Archives par mot-clé : recommandé

To be or not to be, d’Ernst Lubitsch

Film étatsunien de 1942. Dans Varsovie occupée par l’Allemagne nazie, une troupe de théâtre va se retrouver en position d’empêcher un agent double de dénoncer à la Gestapo ses contacts dans la Résistance. Équipé d’une flopée de costumes issus d’une pièce sur le nazisme qu’ils n’ont jamais pu jouer, ils vont élaborer une série de mises en scène pour tromper et la Gestapo et l’agent double et récupérer les documents compromettants. Le tout alors que l’acteur principal de la troupe est obsédé par sa renommée et le fait que sa femme ait des contacts avec un aviateur polonais de la Royal Air Force anglaise.

J’ai beaucoup aimé. Tout le côté quiproquos et double jeu est très réussis, les setups/payoffs et le comique de répétition fonctionnent très bien, les nazis sont minables exactement comme il faut. J’ai trouvé intéressant d’avoir une structure où le personnage de Tura, crucial pour toute l’opération et qui se met en danger n’est pas pour autant héroïque et apparait même franchement ridicule avec son égo surdimensionné.

Je recommande.

Our Flag Means Death, de David Jenkins

Série télé de 2022. On suit les aventures d’une version fictive de Stede Bonnett, un propriétaire terrien de la Barbade qui a abandonné sa vie à terre pour devenir un pirate. On suit notamment sa relation avec Barbe-Noire, la fascination qu’ils exercent l’un sur l’autre puis la romance qui se développe entre eux.

J’ai beaucoup aimé. Il y a un côté très théâtral dans le côté « low-budget » de la série, où c’est souvent 10 personnes sur un bateau perdu au milieu de l’océan. La série a un ton comique, pas du tout historique. On s’attarde surtout sur les émotions des personnages et leurs relations, le décalage entre les attentes de Bonnett et la réalité de la vie de pirate (et comment c’est sa vision qui finit par s’imposer). Taika Waititi est excellent dans le rôle de Barbe-Noire, il a un magnétisme incroyable. Globalement, tous les rôles (et les relations entre les persos) sont très réussis, mention spéciale à Israel Hands qui a l’air de Malcolm de The Thick of It perdu dans un univers où tout le monde ignore ses tentatives d’intimidation.

Grosse recommandation, et j’espère qu’il y aura une seconde saison.

EDIT 2023 :

Il y a eu une seconde saison (mais vu sa conclusion c’est probablement la dernière, ce qui est pas mal narrativement pour éviter que ça ne s’épuise) ! Démarrage un peu lent avant que les persos principaux ne soient réunis, le côté pétage de câble total de Barbe-Noire est bien réussi. Tout le monde est encore plus choupi et gay que dans la saison 1, c’est vraiment très bien.

Victoria, de Justine Triet

Film français de 2016. Victoria est une avocate à la vie un peu chaotique. Élevant seule ses deux filles, son ex est un écrivain qui a eu un certain succès en mettant en scène sa vie à elle sur son blog d’autofiction en déguisant très peu les éléments. Elle accepte de défendre un de ses amis qui est accusé d’avoir poignardé sa compagne lors d’un mariage ; un ancien client à elle et ancien dealer vit chez elle et l’assiste pour préparer le procès et babysitter ses filles. Elle est en permanence à la limite du burn-out voire de l’autre côté et enchaîne les clopes.

J’ai beaucoup aimé. C’est bien filmé, les acteurs jouent bien, y’a un très bon usage de la musique (notamment sur le montage des six mois de suspension) et globalement une bonne bande son. On détecte une petite tendance aux films de procès avec des chiens comme acteurs-clefs chez Justine Triet (une tendance assez niche). On voit largement venir la romance qui était dispensable, mais ça reste un défaut mineur (et une romance assez originale).

Bref, recommandé.

