Archives par mot-clé : Conquête spatiale

For All Mankind, de Ronald D. Moore et Ben Nedivi

Série télé uchronique. En 1969, l’URSS réussit le premier alunissage de l’Humanité, avant de surenchérir avec l’alunissage d’*une* cosmonaute. En réaction et sous pression de la Présidence, la NASA accélère fortement son programme spatial, décide de l’ouvrir aux astronautes femmes, et lance la construction d’une base permanente sur la Lune.

Saison 1 :

J’ai beaucoup aimé. On commence avec des astronautes (et leur entourage) qui sont des stéréotypes en carton-pâte, et la série les déconstruit progressivement pour en faire de vraies personnes avec des vies compliquées. Il y a une palanquée de problèmes techniques dans l’espace qui tiennent les spectateurices en haleine, et ce d’autant plus qu’en bonne série post-GoT, les scénaristes n’hésitent pas à tuer des personnages principaux (en terme de tension qui te tient rivé à ton siège, mention spéciale à l’épisode 9).

C’est fortement dans la même veine que The Calculating Stars, même si l’uchronie et la période temporelle sont un peu différentes, et c’est très cool de voir ce genre d’histoire sous la forme d’une série avec un bon budget pour les décors.

Saison 2 : (spoilers below)

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Planètes, de Gorō Taniguchi

Adaptation en animé du manga éponyme de Makoto Yukimura. J’avais lu le manga ado, j’avais les DVDs des premiers épisodes depuis très longtemps, le second confinement a été l’occasion de s’y mettre. En 26 épisodes de 20 minutes, on suit le quotidien de la section Débris, une équipe d’éboueurs de l’espace dans les années 2070. L’histoire tourne principalement autour de deux membres de cette section, Tanabe, jeune novice idéaliste, et Hakimachi, un éboueur plus âgé qui a toujours rêvé de posséder son propre vaisseau et de participer à la conquête spatiale.

C’est très cool. L’univers montre une version relativement réaliste de l’exploration spatiale. Passée l’ère des premières fois épiques, l’espace est devenue une ressource comme une autre, exploitée par des firmes multinationales qui ont assez de capitaux pour se lancer dans des projets très coûteux mais très rentables. Le fait de centrer le point de vue sur la section Débris est très bien pensé : sans ce travail de récupération des déchets et débris, les voyages dans l’orbite terrestre serait impossible. Pour autant c’est un job sans prestige, les pilotes de navette sont ceux qui font rêver, pas les éboueurs. La Technora ne garde une section Débris, sous-financée et sous-staffée, que parce qu’elle reçoit des subventions de la Fédération (l’alliance des pays riches) pour ce faire. La géopolitique de l’univers est très réussie aussi : l’exploitation spatiale profite aux transnationales et aux pays riches, et un mouvement terroriste conteste la dépense énorme de ressources qu’engendrent les projets spatiaux et qui pourraient êtres alloués à la réduction des inégalités sur Terre. La série réussit très bien à balancer ces facteurs réalistes avec le pouvoir d’attraction que les mots « exploration spatiale » peuvent avoir. Elle montre aussi les risques pour la santé de la vie en dehors de la Terre, que ce soit les multiples accidents ou plus insidieusement les cancers liés aux radiations non-filtrées par l’atmosphère.

Concernant les personnages principaux, on a une focalisation d’abord sur le personnage de Tanabe, qui découvre cet univers, permettant de filer les clefs de compréhension aux spectateurs. Mais rapidement on comprend que le vrai héros de l’histoire est Hakimachi, prêt à sacrifier énormément de choses à sa passion de l’espace. Si Tanabe fait pas mal avancer l’histoire et est beaucoup mise en lumière, on est quand même sur une répartition très classique des rôles genrés dans ce couple de personnage, avec le mec taiseux qui veut être indépendant et aller explorer, et une fille idéaliste qui va apprendre à son contact mais lui faire découvrir la puissance de l’amour. De ce point de vue les personnages secondaires sont cependant plus réussis, notamment Fay Carmichael, la pilote de la section Débris colérique et prête à tout pour fumer tranquillement ses clopes. Tous les fils narratifs secondaires permettent de bien développer ces personnages et l’univers dans lequel ils évoluent.

Je recommande.

