Archives de catégorie : Arbres morts ou encre électronique

PariZ, de Rodolphe Casso

L’apocalypse zombie a déferlé sur le monde, et notamment sur Paris. Dans les sous-sols de la station Charles-de-Gaulle – Étoile, un trio de clochards y survivent tant bien que mal. Jusqu’à croiser la route de deux paramilitaires fanatiques, et qu’une alliance de circonstance se noue…

C’était assez cool à lire. C’est bien écrit (quelques coquilles dans l’epub cependant, et second défaut, zéro personnage féminin). C’est cool à lire quand on connaît un peu Paris, on se laisse bien prendre à l’histoire, du bon roman de zombies.

L’établi, de Robert Linhart

Après mai 68, pour favoriser la convergence des luttes entre étudiants et ouvriers et pour participer à l’organisation du mouvement ouvrier, plusieurs intellectuels/étudiants/militants de gauche des classes moyennes décident de se faire embaucher en usine pour partager le quotidien des ouvrièr·e·s. Robert Linhart a été un de ces intellectuels établis. Il raconte ici son passage dans l’usine Citroën  de Choisy, comment il a participé à l’organisation d’une grève de débrayage, comment il a vécu le travail à la chaîne, les solidarités ouvrières, la répression par l’encadrement. Ça se lit vite et c’est super intéressant, grosse recommandation.

Our Kind of Traitor, de John Le Carré

Premier Le Carré que je lisais en VO (et j’ai lu La Constance du Jardinier quand je devais avoir 15 ans). Une histoire d’espionnage bien foutu, notamment parce qu’il y a très peu d’espionnage et encore moins d’action qui est montré : tout est très feutré, on est dans la psychologie des personnages, leurs réactions à une tension qu’ils ne sont pas sûrs de ne pas imaginer, leurs hésitations et interrogations.

Le style de John Le Carré fait que ce n’était pas le bouquin le plus évident à lire en anglais, mais c’est aussi pour pouvoir apprécier le style plutôt qu’une écriture blanche que c’est intéressant de lire en VO.

Article invité : recommandations webcomics Mc

Suite à mon article sur Wilde Life, Mc a remarqué que c’était un webcomics qu’il connaissait et suivait de longue date, et qu’il aurait pu me le recommander. Du coup, il a accepté de faire une liste de recommandations de webcomics, que je publie ici avec son aimable autorisation (J’adore dire que j’ai des aimables autorisations, je trouve ça hyper-classe)

==Pas d’histoire, tous ultra-connus==
Saturday Morning Breakfast Cereal => geek must-read (update /jour)
Cyanide & happiness => humour noir, souvent nsfw (update souvent)
xkcd => geek must-read (update 3/semaine)
Commit Strip => la vie quotidienne dans une SS2I, nécessite souvent une certaine culture informatique (en français, update souvent)
PhD comics => la vie académique, nécessite souvent une certaine culture académique (updates irrégulières)
Dilbert => l’absurde de la vie en entreprise (NB: l’auteur est un crackpot trumpiste avec un blog chelou) (quotidien)
Existential Comics => philosophique, ultra intéressant (hebdomadaire, suivre @existentialcoms sur twitter est un bonus cool)

==Histoire==
The Order of the Stick => une histoire de jeu de rôle type D&D, très recherchée, 1111 épisodes (updates rares)
Boy who fell => style manga, sur un enfant enlevé dans les enfers (vus comme une sorte de monde parallèle). Histoire très captivante, univers assez développé (iirc aidé par pas mal de trucs parallèles sur tumblr mais je ne les suis pas) (update 2/semaine)
Wilde Life => déjà présenté (ici)
Metacarpolis => « an adventure/sci-fi/fantasy/comedy/whatever comic », histoire très absurde et souvent comique (le alt-text aide, comme dans wildelife) (update 2/semaine)
Ctrl+Alt+Del => thème jeux vidéos, originellement une longue histoire (finie), maintenant alternant entre un reboot de celle-ci et des strips indépendants (updates 3/semaine)
Always Human => histoire d’amour dans un contexte SciFi, histoire terminée, art sublime, musique composée pour aller avec l’histoire, personnages cool auxquels on s’identifie facilement, probablement une des seules histoires qui aura autant réussi à me faire sourire et pleurer.

