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La Médiocratie, d’Alain Deneault

Un essai sur comment les processus et formes de management actuels poussent à promouvoir et responsabiliser des gens moyens : si le système ne cherche pas à avoir des incompétents aux commandes, il ne sélectionne pas non plus des gens qui pourraient remettre en question le cadre. Non pas qu’il y ait une volonté active d’acteurs secrets, mais le middle management engendre le middle management, avec le besoin de remplir les cases des indicateurs pour correspondre à ses objectifs annuels : les gens considérés comme efficaces dans ce cadre vont être sélectionné pour gravir les échelons, où formatés par leur expérience précédente, ils préconiseront la mise en place de nouveaux indicateurs…

Bon, ce point était intéressant mais ce n’était qu’une partie du livre, Deneault part un peu dans tous les sens, et parfois il sacrifie un peu l’argumentation de fond aux effets de forme (il trippe beaucoup sur la polysémie de « moyen » et « milieu » notamment), du coup c’est un peu long pour ce que ça dit.

Que faire des classes moyennes ?, de Nathalie Quintane

Court essai sur les classes moyennes. Comme le dit Quintane dans le livre, au final la question qu’elle considère s’avère bien davantage êtres Que deviennent les classes moyennes ?
Globalement elles restent les mêmes, avec un cout d’entrée symbolique sous la forme d’éléments matériels (autrefois l’armoire à glace, maintenant divers symboles) et un capital culturel, une stabilité à travers le temps qui est finalement très surprenante au regard des évolutions radicales du prolétariat et des plus aisés.

Ça se lit vite et j’ai beaucoup aimé le style, je recommande.

La Domination policière, de Mathieu Rigouste

Essai publié à La Fabrique, sur le complexe sécuritaro-industriel et la gestion des quartiers de banlieue comme des enclaves endocoloniales.

Le sujet est intéressant, mais j’ai du mal avec le style d’écriture de Rigouste. Ses concepts de « damnés de/à l’intérieur », d’« enférocement » entre autre me paraissent compliquer inutilement le propos.

Pour résumer très rapidement le livre :

  • La gestion des quartiers par la police s’est faite en adaptant les méthodes, et en recyclant les personnels qui s’occupaient de la gestion de l’ordre dans les colonies françaises. On n’est pas exactement sur une gestion coloniale, Rigouste parle d’endocolonial ou de post-colonial pour décrire cette forme particulière du maintien de l’ordre
  • Il y a un business de la répression policière, sans surprise, avec des vendeurs d’armes sublétales, toute une industrie française qui vend à la police (et gendarmerie fr), mais qui marche aussi main dans la main avec elle pour démontrer l’efficacité de ses produits et les exporter. Y’a une endogamie entre les préfets de police, le ministère, ces entreprises, dont certaines sont privées, certaines sont sous tutelle du ministère.
  • La création des BAC et leurs ancêtres en tant qu’unités anti-««criminalité»» permet d’avoir un mode d’action particulier de la police à laquelle la bride est lâchée : autonomie de l’unité, intérêt pour le commissariat parce qu’elles font du chiffre, et terrorisation des quartiers de banlieue : si les BACs se sont multipliées elles ont d’abord existé en banlieue et c’est toujours là qu’elles concentrent leur action. Leur but est d’occuper le terrain, d’empêcher les habitant.e.s d’être tranquille. C’est illustré notamment par ces BACs qui allument toutes les nuits leur gyrophare en plein cœur des quartiers à 4h du mat, pour montrer qu’ils sont là, peuvent se le permettre, et que tant pis pour le sommeil des habitant.e.s. Les BACs recrutent logiquement parmi les policiers ceux qui ont une mentalité de connards (j’allais écrire cowboys mais soyons francs), avec une volonté d’en découdre. Derrière il y a un formatage des effectifs par la façon dont fonctionne les BACs qu’ils intègrent, conduisant un « enférocement » des policiers : tout est fait pour leur faire considérer comme normal de terroriser un quartier, tamponner les scooters, tirer sur les gens, etc.

