Archives par mot-clé : série française

Toutouyoutou, de Maxime Donzel et Géraldine de Margerie

Série télévisée française de 2022. Dans les années 80 à Blagnac, Karine, femme au foyer et épouse d’un ingénieur aéronautique, s’emmerde sévèrement et à l’impression d’avoir raté sa vie. Soudain, une nouvelle voisine s’installe, Jane, c’est une américaine qui a l’air de sortir d’un magazine de mode et ouvre une section aérobic dans la salle de sport municipale. Le groupe d’amies de Karine vont s’inscrire, et leurs vies vont être modifiées par cette nouveauté. Non seulement via les cours d’aérobic, mais aussi parce que Jane n’est pas venue s’enterrer à Blagnac sans raison : elle a un certain intérêt pour les entreprises locales qui fabriquent des avions…

C’était une bonne surprise. Le pilote n’était pas incroyable mais la série décolle dès l’épisode 2. Les personnages sont bien écrits et bien joués, les enjeux domestiques des femmes au foyer sont crédibles, la reconstitution des 80’s françaises aussi (notamment tout le trip sur Bernard Tapie ce héros). Mention spéciale pour l’épisode du concours national d’aérobic avec les équipes concurrentes ultra-déterminées. On dirait un peu un successeur spirituel d’OVNI(s), en moins poétique (et pas aussi réussi quand même), entre les questions d’aéronautiques, le décor toulousain et le côté rétro. La fin totalement ouverte de la saison laisse la possibilité d’une saison 2 qui pourrait partir dans pas mal de directions.

Saison 2 (et finale) :

Très réussie aussi. Une tonalité plus sombre que la 1, Karine étant passé du côté espionnage. Toujours assez surpris des gros changements de ton que la série se permet et réussit, en traitant en parallèle les questions d’espionnage, d’aérobic, de vies personnelles. L’arc moral de Karine est assez réussi. Un peu dommage que la série nous colle un trope de tragic gay story. L’évolution du personnage de Mapi fonctionne bien, et la vibe toulousaine de la série est assez réussie juste avec certains plans de coupe (et c’est jamais « oh regardez, voici Toulouse centre », c’est vraiment le côté périphérique). Enfin, le coup de génie du titre : Toutouyoutou two, pour une série qui est à fond sur un bilinguisme qui tourne au franglais, c’est assez parfait.

La Fièvre, d’Éric Benzekri

Série française parue en 2024. Sam, une spécialiste de la gestion de crise dépressive, est appelée à la rescousse du Racing Paris : leur joueur phare a mis un coup de tête à son entraîneur lors d’une cérémonie de remise des prix, en le traitant de « sale toubab ». Ce qui aurait pu n’être qu’un coup de sang comme 1000 autres en l’absence de caméras devient rapidement le fait divers dont toute la France parle, militants identitaires et décoloniaux alimentant la polémique, y voyant la validation de leur vision de la société. Au milieu de tout ça, la gentille Sam tente d’influencer le récit public pour ne pas aggraver les fractures du pays, quand sa némésis d’extrême droite Marie Kinsky souffle sur les braises pour pousser la nation vers la guerre civile.

Pas très convaincu. Y’a un côté « les extrêmes s’alimentent l’un l’autre, mais les fachos le font en toutes conscience quand l’extrême-gauche est leurs idiots utiles » que j’ai trouvé assez nul. La gentille centriste (allez, Sam a le positionnement du PS de Mitterrand plutôt que du centre actuel, mais vu qu’elle est mise en valeur par son positionnement rationnel par rapport à celui de Kenza Shelby, et parle aux ministres sans difficultés, elle incarne un pôle centriste néanmoins) qui tente de tenir la société ensemble, c’est vraiment une lecture assez hallucinante de la politique française des 20 dernières années. Globalement je n’ai pas trouvé les dialogues très bien écrits (ce qui est dommage vu que c’est le coeur de la série), surtout ceux des footballeurs. Le personnage de Marie Kinsky est réussi par contre, et un méchant réussi c’est déjà un bon truc pour une série, mais du coup on a surtout l’extrême droite qui est mise en valeur (comme des connards, mais des connards charismatiques) dans cette série.

Spoiler dessous

Sous contrôle, de Charly Delwart

Mini-série Arte en 6 épisodes. Marie Teyssier, directrice de l’ONG Docteurs du Monde est nommée ministre des affaires étrangères française. Idéaliste, elle va consacrer toute son action à la résolution d’une prise d’otage au Sahel, tout en découvrant les coulisses de la politique.

