Archives de catégorie : Arbres morts ou encre électronique

Far from the Light of Heaven, de Tade Thompson

Au sortir d’un voyage interstellaire en animation suspendue, la capitaine du Ragtime découvre que l’IA de bord ne fonctionne plus et que 30 passagers ont été tués. La planète qu’elle orbite envoie un duo d’enquêteurs résoudre l’affaire.

Sur le papier ça avait l’air cool, mais ça souffre fortement du problème de l’auteur d’un autre genre que la SF qui se dit qu’il va révolutionner le genre parce qu’ils sont gentils avec leurs petits mickeys, et qui finit surtout par réinventer les poncifs. Autant j’avais beaucoup aimé la suite de novellas Molly Southbourne du même auteur, autant là c’était sans grand intérêt. Ça aligne les grands concepts – aliens ! trous de vers ! IA ! mégacorporations ! terraformation ! – sans en faire grand chose, y’a beaucoup trop de personnages qui sont introduits et mal développés, le côté chambre close fonctionne pas du tout… Bref c’est foutraque, et y’a pas eu de travail d’édition.

Demain, le jour, de Salomon de Izarra

Roman fantastique paru en 2022. Trois survivants d’un accident de train se retrouvent dans un village isolé des Vosges, en 1936. Ils vont découvrir que la population en a été décimé par deux monstres qui hantent le village à la nuit tombé, et tenter de les affronter. On suit en parallèle les points de vue des trois personnages tels que relatés dans leurs journaux intimes, qui détaillent à la fois leur vie depuis l’accident de train et leur passé.

Globalement j’ai bien aimé l’écriture, la triple narration et les effets permis par le fait que les persos racontent des événements passés mais détaillent aussi ce qui se passe au moment de l’écriture étaient intéressants (le fait que l’on apprenne au début du livre que Paul rédige depuis une cellule mais qu’il faille ensuite les 2/3 du livre pour que l’on ait les événements qui y ont mené). Par contre l’intrigue principale avait l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. Il y a des monstres, ok, mais le pourquoi de leur existence est assez random, les interactions entre les personnages sont assez stéréotypées. Les passages les plus intéressants sont ceux qui détaillent le passé de Paul, la partie « fantastique du roman est finalement assez superflue.

Nickel Boys, de Colson Whitehead

Roman états-unien publié en 2019, inspiré de faits réels. On suit la vie d’Elwood Curtis durant son enfance à Tallahassee (Floride), durant son incarcération à la maison de redressement Nickel et durant sa vie d’adulte à New York des années plus tard. Nickel est un endroit atroce, où les enfants sont battus, et inspiré d’une maison de redressement réelle, Dozier. Le roman est court mais prenant (et secouant).

Je le rapproche de Delicious Foods pour le sujet traité, mais ce n’est pas la même période temporelle – et pas le même style d’écriture.

House of Suns, d’Alastair Reynolds

Space opera de 2008, qui n’a pas peur des gros concepts. Des millions d’années dans le futur, l’Humanité s’est répandue dans la Voie Lactée, où elle est la seule espèce biologique intelligente. De nombreux empires spatiaux ont émergé puis se sont effondrés. Les traversant et les appuyant, les Lignées sont un agent de stabilité dans la galaxie. Il s’agit de plusieurs groupes de clones d’humains ayant vécu dans le Système solaire originel. Chaque Lignée comportait à l’origine 1000 clones, qui voyagent à des vitesses quasi-luminiques et ont donc vécu des millions d’années en temps absolu, quelques centaines en temps subjectif. On suit Purslane et Campion, deux clones de la Lignée Gentienne qui se rendent au rassemblement de la Lignée. Mais le rassemblement a été attaqué et la Lignée ne compte plus que quelques dizaines de membres, qui doivent impérativement qui est derrière cette attaque et quels en sont les motifs.

J’ai bien aimé les concepts (des vies étendues sur des millions d’années ! Des vaisseaux spatiaux qui mesurent des dizaines de kilomètres ! Des intelligences qui se sont éloignées totalement de l’esprit humain originel !), mais les personnages sont un peu ratés. Les relations entre les membres de la lignée notamment sont pas du tout intéressantes alors qu’on parle de gens qui partagent des souvenirs communs et remélangent régulièrement leurs souvenirs : là iels ont juste des relations tout à fait classique de collègues de travail. Toute la partie dans la réalité virtuelle est aussi sans intérêt (surtout qu’elle se conclut sans vraiment apporter quelque chose à l’histoire plus large). Bref, de belles idées de SF qui marchent bien pour un space opera mais un besoin d’édition globale du bouquin pour mieux faire fonctionner le tout.

A Cosmology of Monsters, de Shaun Hamill

Roman de réalisme horrifique états-unien de 2019. On suit Noah Turner et quelques autres membres de sa famille qui vivent dans une petite ville texane. Noah est ami avec un monstre, une espèce de loup-garou que visiblement lui seul peut voir. Il travaille dans la maison hantée familiale, une attraction dans laquelle il joue le monstre qui poursuit les visiteurs, et a basé son costume sur l’apparence du monstre qu’il voit. On va découvrir au fil du livre la relation entre la famille de Noah et le monstre.

J’ai pas mal aimé, c’est assez original dans l’horrifique. On suit la famille Turner sur deux générations, le point de vue de la narration étant toujours celui de Noah qui raconte la vie de ses parents et parle de ses sœurs. Le côté éléments fantastiques se marrie bien avec la vie quotidienne des Turner, la passion du père pour les romans de Lovecraft et autres écrivains du genre, la difficulté de trouver une activité qui rapporte des revenus sans être un travail insupportable. Les explications du côté fantastique des choses restent seulement esquissées, mais ça fonctionne bien comme ça.