Ministry of Space de Warren Ellis

Comic uchronique du début du XXIe. Durant les dernières heures de la Seconde Guerre Mondiale, les forces anglaises tentent un gambit et enlèvent l’ensemble des scientifiques allemands qui travaillaient sur le programme V-2. Armée de ces connaissances, l’Angleterre va développer seule dans son coin un programme spatial, et étendre l’Empire au delà du globe terrestre. Le récit alterne entre 2001, la date du premier lancement spatial américain, et les différentes étapes du programme spatial anglais, de 46 aux années 70s. Intéressant dans ce qu’il montre d’un développement différent de la course à l’espace et des développement sociaux de l’Angleterre, et dans les questions qu’il pose sur le coût (financier et moral) du développement d’un tel programme.

The Calculating Stars et The Fated Sky, de Mary Robinette Kowal

Uchronie sur la Conquête de l’espace. En 1952, une météorite frappe la Terre au large de la côte Est des USA. L’impact ravage la côte mais surtout, projette des quantités massives de vapeur d’eau dans l’atmosphère, initiant un effet de serre qui pourrait rendre la planète inhabitable sous 50 ans. Un programme spatial international est alors lancé, avec l’objectif d’établir une colonie martienne. Au cœur de ces événements, Anselma « Elma » York, qui travaillait déjà pour le programme spatial américain balbutiant, va faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le Corps des Astronautes soit ouvert aux femmes et qu’elle ait elle-même la possibilité de partir dans l’espace.

C’est prenant. Je l’ai lu en une nuit, de 23h à 7h. La narration entremèle les progrès du programme spatial : Elma travaille comme computer au sein du programme et son mari est l’ingénieur en chef qui le dirige, et le combat d’Elma contre la discrimination – des femmes en général, des femmes non-blanches aussi, et contre ses propres angoisses. Le personnage d’Elma est un peu une Mary Sue, mais il est aussi complexe : c’est une pilote, une surdouée des maths (et une geek complête, elle énumére des séquences mathématiques pour se calmer quand elle stresse), elle fait des crises d’angoisse, elle est juive avec une relation fluctuante à la pratique de la religion…
Le roman réussit à développer de nombreux personnages secondaires intéressants, qui permettent de développer les différentes facettes d’Elma :

  • son mari, qui est un peu l’allié parfait,
  • sa nemesis au sein du programme, qu’elle connaît depuis la WWII et qui est un astronaute doué mais arrogant qui jure de tout faire pour l’empêcher de quitter la Terre,
  • ses collègues computer, parmi lesquelles des femmes racisés qui la force à reconsidérer ses propres privilèges (Elma est blanche),
  • son frère qui permet de discuter la jeunesse d’Elma.

il aurait été intéressant que les différentes interactions soient moins du « Emma vs une facette de sa vie » et qu’il y ait davantage de croisements entre les différents aspects de sa vie.
Le roman aurait aussi pu bénéficier d’un meilleur travail d’édition : il y a plusieurs passages redondants qui auraient pu être retravaillés. Ce n’est pas très gênant à la lecture mais on est quand même là « oui oui, j’ai compris, c’est la troisième fois que tu détailles ça »

Deuxième tome : The Fated Sky


Je l’ai préféré au premier. Je pense qu’il bénéficie de ne pas avoir à faire tout le travail d’introduction et de caractérisation des personnages qui est effectué dans le tome 1, mais de plus, l’action est plus resserrée (on se concentre sur la préparation et la participation d’Elma à la première expédition vers Mars). Les personnages sont à nouveau très réussis dans ce roman, notamment sa nemesis (qui n’en est plus trop une), qui est vraiment le personnage le plus complexe du roman.
Voyage sur Mars oblige, il y a aussi moins de scènes de sexe entre Elma et son mari (enfin de scène de « on commence à évoquer du sexe puis on jette un voile pudique »). C’est tant mieux parce que de façon générale les descriptions d’interactions sexuelles apportent rarement quelque chose dans les romans à mon avis, mais en plus ici vu qu’elles sont invariablement décrite avec des analogies avec les lancements de fusée (get it ? Get it? GET IT?) elles étaient carrément reloues.

Je recommande.

Hidden Figures, de Theodore Melfi

L’histoire de trois femmes noires employées par la NASA pour effectuer des calculs avant la mise en service du premier ordinateur, qui vont malgré le racisme omniprésent devenir trois actrices clefs du programme spatial américain. C’est un bon film, bien joué, qui expose clairement l’intérêt de l’intersectionnalité des luttes et met en lumière des personnes clefs du programme spatial qui ont été mises sous le tapis depuis parce que pas de la bonne couleur de peau ni du bon genre… Après il semblerait qu’il ait été whitewashé par rapport aux événements (notamment le personnage du superviseur qui met fin à la ségrégation des toilettes de la NASA, c’est faux, c’est une des femmes noires qui a pris sur elle de le faire.