C’était cool. On voit en parallèle les efforts de Marie Teyssier et les contacts avec la France des preneurs d’otage, qui tentent de se professionnaliser, mais qui sont assez incompétents (et de plus en plus perplexes devant les errements de la diplomatie française. C’est bien joué, et le pari de faire rire avec un sujet sensible comme celui-là est remporté par la série. De la bonne comédie politique.

Louis 28, de Géraldine de Margerie et Maxime Donzel

Série télévisée uchronique française de 2023. L’action se passe de nos jours, dans une France où la monarchie absolue n’a jamais été abolie. Suite au crash de l’avion royal contenant toute la famille, l’héritier du trône se trouve être le fils illégitime d’un des princes royaux, élevé en dehors de la cour par sa mère célibataire et prof de français à Melun. Le fils et la mère se retrouvent parachutés dans le monde des intrigues de Cour, alors que la révolte gronde en arrière-plan dans le royaume et que le régent essaye d’influencer ce nouveau monarque pour mener sa propre politique, ouvertement d’extrême-droite.

J’ai beaucoup aimé, bonne découverte. Il y a la fois un côté satire sociale avec une Cour totalement déconnectée, qui fonctionne en vase clos et mène une politique réactionnaire laissée entre les mains de deux personnes seulement, -le régent et du roi – alors que le pays se casse la gueule (ça parle crise des hôpitaux, vente d’arme à d’autres dictatures, fermeture des frontières, …), un discours sur la monarchie comme un star system (les parallèles avec l’Angleterre sont vite faits) avec des médias qui commentent tout et n’importe quoi (la parodie de BFM est très réussie), un parti pris de gauche assumée (la monarchie et l’élitisme sont montrés comme de mauvaises choses sans ambiguïté, c’est pas « oh mais avec un meilleur monarque ça irait mieux »). Il y a aussi un côté « théâtre » que j’aime beaucoup dans les séries télé, où l’on voit que les moyens alloués ne permettent pas de mettre en scène des grandes scènes avec 15 000 personnes : les combats à l’épée se font hors champ, l’action se passe dans des lieux grandioses mais désertés (le fait d’expliquer in-universe pourquoi le sacre ne se fait pas à la cathédrale de Reims est très bien trouvé), avec un palais royal où un Majordome, une Générale et un Archevêque incarnent à eux trois les Institutions (on retrouve un peu la même vibe que dans Our Flag Means Death de ce point de vue là je trouve).

Globalement les personnages sont tous très bien écrits et bien joués, la série réussit assez bien à marier les effets comiques et les côtés plus réalistes, et à gérer ses changements de ton.

Je recommande.

En Place, de Jean-Pascal Zadi et François Uzan

Tout simplement (baron) noir

Série française produite par Netflix et sortie en 2023. Stéphane Blé (Jean-Pascal Zadi) est animateur dans une banlieue d’Île de France, dont le maire (Podalydès) est le candidat favori pour la présidentielle. Excédé par l’hypocrisie d’un élu qui s’affiche de gauche mais coupe les subventions de toutes les associations, il le clashe en direct, s’attirant une célébrité instantanée. Conseillé par une ex-éminence grise du PS (Éric Judor), il décide de se lancer dans la présidentielle pour mettre de nouveaux thèmes en avant, sans s’illusionner sur ses chances d’être élu. Mais au fil de la campagne, il va se prendre au jeu…

J’ai bien aimé. Ça reprend certaines des mécaniques de l’humour de Tout simplement noir mais appliquées à la politique. Le premier épisode est vraiment très bon, les suivants sont un peu en dessous, mais ça reste cool à regarder. Quelques blagues faciles parfois, mais ça tape juste sur pas mal de points.

OVNI(s), de Clémence Dargent et Martin Douaire

Série télévisée française, création Canal +. L’action se passe en 1978 au CNES (Centre National des Études Spatiales). Suite à l’échec d’un lancement de fusée, Didier Mathure, ingénieur bien cartésien, est placardisé à la direction du GEPAN, la section du CNES chargé d’enquêter sur les signalements d’ovnis. Parmi une masse de cas totalement explicables que l’équipe du GEPAN écluse comme ils peuvent, Didier Mathure trouve quelques cas qui semblent effectivement présenter des éléments probants. Au passage il doit aussi gérer ses deux enfants en garde partagé, sa relation avec son ex-femme et collègue, les trois membres excentriques qui composent le GEPAN, et sa hiérarchie qui cherche un prétexte pour le débarquer définitivement.

