Archives de catégorie : Culture/Procrastination

We are zombies, d’Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell

Film de zombies canadien paru en 2023. L’apocalypse zombie est arrivée. Sauf que… non ? Les morts reviennent à la vie mais ils ne sont pas affamés de chair humaine. Par contre ils sont infatigables (mais prompts à perdre des morceaux de corps), ce qui les rend très compétitifs sur le marché de l’emploi (surtout qu’ils n’ont pas besoin de manger). Dans une ville dominée par la Coleman Corporation, Karl et Freddie se font passer pour des employés de l’entreprise pour collecter des zombies chez les gens, mais au lieu de les emmener dans les « maisons de retraite » de la corporation, ils les revendent à un artiste qui utilise les corps pour ses performances. Jusqu’à ce que la corporation décide de se venger de cette perte de revenus.

C’était assez réussi. Ca fait film de série B des années 80/90 (pensez Kung Fury pour l’esthétique rétro), avec des personnages particulièrement stupides – la comédie basée sur les idiots ça marche assez bien – dans un univers lui aussi stupide.

Je recommande dans le genre qui ne se prend pas du tout au sérieux.

The Last Stop in Yuma county, de Francis Galluppi

Film étatsunien paru en 2023. Dans l’Arizona des années 70/80, un représentant en couteaux s’arrête pour prendre de l’essence dans un diner perdu au milieu de nulle part. Mais le camion-citerne est en retard, et il doit attendre en compagnie des autres clients, qui s’avèrent pour certains assez peu recommandables…

Je n’ai pas été convaincu. C’est très lent à monter sans que ça serve à caractériser les personnages. Ca veut trop faire un hommage aux classiques du genre je trouve, c’est bien maîtrisé mais ça manque un peu de choses à dire (et le personnage principal n’est pas très bien joué, ce qui sort un peu du film).

Sans que ce soit désastreux, je trouve que ça ne vaut pas le visionnage.

Semiramis et Don Juan, de Christoph W. Gluck, chorégraphiés respectivement par Ángel Rodríguez et Edward Clug

Ballets vus au Théâtre du Capitole, orchestre mené par Jordi Savall. Gluck est un compositeur baroque du 18e siècle (1714-1787). La mise en scène du ballet était contemporaine par contre, ça rendait très bien. J’ai particulièrement apprécié Sémiramis, avec les jeux sur la lumière, le rideau de fond de scène, les costumes dans des tons rouges. Don Juan me semblait plus classique dans le contemporain (avec mon expérience préalable de 0 ballets vus).

My Own Private Idaho, de Gus Van Sant

Film étatsunien de 1991. Regardé parce que je voulais approfondir la filmographie de River Phoenix après avoir vu Running on Empty. Mike et Scott sont deux gigolos gays qui vivent dans la rue. Mike (River Phoenix) est à la recherche de sa mère qui l’a abandonné quand il était jeune, et souffre de narcolepsie. Scott (Kaenu Reeves) est le fils du maire de la ville. Les deux partent dans une quête pour retrouver la mère de Mike. Ce dernier a des sentiments pour Scott, mais ils ne sont pas réciproques : pour Scott, la vie dans la rue est temporaire, un jour il se rangera, pour se caser dans une relation hétérosexuelle et prendre sa place d’héritier de la famille.

C’était assez wtf. Ça part dans plein de directions, c’est en partie adapté de Shakespeare (Henri IV partie 1, spécifiquement), il y a des parties qui sont assez radicalement différentes les unes des autres même s’il y a toujours Mike et Scott comme fil rouge.

Je sais pas trop ce que j’en ai pensé.

Jagged Mind, de Kelley Kali

Film psychologique/fantastique étatsunien de 2023. Billie est affectée de pertes de mémoire. Elle se rend compte progressivement qu’elles sont dues à sa compagne, qui a le pouvoir de remonter le temps et s’en sert pour tenter de rendre leur relation parfaite.

C’était pas fou. Je l’ai regardé à la suite de Fresh parce que ça rentrait aussi dans la catégorie horreur et relations de couple, mais c’est moins bien réalisé. Les personnages sont très archétypaux.

