The Wicker Man, de Robin Hardy

Film britannique de 1973. Un policier débarque sur Summerisle, une petite île au large des côtes écossaises. Il a reçu une lettre anonyme annonçant la disparition d’une enfant sur l’île. Une fois sur place, il réalise rapidement que les habitants suivent une tradition païenne et que la disparue va probablement être sacrifiée aux dieux de la moisson.

J’ai beaucoup aimé. Le scénario a l’air assez basique, il l’est, et vu qu’il a inspiré un bon paquet de films similaires depuis, on pourrait craindre le manque d’intérêt du précurseur. Il n’en est rien, le film étant assez unique par sa manière de mettre en scène et de filmer son sujet. On suit le point de vue du policier, mais alors qu’il réalise rapidement qu’il y a quelque chose de pas très catholique qui se trame et qu’il est révulsé (lui est profondément chrétien), on reste dans une ambiance tranquille, il fait beau, les gens préparent le festival, tout le monde chante (dans le film ou en extradiégétique) – généralement des chansons avec un sous-texte sexuel. On a des petites explications sur les traditions du coin, la caméra s’attarde sur des détails du décor, c’est presque un documentaire. Et du coup même si on suit le policier, on n’est pas vraiment de son côté. C’est le mec relou et rigide qui vient s’indigner de tout, et expliquer aux gens que leur traditions n’ont aucun sens et qu’ils feraient mieux de croire à la résurrection et à la transsubstantiation, des choses raisonnables, elles. Par ailleurs il ne cesse de se réclamer de son autorité de policier alors qu’il est venu seul sur l’île, n’a pas de moyens de communication et dépend des habitants même pour retourner à son hydravion.

J’ai aussi été assez frappé de voir à quel point The Third Day, que j’ai regardé l’année dernière semble être un décalque du film en moins réussi. Il y a vraiment d’énormes similarités entre les deux œuvres, mais avec 45 ans de plus, The Third Day fait largement moins bien que son modèle.

Bref, y’a une ambiance assez unique qui se dégage du film, grosse recommandation.

Broken Earth, de N.K. Jemisin

Trilogie de fantasy publiée entre 2015 et 2017. L’histoire se déroule dans un monde avec une tectonique bien plus intense que la nôtre, provoquant périodiquement des cataclysmes d’ampleur continentale. Les habitants de ce monde se sont adaptés à cet état de fait, certains empires arrivent à survivre aux cataclysmes, mais périodiquement la civilisation régresse, les communications sont coupées, l’hiver volcanique s’installe pour plusieurs années. Parmis les humains de ce monde, les Orogènes disposent d’une affinité naturelle avec les énergies telluriques. Soupçonnés de déclencher cataclysmes, éruptions et tsunamis, ils sont craints et détestés, et ne peuvent survivre qu’au sein d’une organisation qui les réprime et les entraine à la fois, le Fulcrum. On suit Syenite, une Orogène du Fulcrum envoyée en mission avec un autre Orogène, et qui va découvrir un certain nombre de vérités sur le passé de sa planête et son fonctionnement.

C’est une trilogie dans un univers très original et très ambitieux. Jemisin arrive parfaitement à tenir la ligne entre SF et fantaisie, avec des mentions d’artefacts de civilisations disparues avec d’immenses pouvoirs, des Orogènes qui peuvent manipuler les énergies telluriques dans un monde avec de l’hydroélectricité et des routes goudronnées. Une grosse part du bouquin parle d’esclavage, d’impérialisme, de colonialisme, de génocide, sans en faire de la dark fantasy, les thèmes sont lourds mais la mise en scène en est réfléchie et posée. Les personnages sont globalement très réussis, après sur la longueur de la trilogie j’ai trouvé qu’il y avait des gimmicks qui revenaient un peu pour certains (globalement je pense qu’un peu plus d’édition aurait bénéficié au livre). Les questions de liens familiaux, amoureux et amicaux sont aussi au coeur du livre, ainsi que la question de l’éducation, présentée en plein de variantes.

