TeneT, de Christopher Nolan

Film d’action/SF sorti en 2020. Un agent secret est recruté par une agence encore plus secrète que d’habitude : des objets pour lesquels le temps s’écoulent de façon inversé ont commencé à apparaître à travers le monde. Ils seraient les traces d’une guerre future dont nous nous rapprochons progressivement.

Comme souvent avec Nolan j’ai été déçu : il y a un concept intéressant, la capacité d’inverser l’écoulement du temps en passant à travers une machine, qui donne d’ailleurs lieu à quelques belles séquences, mais c’est englué dans un film d’action avec la même esthétique froide et capitaliste que tous ses films, et y’a quatre milles trucs qui se passent à la seconde, qui laissent pas le temps de comprendre tranquillement le concept intéressant au fond. Ça sert d’ailleurs aussi à masquer un certain nombre de failles un peu béantes dans le scénario, ce qui est toujours un peu triste pour un film qui prétend mettre en scène un plan millimétré avec des bluffs et contre-bluffs. On voit d’ailleurs pas mal venir les plot-twists, et je dois dire que la corde émotionnelle n’a pas du tout marché sur moi parce que l’amitié virile de gars en treillis, bof.

Bref, du potentiel, mais gâché.

Deux, de Filippo Meneghetti

Film français de 2020. Nina et Madeleine vivent sur le même palier et sont en couple, mais Madeleine n’a jamais osé en parler à ses enfants. Alors que des tensions apparaissent dans leur couple, Madeleine fait un AVC qui la rend mutique. Nina se retrouve alors dans l’impossibilité vis à vis de la famille et de la loi de prendre en charge sa compagne, que ses enfants confient à une aide soignante.
Cantonnée à son appartement quasiment vide puisqu’elle passait tout son temps dans celui de Madeleine, elle va chercher par différents moyens de retrouver sa place dans la vie de sa compagne.

J’ai bien aimé globalement, mais j’ai trouvé que le film hésitait entre plusieurs genres. On a des tropes qui font très film d’horreur avec une voisine inquiétante qui s’immisce dans la vie d’une famille, ce que je trouve bizarre à mettre en scène dans le cadre d’une histoire d’amour (mais bon on peut aussi considérer que ce n’est pas une histoire d’amour, mais le récit d’un combat pour réussir à prendre sa juste place dans une famille, donc le fait d’avoir l’air inquiétante ou hostile dans le cadre d’un combat fait plus de sens). Le personnage de Nina est intéressant (celui de Madeleine est assez vite réduit à l’impuissance par son AVC, mais je pense qu’il aurait été intéressant de plus adopter son point de vue néanmoins), dans son côté prêt à se battre et à envoyer voler les conventions sociales pour retrouver son amoureuse.

Leurs enfants après eux, de Nicolas Mathieu

Le récit des trajectoires de plusieurs familles d’une vallée minière de la Lorraine, qui s’entremêlent durant 4 étés, en 1992, 1994, 1996 et 1998. On suit surtout les péripéties quotidiennes de trois adolescents du coin, Anthony, Hiacine et Steph’, alors qu’ils grandissent dans le désœuvrement qui caractérise la région. Anthony et Hiacine sont deux fils de familles pauvres, l’un blanc l’autre maghrébin. Steph’ est la fille d’une famille riche. On voit la reproduction sociale s’opérer sur eux, on voit les galères de leurs familles, l’emprise de l’alcool et des jobs de merde, la facilité du trafic de drogues et la galère qu’est la vie dans une région désinsdustrialisée pour les familles ouvrières, les petits arrangements quotidiens.

L’écriture en quatre partie étalées sur 6 ans permet de montrer les évolutions de trajectoire, les déviations puis retour dans la norme. Au delà des ados que l’on voit évoluer de leur 14 à 20 ans, on voit aussi les trajectoires de leurs parents, surtout la famille d’Anthony et un peu le père de Hiacine. On voit aussi le cercle social des trois personnages les plus mis en avant, qui ont des destins similaires à eux mais avec leurs idiosyncrasies. A lire en venant d’un milieu plus favorisé et urbain, y’a un petit côté mauvaise conscience du style « purée j’ai bien de la chance d’avoir échappé à ça ». Le fait de focaliser la narration sur les étés, les moments ou l’ordinaire de la vie de l’année est suspendue est intéressant, ça permet d’en faire des sortes de parenthèses ou le champ des possibles s’ouvre, ou celles et ceux qui sont partis faire des études ou travailler loin de la vallée y reviennent ponctuellement et croisent ceux qui ne sont jamais partis.

Je recommande si vous aimez le réalisme social.

State of the Machin 2021

Pas mal de changements depuis le précédent. Deux confinements et (bientôt) deux doses de vaccin en plus, déjà.
J’avais mentionné une démission, j’ai retrouvé un travail : j’ai commencé en avril pour trois ans à travailler dans une communauté d’agglomération. J’ai aussi déménagé : j’ai quitté Pau pour m’installer dans ma nouvelle communauté d’agglomération, logiquement.