Cuckoo, de Tilman Singer

Film d’horreur germano-étatsunien paru en 2024. A la mort de sa mère, Gretchen a dû quitter les États-Unis pour aller vivre avec son père, sa femme et leur filles en Allemagne. Toute la famille vient en plus de déménager dans un hôtel isolé dans les Alpes bavaroises où le père a accepté d’être concierge le temps d’écrire son roman pour établir les plans d’une nouvelle partie de l’hôtel. Mais sur place des événéments étranges ont lieu : la réception de l’hôtel est abandonnée après 22h, Gretchen est poursuivie par une femme étrange dans les bois, elle a des pertes de mémoire…

Les prémices étaient intéressantes, mais le film est mal exécuté. Il y a des trous béants dans l’histoire (le second jour de son taff, Gretchen part en laissant tout ouvert ? Son père en a rien a faire de son accident de voiture ?), la psychologie des personnages est inexistante à part pour Gretchen. Le concept d’une espèce d’hominidés avec des comportements de reproduction similaire à ceux du coucou est intéressante, mais on ne comprend pas bien les motivations des humains autour (le patron de l’hôtel, la médecin), et la coucou manque un peu d’étrangeté pour faire vraiment peur.

Pas ouf.

Fresh, de Mimi Cave

When Hanni met Sally

Film d’horreur étatsunien sorti en 2022. Noa est une vingtenaire qui est saoulé par les applis de rencontre. Après un premier rendez-vous particulièrement désastreux avec un mec insupportable, elle rencontre IRL Steven, qui semble parfaitement charmant. Elle accepte de partir en weekend avec lui, et … le générique de début se lance.

Divulgâchage ci-après

MadS, de David Moreau

Film d’horreur français paru en 2024. Romain, gamin de bourge, passe chez son dealer récupérer de quoi se charger pour la soirée à venir. Sur le chemin du retour, il tombe sur une femme muette et terrorisée, qui après avoir embarqué dans sa voiture, finit par se donner la mort. Rentré chez lui et camé jusqu’aux yeux, Romain n’arrive absolument pas à gérer la situation : le corps de la femme disparaît de la voiture, ses amis débarquent pour l’emmener à la soirée, son père l’appelle pour lui dire que l’alarme de la maison s’est déclenchée… Tout s’empile, avec des phénomènes de plus en plus étranges qu’il ne sait pas s’il doit mettre sur le compte de la drogue ou sur la réalité d’une situation qui dégénère.

C’était fort réussi. Le film est tourné en un plan séquence qui embarque le spectateur au plus près des trois protagonistes (on quitte Romain à un moment pour suivre deux de ses amies). La bande-son est très réussie aussi, et les jeux sur la lumière. L’histoire est assez basique, on suit le début d’une épidémie, mais le traitement fonctionne bien. Si je n’ai pas été embarqué par le personnage de Romain (mais qui est construit pour être antipathique), celui d’Anaïs est très réussi, avec un côté Gremlins à sa transformation.

Je recommande, si vous aimez l’horreur à petit budget et les plans-séquences.

Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand

Film français paru en 2023. Dans un village de l’Hérault, Dog et Mirales sont potes et trainent dans les rues. Dog doit partir pour l’armée dans un futur indéterminé, Mirales a un CAP de cuisine mais veut faire mieux que cuisiner dans un restaurant du village, sans pour autant partir à la ville. Mirales est cultivé et grande gueule, et il chambre Dog, mutique, en permanence. Une romance entre Dog et Elsa – nouvellement arrivée dans le village – va modifier l’équilibre des rôles dans le duo.

Il ne se passe pas énormément de trucs dans le film, mais il est totalement porté par la performance des deux acteurs principaux, dont les personnages sont chacun très agaçant dans leur rôle, l’un en mec mutique qui porte tout le malheur du monde sur ses épaules, l’autre comme hâbleur qui s’écoute parler et enfonce son pote dès qu’il a l’occasion pour se différencier. C’était intéressant à voir mais je n’ai pas été totalement été transporté par le film comme certain.es de mes ami.es. Les portraits des deux hommes et leurs relations aux autres sont réalistes, mais ça ne fait pas un film passionnant pour autant je trouve, même si c’est bien filmé.

