Dans cet essai, Camus tente de répondre à la question « si la vie, l’univers et le reste n’ont aucun sens, pourquoi vivre ? »
Déjà il pose le fait que la vie n’a effectivement pas de sens, s’il n’y a pas de puissance supérieure, de plan divin ou de vie après la mort. On ne vit pas pour se comporter suffisamment bien pour accéder au niveau suivant ou en suivant une morale extérieure ou de façon à remplir tels ou tels objectifs, juste on vit, et au bout d’un moment on arrête de vivre, merci au revoir. Mais on voudrait perpétuellement trouver un sens aux choses. Camus appelle ça l’absurde, et note que c’est suffisamment gênant et angoissant pour que la plupart des gens décident de ne juste pas regarder en face l’idée de la mort, et vivent comme si ça devait durer toujours, en accumulant du capital, des expériences, en planifiant pour plus tard… Il y a des stratégies d’évitement par les loisirs, pour éviter la dissonance cognitive. On peut aussi croire en des trucs plus grands que l’individu (religion, descendance, société (même si à part pour la religion, en considérant que l’espèce est mortelle aussi c’est juste repousser le problème). On peut aussi décider que c’est trop compliqué, inappréhendable et que l’on vit tant qu’on peut et qu’on verra quand ça viendra pour la mort.
Bref, si on regarde le fait de la mortalité en face, si on fait doit faire des sacrifices, gérer des trucs, s’emmerder avec de la logistique pour juste mourir à la fin, pourquoi ne pas sauter les péripéties et directement mourir ? Est-ce que philosophiquement ce ne serait pas plus cohérent ? « La vie n’a pas de sens donc merci mais non merci. » Bah après avoir quand même pas mal orienté la discussion vers là rhétoriquement, Camus nous dit « Eh bah non, pas du tout les gars ! »
Au contraire, c’est précisément parce que la vie n’a pas de sens préétabli qu’elle vaut le coup d’être vécu. Elle échappe à toute logique qui la transcenderait, c’est une occasion unique de faire absolument ce qu’on veut en suivant sa propre boussole interne (ie pas « Absolument tout est permis et personne peut rien te reprocher », mais « Tu juges en ton âme et conscience ce que tu veux faire et ce que tu es prêt à accepter comme conséquence de la société/du monde physique. »)
En résumé :
Bref, ok, mais je trouve pas que Camus fasse l’argumentaire le plus convaincant en faveur de ce point de vue (typiquement le tumblr post plus haut y réussit vachement mieux à mon sens).
La suite de la thèse de Camus c’est qu’il faut tendre à optimiser la durée de vie consciente, ie où l’on sait que l’on est vivant mais qu’on mourra un jour et que chaque instant est unique et précieux (YOLO Camus, I guess), et être sans cesse dans cette tension plutôt que vivre dans la routine. Ok mais ça doit être épuisant à faire. Et est-ce que ça justifie pas de tout faire pour faire advenir le transhumanisme pour étirer encore sa durée de vie et donc sa durée de vie consciente ?
Ensuite Camus analyse deux-trois modes de vie qui illustrent cette vie consciente : l’acteur, le conquérant et le séducteur. Et là je dois dire que ça devient juste du bullshit.
Puis ça finit sur une comparaison de l’absurde de la vie au châtiment de Sisyphe (d’où le titre du bouquin) : la vie n’a pas plus de sens que monter un rocher en haut d’une montagne pour le voir redescendre aussitôt, mais il faut considérer que Sisyphe est heureux pendant qu’il redescend chercher son rocher… Well… OK ? Désolé mais je vois pas ce que tout le monde trouve à cette comparaison, ça pue le faussement profond pour moi : Sisyphe il n’est pas là sans contrainte, il est précisément soumis à une volonté divine et c’est un châtiment. Et il est là pour l’éternité, il ne se débat pas avec le concept de faire ça sur une courte période de temps avant de disparaître pour toujours. Il ne choisit pas en son âme et conscience le chemin qu’il veut prendre et les actions qu’il exécute, il est le jouet du destin. Bref, il faut imaginer Sisyphe heureux, et sans dieux, et volontaire, et mortel. On peut pas juste imaginer un autre gars du coup ? Ce sera plus simple.