Shin Godzilla, de Hideaki Anno et Shinji Higuchi

Film de kaiju sorti en 2016, qui reboote la franchise Godzilla. Une créature gigantesque est repérée dans la baie de Tokyo et commence à entre dans la ville et à la détruire. On suit les efforts du gouvernement japonais pour comprendre la situation puis lutter contre la créature, tout en étant paralysé par sa bureaucratie et son inféodation aux États-Unis.

J’ai beaucoup aimé. Le design de la créature qui utilise des effets spéciaux manuels est très cool, les plans sont originaux, le point de vue sur/depuis la machine bureaucratique qu’est le gouvernement aussi, comme le fait de centrer les enjeux sur la menace de la radioactivité et de l’ingérence des autres pays plutôt que sur la menace que fait peser le kaiju sur la ville. Très bonne surprise, grosse reco.

Terra Nil, du studio Free Lives

Jeu vidéo sorti en 2023. On joue une mission chargé de réhabiliter des écosystèmes dévastés. Le jeu fonctionne comme un city-builder, mais on ne construit que quelques bâtiments (des sources d’énergies renouvelables et des petites infrastructures), que l’on devra toutes démanteler à la fin de la mission, le but étant de réintroduire des plantes puis des animaux dans l’écosystème. C’était sympa sans être d’une énorme complexité (5-6h de jeu sans faire les cartes alternatives), ça crée de jolis paysages, avec une carte déserte et quasi statique à la base qui s’anime de plus en plus au fur et à mesure qu’on réintroduit des végétaux puis des animaux.

Je recommande pour un petit jeu zen.

Billy No-Mates, de Max Dickins

Essai paru en 2022. Alors qu’il envisage de demander en mariage sa partenaire, l’auteur réalise qu’il ne sait absolument pas qui prendre comme garçon d’honneur. Il réalise qu’il n’a pas vraiment parmi les personnes qu’il fréquente d’hommes dont il se sent vraiment proche. Il va alors partir dans une quête pour redécouvrir le vrai sens de l’amitié et réaliser que les vrais amis sont le trésor qu’on s’est fait le long du chemin. Wait. Non.

Globalement c’est un essai où l’auteur discute de ce qu’est l’amitié, notamment l’amitié entre hommes et la difficulté de se faire des ami.es à l’âge adulte et quand on a été éduqué pour être émotionnellement distant. C’est très scénarisé avec le fil rouge de la quête du garçon d’honneur et beaucoup de blagues (l’auteur a été stand-uppeur). C’est par moment un peu agaçant, et je pense que le livre aurait bénéficié de peut-être un peu plus d’apport de la théorie féministe (même si c’est loin d’être un livre masculiniste, j’ai quand même un peu tiqué sur la citation sans remise en contexte de Jordan Peterson, masculiniste connu) et plus généralement parle uniquement des mecs cis blancs des pays occidentaux sans trop le préciser (mais je suis dans cette démographie donc ça m’allait bien), mais ça parle de plein de sujets intéressants.

J’en retiens notamment les éléments sur la sociabilisation face à face (on se parle) vs côte à côte (on fait des trucs ensembles) qui se corrèle bien avec le genre (et je me reconnais fort dans la seconde). Y’a toujours un caveat dans ce genre d’affirmation qu’il ne faut à la fois pas les essentialiser (c’est de l’éducation, pas de la génétique) et pas les généraliser (pas toutes les personnes s’identifiant comme hommes ne correspondent à cette sociabilisation, pas toutes les personnes s’identifiant comme femmes dans la sociabilisation face à face), ce que l’auteur fait plutôt bien en rappelant notamment que les amitiés masculines peuvent prendre d’autres formes selon les pays et les époques. Mais un pattern répandu pour les hommes (cis, je suppose) des pays occidentaux est que la forme de leur sociabilisation passe par le partage d’activités, et le plus souvent en groupe plutôt qu’en bilatéral. C’est une configuration qui incite moins de base à parler de ses émotions, mais c’est la configuration qui fonctionne pour eux et qui peut mener à les partager à terme. Le passage sur le fait qu’une conversation téléphonique n’améliore pas la qualité d’une relation amicale entre hommes cis (alors que ça fonctionne chez les femmes cis) et qu’elle vont donc tendance à se focaliser sur le fonctionnel résonne aussi pas mal.