Grosse recommandation si vous voulez de la fantasy qui s’éloigne assez radicalement des tropes habituels. Le premier tome méritait très largement son Hugo à mon sens, je suis moins convaincu pour les deux suivants qui s’ils sont toujours très bien et élargissent encore l’univers, n’ont cependant pas la puissance du premier.

The North Water, d’Andrew Haigh

Mini-série de 2021 en 5 épisodes d’une heure. dans les 1880’s, un chirurgien renvoyé de l’armée coloniale britannique embarque sur un baleinier qui part pêcher dans les eaux arctiques. L’expédition va mal tourner pour plusieurs raisons, et l’équipage va devoir affronter à la fois ses démons intérieurs et les conditions environnementales plus qu’hostiles.

J’ai beaucoup aimé les premiers épisodes – de façon générale j’aime beaucoup les séries sur des bateaux à voile, je pense (cf la saison 1 de The Terror). Moins la seconde partie, une fois que l’équipage a dû abandonner le navire. C’est vraiment le décor du bateau, le côté huis clos que ça permet que je trouve intéressant. Dans la seconde partie, il y a un peu trop de rebondissements dans tous les sens à mon goût, ce qui fait perdre un peu de la crédibilité de la série et des personnages.

Biarritz avec mer agitée

On a eu globalement beau temps sur la semaine, il y a juste eu un jour où la queue de la tempête Aurore est passée sur la côte, ce qui a donné une mer bien agitée. Photos en majorité prises par OC.

Phare de Biarritz
Digue et vagues
Rocher de la Vierge
Montagnes et nuages
pont du basta (le grain de l’image est dû à toutes les gouttelettes en suspension)
Front de mer biarrot

Work in Progress, d’Abby McEnany et Tim Mason

Série télé qu’on a regardé en simultané avec OC, sortie en 2020 et se déroulant à Chicago. On suit la vie d’Abby, femme queer de 45 ans qui commence à sortir avec un mec trans de 22 ans.

C’était fort bien. Le dernier épisode est un peu déstabilisant parce qu’après avoir beaucoup épousé le point de vue d’Abby et fortement empathisé avec elle, on la voit soudain faire de la merde et depuis une perspective plus lointaine.

Je trouve intéressante la présentation d’Abby comme quelqu’un qui à la fois lutte pour gérer ses états mentaux – OCD, parler à la photo de sa psy, mentionner qu’elle est au bord de spiraler à plusieurs moments – et qui en même temps arrive à défoncer les gens qui la font chier, a des ami.e.s, un système de support, bref gère plein de trucs. Et je trouve aussi bien que ses difficultés mentales ne soient pas montrées comme « je rentre chez moi et là à l’abri des regards je fais une crise de panique » comme c’est souvent un cliché dans les films/séries.

De façon générale tous les persos sont très réussis je trouve. Mention spéciale pour sa némésis au boulot, un rôle mineur mais génial.

Saison 2 :

Abby n’est plus avec Chris, sa vie a été bouleversée par pas mal d’événements d’un coup : une promotion, la perte de ses journaux dans une inondation, une colocation avec son amie Campbell. Elle semble à la fois plus stable sur certains points, et en même temps en perte de pas mal de ses repères : un des fils rouges de la saison est constitué de ses tentatives de retrouver un psy qui lui convienne. En plus de ces événements perturbateurs initiaux, plusieurs autres vont arriver dans le cours de la saison, dont notamment l’impact du covid sur sa vie ; la série réussit très bien à mettre en scène l’impact de la pandémie – et je pense que c’est beaucoup lié au réalisme de la série par ailleurs : il est facile d’y intégrer l’impact réel du covid parce que les événements et les personnages montrés sont déjà particulièrement vraisemblables. La série parle toujours beaucoup de santé mentale et de communauté queer, et rajoute tout un pan sur l’enfance d’Abby et sa relation avec son père (là où la première saison parlait plus de sa relation avec sa mère).
On l’a regardé en une semaine avec OC, je pense que c’est une série que je recommande très fortement, qui réussit très bien à parler de sujets complexes et avec un point de vue original.