J’ai globalement beaucoup aimé. L’histoire met du temps à démarrer, mais la reconstitution d’époque est très bien faite, les personnages sont très réussis (le personnage principal notamment, ingénieur brillant mais avec un manque de compréhension total des relations humaines, sans pour autant en faire un personnage brillamment méchant à la Dr. House ; là il est plutôt brillamment clueless. Les personnages d’Élise, Delbrosse et Rémi sont aussi très réussis.

J’ai aussi beaucoup aimé la bande son, en bonne partie faite avec des synthés, d’époque, et son utilisation à contre-emploi de La Resa dei conti d’Ennio Morricone.

Par contre j’ai été déçu par la conclusion, qui d’une part n’explique pas grand chose ; et d’autre part nous colle un élément de romance random entre deux persos, alors que jusque là je trouvais au contraire très bien d’éviter cet écueil.

Saison 2 :

On prend les mêmes et on recommence, en mieux.
La saison 2 reprend après que Véra et Didier aient passé un an sur les routes dans un van à tenter sans succès de repérer de nouveaux OVNIs. Mais un phénomène va les remettre sur les rails du contact interplanétaire : l’apparition d’une tonne de barbe à papa dans une centrale nucléaire à quelques semaines de son inauguration.

La série oscille entre plusieurs configurations d’interactions entre ses personnages : Marcel en compagnie d’André, Vera, Didier et Rémi en dehors puis à nouveau dans le GEPAN, Rémi fiancé, Didier avec Claire, Didier à la fac, Élise avec un nouveau compagnon… Finalement, après avoir joué sur quelques épisodes sur différentes possibilités, sur la fin la série revient sur la configuration de la saison 1, avec un groupe uni qui travaille de concert : ce n’est pas trop un retour au statu quo, les relations internes ont évolué du fait des expériences de différents personnages. Cet aspect des relations humaines a été assez réussi, je trouve, avec des arcs qui sont tous assez crédibles. Sur la partie recherche d’OVNIs, je trouve que la série réussit bien son coup. Elle réussit à répondre à pas mal d’interrogations laissées en suspens à la fin de la saison 1, donnant des conclusions satisfaisantes. Le côté poétique est conservé, et la recréation de l’époque fonctionne toujours aussi bien ; on dirait un pendant français lumineux et surtout réussi dans la durée de Stranger Things. Je pense que le côté feel good de la série tient à cette reconstruction d’une époque assez mythifiée : les personnages semblent vivre dans une espèce d’été éternel, sans actualité anxiogène ni connexion permanente, tout le monde se balade en van ou en moped dans la campagne toulousaine (bon et ça c’est pas particulier à cette série, mais personne ne semble avoir de soucis d’argent ni d’horaires de travail trop contraignants, c’est toujours sympa aussi).

Bref, je recommande encore plus que la saison 1.

Lupin, de George Kay

Nouvelle série Netflix, qui réactualise le personnage de Maurice Leblanc. On sent une inspiration du côté du Sherlock de Moffat, qui est visible ne serait-ce que dans les habits du personnage principal. Par contre on a un héros qui est moins un connard et des mécanismes narratifs assez différents.

Le paragraphe suivant spoile l’épisode 1.

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Paris Police 1900, de Fabien Nury

En 1899, suite à la mort du président Faure, un nouveau gouvernement est formé, et Lépine est nommé préfet de police de Paris, alors que les ligues antisémites rallient leur troupe dans l’attente du second procès de Dreyfus. On suit les aventures de Lépine, de sa femme et de plusieurs policiers et informateurs de police dans ce contexte politique de plus en plus inflammable.

J’ai été déçu. La reproduction historique est réussie et semble bien documentée – depuis mon point de vue naïf sur la période. Mais la série se concentre surtout sur des hommes, policiers ou puissants, qui jouent des poings et croient en leurs valeurs : bref, c’est idéologiquement de droite. La série choisit aussi d’adopter une esthétique trash : y’a du sang, du sexe, de la boue, de la drogue, et on n’y va pas avec le dos de la cuillère. Et y’a évidemment beaucoup d’antisémitisme, et même s’il est montré pour le dénoncer, c’est quand même beaucoup montré et répété, j’ai pas trouvé ça fou d’un point de vue mise en scène. La série met brièvement en scène des anarchistes, des personnages de la communauté juive, mais ils sont toujours présents en temps que personnages secondaires, ceux que l’on suit vraiment se sont les policiers et les antisémites, c’est vraiment pas le cadrage le plus intéressant possible je trouve.

