Archives par mot-clé : science-fiction

The Assessment, de Fleur Fortuné

Film vu lors de l’édition 2025 du Grindhouse Paradise (festival de films de genre toulousain).

Film étatsunien paru en 2024. Dans un futur indéterminé, un couple qui souhaite avoir un enfant se soumet à la procédure de l’Évaluation: ils vont héberger pendant une semaine une Évaluatrice qui va les soumettre à une batterie de tests et évaluer leur mode de vie pour estimer s’ils sont aptes à élever un enfant. La procédure est confidentielle, donc ils ne savent pas à quoi s’attendre, mais rapidement le comportement de l’évaluatrice va sembler relativement perturbant et sortir de ce qui permettrait d’évaluer leur capacité à avoir un enfant.

Je n’ai pas été très convaincu. Il y a des éléments intéressants dedans, notamment dans l’arrière-plan (un État vaguement fasciste dont les citoyens sont immortels, mais qui a un territoire tout petit, le reste de la planète étant inhabitable), mais l’histoire principale m’a laissé un peu froid : Le comportement de l’Évaluatrice est un peu trop random : si le début avec les différents tests et les simulations de comportement enfantin marche bien, ça part quand même très loin dans ce qu’elle se permet de faire, et j’ai trouvé la fin trop psychologisante avec l’explication des motivations de l’Évaluatrice. Le tout a un petit côté « les gens matrixés par le désir d’enfant. »

U are the universe, de Pavlo Ostrikov

Film vu lors de l’édition 2025 du Grindhouse Paradise (festival de films de genre toulousain).

Film de science-fiction ukrainien paru en 2024. Andriy est pilote de vaisseau pour le compte d’une société qui envoie les déchets nucléaires terrestres sur Callisto. Il effectue des voyages de 4 ans dans l’espace, avec pour seul compagnon un robot archaïque, Max-5. Lors d’un de ces voyages, il assiste à l’explosion de la Terre. Désormais dernier représentant de l’espèce humaine, il est confronté à un vertige existentiel.

J’ai beaucoup aimé l’esthétique, en mode vaisseaux bringuebalants. Le design de Max-5, qui est un gros terminal avec un bras articulé qui se déplace sur un rail au plafond du vaisseau fonctionne très bien. L’histoire globale par contre est logiquement assez déprimante vu le point de départ, surtout la fin. On n’est pas sur de la SF réaliste, y’a pas mal de suspensions d’incrédulité (sans que ce soit du pseudo métaphysique à la Interstellar, ça reste avec une certaine dose de réalisme).

Bon et puis évidemment en terme de contexte de production du film, un film ukrainien qui parle de la fin du monde produit depuis le début de la guerre en Ukraine, c’est assez marquant.

Children of Memory, d’Adrian Tchaikovsky

Troisième tome dans la trilogie Children of, après Children of Time et Children of Ruin. On retrouve notre civilisation interespèces composée d’Humain.es, de Portides, de Céphalopodes et de microbiote Nodien (si vous ne comprenez rien, lisez les deux tomes précédents !), ou plutôt l’équipage d’un vaisseau d’exploration issue de cette civilisation (globalement ce roman va resserrer le cadre à quelques personnages, on est loin de la dimension space opera des deux tomes précédents), qui va visiter deux planètes qui faisaient partie des projets de terraformation de l’Ancien Empire Terrien : Rourke, puis Imir. Sur la première, une nouvelle espèce dont l’intelligence fonctionne seulement par paires d’individus hyperspécialisés, sur la seconde une colonie d’humain.es isolés, issu.es d’un vaisseau-arche mais dont la technologie a régressé et dont le monde est au bord de l’effondrement écologique (voire, l’a franchi et court dans le vide) et aux abois. Une mission d’observation va s’infiltrer dans la colonie pour déterminer selon quelles modalités le premier contact serait possible avec cette civilisation post-spatiale qui s’imagine un ennemi de l’intérieur au fur et à mesure que ses conditions de vie empirent. Dans cette situation on suit notamment Liff, enfant dont les souvenirs semblent contradictoires entre eux ou directement sortis de son livre de contes, ce qui laisse planer quelques interrogations sur les mécanismes de ce qui se trame sur Imir…

J’ai vu pas mal de critiques négatives sur internet, mais perso j’ai bien aimé. C’est pas au niveau de Children of Time, mais pour moi ça vaut Children of Ruin, juste pas du tout dans le même style space opera. Il y a quelques longueurs, mais la narration avec des aller-retours dans le temps fonctionne bien pour moi. Le côté conte de Grimm et la perception de certains membres de la civilisation interespèces par le regard d’une enfant humaine « à l’ancienne » marche plutôt bien (Avrana Kern en sorcière ou « Paul et ses enfants », c’est limite une fanfic de l’univers déployé jusqu’ici par l’auteur), et rejoint ce que Tchaikovsky avait fait dans Elder Race. Les questionnements sur l’identité déployés par l’auteur avec les différentes versions de Miranda (et de Kern dans une moindre mesure) fonctionnent bien pour moi (ceux sur la conscience aussi, mais c’était déjà le cœur des deux tomes précédents, c’est pas la nouveauté ici).

