La Place, d’Annie Ernaux

Court texte de 1982 qui revient sur la vie du père d’Annie Ernaux. L’autrice raconte la jeunesse de son père dans la campagne normande, sa vie sous l’Occupation, les magasins successifs qu’il tiendra avec sa femme. Elle raconte le rapport de ses parents à la réussite sociale, à son éducation à elle, la distance qui se creuse avec son père quand elle devient enseignante.

C’était court, j’ai l’impression que le livre gagne à être lu une fois qu’on a lu d’autres textes autobiographiques d’Ernaux (je recommande toujours Les Années) qui donnent du contexte à celui-ci, sinon c’est un peu trop fragmentaire. Mais il est intéressant à lire, je le rapproche de Qui a tué mon père ? d’Édouard Louis pour le côté biographie du père + réflexion transclasse

Last Night in Soho, d’Edward Wright

Film anglais de 2021. Ellie, jeune étudiante en design fraichement débarquée à Londres depuis sa campagne anglaise, loue une chambre dans une pension et commence à avoir des visions de l’occupante de la chambre dans les années 60, Sadie. D’abord émerveillée par le côté glamour de la période, elle réalise rapidement que le monde du spectacle de l’époque est entremêlé avec celui du crime et de la prostitution et que la misogynie y est omniprésente.

Plein de très bons éléments, un excellent début notamment : toutes les séquences de vision/rêve d’Ellie sont très réussies, le côté onirique est très bien rendu par l’alternance spectatrice/participante au rêve et par le côté non linéaire. Le jeu sur les reflets dans les miroirs était très bien trouvé aussi, dommage qu’il disparaisse au bout d’un moment.
Par contraste avec le début très réussi, j’ai trouvé que la seconde partie avait beaucoup plus de longueurs et un peu trop de changements de genre/retournements de situation, ce qui perd un peu le spectateur. Visuellement ça reste très réussi tout du long, mais je pense que l’histoire aurait pu être simplifiée un peu et le film gagner une vingtaine de minutes.

Randonnée au Sidobre

Randonnée sur la journée dans le massif du Sidobre. Belles couleurs d’automne, jolis rochers. Paysages principalement forestier avec pas beaucoup de vues différentes par contre, j’aurais bien voulu un peu plus de variabilité.

Lac du Merle
Gros caillou vu de dessous
Ombre chinoise
Chariot
Rocher de l’oie
Forêt
Route forestière
Lac du merle
Les Trois Fromages
Arbres à l’automne

Julie & Julia, de Nora Ephron

Film états-unien de 2009. On suit en parallèle la vie de Julia Child, la femme d’un attaché diplomatique américain qui décide alors qu’elle vit à Paris dans les années 50 de prendre des cours de cuisine française et va rédiger un livre de cuisine qui va populariser la cuisine française aux USA, et en 2002 celle de Julie Powell, une new-yorkaise qui va réaliser en un an l’ensemble des 500 et quelques recettes du livre de Julia Child tout en tenant un blog sur le sujet.

Julia Child est jouée par Meryl Streep et c’est toujours sympa de voir Meryl Streep qui trippe dans un rôle d’américaine exubérante, et le parallèle entre les deux femmes et les époques étaient intéressantes. Après j’ai un peu de mal avec le côté « un récit de vie qui montre qu’avec de la volonté et de la motivation on peut réaliser ses rêves : Julia est clairement dans un milieu bourgeois, le film ne s’en cache pas, mais pour Julie elle est coincé dans un job administratif relou et la solution c’est de rédiger un blog parce que y’a pas de barrière d’entrée, et de se tenir à son projet : désolé mais les blogs ça n’existe pas dans le vide, même si le film ne le montre pas il y a dû y avoir tout un process de publicité du blog en question, elle n’a pas juste réussi à s’imposer à la force du poignet sur « the marketplace of ideas » ou whatever.

À part ce point qui m’a quand même fait pas mal râler, c’était sympa de voir le film, de voir la mise en scène de la nourriture (même si c’est un peu présenté comme un truc magique et enchanteur libéré des contingences matérielles, on a juste à un moment Julie qui remarque que la cuisine de son appart est pas du tout adapté pour faire les recettes du livre, j’aurais bien voulu voir cet aspect davantage creusé).

Explorations urbaines, de Julien Martin Varnat

Essai qui parle de la pratique de l’exploration urbaine. L’auteur revient sur la généalogie du terme, comment une pratique assez large à la base s’est contractée dans son acceptation grand public pour signifier spécifiquement l’exploration de bâtiments abandonnés, qu’ils soient en contexte urbain ou non d’ailleurs. Mais à la base et dans certaines des pratiques que l’auteur relate (et met en application) c’est une exploration plus large de tous les espaces d’une ville, en refusant l’aspect « un espace = une fonction » et en empruntant des parcours non majoritaires.

L’auteur pointe aussi comment l’exploration de bâtiments abandonnés (qu’on va nommer urbex pour simplifier) peut adopter des codes virilistes, avec une performance de la capacité à s’introduire, à atteindre des espaces le premier, et à documenter cette performance, documentation qui rentre en contradiction avec un certain culte du secret dans la collectivité. Les autres formes d’exploration urbaines incluent le place hacking : s’introduire dans des immeubles, des cérémonies, des toits, des caves… sans ques les espaces soient forcéments abandonnés, juste se trouver là où l’on est pas supposé. Il parle aussi des promenades situationnistes, des marches exploratoires à travers la ville : l’exploration urbaine peut-être une déambulation sans introduction ou dépassage de barrière, juste pour appréhender des espaces que l’on ne traverse ou on ne regarde pas habituellement. L’auteur revient aussi sur sa propre pratique à Clermont, avec le groupe du Grand Lustucru, collectif informel qui pratique cette exploration urbaine déambulatoire. Il parle aussi de la pratique des sentiers de randonnée urbain et de comment ces pratiques peuvent être réintégrées dans des approches plus acceptées comme la randonnée.

