Entre fauves, de Colin Niel

Roman français de 2020. Martin est agent du parc national des Pyrénées, obsédé par la Nature et farouchement anti-chasse. Apolline est chasseuse à l’arc, fille d’un notable palois, et en partance pour la Namibie pour y chasser un lion classé animal problématique. Komuti est un éleveur himba, dont le troupeau a été décimé par le lion en question. Leurs trois vies vont se croiser dans une narration qui fait des allers retours temporels pour raconter en parallèle la chasse du lion par Komuti et Apolline, et l’identification d’Apolline par Martin à partir d’une photo de sa chasse postée sur les réseaux sociaux.

J’ai bien aimé. J’avais peur que ce soit assez cliché au début, mais la narration propose plusieurs fausses pistes, donne en parallèle le point de vue des trois personnages (et ce qu’ils s’imaginent les uns sur les autres) et les fait évoluer. L’empathie qu’on peut avoir pour le personnage de Martin au début s’évapore au fur et à mesure du roman. C’est écrit un peu comme une murder (et comme une tragédie, pour un sous-plot qu’on voit venir de loin mais qui marche bien dans le style He who fights monsters…).

Louis 28, de Géraldine de Margerie et Maxime Donzel

Série télévisée uchronique française de 2023. L’action se passe de nos jours, dans une France où la monarchie absolue n’a jamais été abolie. Suite au crash de l’avion royal contenant toute la famille, l’héritier du trône se trouve être le fils illégitime d’un des princes royaux, élevé en dehors de la cour par sa mère célibataire et prof de français à Melun. Le fils et la mère se retrouvent parachutés dans le monde des intrigues de Cour, alors que la révolte gronde en arrière-plan dans le royaume et que le régent essaye d’influencer ce nouveau monarque pour mener sa propre politique, ouvertement d’extrême-droite.

J’ai beaucoup aimé, bonne découverte. Il y a la fois un côté satire sociale avec une Cour totalement déconnectée, qui fonctionne en vase clos et mène une politique réactionnaire laissée entre les mains de deux personnes seulement, -le régent et du roi – alors que le pays se casse la gueule (ça parle crise des hôpitaux, vente d’arme à d’autres dictatures, fermeture des frontières, …), un discours sur la monarchie comme un star system (les parallèles avec l’Angleterre sont vite faits) avec des médias qui commentent tout et n’importe quoi (la parodie de BFM est très réussie), un parti pris de gauche assumée (la monarchie et l’élitisme sont montrés comme de mauvaises choses sans ambiguïté, c’est pas « oh mais avec un meilleur monarque ça irait mieux »). Il y a aussi un côté « théâtre » que j’aime beaucoup dans les séries télé, où l’on voit que les moyens alloués ne permettent pas de mettre en scène des grandes scènes avec 15 000 personnes : les combats à l’épée se font hors champ, l’action se passe dans des lieux grandioses mais désertés (le fait d’expliquer in-universe pourquoi le sacre ne se fait pas à la cathédrale de Reims est très bien trouvé), avec un palais royal où un Majordome, une Générale et un Archevêque incarnent à eux trois les Institutions (on retrouve un peu la même vibe que dans Our Flag Means Death de ce point de vue là je trouve).

Globalement les personnages sont tous très bien écrits et bien joués, la série réussit assez bien à marier les effets comiques et les côtés plus réalistes, et à gérer ses changements de ton.

Je recommande.

Randonnée au col de Jou

Randonnée dans les Pyrénées Orientales au moment de la bascule entre « six mois de sécheresse » et « chutes de neige abondante. Résultat, on a eu des paysages très différents à la montée et à la descente. Nuit passée en cabane forestière non gardée, montée un peu plus haut le matin une fois les chutes de neige calmée, déjeuner dans un autre refuge, puis redescente.