Nomadland de Jessica Bruder

Documentaire sorti en 2017. Bruder raconte la vie de plusieurs workampers américains : des personnes vivant dans une voiture, un van, bref un truc qui se déplace, et qui vont de travail temporaire en travail temporaire. C’est une catégorie de la population qui a explosé après la crise de 2008, et qui est notamment composé de personnes âgées qui soit n’ont jamais pu prétendre à une retraite décente, soit ont vu disparaître avec la crise leur retraite par capitalisation (un excellent argument contre cette privatisation des retraites, d’ailleurs). Ces personnes se déplacent au gré de la demande pour des emplois saisonniers : gardien.ne.s de camping, cariste chez Amazon en prévision du boom de Noël…

Bruder documente leur mode de vie via des interviews avec plusieurs d’entre elleux, recontextualise leur situation, détaille le type d’emploi qu’ils font, la culture qui s’élabore dans ce milieu. C’est très facile à lire et très intéressant. Par certains aspects ça m’a fait penser au Champignon de la Fin du Monde, pour le côté « les marges du capitalisme pourtant indispensables à son fonctionnement » + enquête de terrain, mais ça se lit plus facilement.

Éloge de la Plante, de Francis Hallé

Essai de botanique. Francis Hallé détaille les grandes lignes du fonctionnement des plantes, et surtout les différences entre les fonctionnements animaux et végétaux. Il déplore que la botanique et la biologie plus largement souffrent d’un certain zoocentrisme de la part des chercheurs, conduisant à vouloir calquer certains mécanismes végétaux sur ce qui a été étudié plus en détail chez les animaux, et à considérer que les animaux font mieux/sont plus évolués/plus adaptés.

Au contraire, pour lui la vie végétale montre une inventivité et une variabilité incroyable pour s’adapter aux conditions environnementales, là où les animaux se contentent de se déplacer. De façon générale, il base son livre sur plusieurs dichotomies fondamentales entre animaux et végétaux :

  • La vie fixée vs la vie mobile. La plante reste sur place, se déploie dans l’espace pour exploiter une énergie ubiquiste mais faible (le rayonnement solaire), les animaux se déplacent et vont acquérir d’un seul coup de l’énergie concentrée.
  • Le niveau auquel on définit un individu. Pour lui considérer l’arbre comme un individu est un zoocentrisme : l’arbre est potentiellement immortel, son génome n’est pas unitaire, il y a potentielle compétition interne, différentes lignées de méristèmes assurent une réitération et une reproduction : Les plantes peuvent être considérées comme des êtres coloniaires que comme des individus. Il fait d’ailleurs des comparaisons intéressantes avec les coraux (formes de vies animales coloniaires et fixées), les insectes sociaux et les cristaux (pour la réitération de la structure à partir d’unités simples au vu de certaines contraintes extérieures)

C’était fort intéressant (et très bien vulgarisé, c’est lisible sans bases en biologie, tout est réexpliqué), je ne suis pas toujours fan de son style d’écriture, mais les idées développées sont super intéressantes.

Nous n’irons plus aux urnes, de Francis Dupuis-Déri

Plaidoyer en faveur de l’abstention, comme le dit le sous-titre. Ça part dans pas mal de directions. Les points qui m’ont semblés les plus intéressants que j’en ai retenus :