Recommandé.

Severance, de Dan Erikson

Black Mirror x The Stanley Parable

Série télévisée produite par Apple TV, sortie en 2022. 20 minutes dans le futur, l’implantation d’une puce dans le cerveau permet de créer une nouvelle personnalité, consciente uniquement le temps de l’activation de la puce. Cette innovation est utilisée par Lumon, une entreprise mystérieuse et hégémonique, pour protéger les aspects confidentiels de ses opérations. La série suit les employés du département de Macro Data Refinement dans leur vie au cœur de Lumon, et l’un d’eux, Mark, dans sa vie privée.

J’ai beaucoup aimé, j’ai regardé toute la saison 1 en moins de 24h. Le rythme est un peu trop lent tbh, j’ai tout regardé en x1,6, mais à ce point près c’était très bien. La série est une allégorie pas très subtile mais efficace de l’aliénation au travail. Les personnalités qui ne sont activées que dans les locaux de l’entreprise- les innies – vivent perpétuellement sur leur lieu de travail : elles ressentent les effets sur leur physiologie de la vie de leurs outies, mais elle enchaînent les journées de 8h sans percevoir l’extérieur ni le sommeil. L’entièreté de ce qu’elles connaissent leur est fourni par Lumon, qui les maintient ainsi dans une dépendance totale : pas de risque que les employés ne soient perturbés par leurs ressentis extérieurs ou qu’ils tentent de se syndiquer, quand ils ne connaissent rien d’autre que la Parole du fondateur de l’entreprise (et je mets une majuscule à Parole à dessein, parce que le fonctionnement interne de Lumon ressemble largement plus à celui d’une secte qu’à celui d’une entreprise). Si le monde extérieur à Lumon semble dans la série fonctionner selon les mêmes règles que le notre d’un point de vue des normes sociales et des grands enjeux, le monde interne de Lumon et donc l’entièreté de l’univers des innies semble largement plus perché : leur travail consiste à repérer les nombres « effrayants » sur des moniteurs qui affichent des rangées et des rangées de nombres. le système de valeurs, de récompenses, d’esthétique de Lumon semble sorti d’un manuel de management des années 70, avec des cocktails corporates à base de boules de melons ou d’œufs mimosa apportés sur des dessertes pour les quatre personnes du département de Macro Data Refinement qui ne se fréquentent qu’entre elles.

Par ailleurs, les pratiques de Lumon envers les innies sont très littéralement du fascisme : les innies n’existent qu’en relation à une superstructure omniprésente et omnipotente qui contrôle chaque aspect de leur existence. Les mots sont vidés de leur sens : la salle de punition des comportements déviants est renommée break room, il y a un sous entendu de violence toujours présent avec le chef de la sécurité, les déviations du protocole sont punies par une forme de torture mentale. Clairement on est au delà de l’aliénation « classique » par le travail ou même le néolibéralisme. Et pourtant même dans cette structure écrasante, les employés se révoltent, tentent de comprendre le sens global de ce qu’ils font et de ce qui leur est imposé, et tentent de s’échapper du système pour chercher une vie meilleure.

La série pose aussi la question de ce qu’est le soi et des questions éthiques afférentes à son McGuffin technologique : en acceptant la dissociation, les outies revendiquent de travailler sans s’en rappeler et potentiellement s’offrent un revenu sans avoir à subir les conséquences psychologiques du travail (enfin, ils perdent quand même 8h/jour + les temps de trajet, c’est pas rien), mais surtout ils créent un innie qui ne connaitra que le travail et n’a pas son mot à dire : si les innies peuvent poser leur démission, elle doit être acceptée par leur outie, qui s’il ne se considère pas la même personne, n’a aucun intérêt à le faire. La série est un peu dans la même veine que (les bons épisodes de) Black Mirror, qui explorent les conséquences sociales et morales d’une invention technologique.

