Archives de catégorie : Longs métrages

MadS, de David Moreau

Film d’horreur français paru en 2024. Romain, gamin de bourge, passe chez son dealer récupérer de quoi se charger pour la soirée à venir. Sur le chemin du retour, il tombe sur une femme muette et terrorisée, qui après avoir embarqué dans sa voiture, finit par se donner la mort. Rentré chez lui et camé jusqu’aux yeux, Romain n’arrive absolument pas à gérer la situation : le corps de la femme disparaît de la voiture, ses amis débarquent pour l’emmener à la soirée, son père l’appelle pour lui dire que l’alarme de la maison s’est déclenchée… Tout s’empile, avec des phénomènes de plus en plus étranges qu’il ne sait pas s’il doit mettre sur le compte de la drogue ou sur la réalité d’une situation qui dégénère.

C’était fort réussi. Le film est tourné en un plan séquence qui embarque le spectateur au plus près des trois protagonistes (on quitte Romain à un moment pour suivre deux de ses amies). La bande-son est très réussie aussi, et les jeux sur la lumière. L’histoire est assez basique, on suit le début d’une épidémie, mais le traitement fonctionne bien. Si je n’ai pas été embarqué par le personnage de Romain (mais qui est construit pour être antipathique), celui d’Anaïs est très réussi, avec un côté Gremlins à sa transformation.

Je recommande, si vous aimez l’horreur à petit budget et les plans-séquences.

Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand

Film français paru en 2023. Dans un village de l’Hérault, Dog et Mirales sont potes et trainent dans les rues. Dog doit partir pour l’armée dans un futur indéterminé, Mirales a un CAP de cuisine mais veut faire mieux que cuisiner dans un restaurant du village, sans pour autant partir à la ville. Mirales est cultivé et grande gueule, et il chambre Dog, mutique, en permanence. Une romance entre Dog et Elsa – nouvellement arrivée dans le village – va modifier l’équilibre des rôles dans le duo.

Il ne se passe pas énormément de trucs dans le film, mais il est totalement porté par la performance des deux acteurs principaux, dont les personnages sont chacun très agaçant dans leur rôle, l’un en mec mutique qui porte tout le malheur du monde sur ses épaules, l’autre comme hâbleur qui s’écoute parler et enfonce son pote dès qu’il a l’occasion pour se différencier. C’était intéressant à voir mais je n’ai pas été totalement été transporté par le film comme certain.es de mes ami.es. Les portraits des deux hommes et leurs relations aux autres sont réalistes, mais ça ne fait pas un film passionnant pour autant je trouve, même si c’est bien filmé.

Blink twice, de Zoé Kravitz

Get Out x Les Chasses du comte Zaroff

Film étatsunien sorti en 2024. Dans un cocktail, deux serveuses sont invitées par un PDG milliardaire à les accompagner sur son île privée. Là bas, c’est fête non-stop dans un cadre paradisiaque, mais au bout d’un moment elles n’arrivent plus à savoir depuis combien de temps elles sont là, et sans arriver à mettre le doigt sur quoi, elles ont le sentiment que quelque chose ne va pas bien du tout.

C’était pas un désastre, surtout pour un premier film, mais il manquait quelque chose (spoilers ci-dessous).

Divulgâchage

Dog day afternoon, de Sidney Lumet

Film étatsunien de 1975. Trois braqueurs tentent de dévaliser une petite banque de Brooklyn. Ça devait être un braquage rapide à l’heure de la fermeture, mais les choses déraillent rapidement : un des trois braqueurs n’assume pas les risques et s’enfuie, le coffre de la banque a été vidé l’après-midi même, et surtout le braquage est remarqué par des voisins, et la police arrive avant que les voleurs n’aient pu s’enfuir. S’ensuit une nuit de négociations où Sonny (Al Pacino) va discuter avec les forces de police, tenter de mettre la foule qui entoure la banque de son côté, échanger avec le personnel de la banque qu’il retient en otage.

Le film est inspiré d’une histoire vraie, et Al Pacino est très bon dans le rôle central (tout tourne autour de lui, son cobraqueur est présenté comme juste dans son orbite, pas très charismatique ni malin. C’est un Lumet donc on voit des gens (surtout des hommes) dans des clairs obscurs avoir des conversations en marcel et bras de chemise et transpirer, et Pacino excelle à ça. La scène où il met la foule de son côté en insultant les flics qui le pointe de leur arme par dizaine alors qu’il est seul et désarmé est très réussie.

