Promenade avec p4bl0 le long du canal pour voir les graphes le long du chemin.







Pour référence, la précédente promenade au même endroit était en 2016.
Promenade avec p4bl0 le long du canal pour voir les graphes le long du chemin.
Pour référence, la précédente promenade au même endroit était en 2016.
L’anti-Whiplash.
Joe Garner est un pianiste de jazz. Enfin, il voudrait l’être, il est surtout prof de musique dans un lycée de New York. Pour des raisons que je ne spoile pas, il décroche l’occasion de sa vie, mais ne pourra s’y rendre que s’il réussit à coopérer avec un sidekick surnaturel qui découvre la vie sur Terre et ce qu’est une existence humaine.
C’était très beau, surtout les séquences sur Terre, il y a quelques plans d’ensemble dont on a l’impression qu’ils sont là pour dire « oui, on peut faire ça en animation », mais ça marche super bien. Point de vue esthétique, j’ai été moins enthousiasmé par les séquences extraterrestres. J’aime beaucoup l’idée du design des Jerrys, mais le reste de l’environnement était peu varié en terme de couleurs (c’est probablement pour contraster avec les séquences terrestres, mais du coup elles en souffrent défavorablement).
Du point de vue intrigue, c’est un peu le même distinguo : tout ce qui se passe sur Terre est cool, la vie quotidienne de Garner et comment la présence et le regard de 22 lui font reconsidérer les choses est très bien fait. C’est pas forcément super original, mais ça marche, c’est bien mis en scène, c’est porté par une super bande-son. On a des séquences dans le milieu du jazz, qui se penchent sur les questions de passion et d’obsession, on a un fil thématique sur l’enseignement et la transmission : ce sont des thèmes qui étaient présents dans Whiplash mais là on a des professeurs bienveillants et une passion qui n’est jamais en lien avec l’idée de compétition. Un même sujet, traité totalement différemment.
L’intrigue métaphysique qui justifie la présence de 22 par contre, ça aurait pu être n’importe quelle autre raison, on s’en fiche un peu tbh, pourtant ça prend une part importante du film, ça aurait pu être expédié plus rapidement.
Niveau humour c’était globalement réussi tout du long, je suis bon client de ce type d’humour je pense mais les situations sont bien amenées.
Globalement un bon film, impressionnant du point de vue technique, avec quelques séquences un peu trop longues mais une belle histoire. On est un peu dans l’inverse d’Inside Out pour l’intérêt des séquences réalistes/métaphysiques.
Puzzle game indépendant sorti fin 2020. On joue simultanément une petite fille timide et son ombre : la fille ne supporte pas la lumière, l’ombre ne se déplace qu’en 2D sur les murs et sols, et dans les zones illuminées seulement.
Le jeu a une belle direction artistique avec des décors qui ont une texture faite à l’aquarelle, et des environnements oniriques très beaux (j’ai beaucoup aimé le passage dans la nurserie, et celui dans la librairie, même s’il le second est assez court).
La mécanique de jeu est assez cool : l’ombre se déplaçant dans un environnement d’ombres projetées, déplacer en 3D les éléments permet de modifier l’environnement ombresque : on peut ainsi rapprocher des éléments de source de lumière pour les rendre plus gros, allumer de nouvelles lumières pour faire disparaitre des obstacles, projeter l’ombre d’un même objet avec plusieurs sources lumineuses… A l’inverse, l’ombre peut activer des ombres de leviers, où se placer devant des capteurs photo sensibles, ce qui modifie le monde 3D. Cette influence est quand même plus légère que dans l’autre sens (c’est peut-être le point que je reprocherai au jeu : dans beaucoup de séquences, le monde 3D est fortement contraint, s’apparentant plus à la 2,5D de Trine qu’à de la 3D ; mais je ne sais pas s’il y avait vraiment une possibilité de faire plus de la 3D avec le besoin de garder l’ombre pas trop loin pour que les deux persos puissent interagir et le/la joueur avoir une vue d’ensemble).
