Mini-série anglaise (6 épisodes) qui raconte la vie d’une fratrie de Manchester à travers la décennie à venir, alors que l’Occident s’enfonce dans l’instabilité politique et économique. On suit en parallèle les vies des différents membres de la famille et l’actualité politique du Royaume-Uni, notamment l’ascension politique de Vivienne Rook, sorte de Boris Johnson mieux coiffée.
J’ai tout vu en deux jours, la série est très bien et super efficace, mention spéciale au thème musical de l’inexorable passage du temps, qui accompagne les time-lapse où l’on saute quelques années sur fond de feu d’artifice du Nouvel An, anniversaire des membres de la famille et snippets de l’actualité politique. Sans surprise c’est de Murray Gold, le compositeur qui fait aussi une bonne partie des OST de Doctor Who, et ça renforce l’impression de voir un épisode de Noël de Docteur Who de 6 heures, centré sur la vie des gens ordinaires.
Les personnages sont aussi très réussis en ce qu’ils sont crédibles, il y a peut-être Edith qui a un côté super-héroïne (ce serait la Docteur de la série, en quelque sorte), mais en même temps ses absences prolongées lui sont reprochées par les autres. Vivienne Rook est super bien jouée par Emma Thompson (sans surprise), une bonne partie des personnages sont non-blancs ou non-hétéros. Mention spéciale aussi au personnage de la matriarche, Muriel, qui est super réussi dans son côté à la fois gentille grand-mère et vieille un peu réac malgré ses bonnes intentions.
Série en 2 saisons. Howard Silk bosse pour une mystérieuse agence de l’ONU qui a ses bureaux à Berlin. Il découvre que cette agence gère dans le plus grand secret les relations avec un monde miroir du nôtre, dont l’Histoire diverge lentement depuis 1987. Howard rencontre notamment son double de l’Autre Côté, monté bien plus haut dans la hiérarchie de l’Agence et qui travaille dans leurs services d’espionnage.
J’ai beaucoup aimé la première saison, la seconde fonctionne malheureusement beaucoup moins bien. Le côté espionnage feutré de la série marche bien, avec cet univers très bureaucratique et formalisé qui gère un énorme secret en compartimentant tout. Les interrogations des deux Howard sur ce que leur reflet dit d’eux-même sont plutôt bien menées, et la performance de JK Simmons dans les deux rôles est très bonne.
La seconde saison par contre veux expliquer trop de choses, rajouter trop d’éléments et de lignes narratives, faire plus dans le spectaculaire : la cohérence interne de l’univers et l’intérêt des intrigues s’effondre un peu. La saison 1 se suffit à elle-même, je recommande de ne regarder que ça.
Londres, futur proche. L’Angleterre a basculé dans une société de surveillance totale, géré par un système informatique, « The System » qui assure la marche harmonieuse de la société, et gère l’infinité de consultations, votes et jurys qui permettent le fonctionnement démocratique de la société à toutes les échelles. Dans cette ««utopie»», une suspecte meurt lors d’un interrogatoire de police consistant à lire ses pensées à l’aide d’une opération chirurgicale. L’inspectrice Mielikki est chargée de faire la lumière sur les circonstances de la mort. Y-a-t-il eu abus de la part de la police ? Pour cela, elle a accès au contenu de la mémoire de la suspecte. Qui n’est pas du tout ce à quoi elle s’attend. Refusant l’interrogatoire, Anna a élaboré plusieurs vies imaginaires s’entremêlant, et faisant écran à ses souvenirs mais semblant contenir un message caché.
Le livre part dans toutes les directions, puisqu’on suit l’enquête de Mielikki, les multiples vies imaginaires nichées dans l’esprit d’Anna, quelques souvenirs potentiellement plus factuels d’Anna. Le livre est assez dense, il aurait pu bénéficier d’un peu plus d’édition je pense, mais en même temps cette densité un peu foutraque fait aussi partie de l’expérience. J’ai bien aimé globalement.
Uchronie sur la Conquête de l’espace. En 1952, une météorite frappe la Terre au large de la côte Est des USA. L’impact ravage la côte mais surtout, projette des quantités massives de vapeur d’eau dans l’atmosphère, initiant un effet de serre qui pourrait rendre la planète inhabitable sous 50 ans. Un programme spatial international est alors lancé, avec l’objectif d’établir une colonie martienne. Au cœur de ces événements, Anselma « Elma » York, qui travaillait déjà pour le programme spatial américain balbutiant, va faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le Corps des Astronautes soit ouvert aux femmes et qu’elle ait elle-même la possibilité de partir dans l’espace.
