Archives de catégorie : phylactères

Il faut flinguer Ramirez, tomes 1 & 2, de Nicolas Petrimaux

Bande dessinée située dans les années 80, et qui en revendique l’esthétique. Falcon City, Arizona. La Robotop, compagnie d’électroménager, s’apprête à dévoiler au public son nouveau modèle d’aspirateur, dans une mise en scène et une ferveur qui rappelle les lancements de produits Apple. Au sein du service après-vente de la Robotop, un employé hors pair : Jacques Ramirez. Muet, une tache de naissance qui lui prend la majorité du visage, et le meilleur réparateur d’aspirateur que le monde ait connu. Mais pas seulement. Un membre d’un cartel mexicain qui passe par là par hasard le croise, et réalise qu’il s’agit du tueur à gages implacable qui a trahit son cartel quelques années auparavant. Le cartel décide alors d’envoyer ses meilleurs éléments pour flinguer Ramirez…

Les pages sont très belles, avec des couleurs saturées qui revendiquent l’héritage 80’s à fond, et un choix de ne pas avoir de cadre (la bd s’étend vraiment sur toute la page). Le tome est divisé en acte, avec des publicités ou extraits de journaux à la fin des actes pour accentuer l’immersion dans l’univers.

Un reproche cependant, les personnages féminins, essentiellement deux principaux, un couple de femmes en cavale, mais qui sont mises en scène pour servir d’eye candy au lecteur masculin hétéro (bon ça arrive sur la fin de la BD mais c’est franchement nul de faire ça).

Tome 2 :
Le second tome est dans la droite ligne du précédent. Très réussi, il déploie plus largement l’histoire en rajoutant tout un pan du passé de Ramirez, et en éclaircissant les liens avec le cartel mexicain. Je suis très impressionné par les scènes de combat, qui sont ultra fluides à lire et restituent vraiment bien le mouvement. L’histoire est bien construite, les dessins sont très beau, le mélange action et comédie fonctionne très bien. Les personnages féminins sont largement plus intéressants et mis en valeur dans ce tome.

Ceux qui brûlent, de Nicolas Dehghani

Bande dessinée française sortie en 2021. Dans une ville industrielle sur le déclin, une flic qui sort juste de convalescence après un accident se voit obligée de faire équipe avec le boulet du commissariat, un flic tout pataud. Lancés sur la piste d’un tueur qui brûle ses victimes à l’acide, le duo va devoir affronter ses démons intérieurs : l’image du flic viril qu’il voudrait être pour Pouilloux, ses crises de vertige métaphysique pour Alex.

J’ai beaucoup aimé le dessin, les couleurs désaturées qui rendent très bien l’état de déclin de l’environnement urbain dans lequel prend place l’histoire. L’histoire est une enquête policière assez classique mais réussie dans sa mise en scène.

La Révolution des Damnés, de Melody Cisinski

Premier tome d’une bande dessinée sur une révolution russe incluant des éléments fantastiques. On suit Yuri, un membre des brigades anarchistes, qui infiltre le train blindé ou les russes blancs abritent la dernière héritière des Romanov dans l’espoir d’une restauration. En parallèle on voit le passé de Yuri, son adolescence dans son village, et le triangle amoureux qu’il formait avec Elena et Nikita, son camarade qui a obtenu un poste de commandement dans l’armée bolchevique et est en train de réveiller des puissances occultes.

Il y a des points intéressants dans l’histoire, mais on reste un peu sur sa faim avec juste ce premier tome ; typiquement le Kotchei réveillé par Nikita n’apparaît que relativement tard, on voudrait en avoir plus (surtout que c’est quand même lui qui fait la couverture). Mais je suis totalement motivé par une histoire qui mêle gros robots, révolution russe et légendes slaves.