Au niveau de ceux que je recommande particulièrement (et où ya de quoi dire des trucs en reviewant), ya OOTS mais qui demande un certain investissement et frustre quand on arrive à la dernière update (enfin ça prend qq jours quand même); wilde life; TBWF et always human. Metacarpolis vient après, et CAD aussi (c’est un peu dur de se mettre dedans sans un certain investissement, mais ça existe depuis 2002, et l’histoire longue de base [finie bien que rebootée] est cool^^)

Les Sentiments du Prince Charles, de Liv Strömquist

Bande dessinée sur les rapports et les différents positionnement hommes/femmes dans une relation hétéro dans la société hétéropatriarcale actuelle.

C’est très intéressant, en tant que mec hétéro moi-même j’y ai très vite reconnu pour partie mes propres comportements. Et ça met bien en évidence que se dire et se vouloir féministe, même en s’étant documenté, même en faisant preuve de bonne volonté, ne permet pas d’effacer tout le conditionnement social que la société vous a inculqué. La lutte est intérieure et de tous les instants.

Après j’ai pas été convaincu pareil par toutes les parties de la BD : je suis tout à fait d’accord avec ce qu’elle raconte mais parfois t’as l’impression que c’est assené juste en mode « c’est comme ça et voilà » et tu restes un peu sur ta faim sur les mécanismes, mais après toutes les références sont précisées donc c’est possible de creuser.

Le Mythe de Sisyphe, d’Albert Camus

Dans cet essai, Camus tente de répondre à la question « si la vie, l’univers et le reste n’ont aucun sens, pourquoi vivre ? »

Déjà il pose le fait que la vie n’a effectivement pas de sens, s’il n’y a pas de puissance supérieure, de plan divin ou de vie après la mort. On ne vit pas pour se comporter suffisamment bien pour accéder au niveau suivant ou en suivant une morale extérieure ou de façon à remplir tels ou tels objectifs, juste on vit, et au bout d’un moment on arrête de vivre, merci au revoir. Mais on voudrait perpétuellement trouver un sens aux choses. Camus appelle ça l’absurde, et note que c’est suffisamment gênant et angoissant pour que la plupart des gens décident de ne juste pas regarder en face l’idée de la mort, et vivent comme si ça devait durer toujours, en accumulant du capital, des expériences, en planifiant pour plus tard… Il y a des stratégies d’évitement par les loisirs, pour éviter la dissonance cognitive. On peut aussi croire en des trucs plus grands que l’individu (religion, descendance, société (même si à part pour la religion, en considérant que l’espèce est mortelle aussi c’est juste repousser le problème). On peut aussi décider que c’est trop compliqué, inappréhendable et que l’on vit tant qu’on peut et qu’on verra quand ça viendra pour la mort.

Bref, si on regarde le fait de la mortalité en face, si on fait doit faire des sacrifices, gérer des trucs, s’emmerder avec de la logistique pour juste mourir à la fin, pourquoi ne pas sauter les péripéties et directement mourir ? Est-ce que philosophiquement ce ne serait pas plus cohérent ? « La vie n’a pas de sens donc merci mais non merci. » Bah après avoir quand même pas mal orienté la discussion vers là rhétoriquement, Camus nous dit « Eh bah non, pas du tout les gars ! »

Au contraire, c’est précisément parce que la vie n’a pas de sens préétabli qu’elle vaut le coup d’être vécu. Elle échappe à toute logique qui la transcenderait, c’est une occasion unique de faire absolument ce qu’on veut en suivant sa propre boussole interne (ie pas « Absolument tout est permis et personne peut rien te reprocher », mais « Tu juges en ton âme et conscience ce que tu veux faire et ce que tu es prêt à accepter comme conséquence de la société/du monde physique. »)

En résumé :

http://nihilistgirlfriend.tumblr.com/post/166725664100/nihilistgirlfriend-optimistic-nihilism-only

Bref, ok, mais je trouve pas que Camus fasse l’argumentaire le plus convaincant en faveur de ce point de vue (typiquement le tumblr post plus haut y réussit vachement mieux à mon sens).

La suite de la thèse de Camus c’est qu’il faut tendre à optimiser la durée de vie consciente, ie où l’on sait que l’on est vivant mais qu’on mourra un jour et que chaque instant est unique et précieux (YOLO Camus, I guess), et être sans cesse dans cette tension plutôt que vivre dans la routine. Ok mais ça doit être épuisant à faire. Et est-ce que ça justifie pas de tout faire pour faire advenir le transhumanisme pour étirer encore sa durée de vie et donc sa durée de vie consciente ?