En terme de ville, c’est un peu plus petit. C’est très joli, surtout le centre historique dans lequel j’habite. Par contre arrivé à la veille du troisième confinement et travaillant dans un bâtiment où j’ai peu de collègues de ma structure et qui ne sont pas dans la même dynamique que moi, je peine un peu à me faire des ami.es pour le moment. C’est un point qui je pense va se résoudre avec la réouverture de l’ensemble des activités et lieux culturels, mais qui me préoccupe un peu : je trouve de moins en moins facile avec le temps de se recréer des cercles sociaux, surtout en débarquant seul dans un nouvel environnement. J’ai rencontré une collègue qui bosse sur un autre site avec qui je m’entends bien, j’ai vu sa colocation, mais ça reste une sociabilité très épisodique.
Je me suis installé dans une colocation dont je suis fort satisfait, avec notamment l’idée de kickstarter ma sociabilité, mais si je m’entends très bien avec mes colocs, pour autant il n’y a pas vraiment de dynamique de groupe qui se créée. C’est difficile à dire à quoi ça tient le fait que ça prenne ou non, mais c’est un peu dommage. Pendant qu’on est sur le sujet de la colocation, j’habite aussi pour la première fois de ma vie avec deux chiens : ça se passe bien même si l’un de deux est un peu un grand froussard qui ne me laisse pas approcher et aboie à fond dès qu’un inconnu déambule dans la cour devant la maison. Fin août, OC redéménage vers Paris pour y prendre un poste : ça va être un peu relou en terme de distances, il n’y a pas de trains directs, il va falloir réapprendre à gérer ça après 4-5 mois à vivre à une heure de train seulement. On verra ce que ça donne, mais que j’appréhende un peu là aussi.

Côté boulot, j’ai donc commencé il y a maintenant bientôt trois mois. Le boulot me fait voir des thématiques variées, mais reste en son cœur très administratif. J’y suis bon, mais ça ne m’enthousiasme pas plus que ça. Si tout se passe bien à côté je n’aurai pas de souci à y passer 3 ans, mais inversement je n’aurai pas trop de scrupule à le quitter si j’ai une meilleure opportunité (mais so far je ne compte pas chercher activement une telle opportunité : chercher un taff et déménager c’est fatigant, et ce travail se passe bien en soi ; je me dis juste que c’est pas le job de mes rêves, même si je suis content d’être de retour dans le secteur public ; je vais profiter de voir des thématiques nouvelles pour apprendre des trucs et on verra dans trois ans). J’avoue que j’ai une certaine tendance à me comparer aux trajectoires de connaissances plus ou moins proche et à me dire que j’ai pas forcément tout très bien négocié ; typiquement quand je vois d’anciens camarades de promotion être cités comme des références de leur domaine dans les journaux où quand je vois l’évolution de mon revenu par rapport à celui d’autres ami.es, je me dis que j’ai pas joué mes cartes au mieux – je sais intellectuellement que c’est pas les meilleurs marqueurs de réussite – et que même le concept de réussite est un peu pourri au cœur, mais c’est dur de sortir de cette logique, surtout quand on n’a pas l’impression d’avoir une vie sociale ultra-épanouie par ailleurs.
Autre point pas essentiel mais cependant agaçant : ma structure a annoncé un retour en full présentiel au début de juillet. Je pense que je vais trouver ça très relou, ça s’inscrit dans une dynamique de manque d’autonomie et d’infantilisation que je trouve de plus en plus pénible dans l’emploi salarié. On verra s’ils changent leur fusil d’épaule sur ce sujet d’ici la fin de mes trois ans chez eux, mais franchement y’a plutôt intérêt.

Sur les autres sujets en vrac :

j’ai très peu conduit cette année, logiquement. Y’a des voitures de service dans mon taff, je me dis que ce sera pas mal de reconduire un peu dessus. J’en ai déjà pris ponctuellement, clairement j’ai perdu en niveau de conduite. Rien de désastreux mais c’est quand même agaçant.
Je continue au quotidien à me déplacer en vélo. C’est déjà ça de pris, mais par contre je n’ai pas repris l’escalade depuis septembre dernier. Y’a une salle à Albi mais elle est chère et pas placée à l’endroit qui m’arrange le plus : elle est à 20-25 minutes de vélo de mon boulot et de chez moi, ça ne simplifie pas la pratique quotidienne. Je cherche un buddy d’escalade pour essayer de faciliter la motivation. Niveau spéléo on m’a recommandé un club dans un village à 1h de vélo de là où j’habite, pareil ça a un peu coupé ma motiv. Je touche un peu la limite de la vie sans voiture, vue la taille de la ville où je suis.
Je n’ai pas du tout avancé sur les questions d’achat immobilier : le manque de certitudes sur une installation de long terme à un endroit avec une communauté d’ami.es autour est quand même un gros facteur bloquant.

C’est tout pour cette année : c’est pas une tonalité globale très enthousiaste, je pense que le manque de sociabilité locale me mine un peu ; il faudra voir sur le plus long terme ce que ça donne.