Dans le fond comme dans la forme, il y a deux ruptures de ton qui m’ont un peu perturbées :

  • Sur la forme, le design des personnages est très toonesque, avec par contre des couleurs très sombre, une bonne partie de la BD est en nuance de gris avec seulement quelques éclats de couleur.
  • Sur le fond, on alterne des moments adultes ou sombres, avec des charniers, du sexe, et des moments plus légers ou le héros blague avec son cheval ou joue avec l’héritière Romanov.

Ça donne un peu l’impression que la BD oscille en fond comme en forme entre deux styles ; j’attends de voir ce que l’autrice veut en faire dans les tomes suivants, surtout que maintenant que tous les enjeux sont posés, le kotchei entré en scène et l’action lancée, on devrait arriver aux passages les plus intéressants.

The Wicked + The Divine, de Kieron Gillen et Jamie McKelvie

Série de comics. Tous les 90 ans, 12 dieux se réincarnent pour deux ans dans des adolescents, qui se retrouvent soudain munis de capacité à générer des miracles et parler le langage des dieux. On suit le destin des 12 membres de la résurgence de 2013, qui deviennent des stars adulées mondialement dans le Londres moderne, et qui tentent de comprendre les tenants et aboutissants de leur espérance de vie raccourcie à deux ans, l’origine de cette Résurgence, et pourquoi quelqu’un semble tenter de tuer certain.e.s d’entre elleux.

J’ai été un peu déçu par rapport à mes attentes. La série commence très bien, propose un univers riche et original, mais la résolution des mystères et la conclusion de l’histoire laissent un peu à désirer, j’ai trouvé. Le dessin est beau mais assez lisse, le design des personnages est très réussi par contre.

Article invité : Flipette & Vénère, de Lucrèce Andreae

Déjà, c’est une histoire de sœurs : cette BD de 340 pages d’une autrice qui est aussi réalisatrice de films d’animation partait avec une longueur d’avance dans mon cœur.

Ensuite, c’est une histoire qui incarne les atermoiements politico-existentiels qui sont les miens et ceux des milieux que je fréquente : Flipette-Clara est l’artiste intello, photographe prometteuse et/mais flippée de s’engager politiquement, découvrant avec maladresse et pas mal de narcissisme les milieux anarcho-associativo-militants que fréquente sa petite sœur, Vénère-Axelle.

Après plusieurs années d’éloignement, les deux jeunes femmes se (re)trouvent mutuellement à la faveur d’un accident d’Axelle. Clara découvre la galerie de personnages haut·es en couleurs (ce qui n’est pas qu’une expression, l’utilisation des couleurs dans la BD est travaillée de façon très frappante, avec un dessin très « clair » et pêchu qui attrape les postures, les gestes, les expressions avec beaucoup d’élégance) entourant sa frangine et confronte ses grands principes, souvent hors-sol, à la « réalité du terrain » parfois pragmatique à rebours des idéaux politiques.

Les sœurs râlent, gueulent, s’engueulent, chialent, s’aiment fort (évidemment) sans trop bien savoir comment se le dire (évidemment) ; il y aurait sans doute des choses à redire, mais ça sera pour vous qui commenterez après avoir lu cette BD que, évidemment, je recommande !

Dans un rayon de soleil (On a sunbeam), de Tillie Walden.

Roman graphique de 400 pages. Mia termine ses études en pensionnat et rejoint l’équipage d’un vaisseau spatial qui rénove des bâtiments. On découvre en parallèle sa vie avec l’équipage du vaisseau et ses années en pensionnat. C’est difficile d’en dire plus sans divulgacher, et ça vaut le coup de rentrer dedans sans en savoir trop. L’univers est très original, limite onirique et très clairement poétique. Ça parle d’exploration spatiale, d’Histoire, d’architecture et de rénovations, de Sentiments, de liens familiaux. Le dessin est juste magnifique. J’avais bien aimé Sur la route de West de la même autrice mais sans plus, là c’est une grosse claque, probablement ma recommandation de l’année 2020.

