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Place publique, d’Agnès Jaoui

Film français de 2018.

L’agente de Castro, un équivalent fictif d’Ardisson, organise une fête de personnes du milieu télévisuel français dans sa propriété à 35 minutes de Paris. On suit plusieurs points de vue et plusieurs types de relations entre invités : la famille et les relations proches de Castro qui se connaissent depuis longtemps, les autres vedettes de différents âges invitées là pour des questions de réseautage, les quelques habitants du village invités ou embauchés pour le service.

Y’a des scènes et des personnages réussis, mais le sujet global m’a un peu laissé froid. C’est un film sur des gens riches et pas très sympathiques qui font des trucs de gens riches pas très sympathiques. Mention spéciale cependant au personnage de la maire et de la comptable, des petits rôles mais très réussis. Les personnages de Pavel et de Vincent étaient attachants aussi, mais les rôles principaux, au premier rang desquels Castro sont de gros connards, même s’ils sont forts bien joués.

Deux, de Filippo Meneghetti

Film français de 2020. Nina et Madeleine vivent sur le même palier et sont en couple, mais Madeleine n’a jamais osé en parler à ses enfants. Alors que des tensions apparaissent dans leur couple, Madeleine fait un AVC qui la rend mutique. Nina se retrouve alors dans l’impossibilité vis à vis de la famille et de la loi de prendre en charge sa compagne, que ses enfants confient à une aide soignante.
Cantonnée à son appartement quasiment vide puisqu’elle passait tout son temps dans celui de Madeleine, elle va chercher par différents moyens de retrouver sa place dans la vie de sa compagne.

J’ai bien aimé globalement, mais j’ai trouvé que le film hésitait entre plusieurs genres. On a des tropes qui font très film d’horreur avec une voisine inquiétante qui s’immisce dans la vie d’une famille, ce que je trouve bizarre à mettre en scène dans le cadre d’une histoire d’amour (mais bon on peut aussi considérer que ce n’est pas une histoire d’amour, mais le récit d’un combat pour réussir à prendre sa juste place dans une famille, donc le fait d’avoir l’air inquiétante ou hostile dans le cadre d’un combat fait plus de sens). Le personnage de Nina est intéressant (celui de Madeleine est assez vite réduit à l’impuissance par son AVC, mais je pense qu’il aurait été intéressant de plus adopter son point de vue néanmoins), dans son côté prêt à se battre et à envoyer voler les conventions sociales pour retrouver son amoureuse.

Tatie Danielle, d’Étienne Chatiliez

Film français de 1990. Danielle Billard est une octogénaire acariâtre qui méprise tout le monde, et surtout les gens qui s’occupent d’elle : sa gouvernante d’abord, puis ses neveux et nièces, et enfin la jeune fille au pair qui doit la gérer pendant un été. Elle traumatise tout le monde autour d’elle à coup de petites remarques fielleuses et de gaslighting.

C’était sympa. Y’a un problème de rythme dans le film avec des parties qui sont un peu décousues, mais les personnages sont très réussis. Danielle forcément, mais aussi son entourage, que ce soit les gens bienveillants autour d’elle qui en prennent plein la figure (mention spéciale à sa belle-nièce) ou la jeune fille au pair qui va lui résister et lui dire d’aller se faire voir quand elle abuse. Ça donne des personnages féminins qu’on a pas trop l’habitude de voir à l’écran, aussi bien pour le côté âgé que pour le côté infernal.

Sans que ce soit le film du siècle, j’ai passé un bon moment devant.

Mandibules, de Quentin Dupieux

Film français sorti en 2021. Deux amis un peu stupides trouvent une mouche géante et décident de la dresser à leur rapporter des objets, tout en se démerdant pour vivre au jour le jour en récupérant de la bouffe et un logement par diverses combines.

Comme toujours chez Dupieux c’est fort absurde. Les deux personnages principaux sont très réussis dans leur amitié entre mecs pas très dégourdis, l’animation de la mouche géante est très bien faite. On reconnait bien la côte d’Azur pleine de fric avec un arrière pays beaucoup plus pauvre comme décor (mention spéciale à Roméo Elvis en fils de bourge insupportable).

