Archives de catégorie : Longs métrages

Vertigo, d’Alfred Hitchcock

Thriller états-unien paru en 1958, inspiré d’un roman de Boileau et Narcejac. John Ferguson est un ancien inspecteur de police qui a démissionné quand son acrophobie l’a empêché de poursuivre un suspect et a causé la mort d’un agent. Il est engagé par un ancien camarade de promotion qui lui demande de surveiller sa femme, Madeleine, qui lui semble possédée par l’esprit d’une de ses ancêtres qui s’est suicidée au même âge. Ferguson va suivre Madeleine, et en tomber amoureux, tout en constatant son comportement effectivement très mystérieux.

J’ai bien aimé, de très beaux plans sur San Francisco, un usage du dolly zoom pour représenter le vertige novateur pour l’époque des personnages assez clichés mais qui fonctionnent dans le cadre d’un film noir. Une séquence de rêve avec de l’animation qui était aussi assez inattendue mais très réussie. Ferguson est assez détestable dans la seconde partie du film quand il est obsédé par une femme qui ressemble à Madeleine, mais les deux personnages féminins que sont Madeleine et Midge, même si elles sont pas mal caractérisées par leur amour de Ferguson, sont plutôt réussies.

Recommandé, mais dans l’absolu j’ai préféré Rear Window.

Rear Window, d’Alfred Hitchcock

Film états-unien paru en 1954. Jeff est un photo-reporter habitué aux sensations fortes, contraint de rester chez lui suite à une jambe cassée. Pour se distraire, il observe les voisins dont les appartements donnent sur la même cour que son logement. Le comportement étrange d’un des voisins va le convaincre qu’il a tué sa femme, et Jeff va tenter d’en convaincre un de ses amis qui est détective, mais sa capacité à réunir des preuves alors qu’il est confiné à sa chambre est assez faible…

C’était cool. On épouse totalement le point de vue de Jeff, tout le film est tournée depuis un point de vue qui correspond à la chambre, avec des vues panoramiques ou plus resserrées sur la cour, qui apparaît comme un théâtre devant les yeux de Jeff. À l’histoire principale sur le meurtre se rajoute les histoires qui se jouent dans les autres appartements, la musique est diégétique – fournie par un musicien en train d’écrire une pièce. Y’a du sexisme d’époque avec Jeff qui mate sa voisine (et un point de vue que le spectateur est totalement invité à adopter), mais en même temps deux personnages féminins très réussis, la fiancée et l’infirmière de Jeff, qui vont l’aider dans son enquête. Si Jeff est assez condescendant avec sa fiancée, pour le coup là le film lui donne plutôt tort, parce que même si elle apparaît comme une ravissante idiote par moment, elle est aussi dégourdie et autonome.

Recommandé.

The Brutalist, de Brady Corbet

Film étatsunien paru en 2024, tourné en Vistavision (sur de la pellicule plutôt utilisée dans les années 70’s, donc) et qui dure 3h35 (dont 15 minutes d’entracte). On suit László Tóth architecte juif et hongrois rescapé des camps de la mort, qui émigre aux États-Unis au début des années 50s. D’abord anonyme travaillant pour la société d’ameublement de son cousin puis pour les travaux publics, il retrouve finalement une position d’architecte grâce à un très riche mécène qui va lui commander la construction d’un centre communautaire, un édifice gigantesque que László va concevoir selon le style brutaliste.

C’est un film sur l’Art et les créateurs : si László est montré comme totalement humain, avec des addictions, des côtés insupportables, il est aussi montré comme possédant une vision que les autres n’ont pas et sur laquelle il refuse de transiger. Le film montre aussi la réalité de la création architecturale : les questions de délais, de matériaux, de gestion de chantier, et de cajolement des mécènes (et de ce point de vue là c’est un bien meilleur film sur l’architecture que Megalopolis). László est un personnage complexe, pas très sympathique (il peut être colérique, il a une addiction aux opiacés) mais avec pas mal de traumas.

Vu le titre du film j’aurai bien voulu plus d’architecture brutaliste : on voit finalement assez peu le bâtiment, puisqu’on se concentre sur sa construction. Et vu la durée du film j’aurai été preneur aussi de plus d’éléments résolus ou qui ont un impact : là il y a beaucoup de choses qui se passent et puis on y revient assez peu (c’est très clairement volontaire mais quand même un peu frustrant). Mais à part ça, on se laisse pas mal emporter par le film, il se passe plein de choses, on a largement le temps de voir les personnages se développer et faire évoluer leurs relations (et de détester les connards comme Harry).