Je recommande si vous aimez le genre (rien de très gore dans le livre, c’est plus dans le style mystères inexpliqués, forces maléfiques, hantage).

The Murders of Molly Southbourne, de Tade Thompson

Série de trois courts livres de science fiction, The Murders of Molly Southbourne étant suivi de The Survival of Molly Southbourne et de The Legacy of Molly Southbourne. On suit donc Molly Southbourne, une femme dont le sang a la propriété de générer des doubles d’elle-même : si une goutte de son sang tombe à terre, elle va absorber la matière tout autour d’elle même pour créer une nouvelle Molly, du même âge que la Molly originelle au moment du saignement. Petit problème : tous ces doubles tentent d’assassiner la Molly originelle. L’histoire du premier tome est racontée par Molly a un de ses doubles, revenant sur sa vie depuis son enfance. Les tomes deux et trois vont étendre un peu l’univers, détaillant l’origine du pouvoir de Molly, l’existence de d’autres personnes avec la même capacité et les relations de Molly au reste du monde. Le tout dans une uchronie discrète puisque toute l’action se passe dans des années 90’s où la fertilité humaine a drastiquement chuté depuis bientôt dix ans.

Sans être révolutionnaire c’était sympa à lire, le format suite de novella était cool. Le premier peut se lire en standalone et fait une centaines de pages, c’est pas mal pour savoir si on aime bien le style de l’auteur.

Le Génie Lesbien, d’Alice Coffin

Essai politique sur le féminisme, le lesbianisme militant et le journalisme situé, dans le contexte de la France contemporaine.

Je n’ai pas appris grand chose dans la première partie sur l’importance de la représentation et les questions de « neutralité journalistique » vs « point de vue situé », mais si vous ne connaissez rien au sujet je pense que c’est une bonne introduction.
Par contre j’ai été très intéressé par les éléments sur la participation des militantes lesbiennes dans plein de combats politiques qui les concernait parfois mais parfois pas – j’avais entendu parlé de certains points de loin et d’autres pas du tout, c’était intéressant d’avoir une synthèse du sujet.

Je recommande.

Master of Djinn, de P. Djèlí Clark

Roman de fantasy états-unien publié en 2021. Il se passe dans le même univers que la novella The Haunting of Tram Car 15, ie un Caire alternatif où les Djinns sont réapparus dans le monde humain, faisant de l’Égypte une des grandes puissances. On suit Fatma, une agent du Ministère du Surnaturel, qui enquête sur l’assassinat des membres d’une confrérie anglaise se réclamant d’Al Jahiz, le scientifique à l’origine du retour des Djinns sur Terre.

J’ai bien aimé. La structure du bouquin est assez classique (on est sur une quête/enquête où l’opposant semble de plus en plus inarrêtable, les gentils récupèrent des infos pour comprendre les tenants et aboutissants de son plan mais restent toujours un pas derrière, jusqu’à la grande confrontation finale), mais ça fonctionne bien. Quelques plot-twists qui se voient venir, mais l’univers est très imaginatif, et y’a beaucoup de rebondissement qui tiennent pas mal en haleine. Quelques tropes réimaginés (on sent que l’auteur s’est fait plaisir parce que franchement c’est pas crucial à l’intrigue : un Anneau Unique-like, un mecha géant…

Je recommande, en conseillant de commencer par les deux nouvelles dans le même univers, qui d’une part vous permettront de savoir si vous aimez le style et le décor, et d’autre part donnent quelques éléments d’arrière-plan.

Le Complexe de la Sorcière, d’Isabelle Sorrente

Ouvrage français de 2020. Mi-essai, mi-autobio (ou autofiction ?). La narratrice raconte comment elle commence à imaginer de façon récurrente une sorcière. Elle va se renseigner sur le sujet des chasses aux sorcières de la Renaissance, se rendre compte de l’ampleur du phénomène, et théoriser qu’il a laissé une empreinte durable sur la psyché des femmes européennes.

Jusque là, soit. Sauf qu’elle convoque un concept de traumatisme multigénérationnel, l’illustrant avec un descendant de Louis XVI qui perdra la tête de nos jours dans un accident de ski. Désolé mais je ne crois pas à la pensée magique.

La narratrice parle aussi du harcèlement qu’elle a subi à l’école, théorisé les rapports hommes/femmes comme une relation inquisiteur/sorcière avec la rationalité froide d’un côté et l’émotivité de l’autre. Elle parle aussi de ses amies et des relations romantiques de ces dernières et d’elle même.

Globalement j’ai assez peu accroché. Il y a plusieurs thèmes intéressants qui sont abordés, mais je n’aime pas le traitement qui en est fait, j’aurai voulu un vrai essai et une approche plus matérialiste.

Le Chœur des Femmes, de Martin Winckler

Roman médical de 2009. On suit Jean, interne en médecine qui doit – pour ses 6 derniers mois avant une prise de poste – intégrer un service de gynécologie. Ce qui ne lui convient pas du tout, Jean ne rêvant que de travailler dans un service de chirurgie des organes sexuels. Mais au contact de Franz Karma, le chef du service, Jean va revoir ses conceptions sur ce que signifie être docteur et être soignant…

J’ai beaucoup aimé la partie médecine et gynécologie, c’est bien mis en scène, c’est même un page turner assez inattendu. J’ai été beaucoup moins convaincu par l’histoire en arrière plan et les révélations sur le passé des personnages. Ça fait franchement soap et on voit tout venir de très très loin. Mais j’étais content de retrouver l’univers de Winckler – si j’ai lu La Maladie de Sachs il y a trop longtemps pour me souvenir de grand chose, ça m’a par contre pas mal réévoqué de souvenir des Trois Médecins, le côté saga au long cour est plaisant.

Je recommande.