Archives de catégorie : Screens, thousands of them.

Cruella, de Craig Gillespie

Film Disney de 2021, qui revient sur les origines de l’antagoniste des 101 Dalmatiens.

Il y avait des passages intéressants, mais globalement le film est trop long : il dure 2h13 et il aurait dû tenir en 1h30. Beaucoup de détails, de digressions. Franchement toute la partie avant que Cruella ne soit engagée chez House of Baronness aurait dû être expédiée beaucoup beaucoup plus vite. Sa double vie de styliste punk indépendante et subalterne chez Baronness est réussie, les happenings sont bien mis en scène, et c’est vraiment ça qui aurait dû représenter l’essentiel du film. Toute la vengeance finale prend à nouveau beaucoup de temps, avec les révélations familiales multiples dont les enjeux ne sont pas passionnants. Les références au dessin animé sont aussi très lourdement amenées, c’est du fan service assez gratuit.

Cruella et la Baronne sont très bien jouée, leur dynamique marche bien (même si c’est un sacré rip-off du Diable s’habille en Prada, comme le fait remarquer MNL), y’a une jolie esthétique dans les scènes qui se passe dans le milieu de la mode, mais sinon c’est boursouflé.

Promising Young Woman, d’Emerald Fennell

Film US sorti en 202[0/1]. Cassie est une femme qui passe ses soirées à faire semblant d’être alcoolisée dans les clubs de sa ville, pour tester le comportement des hommes qui vont voir en elle une cible facile, et leur défoncer la gueule le cas échéant. Elle tombe un jour dans le cadre de son travail de jour sur un ancien camarade de promotion datant de l’époque de ses études de médecine. Elle apprend à cette occasion le retour aux États-Unis de l’homme de sa promotion qui avait violé sa meilleure amie. Elle décide alors de mettre un branle un plan de vengeance en plusieurs parties.

C’est un film de rape and revenge avec des twists et une approche plus féministe, mais ça reste un film de rape and revenge et je trouve ça pas incroyable comme genre de base. Ici, j’ai été déçu par l’approche psychologisante du sujet du film. Alors que ça démarrait bien, avec une femme qui prend un rôle de vigilante, finalement elle fait ça non pas pour des raisons structurelles mais pour venger son amie (alors oui on peut faire les deux à la fois, mais là dans les faits elle décide de se focaliser entièrement sur la vengeance au bout d’un moment). De plus, le film la montre n’ayant aucune vie sociale ou personnelle en dehors de sa vengeance. Ce n’est que quand elle tente d’abandonner sa quête qu’elle s’autorise une relation sentimentale (et qui du coup est montrée comme une relation totalement clichée – même si la relation est déconstruite plus loin dans le film, je pense que ça aurait été plus intéressant vu le sujet de montrer une relation où les enjeux de consentement sont plus présents tout du long).
L’esthétique du film est aussi très consensuelle, avec des couleurs pastels, de la violence esthétisée, j’aurai bien voulu vu le sujet quelque chose de plus tranchants sur ce point (là aussi, je vois qu’on est dans la subversion des tropes de la comédie romantique, mais ça ne me convainc pas énormément).

Après, c’était bien de faire un film sur ce sujet qui évite la nudité féminine et qui pointe à plusieurs reprises le côté structurel des problèmes (les institutions qui ignorent les soucis et préfèrent préserver la carrière des hommes que les femmes, les hommes qui se soutiennent et se protègent entre eux…) La bande son était assez réussie aussi, même si elle joue bien à fond la carte des reprises en mode mineur. Mais bon je reste quand même globalement pas très convaincu par le film.
OC a davantage aimé, peut-être une contre-revue de sa part ?

Feel Good, de Mae Martin et Joe Hampson

Série anglaise de 2020. Mae Martin, canadienne, débarque en Angleterre pour se produire dans un club de stand-up. Elle commence une relation avec George, une anglaise pour qui c’est sa première relation non-hétéro. La série est légère au début, mais prend un tour plus tendu : George cache sa relation avec Mae à ses amis et à sa famille, Mae essaye de dissimuler et de ne pas gérer son passé d’opiomane, même si elle finit par aller à reculons à des réunions des Addicts Anonymes.

J’étais un peu dubitatif au début, mais on se laisse bien prendre par la série. Elle traite beaucoup de thèmes à la fois, c’est très dense (Mae, le personnage et l’actrice visiblement aussi, est une boule d’énergie qui parle super vite et ne tient pas en place). Les personnages secondaires (la mère de Mae, Phil le coloc de George, la sponsor de Mae et sa fille) sont très réussis. La façon dont la série parle de la relation à la drogue est intéressante aussi. En comparaison avec Elementary qui abordait (de loin, même si c’était un des traits qui définissait le personnage principal) aussi ce point, on a ici des personnages plus crédibles malgré l’angle comédie : ils ont de bonnes intentions mais ça ne suffit pas toujours, et pour autant ils peuvent se comporter comme des connards ou faire des erreurs.