Dans le genre reconstitution historique européenne stylée avec des enquêtes de police au milieu, regardez plutôt Babylon Berlin.

Baron Noir, de Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon

Série politique française. J’avais gavisionné la saison 1 à sa sortie et là j’ai gavisionné la saison 2. Beaucoup aimé la saison 1, à laquelle je reproche juste d’avoir un PS qui propose des trucs de gauche alors que bon, dans la réalité… Sinon c’était assez cool de voir une série type House of Cards mais avec les institutions françaises et des lieux français. Par rapport à HoC ce qui est bien aussi c’est que tous les personnages sont intelligents et manigancent, pas juste le perso principal qui est surhumain. Du coup c’est plus intéressant, et les stratagèmes des un⋅e⋅s peuvent plus souvent échouer face à ceux des autres.

La saison 2 j’étais un peu partagé. Je trouve que l’actrice qui joue la présidente fait un peu forcée quand elle parle. Par ailleurs, ça manque des points de vues de gens qui ne sont pas des professionnels de la politique, des syndicalistes, des gens ordinaires… Là c’est vraiment l’Histoire faite par les grands hommes. Par contre ça présente une vision intéressante du passage clivage droite/gauche à droite nationaliste / centristes / gauche.
Leur Mélenchon-like est très bien fait, leur Valls-like aussi. J’ai pas trop trop reconnu les autres mais les personnages sont bien écrits.

Saison 3 ! Remotivé sur l’histoire. Les personnages sont bien écrits, on recolle aux événements de la politique française réelle. La saison parle d’alliance tactique et de campagne politique, et la série est plus intéressante là-dessus que sur l’exercice du pouvoir, je trouve. Il manque toujours le point de vue de la politique via les mouvements sociaux, là tout passe par les partis (mais magiquement sans lobbys). Dorendeu fait une libérale intéressante, mais avec beaucoup plus de convictions que les vrai.e.s. Globalement ils rendent le PS, LRM et les fachos plus sympathiques que ce qu’ils devraient, mais bon, c’est difficile comme genre d’exercice.
Sur les mouvements sociaux d’ailleurs, c’est dommage d’avoir incarné les gilets jaunes dans la figure de Mercier, alors qu’un des intérêts du mouvement c’est bien qu’il a refusé toute forme de porte-parolat. De la même façon, la contestation de la politique de Dorendeu passe par la contestation de sa personne, ce qui certes est un des éléments de la détestation de Macron, mais sans parler du refus spécifique de ce qu’il y a dans sa politique. C’est bien les privatisations, la réforme des retraites, la casse du service public en tant qu’éléments spécifiques qui sont contestés dans la vie réelle. Mais là on touche à une des limites de la série : les gens n’ont pas vraiment de différents politiques irréconciliables, parce qu’il faut que Rickwaert puisse aller parler avec tous pour faire ses petites manœuvres. Du coup il aime bien Dorendeu tout autant que Vidal, alors que normalement il devrait lui aussi haïr Dorendeu pour sa politique.
Enfin, je n’ai pas été convaincu par la fin (à partir de la fin d’avant-dernier ep), ce retournement de situation fait totalement forcé et pas crédible, jamais personne n’accepterait de faire ça dans la vie réelle. Ça c’était meh.
Enfin, super utilisation de la bande-son, avec un thème musical décliné de plein de façons (ce que Canal + avait aussi un peu fait sur Les Sauvages).

Il revient quand, Bertrand ?, d’Hélène Lombard et Julien Sibony.

Mini-série d’Arte, en 10 épisodes de 10 minutes. Bertrand (Bertrand Usclat), trentenaire amorphe, se voit imposer un break par sa copine et se fait jeter de son appartement. Se retrouvant par un concours de circonstances chez son voisin du 5e étage, il découvre que celui ci espionne tout l’immeuble via les webcams des ordinateurs. Au lieu d’être horrifié comme une personne normale, Bertrand fait ami-ami avec le voisin et décide d’espionner sa copine pour tenter de revenir dans sa vie, tel un bon psychopathe. Il va aussi profiter des « conseils » dudit voisin, ancien militaire quelque peu rigide. Pour jouer le mec détaché, Bertrand fait semblant d’être parti en tour du monde via des photoshoppages qu’il poste sur les réseaux sociaux, d’où le titre.
C’est plutôt bien joué et assez rigolo par moment, après c’est une histoire ultra cliché de mec un peu looser qui se comporte comme un gros creep «  » » »par amour » » » ». Sympa si vous aimez bien Bertrand Usclat, mais assez anecdotique.