Tous les articles par Machin

Les Braises, de Sándor Márai

Roman hongrois de 1942. A l’automne de sa vie, un aristocrate austro-hongrois reçoit chez lui son meilleur ami d’enfance, qu’il n’a pas revu depuis 41 ans. La conversation entre les deux hommes va éclairer les raisons de leur rupture, et leurs conceptions partagées et divergentes de la vie. La narration qui fait des allers retours entre la conversation entre les deux hommes et les détails de leur vie il y a tant d’années est réussie. Ça parle d’honneur, de triangle amoureux, de classes sociales. Márai réussit très bien à retranscrire les décors et les préoccupations des hommes, et à nous projeter dans cet empire austro-hongrois finissant. Un des thèmes du roman est d’ailleurs la fin d’un monde, les deux protagonistes se remémorant en 42 leur nation telle qu’elle était avant la première guerre mondiale ; le lire en 2023 quand le monde de l’après guerre a à son tour largement disparu est une mise en abyme intéressante.

Je recommande.

She who became the sun, de Shelley Parker-Chan

Roman de fantasy historique publié en 2021. Dans la Chine du 14e siècle sous domination mongole, une fille née dans un village reculé va s’emparer du destin promis à son frère, mort lors d’une famille. Déguisée en homme, elle va intégrer un monastère, puis rejoindre les insurgés, pour finalement prendre la tête de la rébellion contre le règne mongole.

Ça commençait bien et puis c’était sympa de lire de la fantasy basée sur autre chose que le Moyen-Âge européen, mais je trouve que y’a beaucoup trop de longueurs. Toute la partie une fois que Zhu est sortie du monastère, on se fait un peu chier le temps qu’elle réussisse ses manœuvres au sein des turbans rouges.

The Guy who didn’t like musicals, de Jeff Blim

Invasion of the bodysingers

Captation d’une comédie musicale de 2018. Dans la petite ville d’Hatchetfield, Paul, un employé ordinaire qui a un crush sur la barista du café proche de son travail, déteste les comédies musicales. Mais la chute d’un météore dans la ville va être le point de départ d’une invasion d’aliens qui prennent l’apparence des humains et communiquent exclusivement en chantant. Dans cette apocalypse taillée juste pour lui, Paul va devoir trouver un sens à sa vie et un chemin pour s’échapper de la ville.

J’ai bien aimé. Le côté théâtre amateur fonctionne très bien avec l’histoire un peu parodique, les références à d’autres comédies musicales aussi, et le côté méta évidemment.

The Man who shot Liberty Valance, de John Ford

Western de 1962. Le sénateur Stoddart revient dans la petite ville où sa légende s’est construite pour l’enterrement d’un vieil ami. Devant l’insistance des journalistes du quotidien local, il finit par raconter les détails de sa relation au mort. Tom Doniphon était un cowboy à l’ancienne qui l’a soutenu quand il est arrivé en ville, espérant implémenter un système judiciaire correct et pousser pour la transformation du territoire en État du Colorado, malgré les pressions des barons du bétail et les attaques de Liberty Valance, le hors-la-loi qui terrorise la ville.

J’ai beaucoup aimé, on est sur du western un peu méta, qui parle de la fin du Far West et l’arrivée de la civilisation dans les territoires non-incorporés. Ransom Stoddard représente l’homme moderne, qui porte un tablier de serveur et croit au système judiciaire, face aux cowboys qui vivent selon la loi du plus fort. Doniphon, joué par John Wayne, sent que son époque est passée, et s’efface pour le bien de la collectivité. Seul quelques personnes connaitront son rôle, joué dans l’ombre.

Les plans sont assez réussis, les personnages souvent archétypaux mais ça fonctionne bien. La structure en flashback (double flashback même)
fonctionne très bien (avec un très beau fondu sur un nuage de fumée).

Je recommande.

La Rivière, de Peter Heller

Roman étatsunien de 2019. Jack et Wynn se sont rencontrés à l’université. Tous deux amoureux de la nature, ils ont fait plusieurs randonnées et descentes de fleuve ensemble. Cet été, ils sont parti pour la descente au long cours d’un fleuve canadien. Déposé avec leur canoé et leurs provisions en amont, ils vont pagayer à leur rythme jusqu’à la baie d’Hudson. Ou plutôt, c’aurait été leur programme si un feu gigantesque ne s’était pas déclenché, se rapprochant de la rivière et transformant l’expédition en compte à rebours pour atteindre un endroit où le cour d’eau est suffisamment large pour offrir une protection. Et puis il y a ces autres pagayeurs croisés sur la rivière, notamment ce couple dont l’homme recroise leur chemin seul et ensanglanté. Wynn veut croire à un accident, Jack est plus pessimiste.

Alors avertissement, c’est un roman de dudes. Il y a un seul perso féminin, et il est inconscient la plupart du temps. Le livre est centré sur la relation entre Jack et Wynn, ce que le danger et les différences d’appréhension de la situation lui fait. On parle de deux mecs qui apprécient de partir en autonomie en pleine nature, biberonnés à Jack London et Thoreau. Perso ça me parle tout à fait, mais c’est clairement un point de vue situé.