  • On reproche aux abstentionnistes de risquer de faire élire les mauvais·es candidat·e·s. Ça suppose qu’il y en ait de bons, et c’est quand même un reproche qu’il serait un peu plus pertinent d’adresser aux votant·e·s qui ont fait le choix en question. Au contraire, une forte participation légitime l’élection, du coup l’abstention est tout à fait raisonnable si on considère que tous les choix sont insatisfaisants, et encore plus si on considère que le mécanisme même de l’élection de représentant·e·s à mandat non-impératif n’est pas bon comme système politique (ce qui est très fortement le point de vue de l’auteur : voter une fois tous les 5 ans pour une personne et non un programme, dans un contexte ou l’électabilité est réservée aux classes supérieures, dépend du fait d’avoir de l’argent et est très fortement influencée par une presse détenue par un oligopôle de milliardaires, n’est pas du tout démocratique à son sens, même si tout le monde dans le système se gargarise du mot démocratie. Parler d’aristocratie élective serait plus juste.
  • On est incité depuis l’enfance, avec les élections de délégué·e·s, les Parlements des enfants et autres mesures, à considérer l’élection de représentants comme la bonne façon de gérer une démocratie. Même si on élit dans ce cas des représentants pour de faux, sans pouvoir d’action concret : l’important est d’apprendre à se déposséder du pouvoir politique : à l’échelle d’une classe, pourquoi a-t-on besoin de délégu·e·s ? On peut très bien faire de la démocratie directe avec une assemblée générale sur les heures de vie de classe, pour gérer les questions qui concernent la vie du groupe.
  • On retrouve souvent à gauche l’argument de la double stratégie pour faire changer la société : participer au processus électoral pour avoir une légitimité et faciliter l’installation des idées défendues dans le débat public, et travailler en dehors du processus électoral : grèves, manifestations, autres actions… Les deux allant de concert. Sauf qu’en fait ça ne marche la plupart du temps que dans un seul sens : la participation aux élections voire aux instances de gouvernement prend du temps, de l’énergie, des moyens qui pourraient être consacrés au militantisme plus direct. A l’inverse les partis ou instances gouvernementales soutiennent peu les syndicats et actions qui leur sont extérieurs. En participant aux élections, on les légitime donc sans gagner beaucoup en retour, assez paradoxal quand le but politique de départ était de sortir de la démocratie représentative. FDD donne des exemples de tentative d’entrisme politique par des groupes anarchistes, satiriques ou prônant le vote blanc/nul qui ont plus ou moins bien marché, mais souvent moins, qu’ils se fassent invalider leur candidature, prennent une taule ou finissent par se détourner de leurs objectif initial, avec une personnalisation du pouvoir.

Le Capitalisme paradoxant, de Vincent de Gaulejac et Fabienne Hanique

Essai sur le néolibéralisme et le management en entreprise. La thèse du livre est que ces deux concepts fonctionnent à base d’injonctions contradictoires, qui placent les gens qui les subissent dans la position inconfortable d’avoir à travailler sans pouvoir faire tout ce qu’on leur demande ou sans pouvoir mettre en adéquation la réalité de leur travail avec les descriptions officielles qui en sont faites.

Les injonctions contradictoires les plus classiques :
– Soyez autonomes et exercez votre libre arbitre, mais dans le cadre des valeur et référentiels de la compagnie
– Surpassez-vous en permanence (si c’est permanent on va bien atteindre une limite de ce qu’on peut faire, et what then?)
– Soyez le meilleur, mais dans le cadre d’une collaboration avec les autres (rien que soyez le meilleur, comme injonction adressée à tou.te.s, c’est fort toxique : par définition il ne peut y en avoir qu’un.e)

Dans beaucoup d’organisation modernes, le cadre d’action est défini par un ensemble complexe de référentiels et normes : plus personne n’est responsable, on ne peut pas s’opposer à des décisions personnifiées : d’une part ça enlève la responsabilité juridique, mais aussi ça enlève du pouvoir aux employés, et surtout ça gomme les conflits : ces référentiels sont présentés comme des évidences naturelles et non pas comme la cristallisation d’un processus de décision qui a impliqué des choix et qui avantage certain.e.s. Cette gouvernance est présentée comme neutre alors qu’elle ne l’est pas du tout. On demande une adhésion aux valeurs de l’entreprise plutôt qu’à la figure du Président/Directeur/whatever. On peut même en arriver à vouloir faire fonctionner la boîte malgré des désaccords flagrants avec le PDG/la hiérarchie, parce qu’on a l’impression qu’on est celle/celui qui a mieux compris les valeurs et que ce sera reconnu. Sauf que des valeurs affichés ne représentent pas la réalité de l’action effectuée.
Le langage managérial et les référentiels promeuvent l’efficience et autres valeurs consensuelles (qui peut être contre l’efficience ? Vous voulez que les choses soient inefficaces, vous ?) sans expliciter ce qu’est cette efficience, qui elle arrange, sans permettre la remise en cause des indicateurs de ce que serait l’efficience.

Démultiplication du temps passé en évaluation des activités plutôt que dans les activités elles-même, avec en plus une incitation à déformer la production pour qu’elle aille dans le sens des indicateurs.

Faute de pouvoir être perçus comme dépendant de l’organisation, les conflits qui peuvent surgir sont le plus souvent perçus comme relationnels et interpersonnels (même si ce n’est pas forcément incompatibles, les deux peuvent exister et se nourrir l’un l’autre).

