Archives de catégorie : Des livres et nous

Underground Airlines, de Ben Winters

Ben Winters imagine une histoire alternative où la guerre de Sécession américaine n’a pas eu lieu — suite à l’assassinat d’Abraham Lincoln et à la mise en place d’un compromis entre les positions nordistes et sudistes. En conséquence, au début du XXIe siècle, il y a encore 4 États américains qui autorisent l’esclavage.

Underground Airlines, couverture L’idée est intéressante, et je trouve que Winters traite plutôt bien le sujet en ce sens qu’il ne tombe pas dans le sensationnalisme ou voyeurisme, sans non plus rendre l’esclavage (appuyé sur un système raciste) anodin, comme s’il en faisait juste une toile de fond pour faire de l’uchronie (comme ce qu’on voit souvent dans les uchronies « et si les nazis avaient gagné la Guerre ? »).

Néanmoins, je n’ai pas été enthousiasmé par le livre, j’ai trouvé que trop de choses sonnaient fausses (à commencer par le héros totalement surdoué, ses incitatifs à rester dans ce système et ses états d’âme pas très crédibles). Et tant qu’à faire, je pense qu’il aurait été plus intéressant de montrer un système d’exploitation des noirs américains plus proche de celui qui est actuellement en place avec les prisons privées et le travail sous-payé des prisonniers  (éventuellement plus assumé) que de montrer un esclavage « du passé » actualisé juste en technologies, dans le sens où là (quand on est blanc) c’est facile de dire « Ah la la c’est vraiment horrible, heureusement qu’on vit pas dans ce monde ». Sur ce thème et avec ce genre de traitement, je recommande plutôt The Underground Railroad.

En bonus, la couverture, parce qu’elle est fort jolie.

La cache, de Christophe Boltanski

Un roman typiquement français, où l’auteur/narrateur revient sur le passé de sa famille. J’étais un peu dubitatif au début, mais en fait ça se lit bien, la narration qui fait des allers-retours dans le temps fait que l’on comprend au fur et à mesure les tenants et les aboutissants de l’histoire. Accessoirement les travaux de son père sont pas du tout évoqués dans le bouquin (contrairement à ceux de ses oncles), mais c’est le fils du sociologue Luc Boltanski.

Smart, de Frédéric Martel

Essai sur l’usage d’Internet à travers le monde, dont la thèse est que ces usages varient considérablement en terme de censure, de services utilisés, de sites consultés, en fonction des différents territoires géographiques, linguistiques, communautaires, au point qu’il faudrait parler des internets plutôt que de l’Internet unique. Intéressant mais inégal, il y a des moments où Martel est trop dans le descriptif (voire dans le narratif, à la Robert Fisk (paie ta comparaison compréhensible par quatre personnes) et pas assez dans l’analyse. « Là y’a ça ». Eh bah c’est super.

Plus pertinent quand il parle spécifiquement des modifications de la façon dont on consomme la culture avec Internet, ce qui à l’air d’être plus son turf.

Le Paradoxe de Fermi, de Jean-Pierre Boudine

Après l’effondrement de la civilisation, un homme raconte dans un cahier comment ça c’est passé. Je suis jamais très satisfait par les versions françaises de ce trope (à l’exception de la trilogie Chromozone, de Beauverger, qui était fort cool). Cet ouvrage ne fait pas exception à la règle, hélas. C’est très pessimiste et s’il y a des passages intéressants ce n’est pas globalement passionnant, même si j’ai bien aimé le réalisme de la difficulté de la survie en milieu naturel.
Mais franchement je ne crois pas à son effondrement total de la civilisation, il y aurait des reconstructions à des échelles locales, son idée de poussées de violence qui empêcherait toute reconstruction, juste non.

Réparer les Vivants, de Maylis de Kerangal

J’avais bien aimé Corniche Kennedy de la même autrice, j’ai été un peu déçu par celui là. Déjà parce que c’est vraiment exactement la même écriture, et puis parce que y’a un peu trop de jeu sur l’émotion par certains côtés, et que les personnages sont parfois de gros clichés un peu malaisant (l’infirmière qui couche avec son mec à l’improviste au milieu des poubelles, vraiment ?)

La Douleur porte un costume de plumes, de Max Porter

Un livre relativement court (je l’ai lu en deux heures je dirais) sur le deuil. Trois points de vues qui alternent : Un homme, ses deux enfants, et Corbeau, une créature imaginaire, qui parlent de la perte d’une femme / d’une mère et du processus de deuil qui s’ensuit. Il est globalement intéressant, mais je l’ai trouvé trop court et un peu inégal.

Shop Class as Soul Craft de Matthew B. Crawford

Un essai d’un mec qui a bossé dans un think tank avant de dire « Fuck it » et de partir ouvrir un atelier de réparation de motos. Des réflexions sur l’intérêt du travail manuel, sa place dans la société, la question des professions automatisables ou non, ce que le travail manuel permet comme réflexion sur soi et comme rapport au monde. C’est intéressant, j’ai surtout apprécié le début, après j’ai trouvé que ça partait un peu plus dans tous les sens mais globalement c’est une lecture que je recommande et dans laquelle je me reconnais.

Nightfall, d’Asimov et Silverberg

Un concept intéressant : une planète dans un système solaire avec 6 soleils, où la conjonction des astres fait que la surface est toujours éclairée. Comment réagirait la population si soudainement la nuit tombait ? J’ai pas été fan de l’exécution cependant (je pense qu’il est temps d’admettre que je n’ai jamais été enthousiasmé par l’écriture de Silverberg). Y’a des bon morceaux néanmoins (c’est intéressant d’avoir un passage conséquent du livre qui se passe après la Nuit), mais ça reste pas mal de la SF à la Papa dans le style, et la conclusion est bien pourrie (« ouais, rejoignons le système religieux fondamentaliste et ultra-élitiste perrave, on pourra le changer de l’intérieur ! Youpi ! »)