The Grace Year, de Kim Liggett

Dystopie US de 2019, assez décevante. On est dans un univers rural, où les femmes sont réputées développer des pouvoirs magiques à l’adolescence. Pour que ces pouvoirs ne détruisent pas la communauté, l’année de leur 16 ans (l’Année de Grâce du titre), toutes les adolescentes sont envoyées sur une île où elle vivront entre elles le temps que leur magie se manifeste puis s’épuise. Puis elle reviendront épouser un homme ou rejoindre une communauté de travailleuses. Cette question de l’année de Grâce et du mariage forcé ont toujours intrigué et révulsé Tiernay, l’héroïne, qui va chercher à comprendre ce que cachent ces rituels…

Sur le papier ça avait l’air cool, une dystopie féministe avec un côté Sa Majesté des Mouches/Yellowjackets/The Purge. Mais ça ne fonctionne pas bien, je pense par manque d’un sérieux travail d’édition. Il y a pas mal d’éléments intéressants dans le livre, mais il y a trop de trucs, trop d’éléments qui arrivent d’un coup, ne sont pas bien installés, bien explicités. La fin aurait dû arriver 40-50 pages plus tôt aussi. Soit il fallait couper des trucs, soit il fallait assumer d’en faire une trilogie et pas un seul roman où ça va à 4000 à l’heure. Là y’a un vrai problème d’écriture.

D’autant plus décevant qu’on voit le potentiel gâché. On a l’impression que l’idée de l’éditeur c’était que les dystopies féministes c’était bankable alors allons y sortons des trucs sans y regarder à deux fois. Mais The Handmaid’s Tale ça fonctionne parce que l’écriture et les personnages sont réussis.

Enchanted, de Kevin Lima

Film des studios Disney paru en 2007. Une princesse de conte de fées se retrouve projetée à New York par le pouvoir d’un sortilège. Son prince va tenter de la retrouver, pendant ce temps elle découvre le fonctionnement d’un monde fortement différent du sien, et rencontre un charmant avocat qui élève seul sa fille.

J’étais agréablement surpris ; pour un film Disney qui mélange comédie romantique et pseudos conte de fée, l’œuvre connaît très bien ses tropes et joue très bien avec. J’ai quelques questions sur pourquoi la magie fonctionne dans notre univers pour les personnages de l’univers des contes de fée, mais rien qui n’empêche de profiter du film. Les personnages ont aussi une tendance à se téléporter et à se débrouiller pour être au bon endroit au bon moment pour mettre en place leurs plans (surtout l’homme de main de la grande méchante), mais c’est assez assumé je pense en termes de conventions narratives. Pour le reste, c’était sympa, peut-être qu’il y aurait eu moyen de subvertir davantage le concept de True Love’s Kiss, mais sinon ça réussit bien son trip de comédie romantique.

Bonne surprise.

L’Année du Requin, de Ludovic et Zoran Boukherma

Film français sorti en 2022. A la pointe, station balnéaire de Gironde, la commandante de gendarmerie Maja Bordenave (Marina Foïs) vit sa dernière semaine sous les drapeaux avant sa retraite à 49 ans. Ultra attachée à son métier elle ne le vit pas très bien. La découverte de la présence d’un requin tueur va lui permettre de rempiler une semaine supplémentaire.

Grosse déception. Y’avait beaucoup de potentiel mais le film n’en fait rien. On a l’impression qu’ils setuppent plein de situations pour n’en rien faire. La partie « requin tueur » est réussie, mais c’est noyé dans un truc qui pourrait faire un film comique (Marina Foïs, JP Zadi, Kad Merad, y’avait de quoi faire une comédie populaire) mais qui ne se décide jamais à vraiment faire des blagues. Juste, on attend que ça passe.

It’s Lonely At the Centre of the Earth, de Zoe Thorogood

Comic autobiographique d’une dessinatrice anglaise, parlant de sa dépression, des attentes (les siennes et celles des autres) sur ce que vont être sa vie et son œuvre maintenant que son premier comic a connu du succès.

J’ai pas mal aimé. C’est assez méta, avec plusieurs styles de dessins qui s’entremêlent, plusieurs incarnation de Zoe qui s’interpellent les unes les autres, une tentative de rebooter la bédé de façon plus positive et linéaire à mi-chemin. Le côté introspectif (et dépressif) m’a fait penser à du Carrère, d’une certaine façon. La mise en récit graphique d’une dépression m’a aussi fait penser à C’est comme ça que je disparais, de Mirion Malle, mais j’ai préféré It’s lonely… dans sa mise en forme.