C’est court, 7 épisodes (je sais pas s’il y aura une S2, les pistes sont ouvertes pour mais il faut voir si c’est considéré comme rentable par Netflix), et ça vaut le coup d’être regardé, on passe un bon moment devant sans que ce soit révolutionnaire.

Saison 2 :

Il y a eu une seconde saison. Six épisodes, donc encore plus court, mais très réussie. La série oscille entre le Canada et l’Angleterre, alors que Mae essaye de comprendre, exprimer et gérer une partie des événements de son adolescence. La relation entre Mae et George est plus complexe et plus équilibrée, les personnages secondaires sont toujours très réussis (Phil ♥). C’est une saison qui parle de façon très intéressante de la gestion du trauma (pas du tout comme un how-to mais plutôt comme un « voilà ce qui est fait parfois, c’est pas top mais c’est la seule façon de gérer que certains ont ».
J’ai été beaucoup plus enthousiaste sur cette seconde saison que ce que j’avais dit sur la précédente (mais mon souvenir de la 1 était aussi avec le temps plus enthousiaste que ma revue à chaud). Je recommande l’ensemble du coup.

Les Deux Alfred, de Bruno Podalydès

Film français de 2021. Alexandre, chômeur cinquantenaire, réussi à se faire embaucher dans une startup qui fait du conseil et de l’événementiel un peu bullshit. Mais la boîte a une stricte politique de n’avoir que des employés nullipares, pour plus facilement les pressurer. Alexandre doit donc cacher l’existence de ses deux enfants, alors même que son job 2.0, déconnecté, télétravaillé s’immisce de plus en plus dans ses espaces personnels. Il va heureusement pouvoir compter sur l’aide de son ami Arcimboldo, un auto-entrepreneur qui fait 4000 petits jobs payés à la tâche et sait jongler avec les failles du système.

J’ai beaucoup aimé. Le film montre sous la forme d’une comédie l’envers de tous les discours sur la startup-nation triomphante : la réalité c’est que tout le monde est exploité et que le travail devient de plus en plus présent, débordant sur les horaires et les lieux réservés à la vie privée. Les humains se plient en quatre pour s’adapter à la technologie qui devait leur simplifier la vie (la scène de la reconnaissance faciale), les procédures de travail de la startup n’ont aucun sens, les gens sont tout le temps mis en compétition – que ce soit les startups entre elles, les gens au sein de l’entreprise ou les travailleurs «  » »indépendants » » » comme Arcimboldo. Et comment les travailleurs peuvent échapper à tout cela ? Par l’action collective ! Le film ne prononce pas le mot « syndicat », mais c’est une excellente réclame pour cependant.

Au delà du côté militant, le film réussit très bien sa comédie à 20 secondes dans le futur. Ca manque un peu de rythme parfois, mais ça reste drôle, les deux personnages principaux sont réussis, les rôles secondaires aussi, l’univers est assez poétique.

Je recommande.

Place publique, d’Agnès Jaoui

Film français de 2018.

L’agente de Castro, un équivalent fictif d’Ardisson, organise une fête de personnes du milieu télévisuel français dans sa propriété à 35 minutes de Paris. On suit plusieurs points de vue et plusieurs types de relations entre invités : la famille et les relations proches de Castro qui se connaissent depuis longtemps, les autres vedettes de différents âges invitées là pour des questions de réseautage, les quelques habitants du village invités ou embauchés pour le service.

Y’a des scènes et des personnages réussis, mais le sujet global m’a un peu laissé froid. C’est un film sur des gens riches et pas très sympathiques qui font des trucs de gens riches pas très sympathiques. Mention spéciale cependant au personnage de la maire et de la comptable, des petits rôles mais très réussis. Les personnages de Pavel et de Vincent étaient attachants aussi, mais les rôles principaux, au premier rang desquels Castro sont de gros connards, même s’ils sont forts bien joués.

TeneT, de Christopher Nolan

Film d’action/SF sorti en 2020. Un agent secret est recruté par une agence encore plus secrète que d’habitude : des objets pour lesquels le temps s’écoulent de façon inversé ont commencé à apparaître à travers le monde. Ils seraient les traces d’une guerre future dont nous nous rapprochons progressivement.