C.O.W.L., de Kyle Higgins

Chicago, années 60. Les super-héros existent. Ils sont regroupés dans un syndicat, la Chicago Organized Workers League, qui a un contrat avec la ville leur donnant juridiction pour intervenir contre les super-vilains, sous certaines conditions, et avec une rémunération, des horaires de travail, des primes de risque… Le dernier des grands super-vilains a été appréhendé, et la renégociation du contrat avec la Mairie est en cours, ce qui risquent d’influencer sur ses clauses – en effet, les super-héros coutent cher, en l’absence de menace la ville peut-elle vraiment se permettre un contrat si onéreux ?

J’ai beaucoup aimé. Les super-héros sont surtout un prétexte pour parler de thèmes sociaux. La ligne narrative sur l’héroïne qui n’en peut plus du sexisme ambiant qui fait qu’on la considère comme de seconde catégorie alors qu’elle est surpuissante est réussie (même si le personnage fait un peu trop de la schtroumpfette), le dessin est cool et rend bien l’atmosphère de film noir de l’histoire.

East of West, de Jonathan Hickman et Nick Dragotta

Série de comics en 10 tomes (et terminée). Dans un univers alternatif, la guerre de Sécession américaine a pris un tour différent avant d’être brutalement interrompue par la chute d’une météorite sur le continent américain. Ce qui dans notre réalité correspond aux USA est divisé en 7 pays différents. Durant la seconde moitié du XXIe siècle, la réapparition des cavaliers de l’Apocalypse sur ce territoire va conduire à la mise en branle des événements conduisant à l’Armageddon tel que décrit dans Le Message, un livre sacré écrit sur le territoire américain.

L’univers est intéressant, c’est un mélange de SF et de western dans un univers uchronique. On suit plusieurs factions : La Mort qui a fait sécession des trois autres Cavaliers, les 3 cavaliers, et différentes dirigeants des Nations d’Amérique, croyant au Message et déterminé à le faire advenir. Ça fait parfois dans le gore un peu gratuit, avec des démons plein de pustules, mais l’univers est très original et le dessin est beau. L’histoire oscille entre mysticisme, manipulations politiques, surnaturel et donc western et SF.

Pour l’Empire, de Bastien Vivès et Chabane Merwan

Bande dessinée française. Un Empire non nommé mais qui est clairement l’Empire Romain à son apogée envoie une troupe de soldats sur les traces des civilisations passées, au delà du monde connu ; très vite le voyage des soldats prend une dimension symbolique, le paysage et le passage du temps n’obéissant plus aux règles de la physique

Le dessin est beau, j’ai bien aimé le 3e tome, mais le second était assez pourri et sexiste. Le premier installe les choses et est lent. Du coup dans l’ensemble je dirai bilan un peu négatif ? Y’avait du potentiel mais il n’a pas été correctement exploité.

Le Dernier Atlas, de Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle et Fred Blanchard

Une uchronie française avec des robots géants et une guerre d’Algérie qui a eu lieu 10 ans plus tard. Mais ça reste un fond assez lointain pendant une bonne part de la BD, qui parle de gangs mafieux et de phénomènes physiques inexplicables.

Le scénario est dense et intéressant, j’aime beaucoup le dessin, l’uchronie est à la fois discrète et originale (la divergence et la chronologie de la France sont détaillée à la fin du 1er tome), grosse recommandation. Le tome 2 sortira normalement en mars 2020.

Couverture du tome 1

EDIT 10/2020 : Le tome 2 était très bien aussi, l’histoire continue à se développer, l’Atlas a un équipage au complet, et on commence à se demander si la construction des Atlas ne va pas être relancée, avec un scénario qui fait légèrement penser à Neon Genesis Evangelion sur certains points qui font vraiment Mecha vs Aliens. On a aussi la backstory de pourquoi le George Sand était un Atlas particulier. Vivement le tome 3.