On demande aussi aux manageurs/euses à la fois de s’impliquer totalement dans leur métier, et de ne pas exprimer d’émotions négatives, de ne pas apparaître faibles, de toujours afficher un discours de réussite même s’ils ont sous les yeux une réalité toute autre. Grosses dissonances cognitives en perspectives.

J’ai trouvé ça intéressant. Il n’y a rien de révolutionnaire dans le livre, mais ça articule pas mal d’éléments que j’avais déjà perçu, j’y retrouve beaucoup mon expérience de travail des deux dernières années. Un peu trop psychologisant par moment, mais ça reste circonscrit à de courts passages.

Happycratie, d’Edgar Cabanas et Eva Illouz

Un peu dense, mais intéressant à lire. En résumé :

Le livre revient sur l’invention de la psychologie positive, branche récente de la psycho qui veut s’intéresser à « l’individu qui va bien ». Il y a de grosses controverses sur le fait que ça ait de réelles bases scientifiques, mais ça permet d’étendre largement le champ d’action de la psychologie et donne des occasions de publis, du coup ça a été en bonne partie accepté par la communauté des psychologues.

En parallèle, les économistes mettent en avant le bonheur des gens comme une mesure quantifiable, sommable et pertinente pour mesurer l’impact d’une politique : avoir un indicateur chiffré du bonheur permet d’objectiver des choix technocratiques comme littéralement « for the greater good« .

Gros problèmes méthodologiques dans ces deux approches qui définissent le bonheur via les choix individuels des gens avant de « découvrir » qu’augmenter les libertés individuelles au détriment des cadres collectifs augmente le bonheur : un beau raisonnement circulaire. Accent mis aussi sur le changement intérieur et le bonheur comme un état d’esprit quel que soient les circonstances extérieures : mieux vaut méditer que militer, du coup.

Dans le monde de l’entreprise, ça se traduit par une inversion de la relation
{un travail intéressant et stimulant –> des employé.e.s heureu[ses|x]} vers
{des employé.e.s heureu[ses|x] –> des employé.e.s performants (et donc un travail bien fait)}. Toute la responsabilité est reportée sur l’individu. Et du coup si seul les travailleureuses heureu[ses|x] sont producti[ve|f]s, il est légitime de chercher à se débarrasser. Coïncidence, les personnes revendiquant que des choses ne vont pas dans l’organisation du travail n’ont justement pas l’air très contentes de leur sort, si on s’en débarrassait ? Il faut s’aligner sur les valeurs et objectifs de la boîte, pas juste bien faire son travail, pour être considéré.e comme un.e bon.ne employé.e.
Du coup double discours qui promeut des employé.e.s autonomes, adaptables et flexibles, mais seulement dans les limites de ce que l’entreprise décrète comme pertinent. fausse autonomie qui conduit à de belles dissonances cognitives.

Il existe aussi tout un secteur marchand qui va vendre les clefs de la transformation en un individu heureux. En gros, trois grands axes :
1/ La capacité à adapter son ressenti émotionnel des situations. C’est tous les trucs de méditation qui répètent « Je mérite de réussir, je suis apprécié par mes pairs » et compagnie, les philosophies à base « d’accepter ce qu’on ne peut changer » et de voir que la responsabilité de nos échecs et réussites nous incombent. Bref, que des éléments focalisés sur des changements de court terme, qu’on pourrait théoriquement mettre en œuvre individuellement sans avoir à remettre en cause des éléments structurels (on retrouve là des éléments aussi développés dans Egologie).
Pour ce genre de trucs, une petite application sur ordiphone est le medium idéal. Des applications qui vont proposer n minutes de méditation par jour, de faire telle ou telle action pour se remémorer les éléments positifs de sa vie… Bref, plein de trucs courts, gamifiés, et produisant à balle de données personnelles revendables ensuite. C’est un des avantages d’avoir fait du bonheur une métrique chiffré : on peut en faire une donnée exploitable.
2/ L’authenticité. Faut être soi-même. Encore mieux, faut montrer qu’on est soi, et unique, et intéressant. Bienvenue dans le monde merveilleux du self-branding. On met en scène sa vie sur les réseaux sociaux, on s’affirme authentique mais on met en scène que les moments positifs pour être inspirant et montrer qu’on a une vie intéressante de gagnant de la course au bonheur. On peut montrer des échecs, mais inscrits dans une narration où on montre comment ils nous ont permis de rebondir après en avoir tiré des leçons.
3/ L’épanouissement. Là c’était plus confus j’ai trouvé. Globalement l’idée serait que c’est un processus plus qu’un état, on peut toujours s’épanouir davantage, du coup on peut toujours se faire vendre plus d’épanouissement.

