Archives de catégorie : Arbres morts ou encre électronique

Le Grand Jeu, de Céline Minard

Roman sur une femme qui part vivre seule dans la montagne, avec un plan pour être autosuffisante, du matériel d’escalade et des questions existentielles plein la tête.

Céline Minard raconte bien la montagne, l’existence de la narratrice donne vachement envie même si elle demande probablement pas mal de fric et une force de caractère herculéenne pour être vraiment vécue. J’ai beaucoup aimé.

Y, the last man

[02/2016] Série de comics par Brian K. Vaughan (scénario), et Pia Guerra (dessin), que j’ai relue à l’occasion de mon achat du neuvième et pénultième tome. Les auteurices imaginent un monde où tous les hommes sont morts soudainement pour une raison mystérieuse (tous sauf un). C’est intéressant comme pitch, et c’est souvent bien réalisé mais y’a des moments un peu randoms.

[2019] Relue à nouveau maintenant que j’ai mis la main sur le dernier tome. La fin manque un peu d’intensité, mais globalement c’est cool. Le personnage de Yorrick est intéressant (c’est globalement pas lui qui sauve le monde ni les situations dans lesquelles le groupe se trouve, il est plus un fardeau pour ses compagnes qu’autre chose), mais la série reste très centrée sur lui. On sent que les auteurices sont bien intentionné.e.s et iels font des trucs intéressants, mais il leur manque quelques bases en concepts féministes (notamment, y’a un peu un seul type de corps féminin représenté c’est un peu dommage – sur la diversité des caractères des personnages c’est mieux).

L’Ordre du Jour, d’Eric Vuillard

Court roman français sur les compromissions des industriels allemands et des gouvernements européens avec le régime nazi. Je n’ai pas été enthousiasmé. D’une part parce que le côté « roman documentaire parlant de la seconde guerre mondiale et de ce qui y a mené a déjà été fait – en mieux et en plus long – par Binet dans HHhH. Et d’autre part parce que sur les sujets de l’accommodement du libéralisme économique au fascisme et des méthodes par lesquelles le fascisme s’impose, j’aurai préféré quelque chose de plus analytique.

L’aigle sans orteils, de Lax

Bande dessinée sur un béarnais qui décide au début du XXe siècle de participer au Tour de France. Enchaînant les ascensions jusqu’au Pic du Midi pour réunir l’argent nécessaire à l’achat d’un vélo, il finit par perdre l’ensemble de ses orteils. Qu’à cela ne tienne, il pédalera avec des prothèses…

C’est un peu anecdotique, mais c’était intéressant comme présentation de la vie à cette époque, et y’a de belles pages représentant les Pyrénées.

(et c’est une histoire vraie visiblement)

Le Château des Étoiles, d’Alex Alice

BD dessinée à l’aquarelle. Dans les années 1870, après un vol expérimental confirmant l’existence de l’éther au delà de l’atmosphère, un programme de conquête spatial est lancé par le roi Ludwig de Bavière, amoureux des arts et sciences, avec l’assistance d’un ingénieur français et de son fils. Mais la prouesse technologique intéresse fortement Bismarck, qui en voit l’intérêt militaire pour l’empire allemand…

J’ai beaucoup aimé. Il y a des influences de Jules Verne et d’Hayao Miyazaki clairement assumée, avec le côté ingénierie et les châteaux féeriques perdus dans la Bavière rurale. Beau contexte uchronique avec Bismarck, la princesse Sissi qui vient au secours de son cousin. Mention spéciale pour le prince Ludwig d’ailleurs, avec son coté héros romantique avec sa grande cape, qui va probablement réapparaitre plus tard dans l’histoire en mode Albator.

Le second cycle (se déroulant sur Mars plutôt que sur la Lune) m’a un peu moins plu, on voit l’influence des Chroniques Martiennes dessus, mais j’ai trouvé le rythme de l’histoire plus haché, et il y a moins le côté défis techniques à résoudre.

