Archives de catégorie : Longs métrages

Joker, de Todd Phillips

Film étatsunien de 2019. Arthur Fleck est un gothamite des classes populaires durant les années 80. Il vit avec sa mère, bosse en tant que clown de rue pour faire de la réclame pour des magasins. Il a des problèmes mentaux, mais le programme de la Sécu qui lui permet d’avoir accès à un travailleur social et des médicaments est victime d’une coupe budgétaire. Arthur et l’ensemble de la ville avec lui vont s’enfoncer dans une spirale de violence et de maladie mentale.

C’était intéressant comme angle pour approcher une histoire de Batman. Joachim Phoenix joue bien le rôle titre, les plans sont réussis et la reconstitution des années 80s aussi. Le fait de traiter le personnage du Joker sous l’angle de la maladie mentale plutôt que d’être là « bouuh, un super-criminel très très méchant » est intéressant (c’est un peu ce que faisait le comic Killing Joke, mais là c’est clairement poussé plus loin). Pour autant, l’histoire n’est pas ultra originale, on a de la compassion pour Arthur mais cette mise en scène de la descente aux enfers d’un mec qui se bat contre un système inique n’est pas ultra originale : c’est Taxi Driver, c’est Fight Club

A regarder si vous voulez une histoire de Batman bien filmée (et sans Batman, même si on se tape l’inévitable scène du meurtre des parents, avec le collier de perles qui casse), ça vaut plus le coup que The Batman par exemple.

Klaus, de Sergio Pablos

Film d’animation de 2019. Jesper, un fils de bonne famille qui n’aspire à rien d’autre qu’à être rentier est envoyé par son père, directeur du service des Postes de Norvège, sur une petite île isolée où les habitants sont divisés en deux factions qui se détestent et se pourrissent la vie perpétuellement. Là, il doit reprendre le bureau de poste à l’abandon et réussir à faire fonctionner le service à hauteur de 6000 lettres envoyées dans l’année s’il veut espérer revenir sur le continent et reprendre sa vie oisive. Évidemment, les habitants vivant en circuit fermé et se détestant n’ont aucune raison d’envoyer du courrier. Mais Jesper va découvrir un habitant qui n’appartient à aucun des deux clans, un bûcheron qui vit isolé en ermite dans une maison remplie de jouets en bois. Il va élaborer un stratagème pour persuader les enfants d’envoyer des lettres au bûcheron pour leur demander des jouets, et peu à peu, les actions de Jesper vont donner forme au mythe du père Noël.

J’ai beaucoup aimé. C’est très bien animé, l’histoire est originale, les rebondissements réussis, les personnages principaux comme secondaires attachants. Les crasses que se font les deux clans marchent très bien en tant que gags visuels, la relation entre Jesper et Klaus (et plus anecdotiquement entre Jesper et le marin) est bien caractérisée avec juste quelques éléments.

Je recommande.

Brave, des studios Pixar

Film d’animation de 2012. Merida est une princesse écossaise, fille du roi qui a uni les clans. Elle aime tirer à l’arc et vivre sa vie comme elle l’entend, mais ses parents veulent la donner en mariage au premier né d’un des trois autres clans pour cimenter l’alliance. Merida va tenter de contourner les règles d’abord sur une technicalité puis avec l’aide d’un sortilège, mais va devoir réparer les conséquences du sort quand il backfire inévitablement.

C’est assez cool. Les plot-twists se voient venir à des milliers de kilomètres, mais c’est bien animé, les personnages sont plutôt réussis (le personnage secondaire de la sorcière, que l’on voit dans une seule scène mériterait son propre film). Fort efficace comme film de Noël.

Disenchanted, d’Adam Shankman

Film Disney de 2022, suite d’Enchanted, et clairement pas à la hauteur du premier opus. On est quelques années plus tard (la chronologie n’est pas très claire, la gamine du premier étant devenue une ado, il y a clairement moins de 15 ans qui se sont écoulés), la vie newyorkaise est devenue compliquée pour Giselle et Robert. Ils décident de déménager en banlieue (la banlieue US, donc des pavillons), et atterrissent à Monroeville. Là Giselle utiliser une baguette magique pour souhaiter vivre dans un conte de fées de nouveau, changeant toute la ville, mais se projetant accidentellement dans le rôle de la méchante belle-mère (étant de facto une belle-mère, elle est obligée de se conformer à l’archétype si c’est un conte de fée).

Le pitch était intéressant mais la réalisation laisse clairement à désirer. Les chansons sont assez faiblardes (ils ont filé une chanson perrave à Idina Menzel, faut quand même pas être très malin), l’animation des parties animées est ratée, les effets spéciaux des parties filmées sont pas très convaincants, la storyline de Robert et de la partie animée est plus qu’anecdotique. Quelques points réussis cependant : la conte-de-féification de Monroe est bien rendue, avec notamment le numéro musical avec les ustensiles culinaires lors du premier matin. La chanson duo des deux méchantes est sympa aussi (mais je pense que musicalement, elle n’est pas incroyable dans l’absolu, c’est juste que les autres sont vraiment sans aucun intérêt), les deux actrices étant à fond durant le numéro.

Globalement, une suite qui rate son point et souffre de son budget, je pense.

Glass Onion, de Rian Johnson

Film étatsunien sorti en 2022, et suite de Knives Out (les deux peuvent se voir indépendamment, ce sont deux enquêtes du même détective).

Durant le confinement, le magnat de la tech Miles Bron invite ses plus proches amis sur son île privée, pour une murder party. Mais le détective Benoit Blanc a aussi reçu une invitation, non-envoyée par Miles Bron. Il va enquêter pour comprendre les relations entre les membres du groupe et découvrir si l’un d’entre eux veut profiter de la murder party pour commettre un meurtre tout ce qu’il y a de plus réel.