It’s prepping time : délestage édition

En France, pour l’hiver 2022-2023, le gouvernement annonce de potentiels délestages du réseau : des coupures par zone, aux moments où le réseau serait le plus sollicité (8h-13h et 18h-20h, en semaine et par grand froid). Par ailleurs, même si c’est peu probable il y a un risque (faible mais non-nul) de black-out : un crash du réseau électrique, plus ou moins localisé, et plus ou moins long à résoudre (probablement quelques heures, mais ça pourrait aller jusqu’à quelques jours si c’est vraiment la merde).
Ce sont des scénarios peu probables, et plus on va dans l’apocalyptique, moins ils sont probables. Néanmoins, ça vaut le coup d’anticiper leur arrivée pour atténuer les dégâts qu’ils pourraient engendrer (une idée dont le gouvernement aurait pu se saisir, mais une fois de plus on va plutôt compter sur l’auto-organisation). Du coup, voici quelques mesures à mettre en place (la 7e va vous étonner !)

Pour les délestages ou le risque de black-out court :

  • Si le délestage est annoncé, anticipez-le en chargeant vos équipements (en heures creuses idéalement). Pensez aussi à mettre vos éventuels volets électriques en position ouverte avant le début du délestage, et à ne pas vous trouver dans un ascenseur au mauvais moment.
  • Investissez dans une frontale si vous n’en avez pas déjà une, chargez-la si vous en avez. Temporairement vos téléphones feront lampe, mais ça ne vaut pas une bonne frontale. Sachez où elle est, de préférence à un endroit facilement accessible : table de nuit, porte-manteau de l’entrée. Je dirai que potentiellement, baladez-vous avec la frontale sur vous, mais les délestages surprises ne sont vraiment pas très probables.
  • Vérifiez si vous avez une trousse de secours/une armoire à pharmacie avec des stocks raisonnables (masques, pansements, désinfectant, paracétamol, contraception, les divers médicaments que vous prenez régulièrement).
  • Pour les cyclistes, ayez des éclairages et des vêtements rétro-réfléchissants (gilet jaune ♥). C’est toujours un bon conseil mais sans éclairage public c’est un excellent conseil. Plus généralement, limitez les déplacements durant la coupure d’électricité si vous le pouvez.
  • Bougies : on aime tous les bougies mais c’est un risque réel d’incendie (spoiler : ça implique du feu). Privilégiez les chauffes plats (moins de risque de renversement), et une installation sur un support stable et non inflammable. Ne laissez pas des bougies allumés dans des pièces où vous n’êtes pas. En termes d’anticipation, ayez les chauffes-plats chez vous avant le délestage, dans un endroit identifié et avec un briquet ou des allumettes à portée de main.
  • Prévoyez éventuellement une batterie externe de bonne capacité si vous voulez pouvoir utiliser votre ordiphone/votre ordi (et anticipez le téléchargement d’un film ou deux), mais perso je recommande plutôt d’avoir un bouquin à lire ; par ailleurs s’il n’y a pas d’électricité il n’y a pas d’antennes relais, et donc pas de réseau.
  • Limitez l’ouverture du frigo et du congélateur, sur une coupure d’électricité de quelques heures ils resteront fonctionnels. Mettez un glaçon dans un verre dans votre congélateur, si un black-out a lieu, le glaçon fondra et épousera la forme du verre, ça vous permettra de savoir si le black-out était suffisamment long pour mettre en danger la consommation des aliments
  • Si vous habitez à plusieurs, rassemblez-vous dans la même pièce pour garder la chaleur corporelle au même endroit.
  • Ce n’est pas vrai de tous les téléphones, mais vérifiez si le vôtre peut capter la radio (avec des écouteurs filaires qui font antenne), ça permet d’avoir des nouvelles quand le réseau est down.

Pour anticiper les peu probables black-out plus longs :

  • Ayez une petite réserve de cash à la maison. Pas de courant, pas de carte bleue ni de distributeurs de billets.
  • Récupérez de l’eau en bouteille (un pack de secours à la maison en anticipation du pb, et possibilité d’en racheter avec votre cash ?). Si la coupure dure longtemps, la fourniture d’eau ne sera plus assurée, faute de pompes.
  • Ayez de la nourriture qui peut se consommer froide (ou ayez un réchaud à gaz pour réchauffer des aliments). Prévoyez d’avoir quelques conserves adaptées sous la main par exemple.
  • Prévoyez des plaids et plusieurs couches de vêtements
  • Si vous avez des ami.es géographiquement proches, prévoyez éventuellement de vous checker les uns les autres, voire de passer le blackout ensemble. (qui va chez qui ? à quel moment ?), parce que once again, pas d’élec, pas de téléphone.

Merci à louis pour le beta-reading.

Sources :

Le Sommet des Dieux, de Patrick Imbert

Film d’animation de 2021, adaptation du manga éponyme de Jiro Taniguchi. On suit Fukamachi, un journaliste japonais qui enquête sur Abu, ancienne étoile montante de l’alpinisme disparu des radars depuis plusieurs années. Fukamachi pense qu’Abu a récupéré l’appareil photo de Mallory, un anglais disparu sur l’Everest dans les années 20, et qui aurait pu potentiellement atteindre le sommet. D’abord intéressé par l’appareil photo, Fukamachi va aussi être fasciné par la vie d’Abu, son intransigeance par rapport à l’alpinisme et sa tentative de faire vaincre l’Everest en hivernal par une face complexe et sans oxygène.