Comme souvent avec Nolan j’ai été déçu : il y a un concept intéressant, la capacité d’inverser l’écoulement du temps en passant à travers une machine, qui donne d’ailleurs lieu à quelques belles séquences, mais c’est englué dans un film d’action avec la même esthétique froide et capitaliste que tous ses films, et y’a quatre milles trucs qui se passent à la seconde, qui laissent pas le temps de comprendre tranquillement le concept intéressant au fond. Ça sert d’ailleurs aussi à masquer un certain nombre de failles un peu béantes dans le scénario, ce qui est toujours un peu triste pour un film qui prétend mettre en scène un plan millimétré avec des bluffs et contre-bluffs. On voit d’ailleurs pas mal venir les plot-twists, et je dois dire que la corde émotionnelle n’a pas du tout marché sur moi parce que l’amitié virile de gars en treillis, bof.

Bref, du potentiel, mais gâché.

Deux, de Filippo Meneghetti

Film français de 2020. Nina et Madeleine vivent sur le même palier et sont en couple, mais Madeleine n’a jamais osé en parler à ses enfants. Alors que des tensions apparaissent dans leur couple, Madeleine fait un AVC qui la rend mutique. Nina se retrouve alors dans l’impossibilité vis à vis de la famille et de la loi de prendre en charge sa compagne, que ses enfants confient à une aide soignante.
Cantonnée à son appartement quasiment vide puisqu’elle passait tout son temps dans celui de Madeleine, elle va chercher par différents moyens de retrouver sa place dans la vie de sa compagne.

J’ai bien aimé globalement, mais j’ai trouvé que le film hésitait entre plusieurs genres. On a des tropes qui font très film d’horreur avec une voisine inquiétante qui s’immisce dans la vie d’une famille, ce que je trouve bizarre à mettre en scène dans le cadre d’une histoire d’amour (mais bon on peut aussi considérer que ce n’est pas une histoire d’amour, mais le récit d’un combat pour réussir à prendre sa juste place dans une famille, donc le fait d’avoir l’air inquiétante ou hostile dans le cadre d’un combat fait plus de sens). Le personnage de Nina est intéressant (celui de Madeleine est assez vite réduit à l’impuissance par son AVC, mais je pense qu’il aurait été intéressant de plus adopter son point de vue néanmoins), dans son côté prêt à se battre et à envoyer voler les conventions sociales pour retrouver son amoureuse.

Fantastic Mr. Fox, de Wes Anderson

Film d’animation sorti en 2009. Fox est un ancien voleur de poules rangé des bolides depuis la naissance de son fils. Lassé de sa vie monotone, il décide de commettre un nouveau casse : s’introduire chez les trois plus gros fermiers du pays pour se servir dans leurs stocks. Mais les fermiers n’entendent pas se laisser dévaliser et unissent leurs moyens considérables pour se lancer dans une gigantesque chasse au renard…

C’était très très bien. Le film mélange plusieurs niveaux de lectures et plusieurs inspirations : le roman source de Roal Dahl évidemment, mais aussi les films de braquages (donner la voix de George Clooney à Fox n’est pas anodin), les westerns (superbe scène de stand down dans un petit village anglais en animation), les films d’arts martiaux (un peu via le personnage de Kristofferson mais surtout via le personnage de Rat). Y’a un discours sur la vie de couple et paternité, sur la vie en communauté vs l’envie de n’en faire qu’à sa tête, sur le fait de jouer un personnage, sur la répression policière… Y’a évidemment des discours à la Wes Anderson (« you’re disloyal »), en bande son superbe (une musique originale d’Alexandre Desplat et des insertions de chansons très réussies).

Grosse recommandation.

Lupin, de George Kay

Nouvelle série Netflix, qui réactualise le personnage de Maurice Leblanc. On sent une inspiration du côté du Sherlock de Moffat, qui est visible ne serait-ce que dans les habits du personnage principal. Par contre on a un héros qui est moins un connard et des mécanismes narratifs assez différents.

Le paragraphe suivant spoile l’épisode 1.

Continuer la lecture de Lupin, de George Kay

Tatie Danielle, d’Étienne Chatiliez

Film français de 1990. Danielle Billard est une octogénaire acariâtre qui méprise tout le monde, et surtout les gens qui s’occupent d’elle : sa gouvernante d’abord, puis ses neveux et nièces, et enfin la jeune fille au pair qui doit la gérer pendant un été. Elle traumatise tout le monde autour d’elle à coup de petites remarques fielleuses et de gaslighting.

C’était sympa. Y’a un problème de rythme dans le film avec des parties qui sont un peu décousues, mais les personnages sont très réussis. Danielle forcément, mais aussi son entourage, que ce soit les gens bienveillants autour d’elle qui en prennent plein la figure (mention spéciale à sa belle-nièce) ou la jeune fille au pair qui va lui résister et lui dire d’aller se faire voir quand elle abuse. Ça donne des personnages féminins qu’on a pas trop l’habitude de voir à l’écran, aussi bien pour le côté âgé que pour le côté infernal.

Sans que ce soit le film du siècle, j’ai passé un bon moment devant.