Golden State, de Ben Winters

Dans un futur indéterminé, la Californie indépendante, renommée Golden State, place le concept de Vérité Objective au dessus de tout. L’Etat entier est couvert par des caméras et micros qui enregistrent pour archivage l’ensemble de ce qui se passe, et le mensonge est puni d’exil. Une force de police spéciale est chargée de détecter les mensonges et d’enquêter sur les « anomalies », les moments où la réalité telle qu’enregistrée semble aberrante, pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Dans ce cadre, ils sont spécialement autorisés à émettre des hypothèses contre-factuelles. On suit la vie d’un enquêteur de ce service qui lors de son enquête découvre un vaste complot.

Comme souvent avec Ben Winters, je trouve son concept général d’univers intéressant, mais je suis déçu de ce qu’il en fait. Il présente une dystopie fasciste avec une Vérité d’Etat sous-tendue par un appareil de surveillance universel, relativement intéressante puisqu’il présente ça comme une réaction aux fakenews et autres alternativefacts, et le côté original de ce qu’il ne montre pas spécialement un Etat qui tente de manipuler ouvertement la réalité officielle (contrairement à 1984), juste il est impossible d’en dévier. Et il montre bien en quoi c’est une dystopie, mais derrière son histoire n’a pas grand intérêt, et la conclusion tombe à plat.

Le Propre et le Sale, de Georges Vigarello

Essai sur l’évolution de l’hygiène corporelle depuis le Moyen-Âge.
C’est assez intéressant, ça montre comment il y a toute une construction sociale de l’hygiène et de la notion de propreté qui varie avec le temps et qui est essentiellement basée sur des normes sociales.
La propreté est d’abord associé aux habits visibles, avec une notion de maintien de la tenue : il faut des étoffes de bonne qualité et en bon état, avec des notions de richesse qui viennent s’en mêler.
Puis il y a un déplacement sur le linge de corps et sur sa blancheur apparente, là aussi qui est mêlée à la qualité du tissu. Ce linge qui était avant une sous couche des vêtements devient visible (chemise qui dépasse des habits la recouvrant aux poignets et au col, notamment, avec éventuellement de fausses manchettes amovibles, il y a vraiment une notion d’apparence). Pendant tout ce temps la propreté du corps lui même n’est pas un sujet, il s’agit de changer de linge quand il est sale, parce qu’il absorbe la saleté. l’eau est mal vue, comme un élément qui affaiblit les barrières cutanées.
Passage à une hygiène du corps et à une vision positive de l’eau, avec une méfiance quand même qui reste sur l’eau chaude qui amollirait les esprits/aurait un caractère sensuel qui corromprait.
Introduction d’une vision d’ingénieurs urbanistes vers les années 1830-50 en France avec la création de circuits de canalisations pour apporter l’eau jusqu’aux maisons de façon systématiques (par opposition aux bains apportés par baquets). Introduction aussi d’une éducation des dominés à une hygiène imposée d’en haut : relayé par l’éducation dans les école, par des manuel d’hygiène. Apparition d’une opposition entre la pratique du bain dans une salle de bain privative, moment d’intimité, au niveau des classes bourgeoises, et d’une pratique de la douche, d’abord dans des établissements collectifs (prisons, casernes, internats, puis bains-douches), avec des cabines alignées, une eau et un temps rationnés, du côté des classes populaires.

Le livre ne parle pas de la réappropriation des douches par la bourgeoisie avec des douches plus luxueuses, parce qu’il s’arrête avant, mais ce serait dans la droite ligne.

Globalement c’était fort intéressant, un peu aride à lire cependant.

et il foula la terre avec légèreté, de Mathilde Ramadier et Laurent Bonneau

Bande dessinée sur un géologue travaillant pour une grosse compagnie pétrolière française, qui part en mission de terrain en Norvège pour évaluer le potentiel d’un réservoir. Sur place il discute avec les habitants de leur rapport à la Nature, des changements récents de la société et de ceux qu’amènerait l’implantation d’une plate-forme de forage.

Le dessin est très beau, et le propos avait l’air intéressant, mais au final je l’ai trouvé un peu vide. Le mec se pose des questions, ok, fort bien, et ? On ne voit pas ce qu’il en fait dans son taf où dans son rapport personnel au monde. Les persos sont un poil caricaturaux aussi.