C’est prenant. Je l’ai lu en une nuit, de 23h à 7h. La narration entremèle les progrès du programme spatial : Elma travaille comme computer au sein du programme et son mari est l’ingénieur en chef qui le dirige, et le combat d’Elma contre la discrimination – des femmes en général, des femmes non-blanches aussi, et contre ses propres angoisses. Le personnage d’Elma est un peu une Mary Sue, mais il est aussi complexe : c’est une pilote, une surdouée des maths (et une geek complête, elle énumére des séquences mathématiques pour se calmer quand elle stresse), elle fait des crises d’angoisse, elle est juive avec une relation fluctuante à la pratique de la religion… Le roman réussit à développer de nombreux personnages secondaires intéressants, qui permettent de développer les différentes facettes d’Elma :
son mari, qui est un peu l’allié parfait,
sa nemesis au sein du programme, qu’elle connaît depuis la WWII et qui est un astronaute doué mais arrogant qui jure de tout faire pour l’empêcher de quitter la Terre,
ses collègues computer, parmi lesquelles des femmes racisés qui la force à reconsidérer ses propres privilèges (Elma est blanche),
son frère qui permet de discuter la jeunesse d’Elma.
il aurait été intéressant que les différentes interactions soient moins du « Emma vs une facette de sa vie » et qu’il y ait davantage de croisements entre les différents aspects de sa vie. Le roman aurait aussi pu bénéficier d’un meilleur travail d’édition : il y a plusieurs passages redondants qui auraient pu être retravaillés. Ce n’est pas très gênant à la lecture mais on est quand même là « oui oui, j’ai compris, c’est la troisième fois que tu détailles ça »
Deuxième tome : The Fated Sky
Je l’ai préféré au premier. Je pense qu’il bénéficie de ne pas avoir à faire tout le travail d’introduction et de caractérisation des personnages qui est effectué dans le tome 1, mais de plus, l’action est plus resserrée (on se concentre sur la préparation et la participation d’Elma à la première expédition vers Mars). Les personnages sont à nouveau très réussis dans ce roman, notamment sa nemesis (qui n’en est plus trop une), qui est vraiment le personnage le plus complexe du roman. Voyage sur Mars oblige, il y a aussi moins de scènes de sexe entre Elma et son mari (enfin de scène de « on commence à évoquer du sexe puis on jette un voile pudique »). C’est tant mieux parce que de façon générale les descriptions d’interactions sexuelles apportent rarement quelque chose dans les romans à mon avis, mais en plus ici vu qu’elles sont invariablement décrite avec des analogies avec les lancements de fusée (get it ? Get it? GET IT?) elles étaient carrément reloues.
Roman dystopique datant de 1940. Dans un futur indéterminé, un chimiste de l’Etat Mondial invente la kallocaïne, le sérum de vérité parfait. Le test de la conformité des pensées de tous les camarades-soldats est désormais à la portée de l’Etat…
J’ai bien aimé. L’autrice pose le décor de son état fasciste et militariste avec une économie de moyens qui s’oppose à 1984 où il est décrit avec force détails. Deux pistes narratives sont explorées. D’une part, la décision par le chef de la police de la ville de pousser les autorités de l’Etat a instituer une loi pour rendre l’usage de la kallocaïne obligatoire dans les interrogatoires, avec l’idée que si on ne peut rien cacher, on trouvera bien quelque chose à reprocher à chacun, et qu’il suffit d’avoir le bon juge pour voir orienter les sentences comme on veut, et enfin se débarrasser du processus pénible de la justice (ça reste fortement d’actualité comme réflexion, hélas). D’autre part, l’arc narratif du narrateur, qui commence comme un parfait rouage de l’état bien répugnant, mais qui décidant d’utiliser son sérum sur sa femme pour prouver son infidélité, découvre d’une part qu’elle lui est fidèle, mais surtout qu’elle a les mêmes angoisses cachées que lui et que peut-être existe-t-il un sentiment de communauté et des relations humaines autres que celles promues et instrumentalisés par l’Etat.
Anthologie de nouvelles de science-fiction sur le thème du travail, publié par La Volte. Le niveau des nouvelles était assez inégal. La première, par Catherine Dufour, était très bien. Celle de Kloetzer aussi, qui s’inscrit bien dans son univers habituel et présente une vision un peu différentes des autres nouvelles, en parlant de lutte syndicale et d’allégeances contradictoires. Les autres je les ai trouvées moins intéressantes, moins originales dans les univers qu’elles présentent.
La suite de The Handmaid’s Tale, publiée quelques 35 ans plus tard, suite au retour de hype du livre.