Enfin, sur l’ambiance générale de la série, que ce soit l’environnement corporate mi-The Office mi-Stanley Parable de Lumon ou le monde extérieur, tout semble assez déprimant et aliénant : il y a peu de lumière ou alors des néons, il fait froid, tout est enneigé, les parkings sont immenses … Ça colle bien au propos mais c’est quand même pas mal déprimant. Les acteurs sont très bons dans leur rôles, les histoires de tous les personnages secondaires du département du héros sont attachantes et consistantes.

Globalement, bonne série, un peu lente mais beaucoup de bonnes idées, une esthétique réussie, des fils narratifs qui fonctionnent plutôt bien. La fin de la saison ne résout pas grand chose, on attend avec enthousiasme corporatiste la sortie de la S2. Je recommande.

EDIT 2025 : Saison 2

La saison 2 lève un peu le voile sur les activités de Lumon. On a du background sur la société, un peu sur les personnages principaux autres que Mark. Les enjeux révélés par le plot-twist final de la saison 1 occupe une grosse partie de la saison, mais les autres lignes narratives ajoutées fonctionnent bien. J’ai beaucoup moins de choses construites à dire que sur la S1, mais je l’ai regardée avec autant de plaisir (et en vitesse x1). Kudos particulièrement au final complètement unhinged avec l’arrivée du département Choreography and Merriment et la petite choré flippante de Mr. Milchik (personnage d’antagoniste très réussi tout du long), et à l’épisode où les innies sont en extérieur pour du team building assez terrifiant.

Mickey 17, de Bong Joon Ho

Film de science-fiction paru en 2025. Pour échapper à ses créanciers et embarquer sur une expédition spatiale vers une exoplanète, Mickey Barnes accepte de devenir un expendable : sa mémoire est scannée en permanence et son corps réimprimé à chaque fois qu’il meurt, justifiant de lui faire faire toutes les missions périlleuses du vaisseau. Ca n’en fait pas du tout un héros aux yeux de l’équipage, plutôt un rat de laboratoire bien pratique. Un jour le processus dysfonctionne et un nouveau Mickey, Mickey 18, est imprimé alors que Mickey 17 est toujours vivant. Les deux versions de Mickey vont tenter de trouver des modalités de cohabitation et de dissimulation alors que cette situation est totalement interdite.

J’ai bien aimé. Ce n’était pas au niveau de Parasite, mais c’était un bon film de science-fiction satirique. Le chef du vaisseau est une parodie de Trump assez réussie (il y a de fortes vibes Don’t Look Up). Pattison joue bien les deux versions de Mickey et leurs caractères radicalement opposés (on est pas sur un niveau de réussite de Orphan Black, mais ça marche bien quand même). Tout est un peu grand guignol, mais on s’attache aux personnages, et les persos secondaires sont tous assez réussis (mention spéciale à Naomi Ackie qui joue Nasha, largement moins one-sided que les autres personnages, et que j’ai trouvée plus convaincante que dans Blink Twice (mais je pense que c’est vraiment une question de rôle et pas d’actrice) : elle est à la fois badass, horny, droguée, charismatique…)

Recommandé si vous avez aimé Don’t Look Up.

Silo, de Graham Yost

Série télé adapté du roman éponyme, parue (pour la première saison) en 2023. On suit l’enquête de Juliet Nichols, ingénieure machine promue shérif du Silo, une structure abritant 10 000 personnes sous la surface d’un monde toxique.

Globalement c’est assez fidèle au bouquin, avec des moyens pour la production. J’ai bien aimé l’apparence qu’ils ont donné au Silo. Par contre après quelques bons épisodes, ça se met à traîner en longueur, et faut attendre l’épisode 8 pour qu’il se remette à se passer des trucs. Sentiment mitigé, donc, mais je recommande toujours le bouquin.

Saison 2 :

J’ai largement préféré le rythme de la saison 2, l’alternance des lignes narratives entre Juliet et la rébellion des étages machines fonctionnait bien, même si côté Juliet y’a beaucoup d’aller-retours. Le personnage de Solo est plutôt bien écrit, les péripéties de la rébellion me semblent s’éloigner de ce qu’il y avait dans le bouquin (mais je me rappelle pas très bien des détails du livre donc sans certitudes). Bernard fait un bon méchant, par contre je n’ai pas été très convaincu par le perso de Simms dont on ne sait pas trop ce qu’il veut. Camille est bien plus intéressante. Bon et à part la construction du pont au début, ça manquait un peu de grosses machines, vivement que dans la S3 ils remettent en route l’excavatrice.

L’esthétique du Silo déserté et en ruine est plutôt réussie aussi, bonne variation sur l’esthétique initiale.

