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De l’autogestion, ouvrage collectif

Ouvrage édité par la CNT. Les auteurices retracent l’origine du mot (arrivé dans la langue française depuis le serbo-croate à la faveur des expérimentations yougoslaves sur le sujet), et les différentes origines du concept. Iels présentent l’autogestion comme une troisième voie, ni capitalisme néolibéral, ni étatisme totalitaire. Pour elleux, la libération des travailleurs ne peut pas passer par le fait de s’emparer des structures de pouvoir actuel, il doit y avoir leur renversement, et pas seulement dans le sens renversement de l’État bourgeois pour mettre un État ouvrier à la place (la dictature du prolétariat), juste renversement de l’État et être vigilant.e.s sur le fait qu’une autre structure hiérarchique ne se remette pas en place sur ses ruines. « Tout le pouvoir aux soviets », en somme.

Pour en arriver là, il faut des organisations qui dans leur fonctionnement sont déjà autogérées, parce qu’une organisation hiérarchique (ou hétérogérée, comme iels disent) ne va pas réussir à mettre en place l’autogestion : si elle a les travers de l’hétérogestion en elle, elle ne va pas en sortir magiquement.

Toujours pour les auteurices, le type d’organisation à privilégier pour cela est le syndicat, mais un syndicat qui 1/ réussit à rester révolutionnaire, ce qui implique de refuser de cogérer l’existant avec le patronat et l’État, et donc de ne pas accepter certains postes de pouvoir, la mise en place du « fonctionnarisme syndical », faire tourner les postes… Et aussi un syndicat de branche, et non pas d’entreprise : si le but et que le syndicat à terme gère la production par lui-même et se pose des questions sur l’utilité et la réorientation de ladite production, mieux vaut un syndicat qui dépasse une entreprise donnée, sous risque de trop s’attacher à cette entreprise.

Le livre détaille ensuite des expériences d’autogestion divers : le fonctionnement de la CNT elle-même, un local associatif nantais, la ZAD de NDDL, les communautés zapatistes, le Kurdistan syrien, les écoles populaires kanak… (ça ne rentre pas trop dans les détails à chaque fois mais ce sont de bonnes introductions au sujet).

The Dispossessed, d’Ursula K. Le Guin

Roman de science-fiction de 1974. L’autrice expose le fonctionnement d’une société anarchiste via le point de vue d’un de ses membres, Shevek, un physicien frustré par certain des immobilismes de son monde. Il rentre en contact avec le monde jumeau et capitaliste pour des échanges scientifiques, et les contrastes entre les deux mondes permettent de mettre en lumière ce qui fonctionne ou non dans le monde anar. C’est essentiellement de la socio-fiction. Le fonctionnement du monde est très intéressant. Le Guin montre aussi qu’il ne suffit pas de décréter qu’un monde est anarchiste et d’avoir fait la Révolution à un moment dans le passé pour que tout ce passe bien : les organisations et hiérarchie, même informelles, ont tendance à se réétablir si on ne continue pas à les combattre. La révolution est un mouvement, pas un événement.

Très bon roman, super original, il est cependant dommage d’avoir uniquement le point de vue de Shevek, qui se révèle excellent penseur de l’anarchisme en plus de physicien de génie : ça fait quand même retour en force du Grand Homme ; alors que tout le livre dénonce ça par ailleurs.

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La Morale anarchiste, de Pierre Kroptokine

Petit volume répondant à la question de « Mais si vous ne reconnaissez pas une autorité supérieure comme celle de Dieu ou de l’État, d’où tirez-vous votre morale ? » Bah globalement, de la Règle d’Or (ne fait pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’els te fassent) et du sentiment de faire ce qui est bon pour l’Humanité entière, et en ayant la motivation d’agir plutôt que de rester passif devant ce que l’on ressent comme des injustices. C’est intéressant mais je vois des failles dans l’argumentation (un xénophobe qui va aller détruire des campements de réfugiés va dire qu’il agit comme ça pour protéger la communauté d’une invasion), et c’est assez basique comme niveau de théorisation de l’anarchisme. Mais si vous n’y connaissez rien c’est une bonne première lecture je pense.