J’ai bien aimé. L’esprit de Knives Out est bien conservé, mais le récit, au lieu de rester confiné au cadre d’une famille, prend une portée plus large, à la fois dans les décors (île grecque magnifique qui fait penser à Mamma Mia, avec une maison totalement délirante dessus) et dans le commentaire social sur les «  »élites » » mondiales. Le film met longtemps à mettre les choses en place avant de vraiment nous révéler les suspicions de Benoît Blanc. Y’a pas mal de mislead plutôt réussi, ça fait de nouveau un fort bon film policier.

Je recommande.

Enchanted, de Kevin Lima

Film des studios Disney paru en 2007. Une princesse de conte de fées se retrouve projetée à New York par le pouvoir d’un sortilège. Son prince va tenter de la retrouver, pendant ce temps elle découvre le fonctionnement d’un monde fortement différent du sien, et rencontre un charmant avocat qui élève seul sa fille.

J’étais agréablement surpris ; pour un film Disney qui mélange comédie romantique et pseudos conte de fée, l’œuvre connaît très bien ses tropes et joue très bien avec. J’ai quelques questions sur pourquoi la magie fonctionne dans notre univers pour les personnages de l’univers des contes de fée, mais rien qui n’empêche de profiter du film. Les personnages ont aussi une tendance à se téléporter et à se débrouiller pour être au bon endroit au bon moment pour mettre en place leurs plans (surtout l’homme de main de la grande méchante), mais c’est assez assumé je pense en termes de conventions narratives. Pour le reste, c’était sympa, peut-être qu’il y aurait eu moyen de subvertir davantage le concept de True Love’s Kiss, mais sinon ça réussit bien son trip de comédie romantique.

Bonne surprise.

L’Année du Requin, de Ludovic et Zoran Boukherma

Film français sorti en 2022. A la pointe, station balnéaire de Gironde, la commandante de gendarmerie Maja Bordenave (Marina Foïs) vit sa dernière semaine sous les drapeaux avant sa retraite à 49 ans. Ultra attachée à son métier elle ne le vit pas très bien. La découverte de la présence d’un requin tueur va lui permettre de rempiler une semaine supplémentaire.

Grosse déception. Y’avait beaucoup de potentiel mais le film n’en fait rien. On a l’impression qu’ils setuppent plein de situations pour n’en rien faire. La partie « requin tueur » est réussie, mais c’est noyé dans un truc qui pourrait faire un film comique (Marina Foïs, JP Zadi, Kad Merad, y’avait de quoi faire une comédie populaire) mais qui ne se décide jamais à vraiment faire des blagues. Juste, on attend que ça passe.

Le Sommet des Dieux, de Patrick Imbert

Film d’animation de 2021, adaptation du manga éponyme de Jiro Taniguchi. On suit Fukamachi, un journaliste japonais qui enquête sur Abu, ancienne étoile montante de l’alpinisme disparu des radars depuis plusieurs années. Fukamachi pense qu’Abu a récupéré l’appareil photo de Mallory, un anglais disparu sur l’Everest dans les années 20, et qui aurait pu potentiellement atteindre le sommet. D’abord intéressé par l’appareil photo, Fukamachi va aussi être fasciné par la vie d’Abu, son intransigeance par rapport à l’alpinisme et sa tentative de faire vaincre l’Everest en hivernal par une face complexe et sans oxygène.

J’ai bien aimé, comme j’avais bien aimé le manga, mais je pense que j’ai moins pris une claque sur les visuels qu’avec le manga, paradoxalement. L’histoire est aussi resserrée, on a moins la progression lente dans l’enquête de Fukamachi qu’on avait dans le manga. Mais les couleurs sont belles et la musique est réussie.

Mad God, de Phil Tippett

Film d’animation expérimental paru en 2021. Plusieurs techniques d’animation sont utilisées pour raconter la descente de plusieurs explorateurs toujours plus profondément au sein d’une cité esclavagiste, de paysages pourrissants, d’une guerre nucléaire, …

C’est très bien réalisé, mais c’est fort sombre. Il n’y a pas vraiment de paroles, et c’est dystopie sur dystopie, avec cet enfoncement toujours plus profond fort symbolique, ça fait très représentation d’un bad trip. En même temps le medium de l’animation rajoute une distance qui fait que ce n’est pas insoutenable à regarder malgré la noirceur du propos.

Intéressant pour le côté expérimental.

Plan 75, de Chie Hayakawa

Film japonais paru en 2022. À 20 secondes dans le futur, le Japon a adopté une loi, le Plan 75, permettant aux personnes de plus de 75 ans de se faire euthanasier, pour lutter contre le vieillissement de la population. En échange de cet acte citoyen, les volontaires reçoivent 100 000 yens (~800€), leur permettant de financer leurs obsèques, de s’offrir un restau ou un hôtel pour leurs dernier jours. On suit plusieurs point de vue, un jeune cadre du Plan 75, deux travailleuses, une dans un centre d’euthanasie et une à la hotline du Plan, et quelques candidat.e.s au Plan.

J’ai beaucoup aimé. Le film montre très bien comment il s’agit d’une politique classiste, visant à littéralement tuer les plus pauvres (le Japon ayant un système de retraite merdique, on suit notamment un groupe de femmes de ménage qui travaillent encore à 75 ans révolus), avec des incitations à s’inscrire au plan dans les soupes populaires, les agences d’aide sociale… C’est aussi très bien filmé en terme de mise en scène des plans, jeux sur la profondeur de champ, scènes qui s’attardent sur des détails comme une branche d’arbre ou de la neige qui fond sur un pare-brise. Très bonne surprise.