Megalopolis, de Francis Ford Coppola

Film paru en 2024. Nous sommes à New Rome, capitale économique des États-Unis. La ville connait une crise économique et démocratique. Deux visions de l’avenir de la ville (ou de la Ville, comme allégorie de la Civilisation, c’est un film avec beaucoup de Majuscules) s’affrontent : celle du maire, Frank Cicero, partisan du status quo et de réformes progressives, et celle de Cesar Catilina, dirigeant de la commission d’urbanisme (qui dépend visiblement du niveau fédéral ou étatique, en tous cas il est totalement indépendant de la Mairie, au grand dam de Cicero), architecte visionnaire qui veut totalement changer l’architecture de la ville (mais plutôt genre Haussmann que révolution prolétarienne). Les deux visions sont franchement assez creuses : le maire reproche à Catilina son idéalisme mais ne propose rien en face – et le reproche d’idéalisme est fondé, Catilina dispose de pouvoirs et matériaux magiques (because why not), mais il fait surtout des Discours avec des Majuscules et détruit des quartiers d’habitation pour mettre toute la ville en chantier pour faire advenir son Utopie d’un seul coup.

S’ajoutant au débat d’idées, on a des relations familiales : Catalina est soutenu par son oncle Crassus, le banquier le plus riche du monde – et envié par son cousin Claudio, qui voudrait bien être l’enfant prodige de la famille à la place du calife. Catalina est hanté par la mort de sa femme dont il a été accusé (mais il n’est qu’indirectement responsable à cause de son workaholism), et adulé par deux femmes : la reporter Wow Platinum, aux dents très longues, et Julia, la fille du maire, ce qui va donner une coloration Capulet/Montaigu. On va parler dès maintenant des rôles féminins : ils sont nuls. C’est vraiment un quadrat muse/maman/putain/vierge. Les rôles des deux mères de familles sont rigolos mais ont droit à 30 secondes chacune environ. Audrey Plaza donne tout ce qu’elle a en Wow Platinum, mais elle doit se coltiner un scénario où elle est passionée par Catilina sans que ce soit justifié une seule seconde. En 2024, c’est quand même très dommage.

Ah, et les effets spéciaux numériques sont très laids, et y’a plein de bouts d’intrigues qui disparaissent en plein milieu ! Mais du coup, qu’y a-t-il à sauver dans ce film ?

Eh bien quand même pas mal de choses. C’est clairement pas le film de l’année ni le joyau de la carrière de Coppola, mais c’est un film qui ose plein de trucs. Y’a le côté collage de genre et d’époques : c’est Rome, c’est New York, c’est le trumpisme et les catilinaires (avec des citations in extenso du vrai Cicéron, notamment « jusqu’à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience »), c’est des décors Art Déco, avec des voitures qui font film noir/Métropolis, une vision du créateur démiurgique qui rappelle dans un style très différent Le Garçon et le Héron (mais on est sur des films testaments dans les deux cas), des costumes magnifiques (je pense que les costumes sont la partie la plus réussie du film), des splitscreens, une rupture du 4e mur, des passages où y’a juste des dessins projetés sur l’écran. C’est 15 000 trucs cités, autant testés, et y’en a qui resteront. Il y a quelques passages un peu long, mais c’est un film durant lequel il est difficile de s’ennuyer.

Aucune idée de si je le recommande.

We’re all going to the world’s fair, de Jane Schoenbrun

Film paru en 2021, le premier de la réalisatrice (avant I saw the TV glow). Ça commence comme un film d’horreur : Casey, une ado isolée se lance dans un challenge internet qui implique de répéter trois fois une phrase et mettre un peu de son sang sur l’écran, puis regarder une vidéo. Elle fait des vidéos pour documenter la « transformation » qu’est supposée apporter le challenge, elle est contacté par un autre participant, un mec plus âgé qui dit s’inquiéter pour elle et le chemin sur lequel l’emmène le challenge.

Sauf que ce n’est pas un film d’horreur : Casey est tout à fait consciente qu’elle participe à un jeu en ligne, les propos qu’elle tient dans ses vidéos sont un rôle. Et si le mec qui lui parle est un peu creepy, ce n’est pas dans une veine horrifique, ni même visiblement dans une veine de groomer, il a juste l’air très seul aussi et pas très bon pour construire des récits à plusieurs. Globalement c’est un film sur le fait de grandir seul, avec internet comme principale source d’interaction, un peu en périphérie de communautés en ligne.

On retrouve des éléments communs entre les théories autour de la World Fair et le monde de I saw the TV glow : deux mondes, un réel et un maléfique, le passage entre les deux mondes via un planétarium. Mais dans We’re all going, le monde montrée est le monde réel (et le monde maléfique est imaginaire), dans I saw c’est le monde factice (et le monde réel est présenté comme une délusion pour que les personnages ne s’échappent pas). C’est un film à petit budget, on ne voit vraiment que deux acteurs, et c’est tournée dans la périphérie d’une ville nord-américaine, avec visiblement une ou deux caméras (+ des webcams).

