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Disenchanted, d’Adam Shankman

Film Disney de 2022, suite d’Enchanted, et clairement pas à la hauteur du premier opus. On est quelques années plus tard (la chronologie n’est pas très claire, la gamine du premier étant devenue une ado, il y a clairement moins de 15 ans qui se sont écoulés), la vie newyorkaise est devenue compliquée pour Giselle et Robert. Ils décident de déménager en banlieue (la banlieue US, donc des pavillons), et atterrissent à Monroeville. Là Giselle utiliser une baguette magique pour souhaiter vivre dans un conte de fées de nouveau, changeant toute la ville, mais se projetant accidentellement dans le rôle de la méchante belle-mère (étant de facto une belle-mère, elle est obligée de se conformer à l’archétype si c’est un conte de fée).

Le pitch était intéressant mais la réalisation laisse clairement à désirer. Les chansons sont assez faiblardes (ils ont filé une chanson perrave à Idina Menzel, faut quand même pas être très malin), l’animation des parties animées est ratée, les effets spéciaux des parties filmées sont pas très convaincants, la storyline de Robert et de la partie animée est plus qu’anecdotique. Quelques points réussis cependant : la conte-de-féification de Monroe est bien rendue, avec notamment le numéro musical avec les ustensiles culinaires lors du premier matin. La chanson duo des deux méchantes est sympa aussi (mais je pense que musicalement, elle n’est pas incroyable dans l’absolu, c’est juste que les autres sont vraiment sans aucun intérêt), les deux actrices étant à fond durant le numéro.

Globalement, une suite qui rate son point et souffre de son budget, je pense.

Serial Girls, de Martine Delvaux

Essai féministe paru en 2013 et republié en 2022 dans une édition augmentée. L’autrice parle de la question de la sérialité des femmes, vue comme des éléments interchangeables, leur individualité important moins que leurs éléments communs ou différents qui les font appartenir à cette série.

Le sujet avait l’air fort intéressant, et j’ai apprécié le chapitre sur le magazine Playboy, qui parle de ce sujet spécifiquement sous l’angle du male gaze et de la libération sexuelle proclamée qui a surtout été celles des hommes quand pour les femmes c’était une injonction à être de bonnes partenaires sexuelles disponibles pour les mecs, mais j’ai été beaucoup plus dubitatif pour le reste du bouquin, dont je trouve qu’il aligne les grandes déclarations sans faire de démonstrations claires, sans expliciter son propos et en se reposant beaucoup sur le péremptoire. Déception.

The Grace Year, de Kim Liggett

Dystopie US de 2019, assez décevante. On est dans un univers rural, où les femmes sont réputées développer des pouvoirs magiques à l’adolescence. Pour que ces pouvoirs ne détruisent pas la communauté, l’année de leur 16 ans (l’Année de Grâce du titre), toutes les adolescentes sont envoyées sur une île où elle vivront entre elles le temps que leur magie se manifeste puis s’épuise. Puis elle reviendront épouser un homme ou rejoindre une communauté de travailleuses. Cette question de l’année de Grâce et du mariage forcé ont toujours intrigué et révulsé Tiernay, l’héroïne, qui va chercher à comprendre ce que cachent ces rituels…

Sur le papier ça avait l’air cool, une dystopie féministe avec un côté Sa Majesté des Mouches/Yellowjackets/The Purge. Mais ça ne fonctionne pas bien, je pense par manque d’un sérieux travail d’édition. Il y a pas mal d’éléments intéressants dans le livre, mais il y a trop de trucs, trop d’éléments qui arrivent d’un coup, ne sont pas bien installés, bien explicités. La fin aurait dû arriver 40-50 pages plus tôt aussi. Soit il fallait couper des trucs, soit il fallait assumer d’en faire une trilogie et pas un seul roman où ça va à 4000 à l’heure. Là y’a un vrai problème d’écriture.

D’autant plus décevant qu’on voit le potentiel gâché. On a l’impression que l’idée de l’éditeur c’était que les dystopies féministes c’était bankable alors allons y sortons des trucs sans y regarder à deux fois. Mais The Handmaid’s Tale ça fonctionne parce que l’écriture et les personnages sont réussis.

L’Année du Requin, de Ludovic et Zoran Boukherma

Film français sorti en 2022. A la pointe, station balnéaire de Gironde, la commandante de gendarmerie Maja Bordenave (Marina Foïs) vit sa dernière semaine sous les drapeaux avant sa retraite à 49 ans. Ultra attachée à son métier elle ne le vit pas très bien. La découverte de la présence d’un requin tueur va lui permettre de rempiler une semaine supplémentaire.