J’ai été déçu. C’est sympa à lire, mais ça souffre du même syndrome que Harry Potter and the Cursed Child : on dirait plus une fanfic de l’oeuvre originale qu’une suite. Il y a aussi en commun le côté « regardons ce qui arrive aux enfants de l’héroïne (resp. du héros) de l’oeuvre originale » qui fait qu’il faut qu’il arrive des aventures spécifiquement à ces personnages alors que c’est complètement artificiel. En plus spécifiquement dans le cas de The Handmaid’s Tale, en faire une saga familiale, c’est un peu le malaise.
En plus des deux arcs des filles de June, le troisième arc narratif est celui d’Aunt Lydia. Et il est franchement pas crédible. Les plans secrets sur 20 ans, perso je laisse ça aux archimages maléfiques dans la fantasy pas très bonne. Le livre met aussi vachement l’accent sur l’action individuelle là où The Handmaid’s Tale parlait du poids du système. Ici, quelques individus en position de pouvoir peuvent tout faire basculer et ont visiblement des moyens infinis à disposition.
Bref, on perd beaucoup de la charge et du style de l’oeuvre originale.
Une série de BD d’Enki Bilal. En 2041, l’ensemble des données stockées sur des supports numériques disparaissent de l’ensemble de la Terre. Elles ont visiblement toutes été transférées dans l’esprit d’un astronaute infecté par une créature alien lors de son retour de Mars… Le dessin est beau (et instantanément reconnaissable comme du Bilal), mais le propos est un peu plat : ohlala notre société est trop dépendante des réseaux. Ouais ok. Et donc ?
C’est plus une BD que j’ai apprécié pour les images que pour le scénario.
La survie de l’Humanité sur Terre est en péril mortel. Un homme accepte de partir pour une mission spatiale de la dernière chance. Il laisse son fils et sa fille sur terre à la charge de son propre père. Sa femme est morte. Un de ses enfants lui en veux beaucoup d’être parti dans l’espace. Il espère pouvoir revenir même si ça prendra longtemps, mais il est possible que la survie de l’Humanité lui demande de faire le sacrifice ultime… Eh non, ce n’est pas Interstellar. C’est un film chinois de 2019, adapté d’un roman. Le soleil va se transformer en nova pour des raisons de scénario, et l’Humanité s’unit derrière un but incroyablement ambitieux : bouger toute la Terre vers un autre système solaire, en lui mettant des petits réacteurs de propulsion. Pour réussir, le plan nécessite d’utiliser Jupiter comme fronde gravitationnelle, mais la trajectoire est serrée et la Terre risque d’être capturé par le puits de gravité de la géante gazeuse… Bon, et par ailleurs bouger la Terre dans l’espace implique de rendre la surface inhabitable le temps du voyage (températures glaciales dues à l’éloignement du Soleil). Les gens vivent dans des cités souterraines et toute l’économie est planifiée et collectivisée, le film est discrètement communiste. Qu’est-ce que j’en ai pensé ? C’est un film à gros budget et grand spectacle. Les images sont belles, les personnages larger-than-life. C’est intéressant de voir ce genre de film qui ne soit pas une production hollywoodienne, mais après les personnages sont très clichés, les rôles féminins inintéressants. Ça se regarde bien, mais faut pas chercher de la profondeur.
En 2454, la société a radicalement changé : plus de nations, plus de religions. Les Humain.e.s se regroupent en ba’sh, des familles affinitaires similaires à des colocations intergénérationnelles. De plus, à leur majorité, les Humain.e.s choisissent à quelle Hive iels vont se rattacher : le système philosophique et légal, et le gouvernement auquel iels décident de souscrire. De cette société, Mycroft Canner va nous narrer la fin : il a découvert un enfant capable d’exécuter des miracles, remettant en cause les fondements métaphysiques de l’Humanité… J’ai été un peu déçu. La prémisse est alléchante, avec une société très intéressante et minutieusement construite. Le choix d’une narration qui brise le quatrième mur et qui nous laisse dans le noir sur la société pour la révéler progressivement, le jeu sur le genre des personnages, les références au XVIIIe siècle, tout cela était fort intéressant. Mais les personnages ne sont malheureusement pas très crédibles, je trouve : iels sont tou.te.s surpuissant.e.s, soit les dirigeants mondiaux qui se connaissent tous entre eux, soit les dépositaires de mystérieuses capacités qui leur permettent de se trouver au delà du commun des mortel.le.s. Du coup c’est trop un roman centré sur un petit cercle de personnages qui à 10 peuvent faire basculer le destin du monde sans trop d’opposition et qui ont des agendas secrets existant surtout pour le plaisir narratif de pouvoir les mettre en lumière au milieu du récit.