Partant de là, le hack des « men’s shed » me semble assez bien pensé : globalement, ce sont des espaces qui proposent des activités (réparation d’objets, jardinage, autre), ce qui va sembler une façon acceptable de sociabiliser aux hommes, et les pousser à sortir de leur isolement (là où proposer un pur espace de discussion, voire pire, dire « il semble que vous avez un problème d’isolation » ne fonctionne pas (vrai bonhomme n’a pas de problème et est autonome).

La partie sur la répartition des relations sociales (petit cercle de personnes très proches d’environ 5 personnes, puis un cercle de 15, de 45 et de 140) et le fait que les gens se retrouvent à un niveau ou un autre selon le temps que l’on consacre à notre relation avec elleux est aussi super intéressant : le temps étant une ressource finie, faire apparaître de nouvelles relations en fait disparaître d’autres (sauf si on arrive à compresser du temps solo passé à regarder des séries ou lire, mais ça peut rapidement être incompressible).

L’auteur discute aussi le manque de script sociaux pour la sociabilisation amicale : les relations romantiques et familiales bénéficient de cérémonials, de tonnes d’exemples dans la culture, l’amitié beaucoup moins. Du coup c’est souvent l’amitié qui est sacrifiée aux autres relations parce que considérée comme moins importante, et qui a plus de mal à se remettre sur pied parce qu’il n’y a pas de façon canonique de relancer les choses. Pour les hommes, c’est encore compliqué par le fait que dans nos sociétés, être occupé est valorisé, donc on a X trucs à faire en //, on n’a pas le temps de venir aux événements amicaux, encore moins de les organiser, et du coup les gens s’éloignent progressivement. En plus, le mode relationnel masculin majoritaire est la compétition et l’ironie : ça n’aide pas pour la partie discussion des sentiments (mais tbh je sais pas si c’est l’auteur ou l’Angleterre en général le problème, mais j’ai l’impression que le problème est quand même largement moins pire pour moi que la situation qu’il décrit).

Bref, qu’en retiens-je ? Les amitiés demandent du temps à y consacrer, et idéalement pour moi, du temps en présentiel et autour d’une activité. Pour kickstarter de nouvelles amitiés masculine, la recette magique est de commencer par une activité partagée (l’auteur parle des chorales parce que c’est une des rares activités masculines non-compétitives, mais je pense que de mon côté ça va être réinscription dans un club d’escalade). Loin des yeux loin du coeur s’applique bien, mais le fait de prendre du temps pour entretenir les amitiés en prenant le temps de prendre des nouvelles et d’organiser des activités fonctionne tout aussi bien pour les remettre sur pied.

Je recommande la lecture.

Dredge, du studio Black Salt Games

Jeu de pêche horrifique paru en 2023. On joue un pêcheur dans un petit archipel, dans un monde qui rappelle les années 1920/30, avec une vibe distinctement lovecraftienne. On navigue entre les différentes îles pour pêcher des poissons de différents écosystèmes ou leurs versions corrompues. En même temps, on récupères des reliques pour un mystérieux collectionneur dont il est clair très rapidement qu’il a les intention les plus shady du monde. Et chaque nuit, le brouillard se lève et des créatures mystérieuses rodent dans la brume et tentent de défoncer notre bateau.

C’était cool. Fini en deux-trois soirées dessus, j’ai bien aimé l’ambiance et c’était la bonne durée.

Article invité : Lâcher prise

Série québécoise de 4 saisons, sorties entre 2017 et 2020 et accessible en streaming farpaitement légal sur TV5 Monde Plus.