Un bémol cependant, pas très convaincu par le personnage d’Agnès, assez rapidement insupportable, et qui se fait accuser à tort dans le scénario : faire un personnage de femme handicapée, le rendre relou pour le spectateur puis la faire disparaître pour un truc qu’elle n’a pas commis, c’est un peu malaisant (mais peut-être c’est pour qu’on s’interroge sur la complicité qu’on a avec les personnages que ça arrange qu’elle disparaisse ?)

Pour un Dupieux c’était quand même curieusement linéaire, avec un petit fond de critique sociale(en plissant les yeux). Je recommande.

Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi et John Wax

Ouvrir la voix x Dix pour cent.

Film français sorti en 2020. Jean-Pascal Zadi joue son propre rôle, celui d’un acteur noir qui galère à se faire une place dans le cinéma français. Il décide de se faire connaître en lançant une grande marche « pour les Noirs » qu’il publicise avec des vidéos humoristiques dénonçant la situation des Noirs en France. Au fil du film, il va rencontrer une palette de personnalités publiques noires pour tenter de les motiver à faire de la publicité à la Marche, avec des résultats plus que mitigés.

Le sujet était assez casse-gueule mais le résultat est très réussi. Il y a un côté « et si Ouvrir la voix avait été une comédie ? » : le film parle de la place des Noir·es dans l’espace public en France, en présentant différents points de vue internes à la communauté, notamment ceux de célébrités de différents domaines qui jouent leurs propres rôles. Après je pense que le film est très ancré dans son époque et va mal vieillir : les blagues sur Case Départ et Première étoile c’est pas ultra intemporel. Mais le casting est assez fou et le principe de la fiction où tout le monde joue son propre rôle tout en interagissant avec un personnage principal bras cassé marche très bien.

Coup de Torchon, de Bertrand Tavernier

All Colons Are Bastards.

Film français de 1981. Dans une petite ville d’Afrique Occidentale Française en 1938, Lucien Cordier est l’unique policier et représentant de l’ordre colonial. Ordinairement totalement amorphe, il décide un jour, poussé à bout par deux proxénètes et les moqueries de son supérieur de la grande ville, de faire le ménage dans les personnes qu’il considère comme mauvaises. Mais sa moralité est toute personnelle, et il va surtout éliminer celles et ceux qui le dérangent personnellement, sans remettre en question l’ordre en place quand il va dans son sens, tout en s’autopercevant comme une espèce de figure messianique.

J’ai bien aimé. C’est une ambiance assez particulière, un système colonial où l’on voit une petite notabilité blanche s’entredéchirer, sur fond de menace de guerre permanente et de délitement de toutes valeurs. L’espèce de croisade cheloue de Cordier peut faire un peu penser à un Apocalypse Now à la française – ou à un film sur un tueur en série, entrecoupé de scènes de séduction avec Isabelle Huppert.

Un ami à moi que nous nommerons Saul a aussi bien aimé. Il trouve que c’était « un peu comme un épisode de Rick & Morty », mais il n’a pas compris les scènes d’intro et de fin. « Ça illustrerait son passage en mode full nihilisme ? ». Une autre amie, Cénédicte , a trouvé ça un peu bizarre « mais a bien aimé Isabelle Huppert ».

J’ai toujours rêvé d’être un gangster, de Samuel Benchetrit

Film français de 2008. J’ai beaucoup aimé. Le film est tourné en noir et blanc avec de vieilles caméras qui donnent un grain à l’image, avec des plans fixes ou des travelings et zoom légers. L’histoire se passe en 2008, mais tous les lieux où elle prend place sont vieillots, ce qui fait que ça pourrait être la France des années 70s. On suit plusieurs séquences qui tourne autour des mêmes lieux ou de personnages qui s’entrecroisent et qui parlent toutes de criminalité, une criminalité idéalisée par ses protagonistes, qui sont essentiellement incompétents en tant que criminel (et du coup assez attachant) et qui zonent dans ces lieux un peu hors du temps en convoquant l’image des gangsters des 30 Glorieuses.

Le film met bien en scène les paysages routiers de l’Île de France, que ce soit la cafétéria ou prend place une grande part de l’action, les énormes lignes électriques à travers champs qui alimentent la capitale, les immeubles défraîchis des années 70 (totalement ma came en terme d’esthétique des zones urbaines un peu en déshérence). Les acteurs sont globalement très bons, surtout ceux qui jouent les cinq anciens vrais gangsters, ainsi que Mouglalis.