Ralentir ou périr, de Timothée Parrique

Essai économique sur la décroissance, paru en 2022. Fiche de lecture un peu brute de décoffrage, j’ai pas trop pris le temps de réécrire des transitions.

L’auteur commence par rappeler que la croissance était initialement un indicateur d’atteinte d’objectifs dans les États-Unis post-Grande Dépression : elle mesurait la production d’équipements et de nourriture, sortie de la pauvreté. Mais l’indicateur est devenu un objectif en soi, quelques soient ses conséquences et son lien à la production réelle. Or, croître indéfiniment dans un monde fini ne peut pas bien tourner sur le long terme. Il faut transitionner vers un monde post-croissance – après une phase de décroissance pour redonner à l’économie mondiale une taille supportable par la planète tout en assurant les droits humains (se retrouver dans le donut de Raworth). Le but est d’arriver à une économie stationnaire, en harmonie avec la Nature, où les décisions sont prises collectivement et où les richesses sont équitablement partagées.

Historiquement, l’économie est l’organisation de l’utilisation des ressources pour satisfaire des besoins (en prenant en compte à la fois les besoins immédiats – court-terme, la résilience du système – moyen-terme, et sa soutenabilité – long-terme)). Mais l’économie telle qu’on l’entend de nos jours est celle mesurée par le PIB : l’addition des valeurs marchandes des différents biens et services.
C’est assez différent : on regarde seulement ce qui est mesurable, et donc échangé dans un secteur marchand, en excluant beaucoup de pans de l’activité humaine et naturelle (travail domestique, bénévolat, services écosystémiques par exemple), et on additionne indifféremment toutes les activités, qu’elles soient bénéfiques ou néfastes à la réalisation des besoins humains. Le PIB peut ainsi augmenter par intensification des échanges (changer de téléphone tous les 2 ans au lieu de tous les 5 ans, échanger des billets entre deux personnes en boucle), ou par accroissement de la sphère marchande (des nuits passées en couchsurfing sont passées en Airb’n’b), sans que plus de besoins ne soient satisfaits : le PIB et sa croissance sont donc en grande partie décorrélés des besoins humains.

Parrique s’attarde sur les arguments sur la possibilité de découpler consommation de ressources (et donc le risque sur la soutenabilité) et croissance : historiquement, on n’a constaté que des découplages temporaires (suivi d’un rebond), petits, lorsque la croissance était de toute façon faible, et poussés par des délocalisations/une tertiarisation locale de l’économie. Pour qu’un découplage soit utile à la soutenabilité, il devrait au contraire être mondial, massif, permanent… et arriver immédiatement. Ce découplage absolu pourrait de plus être obéré par :

  • des effets rebonds,
  • l’empreinte non-nulle du secteur tertiaire (qui repose sur des infrastructures physiques)
  • la diminution des retours sur investissement énergétiques et miniers (extraire la même quantité d’énergie demande de plus en plus d’énergie au fur et à mesure qu’on épuise les ressources faciles d’accès), et
  • l’impossibilité d’un recyclage à 100%.

Le découplage comme solution pour rester dans un monde en croissance est donc une chimère.

L’économie comprise comme les activités de production est encastrée dans les activités de reproduction (sommeil, lien social, repas, entretien/maintenance – faire que les humains, les infrastructure et le système se perpétuent) et dans les services écosystémiques (l’entretien des grands cycles biologiques et physico-chimiques par les écosystèmes).
La croissance est toujours limitée par un budget-temps allouable aux activités humaines : il n’y a que 24h dans une journée, et on ne peut pas toutes les consacrer aux activités productives : ce serait creuser dans les processus de reproduction, et donc délétère pour la croissance elle-même, puisque sur le plus long terme, ces processus la soutiennent.

