Benedetta, de Paul Verhoeven

Film français sorti en 2020. Italie, Moyen-Âge. Benedetta est sœur au couvent des théatines. Elle croit en Dieu et surtout en la Vierge, elle a des visions et potentiellement produit des miracles L’arrivée de sœur Bartolomea va remettre en question sa vision du monde : les deux femmes commencent une relation. Benedetta va s’opposer de plus en plus à l’Eglise, prenant la direction du couvent, refusant le jugement du nonce du Pape, et va affirmer que sa relation spéciale avec Jésus protège le village de la peste.

Résumé comme ça ça avait l’air cool, mais dans les faits j’ai trouvé ça assez raté. Je trouve que les dialogues tombent assez à plat, avec de grosses variations de ton. L’église est corrompue est politique sans beaucoup plus de nuances que ça, la relation de Benedetta et Bartolomea est surtout prétexte à nous les montrer nues (franchement, beaucoup de male gaze dans le film) sans que la relation n’ait de réelle profondeur. La photographie est jolie et les actrices principales jouent bien (mention spéciale à Charlotte Rampling dans le rôle de la mère supérieure déchue de son poste), mais sinon c’est anecdotique.

Le cycle de Syffe, de Patrick K. Dewdney

Tome 1 : L’enfant de poussière

Roman français de fantasy, publié en 2018, premier d’un cycle annoncé en sept tomes. On suit le point de vue de Syffe, orphelin vivant dans les ruelles de Corne-Brume, capitale d’une province d’un royaume médiéval. Le roi vient de mourir, sans héritier, et les différentes provinces ont des ambitions à faire valoir. Syffe ne va vivre les machinations politiques qu’indirectement, n’étant pas à son niveau en bas de l’échelle sociale concerné par les machinations de la politique nationale. Il va cependant tremper dans des intrigues à l’échelle des factions de Corne-Brume, avant d’être exilé de la ville et d’apprendre le métier de soldat…

C’était lent, mais c’était prenant (ou c’était prenant mais c’était lent ?). L’auteur prend le temps d’installer les situations. La vie de Syffe connait des tournants radicaux, mais chaque situation est décrite pleinement. Comme il ne s’intéresse pas aux grands enjeux géopolitiques, on n’en entend parler qu’en arrière-fond quand d’autres personnages les évoquent, et quand ils ont des répercussions directes. Il y a aussi visiblement de la magie ou en tous cas du surnaturel dans l’univers, mais ça reste là aussi en arrière plan pour le moment. Les évolutions de la situation sociale et les déplacements géographiques de Syffe permettent de renouveler les aspects du monde qui sont présentés, ce sont des arcs qui sont assez auto-contenus même s’il y a des éléments qui passent d’un arc à l’autre, des personnages qui reviennent (de façon un peu improbable parfois). L’auteur fait très peu d’exposition, il n’y a pas de conversations exposants les enjeux historiques précis (peut-être une au tout début pour évoquer les raisons récentes de l’unification du royaume et pourquoi la mort du roi est une mauvaise nouvelle), il évoque à plusieurs reprises la guerre de la Vigne dans ce tome sans détailler, je suppose qu’on aura davantage de détails dans le T2 (intitulé La Peste et la Vigne).

Recommandé si vous avez pas peur de la lenteur dans vos histoires.

Randonnée au cirque de la Plagne et site minier

Randonnée du dimanche au cirque de la Plagne. Petite rando pas trop matinale pour aller toucher la neige en fond de vallée. On a déjeuné à la limite de là où on pouvait aller sans raquettes, puis redescente et explo rapide d’un ancien site minier, pour admirer les machines laissées sur place.

Cascade et lens flare
torrent de montagne
Site minier, vue d’ensemble

Hôtel incendié

Weekend en Ariège. L’occasion de faire un peu d’urbex et quelques randonnées, entre un passage au marché de Saint-Girons et des parties de jeux de société.
Premier article de la série : un ancien hôtel incendié puis squatté (ou squatté puis incendié ?).

Je suis assez content des photos du weekend, je n’avais pris que mon ordiphone et pas mon reflex pour ne pas trop me charger, et ça ~va. Toute tentative de zoom donne des photos immondes, mais en x1 ou en « large », ça fait des trucs relativement corrects, bien qu’avec une résolution native bien plus petite. Mais pour des photos d’intérieur ça passe (les photos larges en rando étaient quand même moins satisfaisantes, globalement).

Bain de tuiles
Merci de bien vouloir déposer vos clés à votre départ

L’une chante, l’autre pas, d’Agnès Varda

Film français de 1977. On suit la vie de deux femmes, Pauline et Suzanne, de 1962 à 1976. Au fil des années elles vont se retrouver, s’éloigner, entretenir une correspondance, avoir des enfants, se battre pour le droit à l’avortement, en bénéficier, avoir des relations avec des hommes, chercher leur place dans le monde. C’était très cool. Quelques longueurs, mais globalement c’était intéressant à regarder, assez inattendu. Le film prend le temps de montrer en détails les trajectoires de vie des deux femmes, dans deux styles assez différents, et d’exposer leurs doutes, leurs inquiétudes, leurs convictions. Je recommande.

La critique d’OC ici.

Children of Time, d’Adrian Tchaikovsky

Man-spider, man-spider, doing whatever a human can...

Roman de science-fiction publié en 2015. J’ai *beaucoup* aimé. Je recommande de le lire sans se spoiler plus avant, surtout si vous aimez le worldbuilding, le temps long et les intelligences non-humaines. Un caveat cependant : le roman implique des araignées, donc si vous êtes arachnophobes, ça peut ne pas être votre came (mais ce sont des descriptions, pas des images, donc comme vous le sentez).