Alice et le maire, de Nicolas Pariser

Film français de 2019. Une jeune femme lettreuse est engagée dans le cabinet du maire de Lyon pour faire de la prospective. Le maire est socialiste à l’ancienne, pris dans les jeux de courant du Parti, et surtout déprimé. Alice va rapidement le remotiver en lui parlant un peu de fond, mais elle se rend compte que son poste a été envisagé comme un poste un peu bouche trou, elle est supposée distraire le maire mais ne pas aller trop loin dans la réflexion, et remplir des missions random pour la directrice de cabinet en parallèle. Mais son influence sur le maire fait qu’elle est rapidement débarrassé des côtés annexes, et en même temps vue comme une éminence grise qui a le maire sous son emprise. Sauf que de son côté elle est déprimée par l’univers de la politique, le maire lui annonce des trucs en privé avant de prendre le contre-pied en public, et elle sait pas trop ce qu’elle fait.

Je sais pas trop ce que j’en ai pensé. Le début est bien, ça parle beaucoup mais c’est le concept du film, de grandes réflexions sur la politique. Mais la dépression d’Alice arrive d’un seul coup puis disparaît aussitôt, les volte-faces du maire n’ont aucun impact sur sa relation avec Alice… le scénario n’est pas très réaliste de ce point de vue là, on sent qu’après avoir installé des trucs ils ne savent pas trop comment finir. J’ai aussi été un peu dérangé par la façon dont le scénario élude totalement les enjeux de relation asymétrique. On a un maire qui est un homme politique blanc et âgé, qui sait se montrer cassant avec certains subordonnés, il convoque la jeune héroïne dans son bureau à 22h et elle elle est tranquille, tout se passe bien tout le monde est sympathique ? Pour un film sorti en 2019 c’est ne pas se poser beaucoup de questions.

Bref, début sympa puis pas de conclusion.

Le Chant du Loup, d’Antonin Baudry

Film de guerre français sorti en 2019. On suit un analyste en guerre acoustique, ie un soldat capable de reconnaître à l’oreille une multitude de navires, embarqué à bord d’un sous-marin français. Alors que les tensions entre la Russie et l’UE s’intensifient, les sous-marins français qui sont un élément clef de la dissuasion nucléaire deviennent un enjeu clef, et l’analyste découvre un mystérieux sous-marin inconnu croisant dans les mêmes eaux que le sien.

J’ai bien aimé. C’est un film de guerre qui ne glorifie clairement pas la guerre et qui pose des questions sur le super concept de dissuasion nucléaire avec ordres de lancement irrévocables, un thème qu’on retrouve aussi dans Docteur Folamour. Le fait d’avoir un personnage principal qui n’est clairement pas dans le moule de l’armée permet de mettre plus facilement en scène ces côtés là.

Il y a quelques facilités de scénario et sa hiérarchie militaire passe beaucoup de chose au héros, les militaires sont quand même présentés comme sacrément sympa dans le film, et c’est un film assez viril (il y a une seule femme nommée, et c’est l’intérêt amoureux du héros), mais il met bien en scène son sujet, il fait très bien monter la tension, et les scènes en espace confiné dans les sous-marins sont très bien filmées.

Antoinette dans les Cévennes, de Caroline Vignal

Film français de 2020. Antoinette, maîtresse d’école, est l’amante du père d’un de ses élèves. Quand il lui annonce qu’au lieu de passer la semaine avec elle comme prévu, il part en vacances avec sa femme dans les Cévennes pour faire une randonnée avec un âne, elle décide de faire de même, dans l’espoir de le retrouver sur place et de profiter de sa présence. On se retrouve donc avec le setup d’une meuf pas préparée pour une rando, isolée, fragile psychologiquement, qui se balade sur les chemins cévenols. Ça aurait pu faire une bonne situation de thriller, mais en terme de comédie c’est assez gênant je trouve, la meuf est vraiment dans une situation de merde, même s’il y a quelques personnages bienveillants (les gardien.ne.s de gîte), elle est quand même livréee à elle-même, tout le monde sur le chemin à entendu parler d’elle et une opinion sur elle, y’a plusieurs mecs qui sont assez craignos (dont au premier plan le mec dont elle est amoureuse), bref, j’ai pas aimé. Les paysages sont jolis cependant.