Pour qu’un objet devienne une marchandise, il faut qu’il soit quantifiable, standardisable (considérer tous les lapins d’une même espèce comme équivalents par ex), monétisable (donner une valeur monétaire à un lapin), et privatisable (établir un droit de propriété sur les lapins, qui sera transférable). Ces processus engendrent des pertes entre les objets et les marchandises : les légumes non-calibrés ne sont pas vendables (pas standardisés), et on perd une diversité de qualités intéressantes si on ne s’intéresse qu’à certains aspects d’un objet.
De plus, l’inscription d’un échange dans la sphère marchande change sa nature : la relation d’achat/vente n’est plus la même que celle de don/contre-don, et les attentes entre les acteurs ne sont plus les mêmes : un trajet en Blablacar ne se vit pas comme un trajet en stop, les parents participant à une garderie communautaire n’ont pas les mêmes attentes que ceux inscrivant leurs enfants dans une crèche privée.
Le périmètre de ce qui est marchandisable est fixé socialement (on peut vendre des carottes, pas des organes humains), ainsi que les modalités de la marchandisation (normes d’hygiènes associées, possibilités de vendre tel bien dans tel ou tel lieu). L’activité économique ne se fait pas dans le vide, mais selon ce que la société définit comme acceptable (les marchés ne se créent pas ex nihilo) : il est donc tout à fait possible de réguler différemment cette activité et de l’orienter vers une décroissance généralisée.

Une économie en décroissance produirait moins de bien et services (quantité, diversité, fréquence). Cela se traduirait par une baisse du PIB, mais spécifiquement aux dépens des activités socialement et écologiquement néfastes. Pour fonctionner, la décroissance doit viser :

  • L’allégement de l’empreinte écologique : le but est, à l’échelle de chaque territoire, de faire repasser la consommation de ressources en dessous des seuils de renouvelabilité. Pour ça, on vise une réduction ciblée des activités extractives et émettrices de CO2, avec des politiques d’interdiction et de désincitation : fermeture de lignes aériennes, taxes sur le kérosène, taxe progressive sur les vols en avion, taxes sur les SUV, interdiction planifiée des moteurs thermiques neufs, interdiction de la publicité pour les voitures, interdiction de la publicité pour les produits carnés …
  • De manière démocratique : l’objectif est de sortir du fonctionnement visant à la maximisation des profits pour les grands groupes : (re)nationalisation des monopoles naturels, organisation collective du démantèlement de certaines activités jugées nocives, transformation de d’autres activités en coopératives.
  • Dans un esprit de justice sociale : tout le monde n’émet pas les mêmes quantités de CO2. La décroissance doit viser une convergence entre pays et classes : les plus riches devront supprimer une part bien plus importante de leur empreinte écologique que les plus pauvres, qui pourront dans certains cas continuer de croître pour passer au dessus des seuils garantissant les droits humains.
  • Et dans le souci du bien-être des gens : le but de la décroissance est de préserver les activités à impact positif et le temps libre. Cela passe par une mise en commun des équipements, une primauté accordée aux activités associatives, la préservation de la Nature et des possibilités d’accès à icelle, et la garantie de l’accès à un travail socialement utile.

La décroissance est une phase, qui doit permettre d’atteindre une organisation de la société post-croissance, qui sera stationnaire et respectera toujours les 4 points mis en avant pour une décroissance fonctionnelle. Il peut y avoir des variations de production selon les moments, mais qui restent légères : le but est de rester dans le donut de Raworth, les gains de productivité sont toujours recherchés mais pour permettre de dégager davantage de temps libre.

  • L’économie est circularisée au maximum (réduction de la pression sur les ressources), l’éco-innovation permet d’améliorer là où possible l’efficacité des procédés, libérant des ressources (soit pour une autre activité, soit pour de la non-consommation : restitution de zones à la Nature).
  • L’expression des besoins pour savoir quoi produire passe par des comités/conventions plus ou moins locales, qui remontent et arbitrent les besoins des citoyen.nes. Les entreprises sont dirigées par leurs parties prenantes, et doivent justifier en quoi la production qu’elle proposent est socialement bénéfique (produits, process, à quels besoins ils répondent) avant d’avoir un accès au crédit (qui deviendrait un commun bancaire) et aux autres ressources
  • Pour garantir la redistribution, mise en place d’un héritage minimum garanti, touché à 18 ans, et d’une taxation progressive du patrimoine (ex, de 0,1% à 90%, en sept tranches). Revenu minimum garanti + taxation progressive sur les revenus, échelle des salaires dans les entreprises ou fixation des salaires par les employés et distribution des profits de chaque entreprise votée par les parties prenantes.