Une affaire de famille, de Hirokazu Kore-eda

Film japonais paru en 2018. Un soir d’hiver, une famille trouve la fille de leurs voisins en t-shirt sur le balcon. Ils recueillent l’enfant et lui donnent à manger. Révoltés par les mauvais traitement subis par l’enfant, ils décident de la garder avec eux. Cet enlèvement vient s’ajouter à un mode de vie déjà marginal : ils vivent à 4 adultes et un premier enfant dans une toute petite maison, vivent de vols à l’étalage, d’une pension de retraite et de petits boulots ; et les liens familiaux entre eux sont plus compliqués qu’il n’y parait au premier abord.

J’ai bien aimé, c’était assez posé, l’effet de découverte progressive des relations familiales fonctionne bien, les personnages sont à la fois assez attentifs les uns aux autres et très wtf dans leur relation à la société en général dont ils ne suivent pas du tout les règles.

Recommandé.

Challengers, de Luca Guadagnino

Film états-unien paru en 2023. Art et Patrick sont deux tennismen junior. Élèves dans un internat pour sportifs prometteurs, ils sont extrêmement complices. Ils font la rencontre de Tashi Duncan, une tenniswoman de leur âge extrêmement talentueuse et très belle. Les deux vont tenter de la séduire, initialement de façon non compétitive (une jolie scène de baiser à trois). Mais Tashi est obsédée par le tennis et déclare aux deux amis qu’elle sortira avec celui des deux qui gagnera le match qu’ils ont le lendemain : ce sera Patrick. Mais Tashi se retrouve à Stanford avec Art, pendant que Patrick continue le tennis professionnel. Suite à une blessure grave de Tashi qui la force à arrêter le tennis, c’est Art qui est à ses côtés, et c’est avec lui qu’elle va construire sa vie, devenant sa femme et sa coach. Mais Art n’est pas aussi talentueux que ce que Tashi voudrait qu’il soit pour deux, et elle a encore des sentiments pour Patrick, …

Comme les précédents films de Guadagnico que j’ai vu, je ne suis pas très convaincu : il y a de bons passages, des idées de mise en scène intéressante, une partie de la psychologie des personnages développée est intéressante, mais c’est toujours partiel : finalement on est sur un triangle amoureux très classique, où si les persos masculins sont bien caractérisés, les motivations de Tashi elle-même reste une boîte noire (et l’obsession des deux amis pour elle est assez basique aussi). Le montage qui coupe l’histoire avec des A/R passé/présent la rend artificiellement mystérieuse, alors que c’est finalement assez classique. Certains effets (le cour filmé par en dessous du terrain transparent, le POV de la balle ou des joueurs par moment sont intéressant, mais deviennent rapidement gadget. La musique est beaucoup trop présente et insistante à mon goût.

Bref, du potentiel mal exploité.

Perfect Days, de Wim Wenders

Film germano-japonais de 2024. Hiramaya travaille en tant qu’agent d’entretien des toilettes publiques d’un quartier chic de Tokyo. Il a des semaines routinières, rythmées par son travail, la prise de photos sur la pause du midi, un repas dans une échoppe le soir, le développement de ses photos et un passage au bar le weekend. Il est solitaire mais heureux de sa vie, il lit des livres, écoute des cassettes sur l’autoradio de son van, et fait pousser des jeunes arbres. Le film le suit dans son quotidien où seuls quelques événements imprévus le fond dévier de sa routine : l’arrivée inattendue de sa nièce, une demande de son collègue…

J’ai bien aimé. C’est assez contemplatif, mais on se prend à accompagner Hirayama dans son quotidien et dans le bonheur qu’il prend dans les petites répétitions de la vie. C’est pas mal un film sur la maintenance et la répétition du même, des thèmes qui me parlent. Les séquences de rêve en noir et blanc sont assez réussies dans le fait de montrer des rêves à la fois non-figuratifs et qui reprennent des éléments de la journée ou de ce qu’on suppose être le reste de la vie d’Hirayama.

