Behold, a pale horse, de Fred Zinnemann

Film hollywoodien de 1964. Une partie de l’action du film se déroule à Pau et a été tourné sur place, à la base je l’ai regardé parce que j’étais curieux de voir à quoi ça ressemblait. Le film parle de Manue Artiguez, une figure fictive des franc-tireurs se battant contre le coup d’État franquiste lors de la guerre civile espagnole. 20 ans plus tard, Artiguez vit en exil à Pau. Le fils d’un opposant politique tué par la Garde Civile espagnole vient lui demander de revenir en Espagne tuer Vinolas, le capitaine de la Garde de San Martin. En parallèle, Vinolas apprend que la mère d’Artiguez, malade, vit ses derniers jours, et mets en place une souricière autour de l’hôpital pour tuer Artiguez quand il viendra la voir.

Le film est intéressant en ce qu’il montre des figures ambigües : Artiguez est vu comme un héros par les Républicains, mais on est 20 ans après ses exploits, il n’a plus cette image de lui-même. Le gamin intrépide ment pour essayer de forcer la main du héros. L’allié d’Artiguez est un ivrogne. Le prêtre est peut-être la figure la moins ambigue, mais Artiguez le considère longtemps comme un ennemi, l’Eglise étant du côté du franquisme. J’ai globalement bien aimé, par contre les rôles féminins sont ultra clichés et quasi inexistants, ça c’est un peu dommage (mais bon, 1964).

The Plot Against America, de David Simon

Série uchronique adaptée du roman éponyme de Philip Roth. En 1940, l’aviateur-star Charles Lindbergh se présente à l’élection présidentielle US en tant que républicain et bat Roosevelt. Pro-isolationniste et surtout pro-nazi, Lindbergh signe un pacte de non-agression avec l’Allemagne et refuse toute interférence dans la « guerre européenne ».
Mais le but ici n’est pas de montrer une uchronie à grande échelle avec le basculement du monde dans une autre direction. Le focus est placé sur la famille Levin, une famille juive du New Jersey qui se sentait parfaitement à l’aise aux États-Unis. La série comme le livre montre comment la famille est affectée par l’accession au pouvoir de Lindbergh, la mise en place de politiques discrètement antisémites et surtout le blanc-seing qui est donné à l’antisémitisme de la société de s’exprimer.
La série fait 6 épisodes d’une heure, elle est super bien jouée, décorée et filmée. Les parallèles avec l’Amérique de Trump ne sont pas toujours subtils, mais le bouquin de Roth avait été écrit en 2004, c’est la réalité qui s’est alignée sur la fiction hélas. L’Amérique des années 40 est très bien rendue, la série joue sur une tension grandissante, le dogwhistling des supporters de Lindbergh et le sentiment d’impuissance des personnages à faire qq chose à leur niveau. La tension reste à bas bruit sur toute la série sauf le dernier épisode où tout monte d’un cran d’un coup. La performance d’acteur d’Azhy Robertson, qui joue Philip Levin (le fils de 10 ans de la famille, et dans le roman le point de vue principal, qui s’appelle alors Philip Roth) est impressionnante, et illustre très bien comment la tension de la série a un impact sur tous les personnages.

Nomadland de Jessica Bruder

Documentaire sorti en 2017. Bruder raconte la vie de plusieurs workampers américains : des personnes vivant dans une voiture, un van, bref un truc qui se déplace, et qui vont de travail temporaire en travail temporaire. C’est une catégorie de la population qui a explosé après la crise de 2008, et qui est notamment composé de personnes âgées qui soit n’ont jamais pu prétendre à une retraite décente, soit ont vu disparaître avec la crise leur retraite par capitalisation (un excellent argument contre cette privatisation des retraites, d’ailleurs). Ces personnes se déplacent au gré de la demande pour des emplois saisonniers : gardien.ne.s de camping, cariste chez Amazon en prévision du boom de Noël…

Bruder documente leur mode de vie via des interviews avec plusieurs d’entre elleux, recontextualise leur situation, détaille le type d’emploi qu’ils font, la culture qui s’élabore dans ce milieu. C’est très facile à lire et très intéressant. Par certains aspects ça m’a fait penser au Champignon de la Fin du Monde, pour le côté « les marges du capitalisme pourtant indispensables à son fonctionnement » + enquête de terrain, mais ça se lit plus facilement.

Westworld, de Jonathan Nolan et Lisa Joy

Série à gros budget de la HBO, adaptation du film éponyme de 1973.

Un parc d’attraction immense pour touristes surfriqué⋅e⋅s, recréant un Far-West cliché où les invités peuvent tout se permettre, tou⋅te⋅s les figurant⋅e⋅s étant des robots ultra-réalistes. La série explore le thème de l’accession à la conscience des robots, en mettant en parallèle les histoires des robots, des invités et du management du parc. Bien faite, brouillant habilement les pistes pour faire des révélations intelligentes. La saison 1 présente une histoire complète et qui rebat bien les cartes, je suis intrigué par ce qu’ils vont faire de la saison 2.

Bon alors du coup j’ai pas fait de revue de la saison 2 quand elle est sortie mais c’était moins enthousiasmant que la 1, on suit des révélations en interne au parc où les hôtes tentent de gagner leur liberté par différents procédés, avec moults retournements de situation et révélations assez forcés. C’était un bon cran en dessous de la S1.

Cue in la saison 3, où la réalisation fait le choix assez audacieux de changer totalement l’environnement, puisqu’on suit des Hôtes qui ont réussi à sortir du parc, et notamment Dolores, qui veut garantir la sécurité des Hôtes en s’opposant aux humains.