Continuer la lecture de Children of Time, d’Adrian Tchaikovsky

L’Ennemi principal, de Christine Delphy

Essai d’économie et de sociologie féministe. Il s’agit d’une compilation d’articles écrits par Delphy entre 1970 et 2001, sur le sujet de l’exploitation des femmes depuis une perspective marxiste. Delphy montre que les rapports hommes/femmes sont un rapport de classe, avec une classe exploitante et une classe exploitée. La classe des hommes bénéficie du travail gratuit des femmes, que ce soit du travail ménager ou plus largement du travail domestique (ie tout le travail effectué par les femmes dans le cadre de leur couple : ça inclut le travail ménager, mais potentiellement aussi la compta de l’activité de leur mari, des activités productives sur une exploitation agricole…). Ce que montre Delphy c’est que ce travail domestique recouvre de multiples activités, que le seul point commun qui en fait un tout cohérent est sa réalisation par des femmes, hors des rapports de production marchand, et sa captation par un homme. Les mêmes activités effectuées dans un autre cadre pourraient avoir une valeur d’échange, c’est vraiment la relation domestique qui donne un statut particulier à ce travail. Delphy montre aussi que ce statut de travailleur gratuit n’est pas stricto sensu réservé aux femmes : dans certains systèmes familiaux agricoles, les cadets (ou même plus largement tous les enfants sauf uns) peuvent avoir ce statut de travailleurs gratuit, un seul héritant de l’exploitation et de la position du père, tous les autres vivant à jamais dans une position subalterne.

Plusieurs articles s’emploient à démontrer en quoi les analyses qu’elle propose sont bien des analyses marxistes, qu’elle étend la méthode matérialiste à d’autres sujets que le rapport de domination salarial, mais que c’est bien une extension pertinente et non une trahison comme le faux procès lui a pu être fait. Liée à cette question est sa démonstration que le rapport de classe homme/femme est bien un rapport distinct du rapport salarial : ce ne sont pas « les capitalistes » qui exploitent les femmes dans le couple, en extrayant leur valeur via leur exploitation de l’homme : c’est bien une exploitation distincte, on ne peut pas tout ramener au capitalisme et absoudre les prolétaires hommes en couple hétéro d’une certaine position de domination.

Il y a aussi une analyse intéressante qui démontre en quoi non seulement le genre est socialement construit, mais le sexe aussi (bon c’est pas une surprise, avec la position matérialiste de Delphy, rien n’est immanent, tout est construit). En gros, se crée d’abord une relation d’oppression entre deux classes, qui fait advenir ces classes : on divise l’humanité entre hommes et femmes, en affirmant que la différence entre les deux est porteuse d’un sens profond qui justifie une différence de traitement et de socialisation (contrairement à la couleur de cheveux ou la latéralisation, par exemple), et que les catégories ainsi créées sont nettes et naturelles. Je ne détaille pas la partie où l’on attribue des comportements et des jugements de valeurs sociales aux deux catégories pour créer le genre, ce qui me semble intéressant ici c’est surtout la façon dont pour naturaliser l’oppression, on va lui chercher un support dans des différences physiques qu’on va cherry-picker : on déclare que les organes sexuels, les caractères sexuels secondaires, puis avec les avancées de la science les hormones, les chromosomes… tombent bien nettement dans deux catégories distinctes, de chaque côté de la barrière genrée, puis on va décréter que les cas qui ne s’y conforment pas sont anormaux dans le sens non-naturels, alors qu’ils le sont dans le sens où ils ne correspondent pas à une norme construite.

Globalement, très bonne lecture. J’ai eu un peu plus de mal avec le T2 (qui reste intéressant cependant), davantage basé sur des réponses à des controverses de l’époque, mais le tome 1 se lit très bien, les démonstrations de Delphy sont très claires, et son style d’écriture est super accessible, un point rare dans les essais je trouve. Et même s’il y a eu des évolutions importantes de la société depuis ses premiers articles, les analyses restent tout à fait pertinentes. Une très bonne façon d’aborder le féminisme matérialiste.

Melmoth Furieux, de Sabrina Calvo

Roman de « science-fiction » publié en 2021. France, futur indéterminé. La République est tombée, remplacée par la Métrique, un gouvernement mondial flou, mêlant entreprises et secteur public. Dans le Nord Est de Paris, centrée sur Belleville, une seconde commune résiste tant qu’elle peut à son encerclement par les forces de ce nouveau régime. Au milieu de tout ça, notre protagoniste, Fi, couturière. Elle coud des vêtements pour que les tenues des Communardes ressemble à leurs principes. Et elle porte le souvenir de son frère mort à cause de son travail à Eurodisney, au point de décider d’aller brûler le parc, reconverti après sa faillite en un obscur centre de pouvoir de la Métrique, la tanière de la Souris Noire…

J’ai beaucoup aimé. L’univers était taillé pour me plaire, et le style d’écriture rajoute beaucoup. L’histoire reste assez floue. On suit en parallèle deux moments de la vie de Fi, sa vie à Belleville qui semble (au début) assez concrète, et la croisade sur Eurodisney, qui semble plus métaphorique. Mais la vie bellevilloise, au fur et à mesure que l’on se rapproche du début de la croisade, perd aussi de sa consistance. La couture prend une dimension magique, Fi rencontre un mystérieux ancien ami de son frère qui ne semble pas humain, et la résistance de la Commune à la Métrique semble s’opérer sur plusieurs plans de réalité à la fois. Dans certains cas ce genre d’effets me rebuterai, mais ici j’ai trouvé que ça passait très bien.