Ensuite Camus analyse deux-trois modes de vie qui illustrent cette vie consciente : l’acteur, le conquérant et le séducteur. Et là je dois dire que ça devient juste du bullshit.

Puis ça finit sur une comparaison de l’absurde de la vie au châtiment de Sisyphe (d’où le titre du bouquin) : la vie n’a pas plus de sens que monter un rocher en haut d’une montagne pour le voir redescendre aussitôt, mais il faut considérer que Sisyphe est heureux pendant qu’il redescend chercher son rocher… Well… OK ? Désolé mais je vois pas ce que tout le monde trouve à cette comparaison, ça pue le faussement profond pour moi : Sisyphe il n’est pas là sans contrainte, il est précisément soumis à une volonté divine et c’est un châtiment. Et il est là pour l’éternité, il ne se débat pas avec le concept de faire ça sur une courte période de temps avant de disparaître pour toujours. Il ne choisit pas en son âme et conscience le chemin qu’il veut prendre et les actions qu’il exécute, il est le jouet du destin. Bref, il faut imaginer Sisyphe heureux, et sans dieux, et volontaire, et mortel. On peut pas juste imaginer un autre gars du coup ? Ce sera plus simple.

How to live safely in a science-fiction universe, par Charles Yu

Un livre sur le voyage dans le temps. Bon, le voyage dans le temps est un prétexte, l’auteur est rapidement assez clair sur le fait qu’il se fiche un peu de faire une histoire cohérente du point de vue du voyage dans le temps, mais ça reste frustrant de ce point de vue néanmoins. Le voyage dans le temps est un prétexte pour un voyage du narrateur à travers ses souvenirs, son rapport au temps et à son père, mystérieusement disparu après avoir inventé la première machine à voyager dans le temps. Je vois ce que l’auteur tente de faire, mais ça ne marche  qu’à moitié, avec des passages nostalgiques/retrospectifs réussis minés par l’univers science-fictionnel/obéissant aux lois de la narration dans lequel vit l’auteur en étant conscient d’y être (et y’a tout un jeu sur la conjugaison avec la machine qui voyage entre des passés/présents/futurs indicatifs mais se retrouve soudainement en mode subjonctif dans une espèce d’univers parallèle hors du temps où les choses sont ce qu’elles devraient être, mais ça marche pas trop non plus faute d’être exploré jusqu’au bout. Ce qui a nouveau est frustrant, parce qu’il y avait des idées/une approche originale.

Bref, dans le genre je recommande plutôt Fugues, de Lewis Shiner (d’ailleurs je vais me recommander de le relire tant que j’y suis).

Wilde Life, par Pascalle Lepas

Un webcomic assez cool et fort bien dessiné. Recommandé par un ami suite à ma recommandation de Long Exposure. Ca parle de phénomènes fantastiques dans une petite ville, et d’amitiés improbables. L’univers est assez intéressant, faisant du neuf avec des tropes vieux comme le monde (sorcières, fantômes, loups-garous…).

Ça vaut le coup de lire les alt-texts des pages, où l’autrice commente les idioties de ses personnages et est hilarante en qq mots.

Comment Blandin fut perdu, de Jean-Philippe Jaworski

Recueil en folio 2€ de deux nouvelles de l’univers du Vieux Royaume, celle du titre du recueil et Montefellone. Fantasy sans magie affichée, le récit d’un siège pour la première nouvelle et un récit enchassé où un peintre itinérant raconte à un bivouac l’étrange histoire d’un de ses anciens apprentis dans le second. Très bien écrit, très immersif, du très bon Jaworski, pour se mettre en appétit avant de se lancer dans Gagner la Guerre du même auteur.

Kobane Calling, de Zerocalcare

Un reportage sous la forme d’une bande dessinée. Zerocalcare est un journaliste romain qui est allé dans différentes partie du Kurdistan (en Turquie, en Irak et en Syrie, jusqu’à Kobané même peut après que la ville a chassé l’Etat Islamique). Son reportage est bien foutu, interroge ses propres motivations à vouloir aller voir ce qui se passe là-bas, présente le confédéralisme démocratique mis en place au Rojava, la lutte armée, interviewe des militaire et des civils kurdes ou non… C’est documenté, c’est engagé en en étant conscient et en ne cherchant pas à prétendre le contraire (ce qui suffit à en faire un meilleur reportage que la plupart, sans compter toute la masse d’éthique journalistique en plus et la qualité du boulot).

Je recommande très fortement.