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Call me by your name, de Luca Guadagnino

Film de 2017. En 1983, Elio 17 ans, est en vacances dans la maison de famille en Italie. Oliver, un doctorant d’une trentaine d’années qui travaille avec son père les rejoint pour les vacances. Entre l’adolescent et l’adulte, une relation romantique et sexuelle va lentement s’établir.

J’ai assez peu aimé. Je trouve la romance qui forme le cœur du film assez toxique. Il y a une forte différence d’âge entres les deux protagonistes, Elio est montré comme assez vulnérable, cocooné par ses parents et fasciné par Oliver, Oliver est montré comme manipulateur et soufflant le chaud et le froid. Et euh bon, on peut montrer des relations toxiques et faire quelque chose d’intéressant (cf Whiplash), mais là je trouve pas que ce soit le cas, c’est un peu trop romanticisé pour moi (je contraste aussi ça avec un arc narratif de Bojack Horseman où il y a un peu le même genre de relation, mais la série montre très bien en quoi c’est pas du tout ok)

Par ailleurs, c’est quand même un film qui montre des gens très bourgeois et confortables matériellement, dans leur grande maison, avec leur domestique qui les sert à table, pas mal en train de se gargariser de leurs signes extérieurs de culture et richesse, dans l’ensemble les personnages sont assez peu sympathiques, et les femmes ne servent pas à grand chose et sont juste un arrière plan.

Bref, je ne comprends pas trop pourquoi il a été encensé par la critique.

Le Discours, de Fabrice Caro

Court roman français. Adrien participe à un dîner de famille chez ses parents. Il a envoyé avant d’arriver un texto sans réponse à sa copine avec qui ils sont « en pause », et au début du repas, le copain de sa sœur lui demande de faire un discours pour le mariage. On suit le discours intérieur d’Adrien tout au long du repas, alors que l’absence de réponse de Sonia et l’absurdité de la vie humaine le dépriment de plus en plus, qu’il se remémore sa relation, et qu’il imagine différentes amorces de discours tout en tentant de suivre la conversation autour de la table.

Ça se lit très vite et c’est exactement dans la même veine que toutes les BDs de Fabcaro, avec la tendance des personnages à prendre tout sur le mauvais niveau de lecture et à faire de grands non-sequitur.

Éloge de la Plante, de Francis Hallé

Essai de botanique. Francis Hallé détaille les grandes lignes du fonctionnement des plantes, et surtout les différences entre les fonctionnements animaux et végétaux. Il déplore que la botanique et la biologie plus largement souffrent d’un certain zoocentrisme de la part des chercheurs, conduisant à vouloir calquer certains mécanismes végétaux sur ce qui a été étudié plus en détail chez les animaux, et à considérer que les animaux font mieux/sont plus évolués/plus adaptés.

Au contraire, pour lui la vie végétale montre une inventivité et une variabilité incroyable pour s’adapter aux conditions environnementales, là où les animaux se contentent de se déplacer. De façon générale, il base son livre sur plusieurs dichotomies fondamentales entre animaux et végétaux :

  • La vie fixée vs la vie mobile. La plante reste sur place, se déploie dans l’espace pour exploiter une énergie ubiquiste mais faible (le rayonnement solaire), les animaux se déplacent et vont acquérir d’un seul coup de l’énergie concentrée.
  • Le niveau auquel on définit un individu. Pour lui considérer l’arbre comme un individu est un zoocentrisme : l’arbre est potentiellement immortel, son génome n’est pas unitaire, il y a potentielle compétition interne, différentes lignées de méristèmes assurent une réitération et une reproduction : Les plantes peuvent être considérées comme des êtres coloniaires que comme des individus. Il fait d’ailleurs des comparaisons intéressantes avec les coraux (formes de vies animales coloniaires et fixées), les insectes sociaux et les cristaux (pour la réitération de la structure à partir d’unités simples au vu de certaines contraintes extérieures)

C’était fort intéressant (et très bien vulgarisé, c’est lisible sans bases en biologie, tout est réexpliqué), je ne suis pas toujours fan de son style d’écriture, mais les idées développées sont super intéressantes.

They Live, de John Carpenter

Film de science-fiction de 1988. Un ouvrier acquiert par hasard des lunettes lui permettant de voir la propagande dissimulée dans la publicité et les extraterrestres dissimulés parmi la classe dominante.

C’était un film emblématique des années 80s que je voulais voir depuis longtemps. Superbe intro, super musique. Une scène de bagarre incroyable. Un sous-texte (enfin un surtexte, il est très peu subtil) de lutte des classes. Un personnage féminin intéressant. Par contre clairement trop de flingues et de tentatives de régler les problèmes avec.

Je recommande, c’est un truc à avoir vu.

The Dispossessed, d’Ursula K. Le Guin

Roman de science-fiction de 1974. L’autrice expose le fonctionnement d’une société anarchiste via le point de vue d’un de ses membres, Shevek, un physicien frustré par certain des immobilismes de son monde. Il rentre en contact avec le monde jumeau et capitaliste pour des échanges scientifiques, et les contrastes entre les deux mondes permettent de mettre en lumière ce qui fonctionne ou non dans le monde anar. C’est essentiellement de la socio-fiction. Le fonctionnement du monde est très intéressant. Le Guin montre aussi qu’il ne suffit pas de décréter qu’un monde est anarchiste et d’avoir fait la Révolution à un moment dans le passé pour que tout ce passe bien : les organisations et hiérarchie, même informelles, ont tendance à se réétablir si on ne continue pas à les combattre. La révolution est un mouvement, pas un événement.

Très bon roman, super original, il est cependant dommage d’avoir uniquement le point de vue de Shevek, qui se révèle excellent penseur de l’anarchisme en plus de physicien de génie : ça fait quand même retour en force du Grand Homme ; alors que tout le livre dénonce ça par ailleurs.

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