Coco, de Lee Unkrich (studios Pixar)

Film d’animation états-unien de 2017. Miguel vient d’une famille de coordonièr·es mexicain·es qui rejettent tout ce qui est musical : l’ancêtre de la famille a été abandonné par son mari musicien qui voulait vivre de son art. Mais Miguel adore la musique. Pour participer à un tremplin, il va le jour de la fête des morts voler la guitare de son idole, Ernesto De La Cruz. Mais ce vol de la propriété d’un défunt va maudire Miguel : transporté dans le monde des morts, il va devoir demander la bénédiction de la partie défunte de sa famille pour revenir parmi les vivants. Sauf que sa famille morte déteste aussi la musique et ne veut lui donner sa bénédiction que contre un renoncement. Toute sa famille, sauf le mystérieux musicien qui a abandonné sa femme…

C’était visuellement très beau. L’histoire est réussie, avec de bons rebondissements et des personnages secondaires (le chien notamment) réussis. Petit bémol sur le fait que la critique de la famille que le film esquisse au début est finalement totalement effacée : il y avait juste un manque de communication, mais finalement tout le monde peut se retrouver autour de la musique, et tout le monde dans la famille était très gentil, les méchants sont à l’extérieur.

Une langue universelle, de Matthew Rankin

Film québécois sorti en 2024. Après avoir vécu des années à Montréal, Matthew rentre dans sa ville natale, Winnipeg. Sauf que dans cet univers, la langue parlée à Winnipeg (et dans le reste du Canada non-francophone, on suppose), c’est le farsi (gros travail du film pour remplacer toutes les inscriptions visibles à l’écran par du farsi). Bon déjà c’est un point de départ trippant (tout le film est tourné en farsi et français, le générique est bilingue), mais par ailleurs le film est assez surréaliste/théâtre de l’absurde. Winnipeg est décrit (probablement à raison) comme une ville moche, perpétuellement prise dans la neige et où il ne se passe rien. C’est beaucoup filmé avec des gros plans, des éclairages faibles, des plans où un mur gris homogène ferme l’horizon. Au milieu de tout ça, Matthew cherche à retrouver sa mère, qui n’habite plus dans la maison de son enfance, et se retrouve à errer dans Winnipeg dans l’attente d’un rendez-vous avec un certain Massoud qui lui dit qu’il sait où elle est. Il oscille entre les grands points d’intérêt de Winnipeg : le quartier Gris, le quartier Beige, le Tim Horton, le centre commercial portage, le congélateur municipal, le parking… En parallèle, plusieurs autres histoires convergent : la disparition d’une dinde, la perte des lunettes d’un enfant de l’école d’immersion française, une visite touristique…

C’est une ambiance très particulière, mais c’était assez chouette. Recommandé si vous aimez le cinéma expérimental, les parkings et les questionnements sur ce qui fait l’identité d’une personne, et si vous trouvez que Dupieux c’est mainstream.

Shortbus, de John Cameron Mitchell

Film états-unien paru en 2006. Dans le New York des années 2000, Sofia est une thérapiste de couple, qui reçoit James et Jamie, un couple gay qui envisage de passer en relation non-exclusive. Au mépris de toute déontologie, Sofia finit par parler de ses propres problèmes au couple et du fait qu’elle n’a jamais eu d’orgasme. Les deux vont l’inviter à venir avec elle au Shortbus, un club où les gens explorent leur sexualité. On va suivre les vies de Sofia, de James et Jamie et de Severin, une dominatrice avec qui Sofia va se lier d’amitié au Shortbus. Il y a beaucoup de scènes de sexe qui sont non simulées, le film voulant avoir une approche décomplexée de la sexualité.

L’esthétique fait très années 2000, notamment les coupes et vêtements des personnages (et l’espèce de maquette en 3D signalant les changements de lieu). C’était sympa à regarder, mais la grande quête de l’orgasme ça fait un peu daté comme plotline je trouve.

Here, de Robert Zemeckis

Film états-unien paru en 2024, adaptation de la bande dessinée éponyme. On suit en plan fixe la vie d’une famille sur deux générations dans une maison, avec des passages sur les occupant.es précédents et suivants de la maison, et les événements qui se sont passés sur place : la disparition des dinosaures, la vie de natifs-américains, des événements liés à l’indépendance des États-Unis, la construction de la maison… Rien d’inouï, mais des vies ordinaires vues via la répétition des fêtes et temps collectifs, des naissances, des morts, des moments du quotidien. Pour reprendre la bande dessinée, certains cadre à l’écran permettent de superposer des époques et de montrer plusieurs événements de façon simultanée.

Sans être révolutionnaire, c’était bien fait et sympa à voir. Un point négatif quand même : pour un film de 2024 qui parle de l’espace domestique ça se focalise quand même beaucoup sur les mecs.