Grosse déception. Y’avait beaucoup de potentiel mais le film n’en fait rien. On a l’impression qu’ils setuppent plein de situations pour n’en rien faire. La partie « requin tueur » est réussie, mais c’est noyé dans un truc qui pourrait faire un film comique (Marina Foïs, JP Zadi, Kad Merad, y’avait de quoi faire une comédie populaire) mais qui ne se décide jamais à vraiment faire des blagues. Juste, on attend que ça passe.

1899, de Baran bo Odar

Série à mystères de 2022, par les créateurs de Dark. En 1899, le Kerberos traverse l’Atlantique de l’Europe aux États-Unis, emportant avec lui des passagers de plein de nationalités et classes sociales différentes. Au milieu de l’océan, ils reçoivent un signal de détresse du Prometheus, un navire de la même compagnie disparu en mer depuis 4 mois, et à partir de là, les événements mystérieux vont s’enchaîner…

Sur le papier, il y avait beaucoup d’éléments pour me plaire. J’avais aimé Dark, j’aime beaucoup les histoires qui se passent sur des bateaux (The Terror saison 1 : <3), le plurilinguisme, le côté « grande énigme conceptuelle ». Mais … non. On sent qu’il y a des moyens, de l’ambition, et c’est d’autant plus frustrant de faire un truc qui tombe à plat comme ça.

Le scénario, pour commencer. Dès le début, on sait qu’il y plus que les apparences : on a des flash-back de la vie des personnages, l’héroïne accuse son père de cacher quelque choses sur les bateaux, une voix murmure « Wake up » à la fin de chaque flash-back avant que les gens ne se réveillent sur le bateau. La musique est électronique, il y a des espèces de glitchs (volontaires) dans l’image. Tout nous oriente vers le fait que c’est pas un bateau normal, les transitions en glitchs indiquent que le niveau technologique de l’univers mis en scène par la série n’est pas celui d’un paquebot de la fin du XIXe siècle. C’est un peu dommage d’orienter les choses si tôt sur un mystère technologique alors qu’on aurait pu pencher vers du surnaturel, mais ok.
Sauf que le fait d’orienter tout vers « il y a quelque chose de plus que les apparences » sert visiblement de prétexte pour ne pas du tout développer correctement les histoires des personnages sur le bateau. Entre le couple français malheureux, la mère maquerelle, le couple gay qui fait semblant d’être des frères, c’est le festival du cliché (où est la finesse d’écriture des premières saisons de Dark ?).

Les dialogues sont ineptes, et le plurilinguisme est utilisé totalement à contre-emploi. Pour moi, il aurait fallu avoir des enjeux de compréhension entre les personnages, des questions de ponts entre deux groupes de personnes ne parlant pas la même langue, avec la question de la confiance que l’on peut accorder au traducteur. A la place, on a des personnages qui monologuent devant d’autres gens qui ne peuvent clairement pas les comprendre mais les laissent parler seuls pendant trois plombes, et des éléments de compréhension qui passent sans qu’on sache pourquoi. Aussi, les sous-titres ne sont absolument pas fidèles à ce que disent les personnages, c’est assez nul.

On a des tropes tout pétés : explorons ces corridors plongés dans l’obscurité avec juste une petite lanterne, et faisons donc deux groupes de deux, puis deux groupes de un ! Please. Trouvons une backstory tragique à cette meuf : oh, un viol random ! FFS.
On a aussi plein d’éléments qui sont là pour faire comprendre au spectateur qu’il y a un mystère global, sans être perçus par les persos dans l’univers : pourquoi le symbole de la compagnie maritime se retrouve sur un kimono, sur des boucles d’oreilles et un peigne à cheveux ? Pourquoi les blessures au visage d’un des marins ne se referment jamais ? Osef, c’est mystérieux.

Dans le genre « détail qui a l’air d’avoir été décidé par un comité exécutif plutôt que par des scénaristes », on a aussi le fait que chaque épisode finisse sur une chanson de rock plutôt connue. De la façon dont c’est fait, ça donne vraiment l’impression que c’est « bon, ça a marché en termes d’impacts dans d’autres shows, donc faut le faire dans celui-là ». Ça n’accompagne pas correctement les événements, ça fait pas un thème qui revient mais juste un one-shot de « on a les droits pour ce hit, on le place ».