Le refuge à notre arrivée
Même pas 24h plus tard
L’intérieur du refuge
Le matin

En Place, de Jean-Pascal Zadi et François Uzan

Tout simplement (baron) noir

Série française produite par Netflix et sortie en 2023. Stéphane Blé (Jean-Pascal Zadi) est animateur dans une banlieue d’Île de France, dont le maire (Podalydès) est le candidat favori pour la présidentielle. Excédé par l’hypocrisie d’un élu qui s’affiche de gauche mais coupe les subventions de toutes les associations, il le clashe en direct, s’attirant une célébrité instantanée. Conseillé par une ex-éminence grise du PS (Éric Judor), il décide de se lancer dans la présidentielle pour mettre de nouveaux thèmes en avant, sans s’illusionner sur ses chances d’être élu. Mais au fil de la campagne, il va se prendre au jeu…

J’ai bien aimé. Ça reprend certaines des mécaniques de l’humour de Tout simplement noir mais appliquées à la politique. Le premier épisode est vraiment très bon, les suivants sont un peu en dessous, mais ça reste cool à regarder. Quelques blagues faciles parfois, mais ça tape juste sur pas mal de points.

Article invité : sélection de podcasts

Merci à Maxime pour cet article (son troisième sur ce blog après Le Dilemme du muesli et Raining Knives).

Aujourd’hui, pas de lyrisme mais une première sélection sobre de quelques podcasts et émissions radios que je recommande. Au menu : genre & sexualités, histoire médiévale et interactions sociales.

Question Q & Question Genre

(En cours — épisodes indépendants — 60 minutes par épisode)

Émission hebdomadaire de la RTS (la radio publique de la Suisse romande), animée par la journaliste Christine Gonzalez, selon deux formats :

  • une fois par mois, Question Q aborde des questions de sexualité avec un·e invité·e et quelques chroniqueur·se·s.
  • les autres semaines, Question Genre aborde des questions de genre sous la forme d’un entretien avec un·e invité·e.

Les sujets sont étonnamment variés et souvent traités avec beaucoup d’humour (mention spéciale au billet de la chroniqueuse Marie Fourquet, qui « dialogue avec sa chatte »). Question Q est une émission plus ancienne (et elle était auparavant hebdomadaire, donc riches archives), Question Genre a commencé en 2022.

Sélection subjective de quelques épisodes, par ordre chronologique :

Question Q
Question Genre
Voyage au Gouinistan

(Série finie de dix épisodes de trente minutes)

En dix épisodes bien rythmés, le couple de journalistes Christine Gonzalez et Aurélie Cuttat explore la culture lesbienne contemporaine. Coming out, sexualité, militantisme, religion, fonder une famille, se choisir une famille, idoles, clichés, tout y passe. Beaucoup d’émotions en perspective (j’ai ri et pleuré). Si vous ne deviez retenir qu’un podcast de cette liste, ce serait celui-ci. Comme on dit sur ce blog : grosse recommandation.

Le podcast s’écoute dans l’ordre mais les épisodes 5 (la famille choisie — sur la solidarité lesbienne), 6 (la lesbienne visible — sur le militantisme lesbien) et 10 (faire la paix — sur la réconciliation avec des personnes peu tolérantes) m’ont particulièrement marqué.

Passion médiévistes (& podcasts frères)

(En cours — épisodes indépendants — durée variable de 20 à 60 minutes mais le plus souvent 45 minutes)

Podcast indépendant de Fanny Cohen-Moreau, qui interroge de jeunes médiévistes (en master ou en thèse) sur leurs recherches. La qualité dépend bien sûr beaucoup des invité·e·s et de leur capacité à vulgariser leurs recherches mais c’est souvent intéressant de voir la variété et la spécificité de la recherche d’aujourd’hui (« Excuse-moi mais… il y a des gens que… que ça intéresse ? »). À côté de ces épisodes classiques, le podcast a aussi de nombreux épisodes hors-série (reportages dans des lieux chargés de Moyen Âge, rencontres avec des vulgarisateur·ice·s du Moyen Âge ou encore épisodes humoristiques classant les rois de France selon leur bouletitude).