X, de Ti West

Slasher paru en 2022. En 1979, une équipe de tournage débarque sur une ferme du Texas profond pour tourner un film pornographique. Mais il s’avère que le couple de propriétaires grabataires ont quelques squelettes dans le placard et vont éliminer l’équipe de tournage, sauf une final girl qui va réussir à les tuer et s’enfuir.

C’était bien tourné et bien référencé (c’est avant tout un film qui parle de cinéastes, donc on sent qu’ils ont fait leurs devoirs : il y a de belles références à Psycho notamment), mais ça reste un slasher classique, et donc – je trouve – pas vraiment un genre de film d’horreur passionnant.

Lilo and Stitch, des studios Disney

Film d’animation sorti en 2002. Stitch est une créature bioingéniéré en laboratoire pour être une machine de destruction. Déféré devant la Fédération Galactique, il est condamné (alors que c’est pas exactement de sa faute) à l’exil sur un astéroïde. Il réussit à détourner le vaisseau, et le crashe sur Terre, plus précisément à Hawaï. Ses instincts lui disent de trouver une grande ville à détruire, mais Hawaï en est malheureusement dépourvu. Poursuivi par son créateur et un agent de la Fédération, il se dissimule en se faisant adopter comme animal de compagnie par Lilo, gamine turbulente élevée par sa sœur. Vont s’ensuivre moult quiproquos et situations chaotiques, les deux personnages ayant tendance à faire rapidement – volontairement ou non – escalader toute situation.

C’était sympa. Je le voyais pour la première fois, j’ai trouvé le dessin assez beau (à part quelques passages en 3D pour les vaisseaux spatiaux qui sont assez visiblement datés), l’animation est fluide et les persos attachants. J’ai trouvé que la fin était un peu ratée avec des enjeux qui remontent, redescendent, des nouveaux antagonistes, d’anciens antagonistes qui deviennent des alliés… Et globalement Stitch sert un peu trop de couteau suisse, entre créature chaotique, puis mignonne, puis impulsive, puis intelligente… Notamment les passages où il parle ça marche assez mal.

Mais globalement, recommandé.

Isn’t it romantic, de Todd Strauss-Schulson

Comédie romantique parue en 2019, sans grand intérêt. Nathalie (jouée par Rebel Wilson) déteste les comédies romantiques. Suite à un trauma crânien, elle se retrouve dans un univers alternatif qui fonctionne selon tous les clichés des romcoms gnangnans. Elle est genre-savvy et veut en sortir, elle va donc faire en sorte de trouver qui doit lui déclarer son amour pour arriver au happy ending et donc à la fin du film. Le concept était rigolo, mais la réalisation ne réussit pas vraiment à déconstruire la romcom, ça reste au milieu du gué entre dénoncer et embrasser les clichés. Le fait d’avoir voulu faire un film PG-13 y joue probablement, il aurait fallu que l’héroïne puisse davantage casser les conventions du genre pour que ça donne un film intéressant.

Picnic at Hanging Rock, de Peter Weir

Film australien de 1975. Lors d’une sortie scolaire dans le bush australien en 1900, trois pensionnaires et une enseignante d’un pensionnat pour jeunes filles disparaissent. On va suivre l’impact de cette disparition sur le pensionnat et la petite ville à proximité, entre rumeurs sur ce qui a pu se passer, fausses pistes, et évolutions immédiates pour le pensionnat (turns out que les parents, même quand ils sont anglais et distants, n’aiment pas que l’on égare les enfants qu’ils vous ont confiées).

Étrangement ça m’a un peu fait penser à Gone Girl pour un point très spécifique : j’ai l’impression que y’a des espèces de sauts dans l’évolution des personnages, de leur relation, qu’on a un peu du mal à suivre, et qui je pense font dans les deux cas plus sens dans le livre dont le film est adapté, avec des possibilités de narration interne (ou juste d’y passer plus de temps).

Sinon, j’aime bien l’ambiance outback australien et formation géologique random (+ pensionnat du tournant du siècle avec des décos anglaises très moches) et un peu onirique (visiblement pendant le tournage l’équipe mettait des voiles sur la caméra pour avoir ce rendu d’image un peu adouci/flouté, l’origine des filtres instagram enfin révélée). Dans la première partie du film (jusqu’à la disparition) tout le monde a l’air d’être sous drogue (mais c’est peut être juste le fait d’être des anglais.es réprimé.es et cuit.es par le soleil). Après ça se perd un peu je trouve, trop de trucs en parallèle (l’enquête des deux mecs, les conséquences dans le pensionnat, la battue de la ville) mais rien qui n’est exploré à fond (notamment le mystère de ce qui se passe avec le rocher, qui s’il n’a pas besoin d’être résolu, n’a en l’occurence l’air d’inquiéter personne plus que ça. Le côté ça devient un événement médiatique et les gens se font prendre en photo en souvenir de la battue par contre, très intéressant (et on retrouve des parallèles avec Gone Girl et le traitement médiatique des disparitions sensationnelles).