tous sauf un). C’est intéressant comme pitch, et c’est souvent bien réalisé mais y’a des moments un peu randoms.

[2019] Relue à nouveau maintenant que j’ai mis la main sur le dernier tome. La fin manque un peu d’intensité, mais globalement c’est cool. Le personnage de Yorrick est intéressant (c’est globalement pas lui qui sauve le monde ni les situations dans lesquelles le groupe se trouve, il est plus un fardeau pour ses compagnes qu’autre chose), mais la série reste très centrée sur lui. On sent que les auteurices sont bien intentionné.e.s et iels font des trucs intéressants, mais il leur manque quelques bases en concepts féministes (notamment, y’a un peu un seul type de corps féminin représenté c’est un peu dommage – sur la diversité des caractères des personnages c’est mieux).

White Knight, de Sean Murphy

Roman graphique sur Batman, qui imagine un Batman toujours plus violent et un Joker qui, à l’aide d’une drogue expérimentale, sort de sa psychose. Les rôles commencent à s’inverser, avec un ex-Joker qui décide de devenir conseiller municipal et d’assainir la ville, là où Batman provoque destructions/actions illégales/collusion politique.

C’était assez cool. J’aime bien le dessin, le scénario intègre pas mal d’éléments de différentes époques de Batman (les différentes batmobiles, différents styles vestimentaires du Joker) et pose des questions de brutalité parapolicière, de détournements de fonds, de justice sociale. La caractérisation du Joker et surtout d’Harley Quinn est intéressante. C’est pas mal d’avoir un one-shot avec une histoire et un nombre de personnages resserré. J’ai lu Dark Nights: Metal ensuite, qui est un gros crossover de l’univers DC, et bon y’a qq jolies planches mais l’histoire est boursouflée à mort, on voit bien la différence entre les deux choix de narration.

Chew, de John Layman et Rob Guillory

Série de comics en 12 tomes. Suite à une pandémie de grippe aviaire, le poulet a été déclaré illégal, et la FDA est devenu l’agence fédérale la plus puissante des USA. Elle enquête sur tout les crimes liés à la nourriture, qui sont légions dans un monde où certaines personnes, comme le héros de la série, ont des super-pouvoirs liés à la nourriture. Tony Chu, le héros, est cibopathe : il peut voir le passé de ce qu’il consomme, faculté relativement utile quand on est enquêteur – si vos collègues acceptent de vous voir mordre à belles dents dans les cadavres.

La série est assez barrée, avec des questions d’influence extraterrestres, des sectes millénaristes, un marché noir du poulet, un coq de combat surpuissant, des superpouvoirs absurdes… Le dessin est sympa aussi, assez cartoonesque par moment, on sent que les auteurs se sont faits plaisir avec cette série (notamment toutes les doubles pages « Poyo vs… » sont géniales). Ca ne renouvelle pas profondément le genre, mais j’ai passé un bon moment en lisant les 12 tomes (même si pas totalement convaincu par la fin).

Histoires de Batman, de Scott Snyder

Un ami m’a prêté 6 tomes en hard cover de Batman, les histoires scénarisées par Scott Snyder, c’est-à-dire The Court of Owls, The City of Owls, Death of the Family, Zero Year: Secret City, Zero Year: Dark City et Past, Present, Future. J’avais déjà lu les deux premiers il y a longtemps et j’avais aimé, du coup j’étais content de me replonger dedans et d’avoir une bonne dose d’oeuvre à lire.

J’ai beaucoup aimé les dessins (le gros de l’œuvre est dessiné par Greg Capullo mais il y a pas mal d’autres dessinateurices aussi). J’ai bien aimé l’arc des Hiboux (même si bon, y’a quand même une société secrète centenaire prête à se révéler à chaque coin de rue dans l’univers DC). Pas été fan de Death of the Family, que j’ai trouvé comme un The Killing Joke (si vous aimez l’univers de Batman et que vous n’avez pas lu The Killing Joke, faites-le) en moins réussi, plus dilué/verbeux. Le design du Joker est très réussi cependant. Zero Year et Past Present Future sont cools, mais les parties « Les voyages de Bruce Wayne » ne servent pas à grand chose. La prise de contrôle de Gotham par le grand méchant n’a comme souvent aucune crédibilité, mais les vues d’un Gotham en ruine et le Batman en mode survival que ça permet de mettre en scène sont superbes, donc on pardonne l’implausibilité. Il me reste 2 ou 3 tomes à emprunter, on verra ce que ça donne.

Il me restait donc 3 tomes à emprunter : pour commencer, Mascarade, ie le re-re-re-retour du Joker. Un peu dubitatif parce que comme toujours c’est à géométrie très variable : parfois le méchant a juste le gaz incapacitant qui permet de neutraliser Batman, parfois Batman a 18 coups d’avance.

Enfin, Batman la relève, tome 1 et 2. Suite aux événements de Mascarade, Batman est porté disparu. Un petit partenariat public privé entre le GCPD et Powers Industries va lancer le programme « Agent Batman », où le nec plus ultra de la technologie futuriste des comics va permettre d’avoir un exosquelette Batman employé par les forces de police de Gotham. Et forcément, en réaction à ce nouveau Batman, un nouveau superméchant surgit. Des trucs intéressants explorés dans cet arc, mais la structure globale de l’arc et le méchant n’ont pas grande originalité. La relation du Batman de substitution à la fois à l’institution policière, à l’héritage de Batman et à la mégacorporation qui le sponsorise est intéressante. Esthétiquement j’étais content qu’on nous montre plein de variations du costume de Batman et des Batexosquelettes, ça me fait toujours tripper.

GLobalement j’étais content de lire cette grosse masse de Batman, bons dessins, bon univers et c’est un superhéros que j’aime bien, mais les scénarios et le Batverse en général ont un peu tendance à réinventer la poudre à chaque reboot de l’univers plutôt que de faire des trucs novateurs (déjà perso je serai responsable chez DC de comment l’univers se développe, je tuerai Bruce Wayne une bonne fois pour toute. Pas temporairement pour n publications, définitivement définitivement. Ca serait un peu plus en ligne avec l’idée que Batman est plus grand qu’un seul homme, et ça permettrai d’explorer d’autres trucs intéressant que de nous rebooter sa première année en tant que Batman tous les 36 du mois. Mais bon.6)