Schmigadoon!, de Cinco Paul et Ken Daurio

Série télévisée musicale de 2021. Un couple de médecins new-yorkais de notre époque et dont la relation se déteriore se retrouve lors de vacances romantiques coincés dans la ville magique de Schmigadoon, une ville fonctionnant selon les standards des comédies musicales de l’âge d’Or. Là, leurs interactions avec les différents habitants va leur faire prendre conscience que l’amour (comme la Révolution – mais ça c’est moi qui rajoute, pas la série) n’est pas un acquis mais toujours un process.

C’était sympa (mais je suis pas très difficile en terme de série/comédie musicale), mais anecdotique. Le décalage entre les deux protagonistes modernes (dont un des deux n’aime pas les comédies musicales et refuse de chanter) et le reste du cast coincé 75 ans plus tôt et beaucoup trop réjoui fonctionne très bien. Mention spéciale à Kristin Chenoweth qui trippe à fond dans le rôle de la méchante, leader des Mothers Against the Future.

L’Âge des lowtechs, de Philippe Bihouix

Essai de 2014, réactualisé en 2021. Bihouix discute de l’insoutenabilité du fonctionnement de l’économie mondiale et du mode de vie occidental, en terme d’exploitation de ressources finies. Plutôt que d’adopter une perspective catastrophiste dans le style de la collapsologie, il détaille ce que pourraient être des alternatives qui passeraient par l’abandon de la high tech, l’ensemble des technologies et innovations actuellement promues, qui sont là pour minimiser les efforts des utilisateurs et le sentiment de friction avec le monde, mais au prix d’une énorme consommation de ressources et de très gros besoin de maintenance.

À la place, il propose de se tourner vers les low techs, des technologies moins efficientes mais plus résilientes, faisant la part belle à une sobriété d’utilisation des ressources rares, une augmentation drastique de la réparabilité, du réemploi et du recyclage des différents composants des appareils techniques nous entourant. Il avertit que cela passe par une modification importante des modes de vie, un renoncement à un certain confort matériel mais au profit d’une diminution énorme de leurs coûts cachés, qu’ils soient délocalisés dans des pays non occidentaux ou aux classes moins aisées de ces pays : on perd la possibilité de la voiture individuelle et des trains à grande vitesse, mais au profit d’une diminution énorme de la pollution et d’une augmentation du temps libre. On renonce aux projets mégalos d’énergies fossiles comme renouvelables pour le fait de mettre davantage de pulls en intérieur en hiver, en promouvant la sobriété énergétique.

C’est une approche intéressante, pas forcément très optimiste sur le succès que nous aurons a effectivement effectuer cette transition, mais qui rassemble des éléments que j’avais pu lire chez Fressoz, Servigne, Négawatt… un ouvrage intéressant pour penser la transition de façon globale et en évitant les pièges du marketing autour du développement durable et de la croissance verte ou autres équivalents greenwashants.

Spinning, de Tillie Walden

Bande-dessinée autobiographique où l’autrice de On a sunbeam raconte les années de sa jeunesse où elle faisait du patinage artistique et synchronisée. Elle détaille comment les entrainements et les compétitions dans des patinoires du sud des États-Unis rythmaient sa vie, ses amitiés féminines, son coming out auprès de sa famille, son premier amour…

C’est une BD assez volumineuse mais très agréable à lire, Walden est très douée pour faire partager des sentiments, des émotions. Le dessin est en noir et blanc et jaune, avec le jaune utilisé pour mettre en valeur certaines illuminations, ça marche très bien.

Je recommande.