J’ai bien aimé, c’était particulièrement intéressant pour la réflexion que ça me permet sur mes propres pratiques ; je ne fais plus énormément d’urbex ni de déambulation urbaines ces derniers temps mais ça m’attire toujours et je trouve ça intéressant d’avoir une réflexion dessus, qui soit justement un peu détachée de ce culte de la performance et de la mise en scène que l’on peut trouver chez Lazar Kuntzman ou Psychoze.

Warhol invaders, de Nicolas Labarre

Uchronie française publiée en 2021. En 1968, deux ingénieurs informatiques présentent un prototype de console de jeux à Andy Warhol. Celui-ci va saisir le potentiel de l’objet et le commercialiser. Avec des décennies d’avances, l’informatique personnelle va s’imposer au monde, bousculant la géopolitique internationale, le mouvement hippie/libertaire, les élections américaines…

J’ai beaucoup aimé. C’est une uchronie pour un public de niche, mais je suis pile dedans je pense. Ça parle de philosophie du libre vs systèmes fermés, bulles de filtre et analyse statistique massive, détournement des idéaux initiaux et stratégies commerciales. L’essentiel de l’histoire se déroule en Amérique, mais l’auteur inclut toute une partie en Touraine, ce qui marche assez bien comme décalage du regard.

Grande recommandation, univers original et uchronie technique très bien menée.

The French Dispatch, de Wes Anderson

Film états-unien de 2021. Le film présente cinq histoires, reprenant les cinq articles publiés dans le dernier numéro du magazine fictif The French Dispatch, le supplément sur la France et rédigé en France d’un journal du Kansas. Wes Anderson déploie dans les différentes histoires des visions d’une France correspondant à ses grands clichés, entre cuisine, film noir, révolte étudiante et artistes fous.

Le côté film à vignettes avec des variations de cadrage, de médium, de colorisation m’a un peu fait penser à Kill Bill, dont l’histoire ne part bien sûr pas du tout dans les mêmes directions, mais qui a un peu ce même côté « grosse variabilité du medium ». Il se passe beaucoup de chose dans le film, ça parle beaucoup, les tableaux sont denses avec beaucoup de détails, il demande un effort de concentration à voir. C’était sympa mais le côté vignettes m’a un peu laissé sur ma fin, j’aurai préféré une histoire qui se déploie sur l’ensemble du film, et le côté France fantasmée m’a fait sourire mais sans m’emporter totalement : c’est rigolo d’avoir une espèce de territoire onirique qui est à la fois un charmant petit village et une version over the top du Paris des années 60/70 renommée Ennui-sur-Blasé, mais ça fait pas une histoire pour autant, à mon sens. Dans les influences, je trouve aussi que le descriptif de la ville et toute l’enquête policière à base de nourriture ont un côté très Orphelins Baudelaire, aussi.

J’ai passé un bon moment devant, mais ce n’est pas mon Wes Anderson préféré pour autant.

Présidents, d’Anne Fontaine

Film français de 2021. Nicolas, ancien président de la République de 2007 à 2012, est incapable de se dire que ses années au pouvoir sont derrière lui, et inquiet de la montée en puissance du Rassemblement National. Pris d’une inspiration subite, il part en Corrèze chercher François, ancien président de 2012 à 2017, pour le persuader de fonder ensemble un nouveau mouvement transpartisan qui les remettrai en selle…

C’était assez étrange. Dans le pitch on dirait une fanfic, dans les moyens du film et dans le focus sur les sentiments des personnages plutôt que sur les grands événements aussi. Mais c’est une fanfic qui peut se permettre de débaucher Dujardin comme acteur principal, ce qui donne quelque chose d’étrange. L’imitation de Sarkozy part Dujardin est assez intéressante, mais elle fluctue largement d’un bout à l’autre du film, il ne tient pas du tout le personnage, la gestuelle et les intonations de langage en permanence, ce qui rajoute un peu au côté cheap de l’objet. Après c’était rigolo à regarder : la plus grande partie du film se déroule dans un petit village coupé de tout, on n’est pas du tout sur un commentaire sur les jeux de pouvoirs de la politique réelle, c’est les deux figures des anciens présidents comme deux archétypes de personnes, leurs doutes et leur envie de lumière. Tout se règle entre quelques personnes, les préoccupation du quotidien sont bien plus importantes que les enjeux de pouvoir : il y a des petites phrases et des évocations du passé (qui donne d’ailleurs de très bonnes blagues), mais pas de question sur le rapport de Sarkozy à la justice par exemple, le film est très lissé là dessus. Nicolas est préoccupé par la santé de son ratier de Prague, François joue du saxo à la fête du village, leurs compagnes sont pleine de naturelle et de préoccupations pour la vie des vraies gens, il n’y à pas d’enjeux d’argent ni de vraies questions politiques au delà de « s’unir contre le FN ».

Bref, c’était anecdotique mais agréable à regarder dans l’optique fanfic/étude de caractère, c’était ce que j’y cherchais donc je n’ai pas été déçu.