Archives de catégorie : Longs métrages

Fantastic Four: First Steps, de Matt Shakman

Film de super-héros étatsunien de 2025. Dans des années 60 rétrofuturistes, les Quatre Fantastiques sont des super-héros, aimés par la Terre entière. Apprenant que Galactus va détruire leur planète, ils décident d’aller négocier avec le destructeur de mondes. Celui-ci leur propose un marché de conte de fées : la survie de la planète contre leur premier-né. Ils refusent, et vont trouver une autre façon de défaire le Dieu Affamé.

Pas mal de choix intéressants : le film assume que tous les spectateurs connaissent l’origin story des héros et saute ce passage pour arriver directement 4 ans plus tard quand leur célébrité et superhéroïcité est établie. L’esthétique rétrofuturiste marche assez bien, on sent que les décorateurs se sont fait plaisir. Sue comme la leader politique du groupe, personnage reconnu à l’échelle du globe est intéressant aussi, plutôt que d’en faire la perpétuelle femme invisible. La scène où elle utilise son pouvoir pour rendre son fils visible dans son ventre est sympa aussi, le côté « usage domestique des superpouvoirs » étant un de mes pet peeves.

Dans le moins convaincant, le fait de once again raconter « les 4 Fantastiques contre Galactus » ça me laisse perplexe : pourquoi c’est considéré comme une histoire intéressante en soi ? Le fait que pour protéger son enfant Sue arrive à utiliser ses pouvoirs de façon démesurée ça me un petit goût de conservatisme aussi. Et pour creuser dans cette veine : je vois bien que l’idée du film c’est de s’éloigner au maximum des histoires de super-héros dark et torturé, mais quand même, avoir au centre de l’histoire des gens qui sont présentés comme à la fois les seules personnes avec des super-pouvoirs, le plus grand génie du monde, la femme politique globalement leader du monde, qui sont en plus universellement aimés et représentent la famille idéale, ça a une petite vibe « le fascisme redéguisé en atompunk ». En plus, on est dans les années 60 et y’a zéro mouvement pour les droits civiques ? On voit d’ailleurs à zéro moment un quelconque gouvernement, ni même l’armée pour tenter de contrer une menace existentielle pour l’Humanité, c’est vraiment 4 pelo qui sont la première et dernière ligne de défense.

Bref, sympa mais pur divertissement.

Together, de Michael Shanks

Film étatsunien de 2025. Tim et Millie sont un couple qui a du mal à savoir pourquoi ils restent ensemble. Millie est prof, Tim est guitariste qui espère passer professionnel, mais à 35 ans ce rêve devient de plus en plus utopiques. Les deux vivent à New York, Millie accepte un poste dans une petite ville charmant des US, et les deux y déménagent, dans une grande maison qui fait un peu « case à cocher sur la liste du couple ». Alors qu’ils font une rando dans les bois autour de la ville, ils tombent dans une caverne où ils sont infectés par une maladie mystérieuse : ils sont attirés l’un par l’autre, littéralement. Leurs corps tentent de se rapprocher, et quand ils se touchent, leur corps fusionnent. Ça donne de belles scènes de body horror, et un film sans antagoniste (il y en a un secondaire, mais c’est pas le cœur du film), où la relation entre les personnages principaux (et le fait qu’elle devienne littéralement fusionnelle malgré eux) est le cœur du film. Ça en fait un film d’horreur original qui renouvelle un peu les tropes.

Par contre niveau photographie c’est très classique.

La Commune, de Peter Watkins

Film franco-étatsunien de 1999. J’ai vu la version courte (3h30 quand même) en salle dans le cadre du Fifigrot 2025.

On suit sous la forme d’un docufiction la commune de Paris, de quelques jours avant le soulèvement du 18 mars jusqu’à la fin de la Semaine Sanglante. Le film réunit 200 comédiens amateurs, filmés alors qu’ils jouent les personnages après un travail de documentation initial, mais aussi dans des débats où ils font le parallèle avec la situation politique et économique au moment du tournage. Le film interroge aussi le rôle des médias en 1871 et en 1999, en insérant dans le contexte de la Commune deux chaînes de télé, la Télévision Nationale Versaillaise et la Télévision Communale, qui informent sur les événements depuis deux points de vue situés.

Le film et son atypicité par rapport aux films plus classiques sont assez marquants. La scène du reportage sur les barricades et les interviews des soldats versaillais à la fin du film sont particulièrement intenses.

Grosse reco.