Slaughterhouse 5, de Kurt Vonnegut

Roman états-unien de 1969. On suit la vie de Billy Pilgrim, un opticien états-unien qui a participé à la seconde guerre mondiale sur le front européen et a assisté à la destruction de Dresde sous les bombardements alliés. Billy est affecté par un « détachement temporel » : il perçoit sa vie non pas de façon linéaire, mais en faisant des allers-retours (de sa conscience, son corps reste là où il est) entre différentes époques. Il pense aussi avoir été enlevé à une période de sa vie par des extraterrestres qui perçoivent l’intégralité du temps simultanément (et considèrent le libre-arbitre comme une invention des Humain.es du coup). L’aspect SF est plus un plot-device qu’autre chose, je ne le décrirai pas comme un roman de SF malgré les extraterrestres et le détachement temporel, c’est d’abord un roman sur la seconde guerre mondiale et ses conséquences sur les personnes qui y ont participé.

L’écriture est un peu méta, avec un premier chapitre qui parle des conditions d’écriture, et des moments où le narrateur par ailleurs omniscient dit « j’étais là durant cette scène, j’étais aussi dans ce convoi de prisonniers ».

Je recommande.

The Wild Robot, de Chris Sanders

Film d’animation paru en 2024. Suite à une tempête, un conteneur contenant un robot domestique ultra perfectionné s’écrase sur une île pleine d’animaux. Programmé pour assister les humain.es, le robot va tordre sa programmation pour venir en aide aux animaux.

C’était très joli (très belle animation), l’histoire est touchante, mais pas ultra profonde non plus : les animaux sont un peu trop anthropomorphisés dans leurs comportements et leurs relations interespèces – mais bon à la base c’est un film pour les enfants, je sais pas si une éthologie exacte des opposums les auraient enthousiasmés.

Aliens, de James Cameron

Second volet de la franchise Alien, sorti en 1986. Après 57 ans de dérive de son pod de secours dans l’espace, Ellen Ripley est interceptée par un vaisseau humain. Ramenée en orbite autour de la Terre, elle explique les événements d’Alien à une commission dubitative, qui retient surtout qu’elle a activé le protocole d’auto-destruction d’un vaisseau spatial coûtant 42 millions de dollars, alors que la planète où elle dit avoir découvert le vaisseau spatial contenant les œufs d’Aliens est colonisée depuis 20 ans sans aucun incident à déplorer. Mais cet état de fait change quand la colonie ne répond soudain plus. Ripley est alors recrutée comme consultante indépendante pour le contingent de Space Marines envoyés sur place voir ce qu’il en est. Surprise surprise, il y a bien des Aliens sur la planète, et pas qu’un seul cette fois-ci. C’est de nouveau à Ripley de sauver le jour.

J’ai bien aimé, j’ai vu la version extended cut, qui fait 2h34 – ce qui est un peu trop long – mais l’esthétique SF des 80’s fonctionne bien. Elle fonctionne même largement mieux que dans l’hommage qu’est Alien: Romulus, où ils ont gardé l’esthétique des décors, mais les éclairages, les personnages fonctionnent moins bien à mon sens : notamment dans Aliens les personnages transpirent, c’est quelque chose qui j’ai l’impression a totalement disparu dans les films plus récents. On a aussi des Marines trop sûrs de leurs compétences, une relation mère/fille de substitution, un corporate boy absolument atroce, le design de la Reine, et évidemment un exosquelette à fonction de chariot élévateur.

Je recommande si vous aimez Sigourney Weaver en exosquelette et les métaphores sur la maternité.

Alien: Romulus, de Fede Álvarez

Film de science-fiction de 2024, dans la franchise Alien. Un groupe de travailleurs sous contrat avec la Weyland-Yutani abordent une station de recherche abandonnée pour récupérer les matériaux leur permettant de partir vers une planète non-affiliée à la corporation. Sauf que si la station a été abandonnée, c’est à cause d’expérimentations sur des Aliens qui ont (évidemment mal tournées). L’arrivée de ces nouveaux humains va conduire à une nouvelle traque par les créatures.

J’ai bien aimé le début. L’esthétique science-fiction des années 80 est bien rendue, l’exploration initiale de la station désertée fonctionne bien. Mais c’est trop long, et la menace devient trop grande à la fin : le fait d’avoir une demi-douzaine d’Aliens, normalement les protagonistes ne survivent juste pas du tout (et l’espèce d’hybride humain/alien, eurk). Des scènes intéressantes : le passage dans le couloir avec les facehuggers, le passage avec l’acide qui flotte en zéro gravité.