Manifestement passionnée et workaholic, Fanny Cohen-Moreau a aussi lancé deux autres podcasts sur le même principe mais pour d’autres périodes : Passion Antiquités et Passion modernistes. Selon moi la mayonnaise a un peu moins pris que pour le Moyen Âge (à leur décharge ces podcasts sont plus récents, il n’y a sans doute pas encore la même communauté de fans) mais c’est intéressant quand même.

Parmi les quelque deux cents épisodes de ces podcasts, je suggère en particulier :

Inappropriate Questions

(Trois saisons, une trentaine d’épisodes indépendants au total, durée variable de 20 à 40 minutes)

Petit bijou canadien (en anglais), ce podcast explore dans chaque épisode une « question inappropriée » qui est fréquemment posée à certaines personnes. Le caractère inapproprié de la question est rarement une surprise mais les animateur·ice·s et les invité·e·s s’intéressent aux raisons pour lesquelles cette question pose problème, ce qu’elle charrie comme préjugés ou sous-entendus, quelle part de bonne foi ou de curiosité légitime on peut tout de même lui trouver, comment la formuler autrement, etc.

Si vous ne deviez retenir que deux podcasts de cette liste, le second serait celui-ci (grosse recommandation donc).

Quelques épisodes qui m’ont marqué, soit par le traitement de leur question, soit par le fait que WTF des gens osent vraiment poser cette question à des quasi-inconnu·e·s ?

Bonnes écoutes !

Joker, de Todd Phillips

Film étatsunien de 2019. Arthur Fleck est un gothamite des classes populaires durant les années 80. Il vit avec sa mère, bosse en tant que clown de rue pour faire de la réclame pour des magasins. Il a des problèmes mentaux, mais le programme de la Sécu qui lui permet d’avoir accès à un travailleur social et des médicaments est victime d’une coupe budgétaire. Arthur et l’ensemble de la ville avec lui vont s’enfoncer dans une spirale de violence et de maladie mentale.

C’était intéressant comme angle pour approcher une histoire de Batman. Joachim Phoenix joue bien le rôle titre, les plans sont réussis et la reconstitution des années 80s aussi. Le fait de traiter le personnage du Joker sous l’angle de la maladie mentale plutôt que d’être là « bouuh, un super-criminel très très méchant » est intéressant (c’est un peu ce que faisait le comic Killing Joke, mais là c’est clairement poussé plus loin). Pour autant, l’histoire n’est pas ultra originale, on a de la compassion pour Arthur mais cette mise en scène de la descente aux enfers d’un mec qui se bat contre un système inique n’est pas ultra originale : c’est Taxi Driver, c’est Fight Club

A regarder si vous voulez une histoire de Batman bien filmée (et sans Batman, même si on se tape l’inévitable scène du meurtre des parents, avec le collier de perles qui casse), ça vaut plus le coup que The Batman par exemple.

Klaus, de Sergio Pablos

Film d’animation de 2019. Jesper, un fils de bonne famille qui n’aspire à rien d’autre qu’à être rentier est envoyé par son père, directeur du service des Postes de Norvège, sur une petite île isolée où les habitants sont divisés en deux factions qui se détestent et se pourrissent la vie perpétuellement. Là, il doit reprendre le bureau de poste à l’abandon et réussir à faire fonctionner le service à hauteur de 6000 lettres envoyées dans l’année s’il veut espérer revenir sur le continent et reprendre sa vie oisive. Évidemment, les habitants vivant en circuit fermé et se détestant n’ont aucune raison d’envoyer du courrier. Mais Jesper va découvrir un habitant qui n’appartient à aucun des deux clans, un bûcheron qui vit isolé en ermite dans une maison remplie de jouets en bois. Il va élaborer un stratagème pour persuader les enfants d’envoyer des lettres au bûcheron pour leur demander des jouets, et peu à peu, les actions de Jesper vont donner forme au mythe du père Noël.