Sirāt, d’Oliver Laxe

Mad Max x Le Salaire de la Peur

Film franco-espagnol de 2025. Une rave dans le désert marocain. Un père et son fils distribuent des flyers : ils cherchent leur fille et sœur, qui fréquente les free-parties et dont ils sont sans nouvelle depuis 5 mois. L’armée vient rapidement interrompre la rave. Sans être correctement préparés, les 2 protagonistes décident de suivre un petit groupe de teufeureuses qui veut rejoindre une autre fête tout au sud du pays, à la frontière avec la Mauritanie, où leur adelphe pourrait être. Pour cela, il va falloir traverser le désert, alors qu’à la radio l’annonce des débuts d’une potentielle guerre mondiale laisse entendre que le monde entier bascule dans des temps incertains. Le convoi de trois véhicules va rouler dans un désert magnifique mais où toutes les erreurs sont potentiellement mortelles…

Sirāt commence avec un objectif clair pour les personnages, mais rapidement cet objectif disparaît : les personnages roulent, ne semble plus croire eux-même à leur objectif, une hypothétique fête qui sonne comme la promesse du paradis de l’autre côté du purgatoire qu’est le désert. Le film est beau mais assez violent, et d’une violence qui prend les spectateurs par surprise : il n’y a pas une montée de la tension qui permet de voir arriver la violence, elle surgit juste d’un seul coup. Des gens qui roulent en voiture dans le désert alors que le monde sombre dans le chaos, impossible de ne pas penser à Mad Max, mais version quête existentielle propre au cinéma européen, où l’adversaire n’est pas des gangs de bikers mais les éléments et les raisons qu’on peut se trouver de vivre.

Recommandé avec un TW mort gratuite.

A Desert, de Joshua Erkman

Film étatsunien de 2024. Alex est photographe sur le retour. Muni d’un ancien appareil photo à soufflet, il photographie des lieux abandonnés dans l’Ouest américain. Lors d’une session d’exploration il fait la rencontre de Renny et Suzie Q, un couple de white trash qui n’ont pas l’air d’avoir ses meilleurs intérêts à cœur…

J’ai beaucoup aimé la première partie, la photographie est très belle (et y’a une bande son diégétique très chouette à base de jazz quand on dans la voiture d’Alex), que ce soit dans les lieux urbexés, dans le motel ou en extérieur. Moins fan de la seconde, où on comprend moins ce qui se passe et où le film présente de nouveaux enjeux de façon assez random.

In vitro, de Tom McKeith et Will Howarth

Orphan Black x God’s Own Country

Film australien de 2024. Layla vit avec son mari Jack sur une ferme isolée dans l’outback australien. Suite à un dysfonctionnement de l’installation, Layla découvre des éléments assez perturbants sur Jack.

Recommandé ! En étant un minimum genre-savvy vous voyez voir très rapidement les deux gros reveal du film, mais il n’empêche que le sujet est très bien traité : bien filmé (très beaux paysages, très chouette d’avoir un film de SF dans un contexte qui n’est pas une ville avec des beaux gratte-ciel futuristes), les acteurs sont très bons (notamment celui qui joue Jack, dont le passage de mari aimant à psychopathe est très réussi), la sororité instinctive de Layla est bien mise en scène

Ash, de Flying Lotus

Film étatsunien de 2025, SF horrifique. Une femme se réveille amnésique, dans un module d’habitation sur une planète extraterrestre. Tous les autres occupants du module sont morts. On frappe à la porte du module…

Les images sont jolies, mais le scénario est étique. On voit de fortes influences d’Alien et surtout de The Thing, mais en moins réussi et en très dérivatif. J’ai pensé que le twist allait être qu’on suivait le point de vue de the Thing mais qui n’avait pas conscience de l’être (parce qu’elle serait une copie trop parfaite), ce qui aurait pu faire de l’horreur existentielle assez intéressante (et un peu de body horror vue « de l’intérieur »), mais même pas, notre héroïne impeccablement maquillée est bien une gentille fille, les flashback où elle tue des gens c’est bien parce que les gens sont devenus méchants, she never did anything wrong in her life.

Donc bon, bof.

Salve Maria, de Mar Coll

Film catalan paru en 2024. María, écrivaine catalane, vient d’avoir un enfant, Eric. Son compagnon est chercheur, il promet sans cesse de prendre son congé paternité (il se dit féministe, après tout), mais il faut bien qu’il finisse de travailler sur l’article qu’il a en cours, il ne peut pas laisser son travail et ses collègues en plan. María est donc seule avec Eric, qui lui semble perpétuellement en train de pleurer ou de vomir, dans leur appartement un peu perrave. Un jour elle apprend par le JT qu’un infanticide a eu lieu dans un quartier de sa ville. Elle devient obsédée par le sujet, qui lui semble un matériau pour son prochain roman. Alors que María s’enfonce dans une dépression post-partum, elle décide de partir rencontrer l’autrice de l’infanticide.