J’ai bien aimé, comme j’avais bien aimé le manga, mais je pense que j’ai moins pris une claque sur les visuels qu’avec le manga, paradoxalement. L’histoire est aussi resserrée, on a moins la progression lente dans l’enquête de Fukamachi qu’on avait dans le manga. Mais les couleurs sont belles et la musique est réussie.

Mad God, de Phil Tippett

Film d’animation expérimental paru en 2021. Plusieurs techniques d’animation sont utilisées pour raconter la descente de plusieurs explorateurs toujours plus profondément au sein d’une cité esclavagiste, de paysages pourrissants, d’une guerre nucléaire, …

C’est très bien réalisé, mais c’est fort sombre. Il n’y a pas vraiment de paroles, et c’est dystopie sur dystopie, avec cet enfoncement toujours plus profond fort symbolique, ça fait très représentation d’un bad trip. En même temps le medium de l’animation rajoute une distance qui fait que ce n’est pas insoutenable à regarder malgré la noirceur du propos.

Intéressant pour le côté expérimental.

Plan 75, de Chie Hayakawa

Film japonais paru en 2022. À 20 secondes dans le futur, le Japon a adopté une loi, le Plan 75, permettant aux personnes de plus de 75 ans de se faire euthanasier, pour lutter contre le vieillissement de la population. En échange de cet acte citoyen, les volontaires reçoivent 100 000 yens (~800€), leur permettant de financer leurs obsèques, de s’offrir un restau ou un hôtel pour leurs dernier jours. On suit plusieurs point de vue, un jeune cadre du Plan 75, deux travailleuses, une dans un centre d’euthanasie et une à la hotline du Plan, et quelques candidat.e.s au Plan.

J’ai beaucoup aimé. Le film montre très bien comment il s’agit d’une politique classiste, visant à littéralement tuer les plus pauvres (le Japon ayant un système de retraite merdique, on suit notamment un groupe de femmes de ménage qui travaillent encore à 75 ans révolus), avec des incitations à s’inscrire au plan dans les soupes populaires, les agences d’aide sociale… C’est aussi très bien filmé en terme de mise en scène des plans, jeux sur la profondeur de champ, scènes qui s’attardent sur des détails comme une branche d’arbre ou de la neige qui fond sur un pare-brise. Très bonne surprise.

American Hippo, de Sarah Galey

Deux novellas uchroniques états-unienne, paru en 2017 (River of Teeth et Taste of Marrow). Les États-Unis ont introduit des hippopotames en Louisiane pour en faire une source de viande. Des ranchs se sont créés, centrés autour des zones marécageuses. Toute une économie similaire à celle des troupeaux bovins et des cow-boys dans les Grandes Plaines s’est développée. Mais sur une portion du Mississipi, une population d’hippos sauvages échappés des ranchs règne sur les marais. Et les hippos étant des créatures dangereuses et vicieuses, c’est quelque peu un problème. Une équipe de hoppers (=des cowboys d’hippos) est engagée pour nettoyer la zone en sortant les hippos pour les amener sur la côte. Mais rien ne va se passer comme prévu.

C’était agréable à lire mais sans trop de fond. C’était trippant d’avoir tout ce délire sur les hippos américains, c’est un setup d’uchronie original, mais ça fait juste deux novellas marrante, j’ai pas trouvé le fond de l’histoire ou les personnages plus notables que ça.

L’Astronaute, de Nicolas Giraud

Film français de 2023, vu en avant-première au festival des Œillades. Jim Desforges est un ingénieur en aéronautique chez Ariane. Il a candidaté pour être astronaute en 2009, mais a été classé 3e : non sélectionné. Il est cependant resté obsédé par l’idée d’aller dans l’espace, et détourne des pièces au boulot pour construire dans une grange sa propre fusée, avec l’objectif de réaliser le premier vol spatial amateur. Une reproduction du vol de Leonov, un tour de la terre et une sortie extra-véhiculaire. Pour ce faire, il va s’entourer d’un ami chimiste, d’un ancien astronaute, d’une mathématicienne et de sa grand-mère.

Sans être révolutionnaire, c’était plutôt sympa. Les rôles féminins ne sont pas très développés, c’est un film qui se concentre sur les personnages masculins, en mode « des mecs à l’ancienne », ie des ingénieurs ou geeks taiseux, obsédés par un projet particulier. Mais dans ce créneau ça marche bien. On a plein de plans sur les pièces de la fusée en train d’être construite, un convoi exceptionnel, le lever de la fusée à la grue : plein de scène bien filmées qui parlent totalement aux amateurs de grosses machines (oui, j’étais pas mal dans le cœur de cible, je pense). La photographie, notamment des scènes de nuit ou dans la montagne est bien réussie.