Bon, que reste-t-il quand même dans ce naufrage ? Les acteurs principaux jouent bien, dans la limite de ce que leur permet le script. L’histoire globale aborde des thèmes intéressants (mémoire, simulation, souvenirs implantés, gestion du trauma (évoqué plus qu’abordé pour ce dernier). Les décors sont beaux, avec de jolies idées (le cimetière de bateaux notamment). Quand le scénario arrête de vouloir se focaliser sur des personnages et leur passé sans que ça n’ait d’influence sur le déroulement global de l’histoire (après 6,5 épisodes sur 8 environ) et qu’on se consacre vraiment à avoir des révélations sur ce que ça cache, ça devient un peu cool. On a la phrase « he hacked into the mainframe! » qui personnellement m’a fait beaucoup rire (même si bon, au moment où elle arrive t’es là « attends mais il pouvait faire ça depuis le début ? parce que ça résout en fait absolument tout… »)

La fin est clairement là pour laisser arriver une saison 2, mais je vois pas trop ce qu’ils vont en faire : les backstories des personnages pas encore révélées, on s’en fout un peu maintenant que l’on sait que c’est fictionnel, et il va falloir un changement radical de ton au vu les dernières révélations. En soi pourquoi pas, mais je suis plus que dubitatif sur le fait que ça réussisse, vu déjà l’échec de la première saison.

Globalement, c’est une série qui veut faire du Westworld mais en retardant largement trop ses révélations, ce qui laisse le spectateur le cul entre deux chaises. Je ne recommande pas, d’autant plus que le potentiel que l’on voit être gâché est particulièrement frustrant.

Far from the Light of Heaven, de Tade Thompson

Au sortir d’un voyage interstellaire en animation suspendue, la capitaine du Ragtime découvre que l’IA de bord ne fonctionne plus et que 30 passagers ont été tués. La planète qu’elle orbite envoie un duo d’enquêteurs résoudre l’affaire.

Sur le papier ça avait l’air cool, mais ça souffre fortement du problème de l’auteur d’un autre genre que la SF qui se dit qu’il va révolutionner le genre parce qu’ils sont gentils avec leurs petits mickeys, et qui finit surtout par réinventer les poncifs. Autant j’avais beaucoup aimé la suite de novellas Molly Southbourne du même auteur, autant là c’était sans grand intérêt. Ça aligne les grands concepts – aliens ! trous de vers ! IA ! mégacorporations ! terraformation ! – sans en faire grand chose, y’a beaucoup trop de personnages qui sont introduits et mal développés, le côté chambre close fonctionne pas du tout… Bref c’est foutraque, et y’a pas eu de travail d’édition.

Le Complexe de la Sorcière, d’Isabelle Sorrente

Ouvrage français de 2020. Mi-essai, mi-autobio (ou autofiction ?). La narratrice raconte comment elle commence à imaginer de façon récurrente une sorcière. Elle va se renseigner sur le sujet des chasses aux sorcières de la Renaissance, se rendre compte de l’ampleur du phénomène, et théoriser qu’il a laissé une empreinte durable sur la psyché des femmes européennes.

Jusque là, soit. Sauf qu’elle convoque un concept de traumatisme multigénérationnel, l’illustrant avec un descendant de Louis XVI qui perdra la tête de nos jours dans un accident de ski. Désolé mais je ne crois pas à la pensée magique.

La narratrice parle aussi du harcèlement qu’elle a subi à l’école, théorisé les rapports hommes/femmes comme une relation inquisiteur/sorcière avec la rationalité froide d’un côté et l’émotivité de l’autre. Elle parle aussi de ses amies et des relations romantiques de ces dernières et d’elle même.

Globalement j’ai assez peu accroché. Il y a plusieurs thèmes intéressants qui sont abordés, mais je n’aime pas le traitement qui en est fait, j’aurai voulu un vrai essai et une approche plus matérialiste.

Thor : Love and Thunder, des studios Marvel

N-ième film Marvel, que je suis allé voir pour profiter de la climatisation en cette période de canicule et parce que le précédent Thor réalisé par Taika Waititi m’avait laissé un bon souvenir.

Celui là était franchement médiocre. La bande son était sympa mais est utilisée sans subtilité aucune (visiblement à base de « ça a plu de mettre du rock dans le précédent, refaisons-le plein de fois). Le scénario est anémique, avec 15 000 trucs introduits sans qu’on ait le temps d’en explorer aucun, les actrices sont très mal employées (notamment Tessa Thompson, dont le personnage est laissé à l’arrière plan). L’idée d’introduire la version féminine de Thor était intéressante mais c’est très mal fait, avec une meuf qui revient quand même essentiellement pour être le love interest du héros et participer à son développement personnel en mourant tragiquement.
Les méchants (Zeus et Gorr) sont des mecs qui ne respectent pas les codes de la masculinité vs le héros ultra musclé (qui utilise des enfants soldats sans se poser de questions).