Une série drôle, fine et émouvante sur le burn-out (et plein d’autres choses, notamment les relations familiales/filiales et on sait que j’aime ça), avec des personnages géniaux (du genre aussi insupportables qu’attachants, fortiches et vulnérables comme des bébés chats), mille punchlines hilarantes par épisode, des acteurices excellentissimes, une référence à Jean Leloup ♥, deux premières saisons formidables et deux suivantes certes un peu en dessous mais toujours un régal, bref, à gavisionner sans attendre.

La Légende, de Philippe Vasset

Roman français paru en 2016. On suit un ancien moine défroqué, qui dirigeait le dicastère pour la cause des saints, l’organe du Vatican en charge de l’instruction des dossiers de béatification. En désaccord avec l’orientation très prosaïque donnée au travail du dicastère, lui rêve de saints flamboyants, d’histoires de repentir gigantesques, qu’il juge plus à même d’impressionner et d’inspirer les fidèles. Il va faire la rencontre d’une femme et peu à peu s’éloigner du dogme pour organiser un culte alternatif, en suivant l’exemple d’un moine du XXe siècle qui avait unilatéralement proclamé sainte une femme qui disait converser avec la Vierge sans aucune preuve ni miracle. Le récit principal est interrompu par des vies de « saints » moderne, comme Azyle qui taggue inlassablement son blaze sur les métros parisiens ou Urbain, mort sur des centaines de camps de migrants et enterré sur place, sanctuarisant le lieu par rapport aux pouvoirs publics qui n’osent plus y toucher.

J’ai beaucoup aimé, comme toujours avec Vasset. Son écriture sur le sacré profane, c’est exactement ma came. Je recommande.

Article invité : sélection de podcasts II

Merci à Maxime pour cette nouvelle sélection de podcasts ! La précédente est retrouvable ici.

Deuxième sélection de podcasts et émissions radios qui m’accompagnent depuis un moment et que je recommande urbi et blogi ! Menu du jour : géopolitique.

Tout un monde

(En cours — épisodes indépendants — 20 à 25 minutes par épisode)

Je vous ai certainement déjà bassiné parlé de cette excellente émission quotidienne (du lundi au vendredi) de la RTS (la radio publique suisse romande), que je suis assidûment depuis des années. Deux à trois sujets d’actualité géopolitique sont abordés en une grosse vingtaine de minutes. Les trois formats les plus fréquents sont les reportages de leurs correspondants, les résumés de situation d’actualité et les entretiens d’analyse. Le point fort est que les personnes interrogées pour ces derniers sont souvent vraiment expertes de leur domaine (typiquement des chercheur·euses en géopolitique, spécialisées dans une zone géographique ou un aspect précis). Bien entendu, il y a parfois quelques invitations ratées (notamment lorsqu’iels interrogent des politiciens, fussent-ils d’opposition (ce n’est jamais intéressant) ou des militaires (c’est toujours incroyablement vague)) mais c’est heureusement plutôt rare.

Un autre point intéressant réside dans le réseau plutôt bien fourni de correspondants permanents (qui ont donc le temps de s’imprégner et d’étudier leur pays d’affectation). Bien entendu, la radio publique d’une communauté de quelques millions de personnes ne peut pas entretenir un réseau couvrant le monde entier (l’Amérique latine et l’Afrique sont notamment peu desservies) mais, outre les incontournables pour ce genre d’émissions (Chine, États-Unis, Russie, grands pays européens, institutions européennes), on écoute avec plaisir des reportages réguliers sur les Balkans, la Grèce, la Turquie, le Japon, l’Inde, le Québec, la Scandinavie, la Pologne, la Hongrie, l’Australie, l’Autriche, Israël et les territoires occupés, etc. Mention spécial au travail extraordinaire de Maurine Mercier, correspondante de guerre (auparavant en Lybie et maintenant en Ukraine), qui fait des reportages bouleversants (souvent primés d’ailleurs).