Globalement, très beau jeu esthétiquement, aussi bien le concept des décors que le rendu. La mécanique est intéressante, certaines énigmes auraient pu être plus corsées (là le niveau est assez tranquille tout du long), mais rien de rédhibitoire. Un premier jeu prometteur.
Roman français de 2020. Jeanne, jeune adulte arrivée à Paris depuis sa Bretagne natale, décroche un contrat de 6 mois en tant qu’accueillante à la Tannerie, lieu culturel à la mode situé dans une ancienne friche à Pantin. Au contact de ses collègues et au fil de son quotidien à la Tannerie, Jeanne découvre un univers complètement différent de celui dont elle est issue. Ses collègues suivent l’actualité, parlent de politique, namedroppent des artistes et des penseurs, connaissent les restaurants et les bars à la mode… Jeanne se laisse totalement impressionner par ce mode de vie et notamment par Julien, son supérieur très beau et toujours prêt à sortir un discours conceptualisant bourré de références.
Jeanne s’acclimate peu à peu à ce monde, au point d’avoir honte de ses origines, de l’absence de chic de sa famille paysanne. Elle devient en partie transfuge de classe, mais uniquement en terme de capital culturel, son salaire étant misérable. En parallèle, elle a aussi un éveil à la politique avec la présence de campements de migrant.e.s proches de la Tannerie, les conflits sociaux de basse intensité dans le lieu culturel, et surtout toute la séquence Nuit Debout qui se déploie dans la seconde partie du roman.
C’était fort bien. J’ai mis un peu de temps à rentrer dedans. Au début l’héroïne est complètement déboussolé, et l’écriture retranscrit bien ça, mais du coup c’est pas la partie la plus sympa à lire. Peu à peu elle prend ses marques et ça devient très cool. Le roman montre bien le décalage entre les discours et les pratiques (le directeur de la Tannerie qui fait mettre une banderole avec une citation absconse de Césaire en soutien aux migrants tout en autorisant les CRS à circuler dans le lieu pour éviter une occupation ; Julien qui pérore sans fin sur le sens de l’Histoire avec un pote au bistro après avoir fait 30 minutes de manif), mais il montre aussi comment c’est facile de se faire avoir par tout le vernis de références et de namedropping. Jeanne est une héroïne volontairement naïve, le/la lecteurice est plus à même qu’elle de voir comment ce qu’elle prend pour argent comptant est de la poudre aux yeux, mais c’est aussi logique que ça marche.
Le roman reprend une forme classique : celle de l’arrivée à la capitale d’un.e jeune provincial.e ambitieu.se.x. Mais Jeanne n’est pas Rastignac ou Georges Duroy, et surtout l’époque n’est pas la même. Au lieu de lui ouvrir les antichambres du pouvoir, on lui propose un contrat à temps partiel de 6 mois qui pourra être renouvelé, tout en lui faisant miroiter comme à tou.te.s ses collègues un potentiel CDI au bout du chemin.
C’était fort bien écrit et ça décrit très bien le milieu des petites mains de la culture et les contradictions qui le traversent ; les personnages secondaires sont très réussis et permettent de montrer différentes facettes des employé.e.s de la Tannerie.
Je recommande.
Adaptation du roman éponyme de Jane Austen. Emma, une jeune bourgeoise anglaise, n’aime rien temps qu’apparier ses amis pour les faire convoler en mariage. Elle espère le retour de Mr. Churchill, beau-fils de son ancienne gouvernante, qu’elle considère comme la seule personne qu’elle pourrait épouser, si jamais elle devait en passer par là. Elle est belle et intelligente, et se considère incroyablement douée pour apparier les gens, mais le déroulement du film va montrer qu’au contraire elle méjuge largement les situations, notamment la sienne.