Quelques éléments rigolos cependant : deux chèvres géantes qui passent leur temps à hurler, certains passages de la bande son, Asgard réinventé comme une petite bourgade norvégienne paisible vs les palais rutilants des épisodes précédents. Une jolie scène en noir et blanc en partie animée avec des monstres qui sont créés à partir des ombres.

Bref, je ne recommande pas.

En même temps, de Kervern et Delépine

Comédie française de 2022. Vincent Macaigne et Jonathan Cohen jouent deux maires de sensibilités opposées (écolo radical et droite décomplexée) qui se retrouvent collés l’un à l’autre avec de la colle industrielle. Pendant une nuit blanche ils vont parcourir leur communauté de communes, rencontrer différentes personnes de leurs cercles sociaux respectifs et confronter leurs points de vue, pendant que les militantes féministes qui les ont collés ensemble tentent de les retrouver.

C’était… pas très bien. Je l’ai vu en avant-première dans une salle comble à Albi où ça a été tourné, c’était rigolo de reconnaître les lieux mais sinon il n’y avait pas grand chose dans le film. Quelques gags réussis (notamment Jonathan Cohen qui fait du Jonathan Cohen, mais aussi tous les policiers du centre de vidéosurveillance qui s’avèrent être des écologistes en sous-marins), des plans intéressants (Jonathan Cohen filmé derrière un poteau) et de jolis décors, une séquence de fin sympa qui suit les militantes féministes qui collent des affiches à travers la ville. Mais durant la présentation du film les deux réalisateurs ont beaucoup dit que le féminisme et l’écologie étaient important pour eux, et c’est pas très visible dans le film en fait ? Alors qu’il y avait pourtant de quoi faire et quelques prémices de situations comiques qui vont dans une direction dénonçant le greenwashing et le patriarcat, ça retombe très vite dans le côté « lol ils sont collés par les parties génitales » et « hihihi des gens croient qu’ils sont gays » au lieu de creuser un humour plus politique.

Bref, pas fou, on sent une volonté de bien faire des réalisateurs mais qui échoue.

All of Us Are Dead (지금 우리 학교는), de Cheon Seong-il

Série coréenne sortie en 2022. Une épidémie de zombie démarre dans un lycée d’une petite ville coréenne puis s’étend à toute la ville. On suit plusieurs personnages ou groupes de personnages qui se démènent au sein de cette épidémie.

La série était assez peu satisfaisante. Le contexte du lycée et de la forme architecturale du lieu, avec les différentes salles de classes, les espaces communs, les espaces extérieurs étaient intéressants, la dynamique des personnages avec les hiérarchies scolaires, de popularité, les rapports à l’autorité à la fois de l’institution scolaire et de la société coréenne aurait pu être intéressante, mais ça tombe un peu à plat. Si la forme sérielle laisse de la place à la construction des personnages et à l’expression des sentiments et des traumas des personnages, la série souffre quand même largement de temps morts, et les réactions des personnages sont assez stéréotypées et répétitives. On peut argumenter qu’il s’agit de lycéens, traumatisés et en manque de bouffe, sommeil et eau, mais c’est en soi un choix de réalisation. De plus, la série est aussi très genré, avec des personnages féminins passifs (il y a en a deux qui finissent par être un peu plus active, mais c’est une fois qu’elles ont été transformées en hybrides humains/zombies) et des mecs qui prennent l’initiative, ordonnent des trucs, se battent.

La série choisit aussi de passer trop de temps sur l’origine de l’épidémie, pour servir un gloubi-boulga de pseudobiologie (astuce : les zombies ne sont pas justifiables biologiquement, mettez la question sous le tapis le plus rapidement possible si vous parlez de zombies) dont on se fiche éperdument.

Bref, c’était pas une très bonne série. Je pense que pour faire une série de zombie qui m’attirerait vraiment, il faudrait plus partir sur des gens qui macgyverisent leur résistance aux zombies et leurs déplacements, que de multiplier les mauvais choix de la part des personnages pour créer de la tension artificiellement. (C’est d’ailleurs un peu ce qui est fait – avec une dimension psychologique en plus sur la question de l’isolation – dans La nuit a dévoré le monde, que j’avais beaucoup aimé.)