Conclusion : Sacrée coïncidence que l’individu heureux défini par les psychologues positifs corresponde si bien avec l’employé idéal pour une entreprise. On a une pseudoscience complaisante avec l’armée, les gouvernements, les grands groupes capitaliste, qui définit ce qu’est le bonheur. Et qui le définit comme un état intérieur, pas comme un espoir qui inciterait à changer les conditions matérielles. What could possibly go wrong?

Egologie, d’Aude Vidal

Essai sur le versant « développement personnel » de l’écologie politique, la façon dont il peut potentiellement étouffer le côté vraiment revendicatif et radical du projet écologiste, et plus généralement sur les tentatives et stratégies de récupération par le néolibéralisme de l’écologie.

Le néolibéralisme file plein de petites satisfactions de court terme mais pas d’épanouissement durable, à la fois en colonisant les imaginaires et en dégradant l’environnement. Cf le rapport du GIEC expliquant qu’il va falloir redéfinir ce qu’est une « bonne vie » si on veut surmonter la crise climatique (s’applique pareil pour la crise de la biodiv). L’écologie politique (la vraie, pas la croissance verte) propose de s’attaquer aux deux points à la fois. Mais du coup, récupération de la partie « décolonisation de l’imaginaire » par à la fois le néolib et des trucs pseudo-mystiques qui vont vendre un changement de l’intérieur des gens en oubliant toute la partie transformation des structures de la société : on va notamment retrouver là une bonne partie du développement personnel. Le développement personnel va être facile à promouvoir parce qu’il promeut un changement sans conflit : c’est quand même plus sympa. On va vendre du coup à la fois les « alternatives locales », le « développement personnel » et la croissance verte, avec l’idée que le modèle peut être transformé par des gens qui éteignent la lumière, font de la méditation pour se sentir mieux et vont acheter à la biocoop plutôt qu’en grande surface. C’est joli, mais en vrai le capitalisme s’accomode fort bien de tout ça, et à côté les gens des classes plus populaires qui n’ont pas les moyens (financiers, temporels, autre) de rentrer dans ces alternatives sont culpabilisés (la crise devient de leur faute) pendant qu’il existe toujours une grosse industrie polluante.

Le néolib est aussi fort content du développement personnel en ce qu’il peut facilement être dépolitisant : si l’accent est mis sur le fait de rendre les gens heureux en faisant des ajustements dans leur tête, on peut les persuader de s’adapter à des conditions extérieures merdiques contre lesquelles iels feraient mieux de se révolter. En plus les gens qui vont pas bien peuvent désormais être tenu.e.s comme les responsables de leur malheur : iels n’ont pas fait assez de travail sur elleux pour aller bien.

Deux exemples de plus : le do-it-yourself promu comme un moyen d’émancipation peut absolument ne pas l’être : si c’est inséré dans des circuits de production locaux et des réseaux de sociabilité fort bien, mais si c’est chacun.e fait son pain et son savon chez soi, ça détruit l’artisanat local, et ça permet au capitalisme de refourguer à chacun.e une machine à pain et une imprimante 3D pas mise en commun qui sera sous-utilisé. Incitation à la consommation des moyens de production personnels, en qq sorte. Le DIY émancipe dans le cadre des communs seulement, pas en soi.

L’agriculture urbaine réappropriée par les classes supérieures se fait gentrifier : là où les plus pauvres produisaient par nécessité, les classes sups vont voir ça comme un loisir et importer des pratiques de classes dans les jardins partagés : vont pousser au ZéroPhyto même si ça baisse la productivité, voir vont évincer les plus pauvres de l’agriUrbaine : soit par augmentation du droit d’entrée des jardins soit plus subtilement parce qu’ils pourront plus facilement préparer leur dossier de demande, ou en les faisant se sentir pas à leur place dans le jardin gentrifié.