Dredge, du studio Black Salt Games

Jeu de pêche horrifique paru en 2023. On joue un pêcheur dans un petit archipel, dans un monde qui rappelle les années 1920/30, avec une vibe distinctement lovecraftienne. On navigue entre les différentes îles pour pêcher des poissons de différents écosystèmes ou leurs versions corrompues. En même temps, on récupères des reliques pour un mystérieux collectionneur dont il est clair très rapidement qu’il a les intention les plus shady du monde. Et chaque nuit, le brouillard se lève et des créatures mystérieuses rodent dans la brume et tentent de défoncer notre bateau.

C’était cool. Fini en deux-trois soirées dessus, j’ai bien aimé l’ambiance et c’était la bonne durée.

La norme gynécologique, d’Aurore Koechlin

Essai de sociologie paru en 2022. L’autrice montre comment en France, le rapport majoritaire des femmes à la gynécologie est une norme construite et renforcée par les échanges entre les femmes et les gynécologues avec lesquel.les elles interagissent : le fait de considérer les consultations de gynécologie comme devant être régulières, répétées, même en l’absence de pathologie, et de préférence avec un.e gynécologue fixe qui connaîtra à terme sa patiente.

Plus spécifiquement, la norme gynécologique repose sur deux autres normes : la norme contraceptive (à partir de l’entrée dans la sexualité hétérosexuelle et jusqu’à leur ménopause, les femmes sont supposées avoir un moyen de contraception, et de préférence la pilule (Aurore Koechlin parle de « pilulocentrisme ») ; et la norme préventive, où le suivi régulier est justifié par le fait de détecter en amont un certain nombre de pathologies (cancer du sein, cancer du col de l’utérus…)

Le livre montre que l’adhésion à cette norme gynécologique est variable et nécessite un travail important de la part des praticien.nes pour faire revenir les patientes (technique de la « carotte » avec la prescription des pilules notamment), et que les consultations gynécologiques sont le lieu d’échanges et de rapports de force entre patientes et praticien.nes, qui vient remettre en cause le modèle descendant de la médecine, et ce d’autant plus depuis « la crise des violences gynécologiques » qui a eu lieu en 2017.

The Killing Moon, de NK Jemisin

Roman de fantasy publié en 2012. Dans un pays de fantasy inspiré par l’Égypte antique, les prêtres de la Déesse des Rêves peuvent recueillir les rêves des gens pour alimenter une magie de guérison. Un tribut en rêves est donc requis de tous les habitants du pays, et une caste spéciale de prêtres va récupérer les rêves de ceux qui refusent de les transmettre ou qui sont incapables de le faire car trop malade ; dans ce cas, la collecte des rêves se solde par la mort du rêveur. Ces prêtres servent aussi d’exécuteurs de justice, éliminant les personnes « mauvaises ». Mais comme tout système, celui ci peut être détourné, et va être mis au profit des ambitions du prince du pays…

Pas très convaincu, y’a des faiblesses d’écriture et des longueurs. Au delà des prêtres, le pays n’est pas très incarné, et tous les personnages ressemblent à des archétypes plus qu’à des personnes particulières.

Superliminal, du studio Pillow Castle Games

Jeu vidéo d’énigmes paru en 2019. En testant une thérapie du sommeil expérimental, le personnage joué se retrouve coincé dans un rêve perpétuel. Pour s’en échapper il va falloir résoudre des énigmes qui fonctionnent pas mal avec de la « dream logic » : On peut changer la taille des objets en les attrapant et en les posant plus loin de notre point de vue, il est possible de pénétrer dans certaines ombres, certains objets sont des illusions d’optique…

La mécanique est intéressante mais ça manque un peu de longueur et d’histoire.

Article invité : Lâcher prise

Série québécoise de 4 saisons, sorties entre 2017 et 2020 et accessible en streaming farpaitement légal sur TV5 Monde Plus.

Une série drôle, fine et émouvante sur le burn-out (et plein d’autres choses, notamment les relations familiales/filiales et on sait que j’aime ça), avec des personnages géniaux (du genre aussi insupportables qu’attachants, fortiches et vulnérables comme des bébés chats), mille punchlines hilarantes par épisode, des acteurices excellentissimes, une référence à Jean Leloup ♥, deux premières saisons formidables et deux suivantes certes un peu en dessous mais toujours un régal, bref, à gavisionner sans attendre.