Les sujets sont d’ordinaire liés à l’actualité mais plusieurs sont encore intéressants quelques mois plus tard, par exemple :

  • Chine-USA, quand ça a mal tourné (juin 2023), une série de cinq sujets (1, 2, 3, 4 et 5) de Michael Peuker sur l’histoire et la dégradation des relations sino-américaines.
  • Retour à Boutcha (22 février 2023) reportage de Maurine Mercier qui revient, dix mois plus tard, dans cette ville où elle avait recueilli des témoignages bouleversants sur les crimes de guerre. (Attention, description explicite de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.).
  • Le sens de l’histoire (6 janvier 2023), entretien avec Johann Chapoutot à l’occasion de son livre Le Grand Récit.
  • Un carrefour géopolitique nommé Djibouti (4 mai 2023), sur ce pays méconnu pourtant au cœur de la géopolitique africaine et moyenne-orientale.
  • Quand les assurances n’assurent plus (12 juin 2023), sur les assureurs américains qui refusent désormais d’assurer les biens immobiliers contre les risques naturels, devenus trop importants avec le changement climatique.
  • Le Captagon, l’arme secrète de Damas (7 août 2023), sur cette drogue de la famille des amphétamines, monopole mondial du clan Assad, qui l’utilise comme argument de négociation internationale.
Géographie à la carte

(En cours — épisodes indépendants — 60 minutes par épisode)

Émission hebdomadaire de France Culture, qui parle de géographie et (donc) de géopolitique. Chaque semaine un sujet est traité en une heure à l’aide d’un·e ou quelques invité·e·s. Une carte choisie par l’invité·e est commentée en début d’émission (elle est visible sur le site web). Le présentateur (Matthieu Garrigou-Lagrange depuis septembre 2022) est vraiment très bon et à l’écoute de ses interlocuteur·ices. J’apprécie particulièrement le fait que les sujets sont très variés (on peut manifestement faire de la géographie avec tout).

Quelques épisodes qui m’ont plu :

The Prince, Drum Tower & Next Year in Moscow

Lecteur, lectrice, si tu lis ceci, c’est que l’hôte de ces lieux fait preuve d’une grande ouverture d’esprit. Car oui, sous tes yeux ébahis, j’ose ici l’impensable : recommander des productions de The Economist. Ne fuis pas ! Quand il ne parle pas d’économie, c’est un journal intéressant ! Voici trois de ses podcasts (gratuits – ils contiennent bien sûr toujours un appel du pied pour s’abonner).

The Prince

(série finie de huit épisodes (plus deux bonus) de 30 à 40 minutes)

On commence avec mon coup de cœur (s’il fallait ne retenir qu’un seul podcast de cette sélection, ce serait celui-ci). The Prince est une série biographique sur l’homme géopolitiquement le plus important du monde, Xi Jinping. On y apprend foule de détails sur sa vie et, surtout, la construction de son pouvoir, via notamment des entretiens avec des témoins privilégiés (logiquement en exil). Quelques anecdotes amusantes allègent le récit, comme le fait qu’il était connu comme « le mari de Peng Liyuan » (son épouse est en fait une star nationale de la chanson et était de fait plus célèbre que lui avant 2010). Mais globalement on retient la lente, patiente, sombre et inexorable ascension d’un homme qui n’est pas encore au faîte de sa puissance, depuis l’enfance traumatisante du « petit prince rouge » dont le père fut purgé par Mao à l’apprentissage du métier d’homme d’État communiste chinois dans la province de Funian. Grosse recommandation.

L’autrice de ce podcast, Sue-Lin Wong, a dû s’exiler (elle couvre actuellement l’Asie du Sud-Est depuis l’Indonésie), ce qui est j’imagine un signe de la qualité de ses reportages sur la Chine. Les raisons derrière le titre de ce podcast sont multiples et expliquées dans un des épisodes bonus.

La série s’écoute dans l’ordre mais les épisodes 1 (Redder than red, sur son enfance comme fils d’un proche de Mao puis comme paria lors de la Révolution culturelle), 5 (He who must not be named, sur le fonctionnement de la censure en ligne) et 6 (Seeds of a pomegranate, sur le fonctionnement tentaculaire de la répression) m’ont particulièrement marqué.

