Archives par mot-clé : littérature blanche

Des vies orageuses, de Mathilde Gal et Tcholeiy

Roman français paru en 2023. On suit en parallèle les vies de Sarah, jeune médecin qui prend un poste dans un CeGIDD (centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic) dans le sud est de la France, et d’Idrissa, migrant qui a fui la répression politique en Guinée. On voit l’entrecroisement de leurs vies, les personnes autour d’eux, les enjeux de santé dans les parcours des migrants, la façon dont ils sont liés à tous les autres enjeux (le sans-abrisme, le stress post-traumatique, les violences sexuelles, l’emploi, le rapport à l’administration), la façon dont la gestion administrative des migrants complique encore des vies déjà compliquées. On voit à la fois Sarah s’impliquer de plus en plus dans les vies de ses patients en sortant de son rôle initial, et d’une façon qui n’est pas présentée comme positive, en montrant comment c’est aussi de la white guilt qui la mène vers le burn-out), et comment Idrissa réussit à trouver petit à petit des points d’appui et sans que sa situation ne se résolve du point de vue administratif, à construire quelque chose en France.

Globalement c’est un bouquin militant qui arrive à restituer par la fiction quelques exemples de la complexité des vies des personnes migrantes en France, notamment par la faute de l’administration et des lois xénophobes. Il y a aussi un côté très Martin Winckler dans la façon dont les consultations de Sarah permettent de mettre en avant plein de facettes différentes des problèmes de santé auxquels sont confrontées les personnes migrantes (mais pas que, on voit aussi d’autres cas du CeGIDD).

Je recommande

Le Silence de la Mer, de Vercors

Recueil de nouvelles publiées clandestinement par les éditions de Minuit durant l’Occupation, et qui parlent de la vie sous l’Occupation, des relations à l’occupant, du comportement des français entre résistants et collaborateurs. La nouvelle éponyme, la plus connue est intéressante, par contre il y en a beaucoup d’autres qui exaltent la Grandeur et l’Exception de la France qui ont assez mal vieilli je trouve. J’ai bien aimé Le Silence de la Mer et L’Imprimerie de Verdun, les autres, moins.

La Femme gelée, d’Annie Ernaux

C’était vachement bien. Livre sur l’enfance, les années d’études et le début du mariage d’une femme française des 30 Glorieuses. Sur sa perception des différences genrées, de la position spécifique de sa famille (où les tâches quotidiennes ne sont pas réparties comme habituellement selon les genre notamment parce que ses parents tiennent un petit commerce). Parle de son attirance pour les garçons, ses relations avec d’autres filles, les injonctions à certains comportements qu’elle reçoit du monde extérieur, comment elle s’y plie plus ou moins, comment son mariage et ses enfants modifient sa vie malgré sa volonté d’éviter ça.

Le style d’écriture est assez prenant, avec des retours en arrière quand elle décrit quelque chose de façon péremptoire (pour dire, « bon là j’ai dit ça comme si c’était une vérité absolue en laquelle j’ai toujours cru, mais en fait… »), le signalement du fait qu’elle pense d’une telle façon maintenant mais qu’à l’époque ce n’était pas du tout des éléments qu’elle prenait en compte…

Grosse recommandation.

Pastorale américaine, de Philip Roth

Philip Roth retrace la vie de Seymour « Le Suédois » Levov, un des compagnons de classe de son alter ego romancier Zuckerman. Comme souvent chez Roth, ça parle de la vie d’un enfant qui a grandi dans une communauté juive de l’État de New York. Mais le parcours de Levov est différent en ce qu’il a incarné et voulu vivre pleinement le rêve américain. Ça parle de la fabrication de gants, de l’entreprenariat américain entre les années 20 et 80, de l’Histoire de l’Amérique. C’est dense mais fort bien. J’aime beaucoup le style de Philip Roth, la façon dont il déroule l’histoire de façon non linéaire, en faisant des retours dans le temps, en évoquant des souvenirs, des comparaisons entre époques, des digressions, des changements de personnages suivi tout en restant très fluide dans la narration.

Réparer les Vivants, de Maylis de Kerangal

J’avais bien aimé Corniche Kennedy de la même autrice, j’ai été un peu déçu par celui là. Déjà parce que c’est vraiment exactement la même écriture, et puis parce que y’a un peu trop de jeu sur l’émotion par certains côtés, et que les personnages sont parfois de gros clichés un peu malaisant (l’infirmière qui couche avec son mec à l’improviste au milieu des poubelles, vraiment ?)

La Douleur porte un costume de plumes, de Max Porter

Un livre relativement court (je l’ai lu en deux heures je dirais) sur le deuil. Trois points de vues qui alternent : Un homme, ses deux enfants, et Corbeau, une créature imaginaire, qui parlent de la perte d’une femme / d’une mère et du processus de deuil qui s’ensuit. Il est globalement intéressant, mais je l’ai trouvé trop court et un peu inégal.

Corniche Kennedy, de Maylis de Kerangal

Marseille, années indéterminées. Des gamins des quartiers pauvres squattent un bout de falaise à pic sur la mer. Une plate-forme, trois plongeoirs, ils font leur vie. Mais voilà, ça fait désordre, ces jeunes qui crient fort et font leurs petits trafics. Le maire décrète la tolérance zéro, un chat et souris s’installe entre jeunes et policiers. Les portraits des jeunes sont intéressants et réalistes, le commisaire de police est plus cliché et moins crédible. C’est bien écrit et intéressant, mais par contre ça se termine en queue de poisson, c’est un peu dommage.