Archives par mot-clé : late stage capitalism

Lapsis, de Noah Hutton

Film de science-fiction de 2020. Aux États-Unis, dans un présent parallèle, une nouvelle technologie qui sert de McGuffin permet à des compagnies de faire d’énormes bénéfices via du « quantum trading ». Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place de nouvelles infrastructures de calcul et surtout d’actualiser en permanence les connexions physiques entre elles en installant de nouveaux câbles. Dans les parcs nationaux, cette tâche est sous-traitée à des travailleurs précaires qui doivent acheter leur propre matériel et se logguent sur une application qui leur indique des routes à suivre, plus ou moins dures, permettant de récupérer plus ou moins d’argent. En parallèle, la compagnie envoie aussi des robots installer des câbles sur les mêmes routes, moins rapides mais avançant en permanence. SI le robot termine la route en premier, le travailleur indépendant ne touche rien…

Dans ce contexte, le protagoniste va commencer à câbler pour récolter l’argent nécessaire au traitement de son frère malade. Pour ne pas avoir à attendre une éternité que son permis soit approuvé, il passe par un mec shady qui lui loue un terminal de câblage qui avait appartenu à un autre travailleur détesté par les câbleurs, étant donné qu’il a travaillé avec la compagnie pour rendre les robots beaucoup plus efficaces…

Y’a beaucoup de bonnes idées et j’ai bien aimé l’ambiance et le commentaire social (Uber x la randonnée !), mais il y a aussi pas mal de défauts caractéristiques d’un premier film. Ca part un peu dans toutes les directions, y’a des éléments qui ne font pas vraiment sens alors qu’ils sont quand même assez important pour l’intrigue, le parallèle avec le capitalisme de plateforme dans notre univers est évident mais faut pas regarder de trop près les détails (pourquoi des robots plutôt que mettre plusieurs travailleurs sur la même route ?). La fin est très abrupte est pas très compréhensible. Mais ça donne assez envie de regarder les prochains films du même réal.

Les Deux Alfred, de Bruno Podalydès

Film français de 2021. Alexandre, chômeur cinquantenaire, réussi à se faire embaucher dans une startup qui fait du conseil et de l’événementiel un peu bullshit. Mais la boîte a une stricte politique de n’avoir que des employés nullipares, pour plus facilement les pressurer. Alexandre doit donc cacher l’existence de ses deux enfants, alors même que son job 2.0, déconnecté, télétravaillé s’immisce de plus en plus dans ses espaces personnels. Il va heureusement pouvoir compter sur l’aide de son ami Arcimboldo, un auto-entrepreneur qui fait 4000 petits jobs payés à la tâche et sait jongler avec les failles du système.

J’ai beaucoup aimé. Le film montre sous la forme d’une comédie l’envers de tous les discours sur la startup-nation triomphante : la réalité c’est que tout le monde est exploité et que le travail devient de plus en plus présent, débordant sur les horaires et les lieux réservés à la vie privée. Les humains se plient en quatre pour s’adapter à la technologie qui devait leur simplifier la vie (la scène de la reconnaissance faciale), les procédures de travail de la startup n’ont aucun sens, les gens sont tout le temps mis en compétition – que ce soit les startups entre elles, les gens au sein de l’entreprise ou les travailleurs «  » »indépendants » » » comme Arcimboldo. Et comment les travailleurs peuvent échapper à tout cela ? Par l’action collective ! Le film ne prononce pas le mot « syndicat », mais c’est une excellente réclame pour cependant.

Au delà du côté militant, le film réussit très bien sa comédie à 20 secondes dans le futur. Ca manque un peu de rythme parfois, mais ça reste drôle, les deux personnages principaux sont réussis, les rôles secondaires aussi, l’univers est assez poétique.

Je recommande.