C’était super bien. Plein de costumes d’époque très beau, une très belle lumière, une excellente photographie de façon générale, avec des plans et des cadrages posés de façon très stricte. Il y a une sorte de classicisme modernisé dans la façon dont c’est filmé. Les personnages sont tous un peu idiots (voire beaucoup pour certain.e.s) mais aimables. Knightley, Jane Fairfax et le père d’Emma sont particulièrement réussis (et Elton aussi, dans le genre gros creep).
Il y a exactement ce qu’il faut d’incertitudes amoureuses et de gens qui se languissent d’un signe, de conventions sociales strictes et de traditions guindées.
10/10, would Austen again.
Mélange de SF et de roman policier. Trois novellas où Jack Glass commet un meurtre, dans le contexte d’un système solaire dirigé de façon tyrannique par une oligarchie marchande. L’univers était sympa, mais je n’ai pas été convaincu par le côté mystère policier. Le livre nous dit qu’on va être surpris par la façon dont les meurtres se sont déroulés, avec des tropes de chambre close et whodunnit, mais ça ne marche pas super bien.
Roman de fantasy inspiré sur le folklore russe. Au XIVe siècle, la fille d’un seigneur du Nord découvre qu’elle a le don de double-vue : elle peut voir les créatures folkloriques, et les esprits domestiques. Au moment où un ancien esprit maléfique se réveille, le nouveau prêtre du village travaille à détourner les habitants des esprits familiers au profit de la foi chrétienne, affaiblissant leurs défenses.
Des éléments de folklore et de narration qui rappellent les romans de Naomi Novik. On a la même focale sur une héroïne qui se débat avec les conventions genrées de son époque (mais ici elle ne finit pas par tomber amoureuse, c’est bienvenu). Pas beaucoup d’action par contre, le roman est essentiellement l’établissement progressifs des termes de la situation, mais tout se résout très vite, avec une héroïne qui ne fait finalement pas grand chose d’héroïque. Un peu dommage de ce point de vue là. Du coup sentiment un peu mêlé : c’était sympa à lire sur le coup, pas de défauts majeurs, une héroïne attachante, mais on ne retire pas grand chose du roman non plus.
Randonnée en raquette pour profiter de la montagne une dernière fois cette année. Le temps était menaçant, nous avons fait demi-tour avant d’avoir atteint le col, mais c’était une belle rando néanmoins, même si peu lumineuse.
Essai de 2018 sur la collapsologie. Je n’ai pas été convaincu par tout. Il y a des chapitres que j’ai trouvé très pertinents, et au milieu un ventre mou où j’étais moins convaincu par les concepts mobilisés et le fait qu’ils aient un intérêt au delà du jeu sur les mots.
Pour les parties que j’ai appréciée :
Le livre ouvre sur la remarque que le fait de parler de collapse ou d’effondrement oriente fortement les représentations : un effondrement c’est soudain. Dans Comment tout peut s’effondrer, y’a pas mal de précautions pour dire que les auteurs ne parlent pas forcément de phénomènes soudain, mais de fait avec ce terme c’est forcément ce à quoi on pense. Du coup fantasme de grand renouveau, de tabula rasa, etc. Pour les auteurs, d’autres termes auraient pu être mobilisés, comme « affaissement » ou « délitement ». On est dans des représentations plus exactes. C’est progressif, ça ne touche pas tout le monde, ça peut arriver sur des morceaux de la structure en en laissant d’autres intacts. Ça peut faciliter le fait de proposer des luttes locales contre, pour s’opposer à un effet local du délitement. C’est plus facile de dire qu’on est déjà dans le délitement de nos sociétés que dans leur effondrement, que ce délitement passe par le démantèlement des protections sociales et des services publics. Bref, ça permet d’articuler plus facilement les discours collapso avec les luttes de gauche.