An Unkindness of Ghosts, de Rivers Solomon

Silo x Underground Railroad

Roman de science fiction. L’histoire prend place à bord du Matilda, un vaisseau spatial générationnel qui a quitté une Terre dévastée des centaines d’années auparavant en quête d’une nouvelle planète habitable. Le vaisseau est organisé en ponts, avec une stricte stratification sociale et raciale : la classe dirigeante blanche vit dans les ponts A, B, C… et les travailleurs noirs vivent dans les ponts N, O, P, Q…
L’héroïne, Aster, est une docteure noire et neurodivergente, qui cherche à percer le mystère de la disparition de sa mère, alors que l’agonie du Souverain est annonciatrice de changements (en pire) dans la politique du vaisseau…

C’est assez difficile à décrire parce que c’est très riche. J’ai trouvé ça très réussi en termes de description de l’univers : on rentre tout de suite dans le quotidien du vaisseau générationnel, y’a une foultitude de détails, l’univers semble dense et plein de détails, pas juste une toile de fond pour que l’histoire de l’héroïne se déroule. Le côté racisme futuriste et abus quotidiens est très réussi aussi (d’ailleurs trigger warnings sur de la violence physique, psychique et sexuelle) : on n’a aucun mal à croire à ce vaisseau aux principes physiques de fonctionnement ultra avancés mais avec des dynamiques sociales particulièrement réactionnaires. La résolution finale ne m’a pas entièrement convaincu, mais c’est un point assez mineur par rapport à la réussite du reste du roman.

Les personnages sont aussi très réussi : en premier lieu l’héroïne, dont Rivers Solomon retranscrit superbement le monologue intérieur, sa difficulté à appréhender certaines situations et certains indices comportementaux et les mécanismes qu’elle a mis en place pour suppléer à ces problèmes, ses demandes de confirmation à ses interlocuteurs, sa frustration devant les métaphores et les sous-entendus.
Mais ça ne s’arrête pas à l’héroïne, les personnages secondaires sont très réussis aussi. Je vais pas détailler chaque, mais le personnage de Giselle, ses comportements auto-destructeurs et abusifs sont vraiment très réussis. Sa relation à Aster est complexe et ultra intéressante, c’est un personnage devant lequel il est impossible de ne pas être ambivalent. Plus en retrait dans l’histoire, le personnage d’Aint Melusine est aussi pourtant très bien caractérisé, la présence maternelle dans la vie d’Aster et Giselle. Le point de vue de la narration adopte le sien pour un unique chapitre, et ça lui donne instantanément une profondeur supplémentaire.

Grosse recommandation.

Fantastic Mr. Fox, de Wes Anderson

Film d’animation sorti en 2009. Fox est un ancien voleur de poules rangé des bolides depuis la naissance de son fils. Lassé de sa vie monotone, il décide de commettre un nouveau casse : s’introduire chez les trois plus gros fermiers du pays pour se servir dans leurs stocks. Mais les fermiers n’entendent pas se laisser dévaliser et unissent leurs moyens considérables pour se lancer dans une gigantesque chasse au renard…

C’était très très bien. Le film mélange plusieurs niveaux de lectures et plusieurs inspirations : le roman source de Roal Dahl évidemment, mais aussi les films de braquages (donner la voix de George Clooney à Fox n’est pas anodin), les westerns (superbe scène de stand down dans un petit village anglais en animation), les films d’arts martiaux (un peu via le personnage de Kristofferson mais surtout via le personnage de Rat). Y’a un discours sur la vie de couple et paternité, sur la vie en communauté vs l’envie de n’en faire qu’à sa tête, sur le fait de jouer un personnage, sur la répression policière… Y’a évidemment des discours à la Wes Anderson (« you’re disloyal »), en bande son superbe (une musique originale d’Alexandre Desplat et des insertions de chansons très réussies).

Grosse recommandation.

Lupin, de George Kay

Nouvelle série Netflix, qui réactualise le personnage de Maurice Leblanc. On sent une inspiration du côté du Sherlock de Moffat, qui est visible ne serait-ce que dans les habits du personnage principal. Par contre on a un héros qui est moins un connard et des mécanismes narratifs assez différents.

Le paragraphe suivant spoile l’épisode 1.

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Tatie Danielle, d’Étienne Chatiliez

Film français de 1990. Danielle Billard est une octogénaire acariâtre qui méprise tout le monde, et surtout les gens qui s’occupent d’elle : sa gouvernante d’abord, puis ses neveux et nièces, et enfin la jeune fille au pair qui doit la gérer pendant un été. Elle traumatise tout le monde autour d’elle à coup de petites remarques fielleuses et de gaslighting.

C’était sympa. Y’a un problème de rythme dans le film avec des parties qui sont un peu décousues, mais les personnages sont très réussis. Danielle forcément, mais aussi son entourage, que ce soit les gens bienveillants autour d’elle qui en prennent plein la figure (mention spéciale à sa belle-nièce) ou la jeune fille au pair qui va lui résister et lui dire d’aller se faire voir quand elle abuse. Ça donne des personnages féminins qu’on a pas trop l’habitude de voir à l’écran, aussi bien pour le côté âgé que pour le côté infernal.

Sans que ce soit le film du siècle, j’ai passé un bon moment devant.