Le film emprunte certain des codes de l’horreur, ce qui m’a un peu fait attendre un film d’horreur tout du long, alors que pas vraiment, j’ai interprété certains personnages ou comportement comme relevant des conventions de l’horreur (évidemment que l’héroïne est seule et que son mec est absent et ne comprend rien, la copine/fan un peu chelou qui insiste pour la voir a probablement un lourd secret…) alors que visiblement cette horreur n’est que dans la tête de l’héroïne. Mais du coup j’en suis sorti avec une vision assez différente des personnes avec qui j’étais allé le voir, qui étaient en mode « beaucoup trop réaliste sur les mecs absents lors de la naissance de l’enfant » et s’étaient plus focalisé sur la violence psychologique du personnage masculin (j’étais aussi la seule personne de genre masculin, mais sûrement ça n’a rien à voir avec le fait de moins percevoir des comportements qui servent le patriarcat, right ?)

Le film est aussi très bien filmé, avec des plans qui font largement usage des reflets (dans des flaques d’eau, des vitres, des rétroviseurs…), des scènes à la montagne et à la mer et de façon générale une photographie qui permet de faire passer les variations de l’état intérieur de l’héroïne d’une scène à l’autre.

Bonjour l’asile, de Judith Davis

Film français de 2025.

Jeanne, responsable d’une asso en banlieue parisienne, va pendant 3 jours rendre visite à Élisa, son amie qui est partie vivre à la campagne avec son mari et ses deux enfants. Jeanne est venu pour une session de travail, Élisa étant l’illustratrice des livres de l’asso, mais cette seconde est débordé par l’organisation de sa vie de famille, et elle n’a pas eu le temps de travailler en amont, ni n’arrive à dégager suffisamment de temps pendant le séjour de Jeanne. Jeanne le lui reproche et la tension monte entre les deux amies, chacune voyant en l’autre quelque chose elle a dû renoncer pour être là ou elle en est aujourd’hui. En parallèle, un agent immobilier tente d’acquérir l' »HP », un tiers lieux hébergé dans un ancien hôpital psychiatrique pas du tout aux normes, pour en faire une hôtellerie de prestige. Confronté aux refus répétés des occupant.es, il devient de plus en plus tendu et somatise, voyant cet échec potentiel comme ce qui le ferait choir de sa position dans les sommets bourgeois locaux, étant un transfuge de classe se sentant toujours en insécurité. Les quatre trajectoire (celles des deux amies, les occupants de l’HP et de l’agent immobilier vont converger au cœur de l’HP même.

C’était cool à regarder ! Même si c’est parfois un peu trop didactique parfois (notamment sur le mec benêt de Jeanne qui ne participe pas aux tâches ménagères tout en se disant déconstruit), la satire est réussie, les personnages aussi (notamment Élisa et son double masculin imaginaire, ainsi que tous les habitants de l’HP, même ceux qu’on voit juste en passant, notamment le groupe de parole masculin et évidemment Cindy)

Recommandé.

Le Rire et le Couteau, de Pedro Pinho

Film portugais de 2025, avec une modeste durée de 3h30. Sergio est un ingénieur environnemental. Recruté par une ONG, il débarque en Guinée Bissau pour évaluer l’impact environnemental d’un projet de route. Son rapport est attendu par le consortium chinois en charge de la construction, mais Sergio se perd dans la vie nocturne de Bissau, ses échanges avec les ouvriers qui construisent la route, les communautés sur le tracé qu’il va interviewer… Il se lie surtout d’amitié avec Guilherm, expatrié brésilien queer et Doria, guinéenne habitant Bissau. Entre eux, des soirées en clubs, un désir que Sergio (particulièrement mutique et suiveur dès qu’il s’agit d’exprimer une préférence) n’arrive pas à verbaliser mais qui est pour autant perçu et renvoyé par les deux autres.

J’ai bien aimé. Y’a un petit côté Alain Guiraudié (comme le remarque la critique de Libé) dans ce personnage de mec révélateur du désir des autres et du sien propre, mais avec en plus tout le côté déambulation dans différents univers et strates sociales de la Guinée Bissau.

Recommandé (si vous avez un créneau pour un film de 3h30)