Les acteurs parlent aussi de l’occidentalocentrisme du concept. L’effondrement/délitement de nos sociétés de pays du Nord est le quotidien depuis bien longtemps des pays moins dominants. Faut-il vraiment un nouveau concept pour en parler juste parce que ça nous touche nous ? Parle aussi du concept d’Anthropocène, qu’ils considèrent plus pertinent, en reprenant l’approche d’Anna Tsing et Donna Haraway, de nommer Plantacionocène : les impacts sur la planète ne sont pas dus à tou.te.s les humain.e.s de façon indifférenciée mais au système d’exploitation de l’espace, des humain.e.s, du vivant qu’est celui de la plantation : mettre en coupe réglée un milieu, pour le rendre productif, maximiser son rendement aux dépens de tous les phénomènes complexes qui s’y jouaient et de sa survie sur le long terme.
Détour aussi par l’extraction des savoirs : les luttes indigènes et locales, les savoirs produits par les marges sont récupérés par les grandes université du Nord, pour redynamiser leur cursus et leurs sujets d’études. Dans le savoir comme partout dans le libéralisme, les acteurs dominants bénéficient plus que les autres des productions de tou.te.s, même de leurs opposants (les auteurs remarquent qu’ils sont dans un tel cas avec leurs positions universitaires et l’écriture de ce bouquin).
Autre point d’intérêt : la remarque que l’Effondrement comme horizon inexorable de nos sociétés, en s’appuyant sur les courbes de l’exploitation des richesses, est un retournement du discours sur le Progrès : ce sont les mêmes chiffres qui sont mobilisés dans les deux cas mais pour appuyer un discours différent. L’Effondrement comme point de bascule serait le négatif de la Singularité dans les discours technosolutionnistes et transhumanistes. Les thèses collapso ont aussi un rapport avec la religion, dans leur façon de proposer une vérité révélée suivi par un nombre d’adeptes (ok, après c’est vrai de beaucoup de discours humains, d’avoir des points de comparaison avec un discours religieux).
Les auteurs soulèvent que parler d’Effondrement (plutôt que de Délitement) conduit à se focaliser sur des symptômes ponctuels : une sécheresse, une famine… Et à traiter ces symptômes. On est dans la réponse aux urgences, sans remettre en cause les problèmes systémiques qui les créent.
Enfin, reviennent sur le côté « les courbes montrent que l’on va dans le mur, c’est inéluctable ». Mettre en avant un côté inéluctable de l’Effondrement, c’est dire qu’il n’y a pas besoin de faire la Révolution en quelque sorte : le système s’effondrera de lui-même. On revient un peu aux thèses du jeune Marx sur le Capitalisme qui s’auto-dévore. L’Histoire a montré que c’était pas trop ça. Du coup mieux vaut lutter contre cette vision, ainsi que celle d’un Effondrement qui serait un grand Reset ponctuel qui permettrait de revenir à de meilleures valeurs précapitalisme : déjà parce que la vision d’un Âge d’Or post effondrement ça peut être affreusement réac (cf la fin de Ravage, de Barjavel), et aussi parce qu’on a un bon exemple d’effondrement dans le passé proche : l’URSS. Son délitement n’est pas allé avec la chute de l’État, au contraire c’est bien le truc qui a résisté et le délitement a touché le social. Il est donc important de lutter contre ce Délitement avec un point de vue et les outils de la Gauche, pour limiter la casse.
Novella située dans des années 1910 alternatives. 40 ans plus tôt, un scientifique soudanais hétérodoxe a libéré des djinns dans le monde humain. Avec ces alliés surnaturels, l’Égypte a repoussé les Anglais. Le Caire est devenu une ville-monde aussi importante que Paris et Londres. On suit deux employés du Ministère du Surnaturel, qui enquêtent sur une cabine du tram cairote hantée par une entité inconnue, à la veille du vote du Parlement sur le droit de vote des femmes.
J’ai énormément aimé. L’univers est super cool, j’espère que l’auteur reprendra cet univers pour écrire des trucs plus longs. C’est rétro, y’a du féminisme, y’a des personnages attachants, que demande le peuple ?