Next Year In Moscow

(série finie de huit épisodes de 40 minutes)

Un an après l’invasion du reste de l’Ukraine, le journaliste russo-britannique Arkady Ostrovsky explore la vie et les parcours d’exilés russes dans un excellent podcast. Il en profite pour analyser l’évolution de la Russie depuis quelques décennies et décrire l’installation progressive du système répressif. C’est poignant.

La série s’écoute dans l’ordre mais les épisodes 5 (Hostages, sur le système clientéliste poutinien) et 8 (Arrivals, sur l’espoir du retour) m’ont particulièrement marqué.

Drum Tower

(en cours — épisodes indépendants — 30 à 40 minutes par épisode)

Après The Prince, The Economist a décidé de lancer en novembre 2022 un podcast hebdomadaire permanent sur la Chine, Drum Tower, animé par un duo formé de David Rennie (chef du bureau pékinois de The Economist) et Alice Su (correspondante pour la Chine ayant dû s’exiler à Taïwan). Je n’étais pas très convaincu par les premiers épisodes (mais, il faut le dire, l’excellence de The Prince avait placé la barre des attentes très, très haut) mais depuis environ mars 2023 la qualité est là.

Chaque émission couvre un sujet concernant la Chine (société, politique, culture, etc.). Les sujets ont parfois pour prétexte un événement d’actualité mais ils s’inscrivent le plus souvent dans le temps long et s’écoutent donc encore très bien en décalé.

Quelques épisodes qui m’ont particulièrement plu, par ordre chronologique :

  • The Red and the Green (12 décembre 2022), sur ce que le Parti communiste fait de l’écologie et comment le militantisme écologique se trouve une petite place dans le système politique cadenassé chinois.
  • Startle the Heart (19 décembre 2022), sur Regard de printemps, le plus célèbre des poèmes chinois — on apprend au passage quelques-uns des mécanismes qui peuvent intéresser la poésie chinoise, parfois différents de ceux utilisés par la poésie francophone »
  • The Prince and the Prime minister (7 mars 2023), sur Li Keqiang, premier ministre de Xi pendant ses dix premières années, récemment remplacé. On apprend notamment qu’il travaillait à l’université sur le concept d’État de droit…
  • Pain without parole (21 mars 2023), sur les mécanismes de la révolution culturelle et les difficultés encore actuelles d’en réparer les effets, à travers le cas d’un professeur injustement accusé de viol parce que son père servait dans l’armée nationaliste.
  • Islands in the Strait (18 avril 2023), sur de petites îles taïwanaises qui se sentent en fait très chinoises.
  • Chairman of Everything (25 avril 2023), sur un meilleur modèle pour comprendre Xi Jinping, Liu Shaoqi (président purgé par Mao).
  • Two Top Guns (9 mai 2023), sur les deux films « Top Gun », américain et chinois, sortis presque en même temps, et les visions du monde qu’ils proposent à leur public.
  • China’s LGBT Crackdown (30 mai 2023), sur la récente répression, d’origine politique plus qu’idéologique, des mouvements lgbt.
  • The Cage (9 juin 2023), sur la répression des Ouïghours jusqu’en dehors des frontières de la Chine.

(Justifions-nous un petit peu : comme la Chine est la deuxième économie du monde et un gigantesque marché, The Economist s’y intéresse naturellement depuis longtemps et y entretient non pas juste un correspondant permanent mais deux bureaux de journalistes (plus un troisième à Hong Kong). D’un autre côté, comme il est impossible de comprendre et d’anticiper l’économie chinoise (et ne parlons même pas des autres aspects de la société chinoise) avec une approche purement néolibérale, lesdits journalistes sont obligé·e·s de retirer leurs lunettes économiques pour mieux analyser ce pays. D’où la qualité de nombreux reportages, sans rapport direct avec l’économie. Relevons aussi que les journalistes (en tout cas ceux qu’on entend dans le podcast) parlent couramment mandarin et peuvent donc se passer des interprètes pour certains entretiens avec la population.)

Bonnes écoutes !