J’ai beaucoup aimé le début du roman, les descriptions de la nature, de la relation entre les deux personnages. J’ai moins aimé la fin, qui je trouve rate un peu l’impact émotionnel qu’elle cherche à avoir. Il y a plusieurs moment où je trouve que l’urgence, l’absence de communication et la méfiance de Jack ne sont pas très crédibles et surtout là pour faire avancer l’intrigue, ce qui est fort dommage.

Dans le même genre mais un autre medium, je recommande Firewatch, qui je trouve a une structure vraiment similaire mais réussi mieux son crescendo émotionnel.

Spiderman: Across the Spiderverse, de Joaquim Dos Santos, Justin K. Thompson et Kemp Powers

La suite de Into the Spiderverse. On retrouve Miles Morales dans un multivers où l’existence des spiderfolks a pris une place centrale,
avec l’idée qu’il ne faut pas perturber le canon, les passages obligés de l’histoire des personnes mordues par une araignée, même si ces événements sont tragiques.
Une association transdimensionnelle de spiderfolks, la Spider Society, veille au grain. Comme dans d’autres histoires de multivers, Rick and Morty notamment, on retrouve une association
de personnes qui sont plutôt solitaires dans leurs aventures non multiverselles, et l’idée que cette association devient rapidement une bureaucratie maléfique. L’univers graphique du film
est très beau, avec des styles différents pour illustrer les différents univers, les sentiments, le mouvement. C’était assez chouette, un peu dommage que ce ne soit qu’une partie 1 et non
un film complet, mais j’ai passé un bon moment devant. Clairement on a besoin de plus d’animation et de moins de live action dans les adaptations de comics, ça permet largement plus d’inventivité.
(Après je pense qu’on a aussi besoin de moins d’adaptation de comics tout court).

On dirait la planète Mars, de Stéphane Lafleur

Film canadien sorti en 2023. La première mission habitée est sur le point de se poser sur Mars, pour y passer deux ans, mais des tensions se font déjà sentir dans l’équipage. Une filiale de l’agence spatiale canadienne va recruter cinq personnes aux profils psychologiques les plus proches possibles des astronautes, pour mettre sur pied une réplique de la base et ainsi pouvoir observer et résoudre les problèmes. C’est ainsi que David, prof d’EPS québécois, se retrouve à incarner John. David a toujours voulu aller dans l’espace, et il va osciller, ainsi que ses co-doublures, entre sentiment de participer à la grande aventure spatiale, et prosaïsme de la vie sur Terre dans une base déliquescente.

J’ai beaucoup aimé, c’était assez poétique, avec une bonne dose de wtf. C’est à la fois un film sur l’espace, sur le GN et sur la quête de sens, avec une bonne dose d’accent québécois, une bande-son discrète et une joli esthétique rétro. Recommandé.

Les Rois maudits, de Maurice Druon

Fresque historique en 7 tomes, sur les intrigues politiques autour de la couronne de France à partir de Philippe Le Bel. On va suivre au travers du règne (souvent bref) de plusieurs rois les conséquences de plusieurs machinations politiques et prétentions à la couronne. Le roman prend pour point de départ la malédiction lancée par les derniers templiers au roi de France et à ses descendants, pour aboutir à la guerre de cent ans.

C’était très bien, ça se lit vite est c’est un vrai page-turner, bien écrit et prenant. Un petit bémol sur le tome 7, qui a été écrit bien après les autres, et ça se sent : le 6 finit par un épilogue après la mort d’un des personnages principaux, le 7 raconte la suite avec une narration différente (le récit d’un cardinal pendant un voyage) et avec un titre qui ne suit pas la même convention de nommage. Mais c’est un détail. Dans l’ensemble la série est très intéressante, réussit à rendre prenante une période que personnellement je connaissais très mal (bon par contre c’est clairement l’histoire via les grands hommes, mais ça permet aussi de l’incarner).

Les Tournesols sauvages, de Jaime Rosales

Film espagnol sorti en 2023. On suit trois relations amoureuses de Julia, une barcelonaise mère de deux enfants. C’est un peu trois facettes de masculinité pas terrible (ça va du pire au moins pire, mais c’est quand même trois relations avec finalement assez peu complicité, celle du milieu avec le père de ses enfants étant peut-être la plus aboutie). On voit très peu le reste de la vie de Julia, ce que je trouve dommage, les scènes avec son père et sa sœur étant très bien (on voit une de ses amies 2 minutes au début mais ensuite c’est vraiment centré sur les mecs). Il y avait des éléments intéressants (surtout la seconde séquence à Melilla) mais globalement je suis pas très convaincu par le film.

Les Trois Mousquetaires, de Martin Bourboulon

Paru en 2023, il s’agit de la première partie d’une adaptation de roman de Dumas. Tous les acteurs en vue du cinéma français, des reconstitutions en costume, des combats à l’épée (pas très lisibles), on est dans le grand spectacle (avec absolument tout en teintes de marron et de gris). C’est bankable, mais ça m’a assez peu parlé personnellement. Ça va à toute vitesse, on comprend pas trop les motivations des personnages à part « être viril » et « être un bon camarade ». Je pense que je préfère le kitsch de la version de 2011 avec le casse du coffre de Da Vinci en scène d’ouverture, ou la version en livre.