J’ai beaucoup aimé. C’est très bien animé, l’histoire est originale, les rebondissements réussis, les personnages principaux comme secondaires attachants. Les crasses que se font les deux clans marchent très bien en tant que gags visuels, la relation entre Jesper et Klaus (et plus anecdotiquement entre Jesper et le marin) est bien caractérisée avec juste quelques éléments.

Je recommande.

Brave, des studios Pixar

Film d’animation de 2012. Merida est une princesse écossaise, fille du roi qui a uni les clans. Elle aime tirer à l’arc et vivre sa vie comme elle l’entend, mais ses parents veulent la donner en mariage au premier né d’un des trois autres clans pour cimenter l’alliance. Merida va tenter de contourner les règles d’abord sur une technicalité puis avec l’aide d’un sortilège, mais va devoir réparer les conséquences du sort quand il backfire inévitablement.

C’est assez cool. Les plot-twists se voient venir à des milliers de kilomètres, mais c’est bien animé, les personnages sont plutôt réussis (le personnage secondaire de la sorcière, que l’on voit dans une seule scène mériterait son propre film). Fort efficace comme film de Noël.

Disenchanted, d’Adam Shankman

Film Disney de 2022, suite d’Enchanted, et clairement pas à la hauteur du premier opus. On est quelques années plus tard (la chronologie n’est pas très claire, la gamine du premier étant devenue une ado, il y a clairement moins de 15 ans qui se sont écoulés), la vie newyorkaise est devenue compliquée pour Giselle et Robert. Ils décident de déménager en banlieue (la banlieue US, donc des pavillons), et atterrissent à Monroeville. Là Giselle utiliser une baguette magique pour souhaiter vivre dans un conte de fées de nouveau, changeant toute la ville, mais se projetant accidentellement dans le rôle de la méchante belle-mère (étant de facto une belle-mère, elle est obligée de se conformer à l’archétype si c’est un conte de fée).

Le pitch était intéressant mais la réalisation laisse clairement à désirer. Les chansons sont assez faiblardes (ils ont filé une chanson perrave à Idina Menzel, faut quand même pas être très malin), l’animation des parties animées est ratée, les effets spéciaux des parties filmées sont pas très convaincants, la storyline de Robert et de la partie animée est plus qu’anecdotique. Quelques points réussis cependant : la conte-de-féification de Monroe est bien rendue, avec notamment le numéro musical avec les ustensiles culinaires lors du premier matin. La chanson duo des deux méchantes est sympa aussi (mais je pense que musicalement, elle n’est pas incroyable dans l’absolu, c’est juste que les autres sont vraiment sans aucun intérêt), les deux actrices étant à fond durant le numéro.

Globalement, une suite qui rate son point et souffre de son budget, je pense.

Rapa, de Pepe Coira et Fran Araújo

Série galicienne de 2021. Lors d’une promenade sur la lande, Tomas, prof de lettres au lycée de Cereida, découvre la maire du village en train d’agoniser. Ennuyé par son boulot, il va décider d’enquêter en parallèle de la police, mais en échangeant avec la commissaire en charge de l’enquête.

J’ai bien aimé. C’est une série courte en 6 épisodes, avec une ellipse temporelle à la moitié. Le spectateur sait rapidement l’identité du/de la meurtrièr.e, mais l’enjeu est sa découverte par les enquêteurs, et surtout le fait de réussir à rassembler des preuves solides pour pouvoir obtenir une mise en examen. Parce que pas mal de personnes ont intérêt à ce que des éléments lié au crime et au mobile ne ressortent pas. On voit en parallèle les tractations politiques à la mairie, la mort de la maire étant survenue alors qu’un projet de mine de métaux rares sur le territoire de la commune devait être débattu.

Sans être la série de l’année, j’ai passé un bon moment devant, c’est une série policière efficace (si vous ne cherchez pas des plot-twists tordus sur l’identité du coupable), avec de beaux paysages et des acteurs qui jouent très bien.