Night Sky, de Holden Miller

Série télé de 2022, annulée après une saison. Les York, septuagénaires vivant dans l’Illinois, ont dans leur jardin un secret : un téléporteur qui les amène dans un poste d’observation sur une autre planète. Ils n’ont jamais osé sortir du poste d’observation, n’ayant pas de garanties que l’air extérieur est respirable. Mais un jour, Irène trouve un homme blessé dans le poste d’observation…

J’aime beaucoup les deux acteurs principaux et je trouve que faire une série de science fiction avec des personnages principaux âgés est bienvenu, mais bon il se passe quand même pas grand chose, la série passe son temps à donner des indices sur de plus grands mystères qu’on ne verra finalement jamais puisqu’elle a été annulée. Sympa pour les performances d’acteurs et ce qu’on devine des mystères généraux, mais ignorable dans l’ensemble.

La Légende, de Philippe Vasset

Roman français paru en 2016. On suit un ancien moine défroqué, qui dirigeait le dicastère pour la cause des saints, l’organe du Vatican en charge de l’instruction des dossiers de béatification. En désaccord avec l’orientation très prosaïque donnée au travail du dicastère, lui rêve de saints flamboyants, d’histoires de repentir gigantesques, qu’il juge plus à même d’impressionner et d’inspirer les fidèles. Il va faire la rencontre d’une femme et peu à peu s’éloigner du dogme pour organiser un culte alternatif, en suivant l’exemple d’un moine du XXe siècle qui avait unilatéralement proclamé sainte une femme qui disait converser avec la Vierge sans aucune preuve ni miracle. Le récit principal est interrompu par des vies de « saints » moderne, comme Azyle qui taggue inlassablement son blaze sur les métros parisiens ou Urbain, mort sur des centaines de camps de migrants et enterré sur place, sanctuarisant le lieu par rapport aux pouvoirs publics qui n’osent plus y toucher.

J’ai beaucoup aimé, comme toujours avec Vasset. Son écriture sur le sacré profane, c’est exactement ma came. Je recommande.

Zalava, d’Arsalan Amiri

Film iranien de 2021. Dans un village reculé de l’Iran de 1978, les habitants pensent être victime d’une malédiction. Une fois l’an un démon vient posséder une personne du village. Si les exorcistes arrivent à temps, ils peuvent maîtriser le démon.
Le sergent qui dirige le poste de garde local ne croit pas à ces superstitions. Il confisque les fusils des villageois et fait arrêter l’exorciste. Commence une longue nuit où aucun démon ne se manifestera, mais la peur des villageois fera partir la situation hors de contrôle.

Pas totalement convaincu. Les décors sont beaux et il y a des scènes très bien composées (la fin notamment avec la célébration des villageois qui contraste avec les trucs dramatiques qui viennent de se passer), mais je n’ai pas trouvé ça très bien joué ni très bien rythmé, ce qui est dommage parce que le pitch était alléchant.

Comment devenir lesbienne en dix étapes, de Louise Morel

Essai publié en 2022. L’autrice explique son propre parcours de l’hétérosexualité au lesbianisme, et donne des conseils à destination des hétéras en questionnement et/ou des lesbiennes qui font leurs premiers pas dans le milieu queer. Le livre est drôle, compréhensible et pas jargonnant, c’était agréable à lire. Ça aborde à la fois la question de la dénomination qu’on peut vouloir se donner (lesbienne, femme qui aime les femmes, bisexuelle, pansexuelle, …), de la drague, de la sexualité, de l’amitié, de la différence entre la réalité de l’expérience lesbienne et l’image qu’en donne la pop culture…

Je recommande particulièrement le premier chapitre, Découvrir qu’on est devenue hétéra.

Si je partage totalement les analyses de l’autrice sur la présence du patriarcat dans tous les couples hétéros, je reste quand même un peu perplexe devant sa description ultra-stéréotypée de la sexualité hétéro. Peut-être que je m’illusionne aussi bien sur les autres hommes que sur moi-même, mais j’avais l’impression qu’en 2023 on était quand même un peu sorti de ce schéma.
L’autre point qui je pense mérite d’être nuancé c’est le fait de dire que le patriarcat organise la compétition entre femmes pendant qu’il y a une solidarité bien réelle entre hommes qui a de la place pour se déployer : oui il existe des boys club et une préférence au masculin, mais le patriarcat organise aussi la compétition des hommes entre eux, avec une prime à la masculinité hégémonique sur les autres masculinités, mais dans tous les cas et dans tous les groupes une compétition permanente. (pour un livre qui parle de lesbianisme, je m’attarde beaucoup dans cet article sur les quelques points qui concernent les hommes, mais c’est parce que je ne considère pas pouvoir dire grand chose de pertinent sur la (majeure) partie du livre qui traite de l’expérience lesbienne).